CONCLUSION PARTIELLE
Au terme de ce pan de notre travail, il ressort par
l'écriture de l'auteur, son mythe et son engagement. Grainville est un
auteur qui a pour leitmotiv la peinture des maux de la société.
De ce fait dans Le jour de la fin du monde, une femme me
cache69, les personnages Grainvilliens sont enclins au
désespoir et à la déchéance. Son écriture
porte un aspect cathartique en cela que nous retrouvons l'engagement de
l'auteur.
L'oeuvre à cet effet est un exutoire pour se
débarrasser du trauma des désastres qui ne cessent de se produire
d'où cette thématique obsessionnelle qui mine sa production.
69 Patrick GRAINVILLE, le jour de la fin du monde,
une femme me cache, édition du Seuil, 2001.page 200
66
CONCLUSION GENERALE
Le jour de la fin du monde, une femme me
cache70 présente un univers en adéquation entre
le moral des personnages, leur environnement et le sort final de ces
personnages. La nature et tout ce qui l'entoure crée un climat qui
annonce les malheurs que rencontrent les personnages Grainvilliens. Elle influe
sur la psychologie des personnages.
L'évolution de la lecture que le personnage de
Jérôme fait de la fin du monde dans le jour de la fin du
monde, une femme me cache71 est intéressante en ce sens
qu'elle résume, d'une certaine manière, l'histoire de la
réception de ce texte, telle que nous avons essayé de l'observer
à travers quelques exemples significatifs. Au début du roman, ce
personnage utilise le crash de l'avion en le situant à la lumière
d'une actualité troublée marquée par une violence
extérieure.
Mais au fur et à mesure que les reporters,
Jérôme, Romane, Aiwala, aire France et la compagnie d'assurance
alimentaient les conversations au sein du groupe et au sein des familles des
victimes, la portée idéologique du texte de ce que l'on pourrait
nommer de fin du monde lui paraît de moins en moins
significative. Jusqu'au jour où il s'aperçoit que le crash
d'avion est une réalité existentielle. Cette
intériorisation, Victor Hugo mais aussi et surtout Rimbaud, Claudel et
Gide, à sa manière, l'ont mise en oeuvre. Ils sont passé
de l'expression d'un conflit humain et
70 Patrick GRAINVILLE, le jour de la fin du monde,
une femme me cache, édition du Seuil, 2001.page 200
71 Op. cit.,
68
collectif à celle d'un conflit intime et individuel ou,
pour ce qui est de Gide, à une énergie créatrice.
Ainsi, Ce retournement, de la lecture de la fin du monde, peut
s'expliquer assez simplement par l'évolution de l'histoire
littéraire elle- même qui est marquée par un certain
individualisme, au bon sens du terme, en tous les cas dans le sens non
péjoratif du terme. A partir du milieu du XIXème siècle en
effet, la littérature devient une sphère autonome
d'activité. Les sociologues de la littérature expliquent assez
bien ce phénomène. Ils montrent comment, en particulier, le
marché des produits littéraires se développe à
cette époque, faisant vivre un nombre d'écrivains importants, qui
cessent donc, à partir de ce moment-là d'être
dépendants de quelque pouvoir que ce soit.
Le narrateur met l'accent sur le crash de l'avion qu'il
considère comme étant une fin du monde ; ensuite sur des meurtres
et vols, enfin sur des faits contre nature ; tel que le rapport incestueux
qu'Aiwala entretien avec sa soeur Bani, et l'excès de mensonge qui
existe ici et là. Face à de tels agissements, il est très
important de dire que le comportement des Hommes face à une telle
catastrophe pourrait être qualifié de pas commode.
C'est en tenant compte de toutes ces apories que nous avons
retenu la démarche thématique de Jean Pierre Richard. C'est aussi
grâce aux multiples autres approches que nous avons été
à mesure de faire ressortir les caractéristiques de la fin du
monde Grainvillienne. Le choix de cette démarche se justifie pour nous
parce qu'elle parait
cohérente dans la catégorie définie telle
que l'immanence textuelle. Car le sens est émanant au texte et seul le
texte détient son sens.
Enfin étant donné que la fin du monde peut
être perçue de diverses manières, mais nous nous sommes
appesanti uniquement sur les écrits de Grainville pour mieux discerner
sa conception singulière de la fin du monde. Quant bien même
d'autres peuvent la dépeindre autrement, mais nous nous sommes
passé du hors texte pour éviter tout contresens de notre
problématique quand bien même nous nous sommes servi d'autres
approches afin de mieux ressortir certain points importants de notre
problématique.
