Les causes du développement des communautés de prière en milieu pentecôtiste. Cas de la région de Ouagadougou( Télécharger le fichier original )par Charles Joseph GUIBLA Institut biblique supérieur des assenblées de dieu du Burkina Faso - Licence en théologie 2009 |
Examen Biblique du PhénomèneLe Chrétien et la Prière Une Vision Déformée de la Prière Beaucoup de gens perçoivent la prière comme étant un don ou un ministère. Ceux qui l'exercent sont ceux qui ont le potentiel spirituel. Ce sont ces personnes qui doivent prier. A l'impossible donc, nul n'est tenu, semblent dire certains. C'est le faux-fuyant qui est habituellement employé par certains, même parmi les serviteurs de Dieu pour ne pas mener une vie de prière efficace et y engager leur église. La perception de la prière comme un don ou un ministère a pour conséquence l'idée selon laquelle elle est «une chasse gardée», une sphère exclusivement réservée à une certaine catégorie de personnes. C'est ainsi que dans des églises, la prière est devenue l'activité d'un certain groupe : les intercesseurs. Lorsqu'une église confie la prière à un groupe de personnes, les autres membres peuvent penser qu'il y a des gens qui sont là pour prier et prier pour eux. La prière est à tort vue comme un gain, un moyen d'obtenir les bienfaits de Dieu ou d'accéder à une position sociale élevée. C'est ainsi qu'en relation avec la théologie de la prospérité, beaucoup s'intéressent aujourd'hui aux bénédictions financières et matérielles plus qu'aux bénédictions spirituelles. Comme l'a si bien relevé Lukasse, « la prière est souvent considérée dans l'opinion populaire comme une démarche qui permet d'obtenir quelque chose de manière surnaturelle et surtout à bon marché »57. Beaucoup de prieurs ont tendance à donner des modèles de prière, des paroles à réciter comme des incantations. Cette manière de prier n'est pas biblique. Le drame est que beaucoup croit que la prière du prieur vaut mieux que leur prière, et sont ainsi prêt à répéter des phrases ou mots dont ils ne comprennent pas le sens. Dans ce contexte, la prière du prophète devient comme un moyen pour accéder à l'exaucement des requêtes. La prière constitue pour certains un moyen de pression sur Dieu. La volonté de certains est d'essayer d'obtenir de Dieu ce qu'ils veulent à tout prix. Beaucoup renversent ainsi les priorités, mettent leurs désirs au premier plan. Ils se présentent à Dieu avec un cahier de charges comme un syndicat face au patronat. La prière n'est pas une puissance. C'est une erreur de dire que la prière constitue une puissance. Cela conduit des chrétiens à dire qu'ils n'ont pas la puissance, donc à recourir à certaines personnes pour rechercher cette puissance. Ainsi, la puissance serait chez certains, pas chez d'autres. En croyant que la prière est une puissance, on compte ainsi sur la prière et sur celui qui prie, sans pour autant compter sur Dieu. 57 Johan Lukasse, Mission possible! Implantation d'églises dans une Europe post-chrétienne (Bruxelles-Saint-Légier: Le Bon livre-Emmaüs, 1993), 21-22. C'est croire que tout nous arrive par la prière et non par Dieu. Bref, c'est l'idolâtrie de la prière. La prière est perçue comme un remède. La prière est pour beaucoup un moyen pour résoudre des problèmes (sociaux, économiques, spirituels...). On a recours au prieur de manière circonstancielle, quand on fait face à un problème. Le chrétien va chez le prieur parce qu'il a un besoin. Le besoin l'appelle vers le prieur et non autre chose. On ne prie pas parce qu'on doit prier, mais on est forcé à prier ou demander la prière en dehors d'autre alternative. Le phénomène de l'action de grâce, qui est le fait revenir auprès du prieur avec un don, est de plus en plus développé. Cette pratique constitue une déformation de la prière. Il se pose alors la question de l'exaucement des prières. Souscrire à une telle idée, c'est comme si c'est le prieur qui exauce les prières. Il est nécessaire que ces fausses conceptions soient examinées selon les Saintes Ecritures. La Prière à la Lumière de la Parole de Dieu La prière n'est pas un don encore moins un ministère. C'est une activité spirituelle vivement recommandée par la Parole de Dieu (1 Th 5. 