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Lire la fin du monde dans le jour de la fin du monde,une femme me cache de Patrick Grainville.

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par Vincent de Paul BISSIEMOU
Université Omar Bongo de Libreville - Maà®trise de lettres 2009
  

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CHAPITRE CINQUIEME : LA FIN DU MONDE DANS L'OEUVRE

Après avoir vu les différentes descriptions de la fin du monde, nous soulignons dans ce chapitre la thématique que l'on retrouve dans la plupart des oeuvres de Grainville. Il a un style d'écriture à lui ; l'écriture de la perte, une obsession dans la description des lieux dans le récit, et une référence sans cesse aux mythes anciens. Dans ce chapitre nous nous appuierons essentiellement sur l'écriture, le lieu du crash et les références mythologiques auxquelles Grainville fait allusion dans le texte.

III.5.1. l'écriture de la perte

Grainville à travers une écriture que nous pourrons qualifier d'impressionniste, nous édifie sur son oeuvre. Il dit ceci au sujet de son écriture :

« Mon écriture est plutôt impulsive, instinctive mais retravaillée, élaborée après relecture. J'aime la cadence la sonorité les longs mouvements aussi bien que les rythmes hachés, les éclaires. Cette spontanéité va de pair avec un travail prémédité sur le plan, les masses les chapitres burlesques, épiques. J'adore avoir rendez vous avec une scène que j'ai prévue, par exemple la moitié du roman. [...] J'aime qu'un roman soit un volume. Un navire bourré de choses. L'Arche de NOE, et le radeau de la Méduse.

46

L'Éros et la mort. L'Épiphanie et le naufrage. Un roman est un arbre que j'ai admiré et photographié dans le monde entier. [...] Arbres cosmiques, telluriques et luxuriants, symphoniques et redondants. Arche ou arbre : c'est le roman. Le tronc de la déflagration des branches. »48

Pour rester dans la perte, dans cette notion de vide, Grainville maintient que c'est ce qui lui paraît être la clé la plus importante qui ouvre la compréhension de son oeuvre.

A travers cette citation, nous voyons, le côté grand étalage de mots, grand débordement carnavalesque, dans une écriture qui fait le paon, qui fait la roue et qui veut épater, qui veut arborer. Le ressort de ces masses, de cet excès, c'est le manque, c'est une angoisse de la perte. C'est le manque qui devient alors le moteur de l'apparition de masses, de plis et de toutes ces choses.

On a l'impression que Grainville a l'aire d'être une espèce de super Bacchus, animant le langage, s'en régalant, sans voir que cette boulimie cache quand même un affolement, une panique. D'ailleurs, nous pouvons dire le dieu Pan, lui-même a quelque chose d'effréné, de fou.

À l'origine de l'écriture de Grainville, il y a quelque chose de plus tragique. Il y a une séparation. Il a écrit un roman sur ce sujet, L'Orgie, la neige, où il montre le rapport au sein originel, au sein maternel, avec une

48 Revue littéraire Humanité 2008.

expérience de l'enfance qui est l'histoire d'une relation un peu difficile... sa mère était... Enfin, il y avait un problème, sa mère ne s'était pas aperçue qu'il mourait à son sein, parce qu'il n'arrivait pas à téter, il n'arrivait pas à se nourrir. Il était devenu complètement jaune et des amis le lui ont dit. Cela lui a été rapporté plus tard et l'a beaucoup frappé. Par divers biais, ce roman familial racontait l'histoire de cet enfant, en train de mourir au sein de sa mère.

Il y a ce refus de s'impliquer dans une relation qui le mettrait en rivalité avec sa mère. De plus, il idéalise son père. Ce trouble risque, il le sent bien, de le conduire sur un chemin dangereux qu'il ne maîtriserait plus. C'est cela qu'il craint, il ne veut pas tomber dans un univers qu'il ne pourrait plus contrôler. Mais le héros me semble tout de même beaucoup plus concerné par cette question du vide. En même temps, tout être envisagé sous l'angle du désir est pris dans la logique de la perte. Si nous n'avions rien perdu, nous ne pourrions rien désirer, nous serions dans un grand bain rayonnant, placentaire et paradisiaque.