Pour ce qui est des perspectives, nous allons nous
référer à l'oeuvre de Jean-Luc Lagarce qui aborde quelques
années plus tôt dans son oeuvre ; Juste la fin du monde.
Juste la fin du monde est écrit par un homme qui se savait
condamné. Sans doute faut-il être proche de la mort pour avoir ce
souci obsessionnel de la justesse des mots. Chez Lagarce, il ne s'agit pas
d'une quelconque coquetterie de langage. C'est constitutif de son
écriture, exigeante, précise, absolument pas naturaliste. Cette
exigence de la forme transcende cette histoire de famille et lui confère
un caractère universel propre à toutes grandes oeuvres
littéraires. Comme dans l'oeuvre de Grainville celle de Lagarce parle
aussi de la fin du monde. Ainsi la fin du monde sur le plan physique se fait
par rapport au crash de l'avion. C'est le fait que ce crash ait causé la
mort de plus de 260 victimes dans une banlieue parisienne qui déclenche
la fin du monde morale chez Jérôme, Romane, Aiwala etc.
La fin du monde dans la Bible, c'est aussi l'apocalypse.
L'Apocalypse est le dernier livre de la Bible chrétienne. C'est une
révélation sur la fin du monde
Si le personnage de Jérôme étonne par son
caractère antithétique et insaisissable, il se démarque
aussi par la force et l'existence avec lesquelles il domine le récit.
Cette caractéristique du héros Grainvillien
constitue l'originalité de son ouvrage : il est difficile sinon rare de
trouver une oeuvre qui décrive et analyse avec autant vigueur.
70
GLOSSAIRE
Ce glossaire est nécessairement succinct. Pour des
définitions plus détaillées, le lecteur voudra bien se
reporter aux ouvrages cités en référence.
Actant/acteur : L'actant chez Greimas se
conçoit comme une classe d'acteurs. A ce titre, il relève
plutôt d'une syntaxe narrative, tandis que l'acteur, lui reste
reconnaissable au niveau du discours? particulier où il
se trouve manifesté.72
Analepse : Anachronie narrative se traduisant
par u retour en arrière. L'analepse se définit toujours par
rapport à un récit? premier sur lequel elle se
greffe ou dans lequel elle s'insère. Sur le plan temporel, Genette la
considère comme un récit ?second qui reste
subordonné au récit? premier dans la syntaxe
narrative73.
Diégèse : la diégèse
est l'autre terme pour désigner l'histoire. C'est l'univers
événementiel ou spatio-temporel désigné par le
récit.
Discours : Le discours se définit
à la fois comme le résultat d'une performance
(réalisé par un locuteur donné) et comme ·le
résultat(ou l'opération) de la concaténation de
phrase·74. Cette deuxième définition, qui
apparente le discours du texte ou à l'énoncé narratif, est
celle qui apparaît dans la plupart des occurrences de ce terme.
72 Voir : -Sémantique structurale,
Paris, Larousse, 1966, p. 175
- « Les actants, les acteurs et les figures», in
Sémiotique narrative et textuelle, ouvrage collectif
présenté par Claude Chabrol, Paris, Larousse,
1973,pp. 161-176.
73 G. Genette, Figure III, Paris, Seuil,
1972, p.
74Voir : Greimas et Courtes, op. cit., p. 87.
Générateur de texte : Mots ou
groupe de mots sui se répètent dans le texte. Les
générateurs tissent un réseau de redondances qui donnent
sa cohérence sémantique au texte narratif. Ils élaborent
pour ainsi dire l'architecture signifiante du récit
littéraire.
Intertexte : C'est l'ensemble
constitué par les textes (écrits ou oraux), les
référents politique, historique ou socio-culturel qui forment la
texture de l'oeuvre littéraire.
Littérarité :
Caractéristiques propres au texte littéraire et qui
permettent de le distinguer de toute autre production. La recherche des
conditions de littérarité permet d'éviter entre autres
l'explication biographique de l'oeuvre littéraire.
Métalepse narrative: Définie
par Genette comme une intrusion du narrateur ou du narrataire
extradiégétique dans l'univers
diégétique·75, la métalepse narrative
désigne tout segment discursif n'ayant aucune valeur
diégétique en soi, mais trahissant la seule présence du
narrateur dans l'histoire qu'il génère. Elle relève du
seul discours du narrateur par opposition au discours des personnages.