17). Parler de don ou de ministère de la prière, suppose qu'on l'a reçu de Dieu. Or, la Parole de Dieu ne classe pas la prière dans les dons ou les ministères. Cette erreur est à corriger. C'est une conception non biblique. De ce fait, aucun chrétien ne peut se prévaloir de n'avoir pas ou d'avoir un don ou un ministère de la prière, parce que la prière n'en est pas un. On ne peut appliquer à un groupe de personnes l'exclusivité de la prière. Les ordonnances bibliques relatives à la prière sont adressées à tous et à chacun, et non pas à certains en particulier. C'est pourquoi 1 Timothée 2. 8 dit : « Je veux donc que les hommes prient en tout lieu ». Aucun croyant ne doit dire que Dieu ne peut pas écouter ou exaucer sa prière, si tant est qu'il élève vers Dieu « des mains pures, sans colère ni mauvaises pensées » (1 Tm 2. 8). L'exemple d'Elie est là pour nous inciter à prier : « un homme de la même nature que nous : il pria avec insistance pour qu'il ne pleuve point, et il ne tomba point de pluie sur la terre pendant trois ans et six mois » (Jc 5. 17). Et remarquons que dans l'Eglise primitive l'église entière priait. Dans le cas de l'arrestation de Pierre (Ac 12), il est dit que « beaucoup de personnes étaient réunies et priaient » (Ac 12. 12). C'est la responsabilité de tous, donc de chacun en particulier. Il n'y a pas dans la Parole de Dieu de modèle type de prière par lequel le chrétien peut avoir telle ou telle chose. Jésus-Christ nous a laissé un modèle de prière (la prière dominicale de Matthieu 6. 9-13) certes, mais n'en faisons pas une prière incantatoire. Il y a beaucoup de prières dans la Parole de Dieu, mais elles ne doivent pas non plus être transformées en incantations. Nous pouvons nous en inspirer, mais ayons la sagesse de voir le contexte dans lequel chaque prière s'inscrit. La vraie prière du croyant doit être une effusion du coeur devant Dieu. Le chrétien ne doit pas non plus prier selon un prieur ou un prophète. Il doit prier selon la Parole de Dieu. La véritable prière, c'est celle qui prend appui sur la Parole de Dieu. La Parole de Dieu aide à bien prier, à prier efficacement. Il y a un danger lorsque la prière n'est pas équilibrée par la Parole, je dirais même, orientée selon la Parole de Dieu. Il est préférable d'orienter les chrétiens vers des prières fondées sur la Parole de Dieu. La Parole de Dieu et la prière sont inséparables. Les deux vont ensemble. Il faut les distinguer sans les séparer. Voir la prière comme un moyen de pression sur Dieu, c'est perdre de vue le fait que Dieu est souverain. Nous ne pouvons pas forcer la main à Dieu. Certes, Dieu peut nous mettre à l'épreuve pour que notre foi en lui puisse grandir, en nous poussant à nous humilier davantage devant sa face avant de nous répondre. Mais ce n'est pas pour autant que nous aurions forcé la main à Dieu. Il fait ce qu'il veut (Ps 115. 3). Il ne se pliera pas à nos désirs si ceux-ci ne sont pas conformes à sa volonté. Le Cossec disait : « La prière ne dicte pas d'ordre à Dieu, mais elle s'approprie ce que Dieu promet et offre dans sa grâce en Jésus-Christ. »58 Nous ne devons donc pas renverser les priorités de Dieu qui veut d'abord un coeur tout entier à lui. Comme le disait le psalmiste, « fais de l'Eternel tes délices, et il te donnera ce que ton coeur désire » (Ps 37. 4). Et Jésus-Christ disait dans son sermon sur la montagne : « Cherchez premièrement le royaume et la justice de Dieu ; et toutes ces choses vous seront données par-dessus. » (Mt 6. 33) Il est donc clair que la prière ne doit pas être une « simple expression de besoins temporels »59, mais une « recherche de la volonté et de la gloire de Dieu »60. C'est là toute notre responsabilité. La prière n'est pas un remède, une question de circonstance ou de besoin ; c'est une vie toute entière. En la matière, Jésus-Christ constitue un exemple. Il a enseigné « qu'il faut toujours prier, et ne point se relâcher » (Lc 18. 1). Il a non seulement enseigné, mais surtout il a mis en pratique son enseignement. Dans le choix des 12, il est dit que la veille, « Jésus se rendit sur la montagne pour prier, et il passa toute la nuit à prier Dieu. » (Lc 6. 12) La prière était aussi son activité quotidienne (Mt 14. 23 ; Mc 1. 35 ; Lc 5. 16). Il fut aussi un intercesseur. Il a prié pour ses disciples, en particulier pour Pierre réclamé par Satan pour cribler comme le froment (Lc 22. 31) : « j'ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille point » (Lc 22. 32b). 58 C. Le Cossec, La guérison et la santé selon l'Evangile (Rennes : Imprimerie Générale, s.d.), 44. 59 José Martinez, Théologie de la Prière (Valence : Ligue pour la Lecture de la Bible, 1995), 26. 60 Ibid. Face à l'épreuve de la croix, il a non seulement prié (Lc 22. 