Donc, la perte c'est le ressort du désir même. Mais de cette perte, c'est vrai, il y a des gens qui en font leur deuil facilement, qui subliment, qui trouvent des substituts, et d'autres qui, au fond, n'acceptent pas la frustration, qui n'acceptent pas la castration. Aussi, à travers le langage (qui est pour lui le langage du poète) sémiotique, sensoriel, loin de la définition saussurienne de l'arbitraire du signe, l'écrivain cherche à contredire cette contingence des signes. Chez lui, il y a un déni de la perte; il se manifeste à travers un langage luxuriant, organique, à multiples facettes, comme une espèce de ventre verbal ou de phallus où tout s'unit. C'est une manière de ne jamais accepter le langage comme

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séparation. Il sait qu'il ne devrait pas, que l'on signifie à travers lui, qu'il a ses règles. Mais dans le langage poétique qu'il revendique, c'est un langage qui se veut comme équivalent du monde objectif; mais bien subjectif avec ses rythmes, ses pulsions, ses sonorités, des métaphores. C'est une manière de créer une sorte de lui monde, et donc, par le style, de refuser la loi de séparation. C'est pourquoi, dans ses romans, il y a ce balancement entre les personnages qui acceptent la séparation et ceux qui n'acceptent pas. Mais, en ce qui le concerne, le bonheur d'écrire vient de cette recherche d'un narcissisme originel où l'on est fondu au tout, avant toute séparation!

Tout n'est pas un jeu dans le langage (les jeux dans leur aspect formel, acrobatique, ne l'intéressent pas même s'ils sont à la mode) mais bien une nécessité pour lui. Les jeux sur les codes du langage, il n'a pas assez de distance pour les jouer. Et encore, ce sont des jeux où l'on escamote le corps à corps avec le langage. Non, son rapport au langage est pulsionnel, il est affectif. C'est cet aspect oral, organique, qui est intéressant pour lui. Il lui faut du vivant, il faut que sa phrase ne soit pas tout à fait rationalisable, il faut qu'elle roule des matériaux polysémiques. Il l'envisage comme un magma. Selon Grainville une phrase trop minimale ne pourrait pas lui venir à l'esprit, ces phrases peuvent dégager, dans certains cas, beaucoup de présence comme une aura, elles réverbèrent tout ce qu'elles ne disent pas, le non-dit se cristallise dans le peu qui est dit. Il ne peut pas, il faut qu'il ballait tout le champ des possibles, et là il est très à l'aise, car il récupère enfin sur ce fameux manque. Il le remplit et il le déplie. Il faut que ce soit affectivement fort, il ne peut pas prendre de distance avec le langage, c'est très physique, finalement.

Contrairement à certains écrivains, Grainville à un style d'écriture plutôt violent, il ne ménage pas son lecteur, il décrit les scènes telles quelles, il n'a pas besoin de quelques tournures que ce soit ; cela nous le voyons dans une bonne partie de sa narration. Il décrit le crash de l'avion dans les moindres détailles en spécifiant au tant que faire se peut comment l'avion s'est-il retrouvé au sol, les dégâts causés par cet accident de manière spontanée et soignée.

L'Atlantique et les amants, son nouveau roman, procède du même parti pris esthétique que Le jour de la fin du monde, une femme me cache.

Ainsi, Grainville orchestre avec une rigueur inattendue, au fil des thèmes qui s'enlacent et se répondent, rencontres improbables, coïncidences invraisemblables, laissant la magie du récit opérer jusqu'à ce que le sens s'impose. D'ailleurs il suffit d'attendre : les dernières catastrophes montrent que la réalité se rapproche dangereusement de la fiction. L'invraisemblable n'est que l'avance de l'art sur le vrai.

Nous pouvons tout de même relever quelques passages poétiques illustratifs :

«Ca l'a rendu folle, cette nuit sans nuit, cette lumière qui n'en fini pas [...] C'est, oui ce soleil qui ne voulait pas mourir, qui ne se couchait jamais. L'infini vous angoisse tout à coup. L'extase est trop forte. On a

50

peur de la facilité, de l'immortalité dans l'étendue sans fard du bleu miraculeux49»

Nous voyons à travers ce passage, comment Grainville utilise les mots. Sorte de chorégraphie, ce roman de Patrick Grainville est un long poème lyrique nourri de toutes les mélancolies humaines.