Métaphore/métonymie :
Métaphore et métonymie font parti des figures du discours qui
donnent à la fois son charme et sa vigueur-persuasive ou didactique-au
texte narratif. La métaphore opère par assimilation totale entre
deux termes dont un seul se trouve manifesté. Elle consiste à une
substitution lexicale qui modifie nécessairement le sens du
lexème présent. La métonymie quant à elle juxtapose
les lexèmes qui entrent en relation. Elle assimile à partir d'un
point de ressemblance les deux réalités évoquées
par les termes coprésents. Il s'agit donc d'une
75G. Genette, op. cit., p. 244.
72
assimilation partielle, d'une relation partielle, d'une relation
par contiguïté, d'un rapport contextuel.
Micro-séquence : La plus petite
unité fonctionnelle de l'analyse structurale. La micro-séquence
représente une unité d'action identifiable et nommable lors de la
décomposition/déconstruction de l'univers romanesque. Barthes la
considère comme le ·grain le plus fin du tissu narra
tif·76.
Narrateur/narrataire : Narrateur et
narrataire sont les deux protagonistes de la communication littéraire.
Instance fictive (et neutre) qui assume l'acte de narration ou
d'énonciation, le narrateur ne saurait se confondre avec la personne
physique de l'auteur. Son corollaire, immédiat est le narrataire,
instance-toujours fictive- à laquelle est adressé le message
narratif. Lui aussi est nécessairement présent ou virtuel dans
l'acte de narration auquel il est étroitement lié.
Récit : Nous proposons nous proposons
ici deux des trois définitions qu'en donne Genette77 :
a) Enoncé narratif, discours oral ou écrit qui
assume la réaction d'un événement ou d'une série
d'événements. Ce sens apparente le récit au texte.
b) Succession d'événements, réels ou
fictifs, qui font l'objet de ce discours, et leurs diverses relations
d'enchaînement, d'opposition, de répétition. Le
récit devient alors synonyme d'histoire, de diégèse.
76 R. Barthes, op. cit., p. 14.
77 G. Genette, op. cit., p. 71.
Référent :
Réalité non linguistique à laquelle renvoie le signe. Le
référent est extérieur au signe et n'entretient aucun
rapport direct avec celui-ci.
Rhétorique : La rhétorique est
à la fois l'art du bien parle et l'art du discours efficace. Elle
témoigne d'une utilisation intentionnelle des éléments du
discours. Elle se propose de toucher, d'émouvoir, de persuader, de
convaincre le destinataire du discours littéraire.
Scène/sommaire : la scène et le
sommaire sont les deux formes canoniques de restitution de l'action
romanesque.
a) La scène se charge de reporter/restituer dans le
détaille certains faits ou actions de la trame narrative. Elle
réalise de ce fait une sorte d'égalité entre le temps
d'histoire et le temps du récit.
b) Le sommaire quant à lui résume les faits
dont il doit prendre compte. Il opère pour cela une condensation des
faits et une compression du temps d'histoire.
Sémiotique/sémiologie : Si
initialement sémiotique et sémiologie ont des visées
similaires, se proposant toutes deux l'étude du signe en
général, il faut bien reconnaître qu'elles ne recouvrent
plus guère le même espèce de définition. La
sémiologie nous dit Barthes, · a pour objet tout
système de signes, quelle qu'en soit la substance, quelles qu'en soient
les limites·78. Puis que la sémiologie constitue
l'englobant des systèmes de significations, la sémiotique dans
désignera les englobés(ou systèmes particuliers) de cette
science générale des signes.
78 R. Barthes, Présentation de
Communication, n°4, Paris, Seuil. 1964, p. 1.
Signe : Le signe est la combinaison d'un
concept (signifié) et d'une image acoustique (signifiant).
L'unité du signe réside dans l'indissociabilité du
signifiant et du signifié, dans la relation de solidarité
réciproque(ou fonction sémiotique qui les lie.
Syntagme/paradigme : Syntagme et paradigme
sont les deux axes du langage. L'axe syntagmatique, ou horizontal,
représente l'axe des combinaisons. C'est la chaine linéaire qui
enchaine bout à bout les différents éléments
manifestés dans l'énoncé. L'axe paradigmatique, ou
vertical, représente l'axe des substitutions. Il désigne la
·classe d'éléments susceptibles d'occuper une
même place dans la chaine syntagmatique, ou ensemble
d'éléments substituables les uns aux autres dans un même
contexte·79.
