L'être en devenir, considérations aristotéliciennes sur le devenir( Télécharger le fichier original )par Martin MBENDE Grand séminaire philosophat Paul VI Bafoussam, Cameroun - Graduat de philosophie 2008 |
III. Critique de Platon1. Critique de la théorie de la participation et du paradigmatisme des IdéesAristote est très sévère à l'égard de la théorie platonicienne de la participation qu'il considère vide de sens. Il affirme à cet effet : « Dire que les Idées sont des paradigmes et que les autres participent d'elles, c'est se payer de mot vide de sens et faire des métaphores poétiques. »63(*) Il reproche en effet à son ancien maître son ambiguïté entre participation entendue comme mélange ou comme rapport de modèle à copie entre participé et participant. Tout compte fait, il est clair pour Aristote que si les Idées sont mélangées, elles perdent leur individualité et s'avèrent confuses. Cette confusion entraîne finalement l'impossibilité à saisir laquelle de celles-ci serait l'essence propre de l'homme, mieux encore cause de son devenir.64(*) Dès lors, la thèse soutenue par Platon dans le Phédon qui confère aux Idées la causalité du devenir des choses sensible n'est plus recevable. 2. Critique de la causalité des IdéesD'emblée, Aristote rejette l'argument du non-Etre relatif de Platon. Pour lui, la relation n'est pas à proprement parler « le contraire ou la négation de l'Être »65(*) mais « elle est en réalité un genre de l'Être, au même titre que l'essence ou la qualité. »66(*) Ce que Platon n'avait donc pas compris, c'est que ce qui est autre n'est pas forcement non-Etre. En effet, ce qui n'est pas substance peut être accident. Ainsi, « le fondement de la multiplicité n'est pas à chercher hors de l'être, dans un non-être qu'on réintroduirait ensuite contradictoirement dans l'être pour en faire un principe efficace, donc existant. Mais il est à chercher au sein même de l'être dans la pluralité de ses significations. »67(*) Par ailleurs, Aristote pense qu'il est absurde de poser les Idées comme principes de mouvement. Et il y a là une simple question de bon sens. En effet, comment les Idées qui par nature sont par excellence immuables et cause de repos peuvent-elles causer le mouvement des choses sensibles ? Aristote est très clair à ce sujet : les Idées ne sont « causes d'aucun mouvement, ni d'aucun changement. »68(*) Elles ne peuvent non seulement se mouvoir mais aussi mouvoir. Voilà pourquoi dans son Traité du Ciel, Aristote en vient à déclarer que les choses corruptibles doivent avoir les mêmes principes qu'elles. Il affirme à ce propos : « En effet, il faut sans doute que les principes des choses sensibles, ceux des choses périssables, et de manière générale les principes soient du même genre que ce qui leur est subordonné. »69(*) C'est donc dire en dernière analyse que les Idées n'étant pas elles-mêmes en mouvement, elles ne sauraient être tenues pour responsable du devenir des choses en mouvement dont elles sont les modèles. Précisons toutefois qu'Aristote ne restera pas fidèle à cette pensée jusqu'au bout. En effet, il assignera l'éternité aux principes des choses corruptibles. * 63 Ibid., A, 9, 981 a, 21. * 64 Ibid., A , 9, 991 a, 27. * 65 Ibid., N, 2, 1089 b, 7. * 66 Ibid., N, 2, 1089 b, 19. * 67 AUBENQUE P., op. cit., p. 154. * 68 ARISTOTE, Métaphysique, A, 9, 991 a , 11. * 69 ARISTOTE, Traité du Ciel, III, 7, 306 a, 10-11. |
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