Grainville, bien que décrivant un instant tragique, y met une touche poétique. Cette nuit sans nuit ; nous renvoie au moment du crash de l'avion. On n'avait pas l'impression que le temps s'était arrêté, tellement il y avait du monde, tous bougeaient de partout sur le lieu de l'accident. Il y avait, des policiers, des journalistes, des médecins, des voleurs des spectateurs etc. .Tous constataient avec amertume ce triste spectacle.

Cette lumière qui n'en fini pas [...] C'est, oui ce soleil qui ne voulait pas mourir, qui ne se couchait jamais ; cette expression métaphorique renvoie directement à l'explosion qui s'est produite, l'éclat, l'éclat produite par l'explosion.

L'infini vous angoisse tout à coup. L'extase est trop forte. On a peur de la facilité, de l'immortalité dans l'étendue sans fard du bleu miraculeux ; l'infini ici renvoie directement à la mort ; de même que la facilité, de l'immortalité. Ce on pronom impersonnel employé par l'auteur renvoie directement à l'être humain refusant de mourir comme disait un grand homme : « la mort cette grande faucheuse»50.

49 Patrick GRAINVILLE, le jour de la fin du monde, une femme me cache, édition du Seuil, 2001.page 58.

50 Expression extraite du discours du Président Léon MBA à son retour de France alors qu'il sortait d'une hospitalisation.

En parcourant la production littéraire de Grainville on constate que la fin du monde y occupe une place importante, car il aborde de façon récurrente, ce mystère dans la plupart de ses oeuvres.

A part Le jour de la fin du monde, une femme me cache, où la fin du monde est assez bien représentée aussi bien sur le plan formel que dans l'action des personnages, d'autres de ses oeuvres peignent elles aussi un « mystère à découvrir » c'est le cas dans L'Orgie, la neige, pour ne citer que ces deux oeuvres.

III.5. 2 La fin du monde chez d'autres auteurs

La fin du monde semble être l'une des thématiques principales des oeuvres de Grainville, notamment Le jour de la fin du monde, une femme me cache, l'Orgie, neige, la main blessée.

Toutefois, nous retrouvons également cette thématique chez d'autres écrivains à savoir :

Le poète Jean Grosjean, par exemple, qui, dans un recueil de poèmes de 1962 significativement intitulé Apocalypse peint l'univers et son mystère sacré centré sur la présence absence d'un dieu dont l'existence se révèle dans la vie changeante du monde. On retrouve dans ce texte une intuition Gidienne qui mêle à une vision poétique du Monde des références au Christ qui ouvre le champ de l'interprétation théologique.

Puis,

52

Pierre Emmanuel, grand poète chrétien engagé dans la Résistance durant la seconde guerre mondiale, qui évoque dans Tu, en 1978, un cauchemar qui lui restitue l'atmosphère affreuse des camps nazie, camps de la honte qui lui font douter de l'homme et de ses progrès. Dans ce cas précis, nous avons à faire à une forme d'utilisation politique du texte qui aboutit sur une méditation spirituelle.

Enfin, l'examen de la poétique de la fin du monde dans le texte de Grainville nous amène à comprendre cette thématique à travers aussi d'autres époques de la littérature. Par conséquent, la fin du monde pourrait être considéré comme un élément de littérarité en cela qu'elle est un invariant dans le vaste champ de la littérature.

CHAPITRE SIXIEME : L'ESTHETIQUE DE LA FIN DU MONDE DANS L'OEUVRE

La fin du monde est certes représentée à travers les personnages et leurs actions, ou encore à travers les éléments textuels, mais ici, nous pouvons également dire que les thèmes utilisés par l'auteur sont aussi évocateurs dans l'univers de la fin du monde.

En effet, il faudrait signaler que fort de notre constat les thèmes de la rue, des reporters des psychologues renferment donc cette onde de mystère que l'auteur a voulu représenter dans son discours. Toutefois, nous irons plus loin pour connaître les réelles motivations de l'auteur dans le choix de cette esthétique qu'est entre autre la fin du monde.

III.6.1. La scène comme lieu de théâtralisation des faits narratifs51 :
les rues, les reporters et les psychologues.