Texte : Ensemble structuré de signes
se caractérisant par une autonomie, un contenu sémantique
homogène et une clôture. Le texte est autonome dans ce sens qu'il
a un début et une fin. Mais le texte quelquefois peut être pris
dans le sens de ·corpus·, d'où l'expression
·texte-objet·. Quant à l'emploi de ·texte
narratif·, se trouve privilégiée ici l'activité
énonciatrice qui donne forme et existence au texte.
74
79 Greimas et Courtès, op., p. 267.
Patrick Grainville Ecrivain français et
critique littéraire Né à Villers-sur-Mer en
1947
BIOBIBLIOGRAPHIE
Après une enfance non loin de Deauville, Patrick
Grainville devient agrégé de lettres et professeur de
français. Il est également critique littéraire et membre
du jury Médicis. Son premier roman 'La Toison' sort en 1972,
suivi de 'La Lisière' en 1973 et de 'L'Abîme' en
1974. En 1976 il obtient le prix Goncourt pour 'Les Flamboyants'. Il
est aussi l'auteur de 'La Diane rousse' (1978), 'Les Forteresses
noires' (1982), 'L' Orgie, la neige' (1990) qui obtient le prix
Guillaume le Conquérant, 'Le Lien' (1996), 'Le Tyran
éternel' (1998), 'Le Jour de la fin du monde, une femme me
cache' (2001) et 'La Joie d'Aurélie' (2004). Dans 'La
Main blessée', publié en 2005, le héros ne peut plus
écrire, malgré toutes sortes de traitements. Un roman dans le
style foisonnant typique de Grainville, une écriture folle, un univers
délirant où il mêle femmes, chevaux, Eros et
écriture. Patrick Grainville habite Maisons-Laffitte et est professeur
de français au lycée de Sartrouville, un métier qui, selon
ses propres dires, lui garde les pieds dans la réalité. Ses
envolées lyriques lors de ses participations récurrentes à
l'émission de Bernard Pivot lui ont valu une certaine
notoriété. En 2008, Patrick Grainville écrit
'Lumière du rat', un roman plein de fantaisie,
d'érotisme et d'humour.
76
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
CORPUS DE BASE
Grainville(P.), Le jour de la fin du monde, une femme me
cache, Points, 2002.
I- CORPUS GENERAL DE L'AUTEUR
- La Toison, Gallimard, 1972
- La Lisière, Gallimard, 1973
- L'Abîme, Gallimard, 1974
- Les Flamboyants, prix Goncourt,
Seuil, 1976 et « Points », n° P195
- La Diane rousse, Seuil, 1978 et
« Points », n° P838
- Bernard Louedin, Bibliothèque
des arts, 1980
- Le Dernier Viking, Seuil, 1980 et
« Points », n° P1210 - L'Ombre de la
bête, balland, 1981
- Les Forteresses noires, Seuil 1982 et
« Points », n° P839
- La Caverne céleste, seuil,
1984 et « Points Roman», n° R 246
- Le Paradis des orages, Seuil, 1984 et
« Points », n° P24 - L'Atelier du
peintre, Seuil, 1988 et « Points », n° P420
- L'Orgie, la neige, Seuil, 1990 et
« Points Roman », n°
R421
- Colère, Seuil, 1992 et «
Points Roman », n° R615
- Egon Schiele, Editions
Flohic, 1992, réédité sous le titre de
l'Ardent Désir, Editions Flohic, 1996
- Georges Mathieu(en collaboration),
Nouvelle Editions française, 1993
- L'Arbre-Piège, Seuil,
1993, « Petit », n° PPT57
- Les Anges et les Faucons, Seuil
et « Points », n°P203
- Richard Texier, La Différence,
1995, réédité revue et augmentée 1999
- Le Secret de la pierre noire,
Nathan, 1995
- Le Lien, Seuil, 1996, et
« Points », n° P338
- Le Tyran éternel,
1998 Seuil, et « Points », n° P620 - Les Singes
voleurs, Fleurus, 2000
- Le Rire du géant, Fleurus,
2000
- La Joie d'Aurélie,
Seuil, 2004, et « Points », n° P1311
- Le Nu foudroyé (en
collaboration avec Lucien Clergue et Gérard Simoën) Actes Sud,
2004
- Les Princes de l'Atlantique, (en
collaboration avec François Rousseau), Fitway, 2005
- La Main blessée, Seuil,
2006
- Lumière du rat, Seuil, 2008
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