Analyse critique de la loi organique no08/2005 du 14 juillet 2005 potant régime foncier au Rwanda( Télécharger le fichier original )par Evariste NSENGIYUMVA Independent Insititute of Lay Adventists of Kigali - Licence de droit 2008 |
§4 : Mode d'acquisition des droits fonciers
Avant l'introduction des techniques modernes d'obtention des terres par le droit écrit, l'acquisition des droits fonciers coutumiers pouvait résulter soit des divisions des domaines collectifs, soit d'une succession, soit enfin d'une concession attribuée au bénéficiaire des droits fonciers par l'autorité politique.16(*) A. Morcellement des domaines collectifs
L'acquisition de la tenure agricole par morcellement des domaines collectifs, résultait dans le temps de la désintégration du groupe clanique. Il faut préciser que la propriété foncière appartenait au clan. Lorsqu'une contestation s'élevait entre les membres d'un patrilignage au sujet de telle ou telle partie du domaine collectif, les frères en désaccord au lieu de s'adresser à leur chef du lignage et de se soumettre à sa décision, recouraient à l'arbitrage du chef ou notable politique17(*) le fait de porter leurs litiges à l'arbitrage de l'autorité politique mettait ainsi les individus sous la protection de cette autorité qui, en contrepartie, leur réclamait des redevances.
Le clan cessant d'être propriétaire foncier, son domaine collectif cède la place aux droits individuels de ses membres. Cela a fait que le domaine privé s'écarte du cadre du domaine collectif et les nouveaux titulaires des tenures foncières sont libres d'en disposer et d'en jouir sans aucune limitation de la part de la collectivité. 18(*)
Quand le cordon ombilical qui l'unissait aux siens est rompu, l'individu devient un être inauthentique et partant sans aucun droit. En effet seule son affiliation à une communauté familiale était la source de ses droits et la garantie de leur respect19(*). De cette assertion nous pouvons dégager qu'au Rwanda traditionnel, les autochtones ne pouvaient bénéficier d'une succession en général et des droits successoraux sur les immeubles en particulier, que dans le cadre du système de parentèle masculine qui consacre le principe de la masculinité. "De la sorte, chaque fils qui veut s'installer pour se marier reçoit de son père une parcelle reprise sur la propriété familiale. Dans le cas où le père est décédé sans designer l'héritier, le fils aine veillera à ce que tous les membres de la famille reçoivent leur part"20(*). « Après le partage effectif chaque fils pourra disposer librement de sa tenure dont l'autorité politique n'a aucune main mise à l'exception d'éventuelle impôts fonciers qui peuvent lui incomber »21(*). C. Concession par l'autorité politique
La concession par l'autorité politique résulte des cas suivants : « soit que la parcelle octroyée est une terre déjà mise en valeur qui devient un "INKUNGU", si l'usage cesse de l'exploiter soit par son absence, soit par le décès sans ascendance masculine, soit même par l'expulsion, elle retombe dans la réserve domaniale et l'autorité peut en investir un autre usager. En deuxième lieu, si la terre n'a jamais été exploitée, elle s'appelle "INDEKA" et l'autorité l'attribue selon son bon vouloir à qui il lui plaît »22(*). La troisième variante des terres dites "UMUKENKE" étaient des terres libres qui étaient également concédée par l'autorité politique. Celle-ci prenait des mesures adéquates pour octroyer à ses sujets les terres d'extension nécessaires à leurs besoins vitaux.
Bien qu'à première vue les concessions de l'autorité politique étaient gratuites, elles renfermaient le caractère onéreux sous une autre manière car les concessionnaires étaient redevables de présents coutumiers envers les autorités ou ses représentants. Il ne suffit pas cependant qu'un détenteur d'une propriété foncière l'ait acquise honnêtement pour pouvoir en disposer à sa guise, il faut qu'il en jouisse en tenant compte de sa nature.23(*)
En somme, nous ne pouvons pas nous résumer sans affirmer que la meilleure protection des droits réels coutumiers consiste en leur enregistrement selon le système de droit écrit.
* 16Idem, p.113 * 17 RUHASHYANKIKO,N, Le concept de la propriété dans le droit foncier précolonial, Butare, UNR,1990, p54 * 18Idem, p.16 * 19 N., RUHASHYANKIKO, op.cit, p44 * 20 J., DEKONINCK., Le droit coutumier des bahutu, in Bulletin des juridictions indigènes et de droit coutumier congolais, Elisabethville, mai- juin, no9, 1936, p.214. * 21 Ibidem. * 22 In réserve juridique indépendant et coopération no 4, Paris, Décembre 1970, p.1186. * 23 N., RUHASHYANKIKO, op.cit, p44 |
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