La définition de la scène, ou du moins l'énumération de ses caractéristiques fondamentales, nous l'emprunterons à Lintvelt dans son Essai de typologie narrative :

51 La scène apparaît dans le "discours du récit" de Genette dans le chapitre consacré à la durée narrative. Avec le récit sommaire, l'ellipse temporelle et la pause descriptive, elle constitue l'une des formes canoniques du tempo romanesque. Mais ce qui intéresse davantage Genette, c'est le rapport temporel qui régit discours et histoire. Ainsi, entre la "vitesse infinie qui est celle de l'ellipse, ou un segment nul de récit correspond à une durée quelconque d'histoire" et la "lenteur absolue qui est celle de la pause descriptive, ou un segment quelconque du discours narratif correspond à une durée diégétique nulle", se situe la scène, qui "réalise conventionnellement l'égalité de temps entre récit et histoire "et le récit sommaire, "forme à mouvement variable qui couvre avec grande souplesse de régime tout le champ compris entre la scène et l'ellipse" (Figure III, op. cit., p. 128, 129).

54

La scène, souvent pratiquée dans les points culminants d'un roman se caractérise par :

a) Présentation complète. La scène décrit les événements romanesques dans tous leurs détails et rapporte in extenso le discours des acteurs ;

b) Présentation visualisée. Grâce à la présentation complète, la scène crée l'illusion d'une représentation directe, se déroulant, pour ainsi dire devant les yeux du lecteur52.

Toutes scènes combinent généralement deux types de discours : le récit d'événements et le récit de parole chez Genette53, scène d'événements non verbaux et du discours des acteurs chez Lintvelt54. Au-delà de ces subtilités langagières, le fait important qui doit retenir notre attention est le principe du détail de la scène, ce qui nous permet de l'analyser sous les deux angles de la synchronie et de la diachronie.

La rue est définie comme étant « une voix publique aménagée dans une agglomération entre les maisons ou les propriétés »55. C'est le thème utilisé tout au long de l'oeuvre de Grainville afin de mieux représenter la fin du monde. Toutes les actions se passent dans la rue.

En effet, tout au début du texte, l'auteur-narrateur fait un long discours au sujet de la rue, et plus précisément des rues de Nanterre qu'il va d'ailleurs citer, et même personnifier. Mais ici, l'auteur passe par ce long discours pour arriver à un fait, c'est que, c'est dans la rue que le

52 Jaap Lintvilt, Essai de typologie narrative, Paris, Librairie José Corti, 1981, p. 50.

53 Gérard Genette, op. cit., p. 186, 189.

54 J. Lintvelt, op. cit., p. 50.

55 - Encyclopédie, Larousse, 1996, p 1240

mystère va débuter dans l'esprit de Jérôme d'une part, et du lecteur d'autre part.

Les rues ne renferment pas une pointe de mystère, l'auteur les utilise afin de les présentées comme étant elles aussi des témoins privilégiés de la catastrophe, car voyant, connaissant, entendant tout, puisqu'elles appartiennent à tout le monde. Les rues assistent à tout ce qui se passe, elle voit le déroulement du crash et des vols. Nous avons ce passage :

« Parmi les autres civières qui circulaient, recueillaient les blessés, les habitants de la cité. Un ado coincé sous des gravats avait été amputé sur place les deux jambes. »56

C'est dans la rue que l'on observait tous ces faits, les gens circulaient ; faisaient des va-et-vient dans tous les sens. C'est également dans la rue que l'on a amputé les deux jambes à l'ado, qui coincé par la carlingue de l'avion ne pouvait sortir.

De même le jeu des reporters est très important dans le texte de Grainville, il se base dessus pour faire vivre le mystère du début jusqu'à la fin de l'oeuvre.

«... La télé n'en finissait pas, sur toutes les chaines, de montrer les images du premier soir et la nuit, du lendemain matin... Des colonnes de cercueils en

56 Patrick GRAINVILLE, le jour de la fin du monde, une femme cache, édition du Seuil, 2001.page 22 L. 20.

56

matières plastique, stéréotypés, gris cahotaient, zigzaguaient, ondulaient entre les décombres. »57

A travers donc l'action des reporters, une pléthore d'hypothèses sortaient. Les reporters avaient pour objectif de montrer au monde entier ce qui s'était réellement passé le soir du crash.

En effet, les reporters jouent un important rôle dans l'esthétique du crash en ce sens qu'ils sont sans cesse à l'affût des informations. Par exemple, la liste des passagers du Boeing qui s'est écrasé. Nous avons également divers interviews effectuées. C'est eux que le narrateur utilise afin de nous édifier quant aux différentes confrontations qu'ont la compagnie aérienne Aire France et les compagnies d'assurance, mais également avec les parents des victimes. Nous avons ce passage :

« Les avocats des familles, de Boeing et Air France se disputaient l'immense énigme, les assureurs qui oubliaient la mort n'évaluaient qu'un nombre de victimes, des passagers, de clients, de sièges... »58

Toutes ces informations nous sont données par des journalistes ou encore des reporters.

En plus, les psychologues, dans notre corpus ont occupés une place de choix dans la question qui fait l'objet de notre étude. Face à une telle horreur. Il y avait des corps sans vie sur le théâtre du crash, les psys comme Grainville les nomment, avaient pour rôle, d'écouter les traumatisés du crash.

57 Patrick GRAINVILLE, le jour de la fin du monde, une femme cache, édition du Seuil, 2001.page 22-23.

58 Patrick GRAINVILLE, le jour de la fin du monde, une femme cache, édition du Seuil, 2001.page 46. L 6.

« Les psys allaient s'en donner à coeur joie. Car ils étaient vénus, toute une antenne, un cabinet spécial, une vraie cohorte installée dans une tour voisine. Ils recevaient les traumatisés, se les disputaient [...] aussi. »59

Le rôle des psychologues étaient très important. Non seulement ils recevaient des traumatisés du crash, ils avaient également pour objectif ; le rétablissement psychique de ces derniers. Et ces grâce à eux que les journalistes ou reporters étoffaient leurs article ou bulletin d'informations.

III. 6.2. L'inceste : Aiwala et Bani ou le mythe d'Isis et d'Osiris.

Aiwala est un jeune Africain de nationalité Camerounaise, ex-élève de Romane. Comme Jérôme, il entre en possession de la seconde boîte noire de l'avion qui contenait des paramètres susceptibles d'informer sur l'origine du crash de l'avion.

Ainsi, à travers ces écrits, Grainville n'hésite pas une fois plus à nous ressortir un de ces nombreux indices qui appartiennent à l'univers de la fin du monde. Grainville nous entraine une fois de plus dans les alcanes de son univers imaginaire en peignant une relation incestueuse entre un frère : Aiwala et sa soeur Bani ; il dénonce avec vigueur ce fait hautement interdit par la société, quand bien même certaines personnes pourraient apporter des avis contraires.

59 Patrick GRAINVILLE, le jour de la fin du monde, une femme cache, édition du Seuil, 2001.page 52-53.

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« La première fois que j'ai couché avec ma soeur, après l'amour elle m'a tout dit... qu'elle avait caché le trésor d'Alba dans l'Arche où elle travaille.»60

Nous avons là une confession faite par Aiwala à Jérôme et Romane lors d'une conversation.

Ceci étant, à travers cette révélation Grainville peint un fait qui a existé dans la mythologie gréco-latine : le mythe d'Isis et Osiris.

«Le mythe est une histoire vraie qui s'est passée au commencement des temps et qui sert de modèles aux comportements humains »61.

En imitant les actes exemplaires d'un dieu ou d'un héros mythique, ou simplement en racontant leurs aventures, l'homme des sociétés "archaïques"(d'oralité) se détache du temps profane et rejoint magiquement le grand temps, le temps sacré (mythes, rêves, mystères).

Le mythe est une tradition sacrée, une révélation primordiale. Claude Lévi-Strauss pense que son interprétation se développe de façon nébuleuse sans jamais rassembler de manière durable ou systématique la somme totale des éléments dont elle tisse la substance.

En effet, le terme mythe étant délicat, nous ne pouvons le définir sans nous perdre en conjectures.

60 Patrick GRAINVILLE, le jour de la fin du monde, une femme cache, édition du Seuil, 2001.page 241.

61 Selon Mircea Eliade.

Notons tout de même, qu'il est question dans le sujet qui nous concerne d'un mythe de situation qui se réfère à des actes qui présuppose une réalité absolue, extra humain.

En effet le narrateur éprouve le désir de mourir comme Orphée, pour mourir et faire renaître un corps nouveau. Le narrateur éprouve la volonté de pousser jusqu'à l'outrance la violence des passions ou la force des caractères.

Aussi, permettez nous de faire un bref rappel historique du mythe osirien.

Il existe plusieurs versions du mythe osirien, dont la plus récente nous fut transmise par Plutarque. Fils de Geb et de Nout, époux d'Isis, Osiris fut roi d'Égypte.

« En effet, Geb, au soir de sa vie, aurait donné en partage le monde à ses deux fils, Osiris et Seth. À Osiris la Terre Noire d'Égypte, à Seth, le stérile, les Terres Rouges, les déserts qui entourent le Double Pays.

La légende fait d'Osiris et d'Isis, son épouse, des souverains bienfaiteurs. Osiris enseigna aux humains les rudiments de l'agriculture et de la pêche, tandis qu'Isis leur apprit le tissage et la médecine. Pendant ce temps, Seth régnait sur les contrées désertiques et hostiles ainsi que sur les terres étrangères. Jaloux de son frère, il projeta son assassinat. Pendant un banquet en l'honneur d'Osiris, Seth offrit à

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l'assistance un magnifique coffre, jurant de le céder à celui qui l'emplirait parfaitement. Quand vint le tour d'Osiris, qui fut le seul à y parvenir, Seth fit refermer et sceller le coffre, tandis que ses complices chassaient les invités et tenaient Isis à l'écart. Seth jeta le coffre dans le Nil, qui l'emporta dans la Méditerranée. Osiris mourut noyé et c'est pour cela qu'il est souvent représenté le visage de couleur bleue ou verte.

Après l'assassinat de son époux, Isis se mit à la recherche de son corps. Elle le retrouva à Byblos, au Liban, d'où, après maints stratagèmes, elle le ramena en Égypte pour l'enterrer et le pleurer. Seth finit par découvrir le tombeau, sortit le corps du caveau et le dépeça en quatorze morceaux qu'il dispersa dans le Nil. Isis, l'épouse et veuve fidèle, retrouva les lambeaux du corps de son bien-aimé, sauf le phallus, avalé par un poisson. Elle le reconstitua en argile, puis elle entreprit de rassembler le corps meurtri de son défunt mari, avec l'aide de sa soeur Nephtys. Elle embauma le cadavre, assistée par Anubis, lui redonnant une dernière étincelle de vigueur. Lorsqu'il fut ranimé temporairement par Isis, qui lui insuffla la vie, Osiris put la féconder. Elle lui donna un fils, Horus, « Le vengeur de son Père », qui combattit son oncle Seth dans des joutes interminables. Le tribunal des dieux finit par trancher : Horus entra en possession de son héritage et occupa le trône d'Égypte, comme Pharaon, après lui.

Reconstitué par les rites de l'embaumement, Osiris devint la première momie, Ounen-Néfer (« L'éternellement beau ») car protégé de la putréfaction, et revint à la vie telle la terre d'Égypte elle-même après chaque inondation. Devenu le dieu des morts et le Seigneur de l'au-delà, il transforma son royaume en champs fertiles, les champs d'Ialou.

Depuis il préside le tribunal divin pendant la pesée du coeur, avec l'aspect que nous lui connaissons, les bras croisés sur la poitrine, portant la couronne Atef, momifié et gainé dans un linceul de lin ne laissant paraître que sa tête et ses mains nues qui tiennent les insignes de sa royauté sur le monde des « Occidentaux ». « Juge suprême des âmes », il accorde aux défunts la vie éternelle ou au contraire la leur refuse et les condamne au néant.

À l'origine, Osiris était vraisemblablement un dieu de la fécondité, personnification du renouveau végétal, par opposition à Seth le stérile. Son aspect funéraire dérive sans doute d'Andjety, divinité locale de Bousiris, à laquelle il emprunte les attributs tels que le Heka et le Nekhekh, symboles du pasteur, et insignes de pharaon, protecteur de son peuple. Par un syncrétisme fréquent dans la religion égyptienne, il fut aussi identifié au dieu chacal d'Abydos, Khenty-Imentyou, « Celui qui est à la tête des Occidentaux »»62.

Osiris est donc le dieu du renouveau, celui qui renaît éternellement. Il est aussi la personnification de la terre fertile du delta et des champs cultivables, le garant de l'équilibre du monde la Maât - et des cycles naturels : mort et renaissance, sécheresse et fertilité, disparition et réapparition de l'étoile Sothis.

On a pu identifier d'autres sépultures d'Osiris dont celle de Gizeh, récemment découverte, celle de Philae, sur une île voisine du grand temple d'Isis, celles de Dendérah et de Karnak. D'autres encore sont

62

62 Wikipédia.

attestées par les historiens antiques comme Hérodote, qui en a visité une à Saïs.

Ainsi, Osiris, c'est un dieu qui est détruit comme Vulcain, il est mutilé. Dans une version, le Dieu Seth s'acharne sur lui. Ces morceaux sont éparpillés, perdus, et Isis va les reprendre et les réunir. Isis est là pour recomposer, bouturer, faire renaître ce corps perdu, morcelé. Isis, c'est l'écriture. C'est ce qu'il y a de plus beau comme métaphore de la littérature, avec son mythe solaire, la présence du Nil, sa fécondité et tous ces tombeaux qui le bordent. Osiris, ce dieu blanc, gardien des tombeaux, a le visage vert, symbole de résurrection. Cela le touche beaucoup. Sans faire du Caillois et établir les liens syncrétiques entre Shiva, Dyonisos, Quetzacoatl, etc., on voit tout de même qu'il y a des dieux qui se ressemblent.63

Ainsi, les personnages d'Aiwala et de Jérôme sont la représentation même des personnages mythiques que sont Isis et Osiris. C'est dire que l'auteur-narrateur affectionne les références mythologiques.

III. 6.3. La symbolique des arbres de vie ou le mythe d'Atys et de Cybèle

Grainville, nous plonge une fois de plus dans un univers mythique. Dans notre corpus, l'auteur peint une société qui, après un crash d'avion, va chercher à immortaliser victimes de l'accident en les personnifiant, en plantant des arbres ; qu'elle qualifiera « d'arbres de vie ».

63 Wikipédia.

« J'avais entendu parler du projet. Mais il se réalisa plus vite que prévu. Le conseil régional avait décidé de planter deux cent soixante arbres dans la cité des sources, manière de compenser le sacrifice par une forêt de vie »64

Pour Grainville, ce crash d'avion est un sacrifice et que chacun de ces arbres représente une victime ; Dans son autofiction Grainville fera référence au mythe d'Atys et de Cybèle.

Nous voyons chez ce contemporain, une volonté manifeste d'établir un parallélisme, entre les faits du passé, et ceux du présent.

Un bref rappel historique du mythe d'Atys et de Cybèle nous permettra de mieux cerner la ressemblance faite par l'auteur lorsqu'il fait allusion, aux arbres plantés dans la cité des Merles.

Divinité de Phrygie, importée en Grèce et à Rome, personnifiant la nature sauvage. Présentée comme la Grande Mère, la Mère des dieux ou encore la Grande Déesse.

Varron décrit la déesse phrygienne en donnant d'abondants détails sur sa représentation : Portant un tambourin signifiant qu'elle est le disque terrestre, des tours en couronne ornant sa tête symbolisant les villes qui lui sont vouées, assise et accompagnée d'un lion, symbolisant ainsi l'immuabilité de son règne sur le muable et le sauvage. Varron en fait la déification de la terre.

64 Patrick GRAINVILLE, le jour de la fin du monde, une femme me cache, édition du Seuil, 2001.page 200

Horace se fait l'écho d'un clergé eunuque servant la déesse65 Ces prêtres s'appelaient Galles, du nom d'un fleuve de Phrygie selon Pline66. La castration de ces prêtres trouve sa justification première dans les liens qui unissent Cybèle à Atys Les amours entre Cybèle et Atys sont évoqués par de nombreux poètes dont Catulle 67et Ovide. Ce dernier présente Attis comme le favori de la déesse qui prit la forme d'un arbre lorsqu'il mourut68. Cette mort eut lieu dans des conditions atroces puisqu'il fut rendu fou et s'émascula.

Une comparaison d'Attis et de Cybèle avec Adonis et Vénus s'impose, surtout au regard des fêtes du printemps célébrées en l'honneur d'Attis ou d'Adonis. Cybèle fut aussi assimilée à Cérès.

Fille du Ciel et de la Terre, Cybèle incarne l'énergie enfermée dans le sol arable, la source de toute fécondité. Son char tiré par des lions est signe de sa maîtrise sur la puissance vitale et pour illustrer son pouvoir sur les cycles biologiques, elle est représentée parmi les fleurs, assise sous l'arbre de vie, ceinte d'une couronne d'étoiles à sept branches et d'un croissant de lune.

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65 (Satires I, 02. )

66 (L.V, 22)

67 (Poèmes, 63)

68 (Métamorphoses X, 104)

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