41-42) mais aussi, il a voulu amener ses disciples à la prière (Lc 22. 40, 46). Même sur la croix, Sa voix retentissait toujours pour pardonner à ses bourreaux (Lc 23. 34). Nous devons remercier. Mais la Parole de Dieu ne nous demande pas de rendre grâce à des hommes. Nous devons rendre grâce à Dieu et à Lui seul (Ep 5. 20), parce que c'est Lui, et non une personne qui répond aux prières. Rendre grâce à des hommes ne peut qu'aboutir à une idolâtrie de la personne. C'est une déviation claire de la Parole de Dieu. Il est vrai que pour avoir été source de bénédictions pour certains, on peut être l'objet de certaines largesses. Mais, il reste que cela ne doit pas être érigé comme une norme à respecter. Le faire, c'est s'attribuer le droit à exaucer les prières. C'est se faire dieu à la place de Dieu. Cela est contraire à la doctrine biblique. Il s'avère important de relever la doctrine du « sacerdoce universel des croyants » réaffirmée par Luther en 1520 dans son ouvrage A la noblesse allemande. Le Sacerdoce Universel des Croyants Nous ne devons plus revenir en arrière comme si nous étions dans l'Ancienne Alliance où une catégorie de personnes (prêtres et sacrificateurs) avaient accès à Dieu et étaient des médiateurs entre Dieu et le peuple. Nous ne devons pas non plus emprunter les pratiques de l'Eglise catholique qui met entre Dieu et les fidèles, des médiateurs. Nous sommes « une race élue, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple acquis » (1 P 2. 9). Dit autrement, « nous avons, au moyen du sang de Jésus, une libre entrée dans le sanctuaire par la route nouvelle et vivante qu'il a inaugurée pour nous au travers du voile, c'est-à-dire de sa chair » (Hé 10. 19-20), Christ étant notre souverain sacrificateur « établi sur la maison de Dieu » (Hé 10. 21). Nous sommes pour Dieu un royaume de sacrificateurs (Ap 5. 10 ; 20. 6). Par ce biais, la Parole de Dieu affirme de manière claire notre libre accès au Père : nous n'avons plus besoin de médiateur sinon Christ et Christ seul : « Car il y a un seul Dieu, et aussi un seul médiateur entre Dieu et les hommes, Jésus-Christ homme, qui s'est donné lui-même en rançon pour tous. » (1 Tm 2. 5-6a) Par Christ donc, nous avons un libre accès au Père. Chaque chrétien peut en vertu de sa position en Christ s'approcher avec assurance du trône de la grâce afin d'obtenir miséricorde et de trouver grâce, pour être secourus dans ses besoins (Hé 4. 16). En tant que prêtres et sacrificateurs, Dieu exige encore de ceux qui désirent s'approcher de lui des conditions. Celles mises en évidence dans Hé 10. 22 sont : le coeur sincère, la plénitude de la foi, les coeurs purifiés d'une mauvaise conscience, et le corps lavé d'une eau pure. Ces qualités sont essentielles pour nous approcher de Dieu, et sont soulignées à plusieurs reprises dans l'Ecriture sainte (Ep 3. 12 ; Hé 11. 6 ; Jc 4. 8). Tout chrétien peut donc s'approcher de Dieu sans intermédiaire ou médiateur. Ce point important de la doctrine chrétienne a été rappelé par Martin Luther dans le cadre de la Réforme protestante, dans un contexte où beaucoup de croyants se confiaient à des médiateurs pour bénéficier des grâces divines. Dans le cadre néotestamentaire, une définition du ministère prophétique s'impose. Le Ministère Prophétique Aujourd'hui Il est nécessaire d'examiner ce qu'est le ministère prophétique aujourd'hui, parce que les prieurs ne se contentent pas seulement d'exercer une activité de prière, ils font également office de prophète. Le paradoxe est que la plupart des églises dont ils sont issus ne reconnaissent pas ce ministère. Pour ce faire, remarquons déjà que dans l'Ecriture, le ministère prophétique n'est pas exclusivement restreint à l'Ancien Testament. Dans le cadre néotestamentaire, « nous pouvons constater à partir de la Pentecôte, non seulement une continuation des interventions de Dieu par la prophétie, mais encore un élargissement de ce ministère »61. Il y a une relation nette entre Pentecôte et prophétie. Malheureusement, en lisant Joël 2. 28-29, on est plus prompt à voir la promesse de l'Esprit que celle de la prophétie. Or, dans la nouvelle économie néotestamentaire, l'exercice des dons prophétiques va au-delà du cadre restrictif de l'Ancien Testament pour se répandre sur toute chair. En principe, notre ère est celle du développement de l'Esprit et de la prophétie. Cela est attesté d'une part par la Parole de Dieu qui relève la prophétie dans les Actes des Apôtres, les épîtres, et d'autre part dans les écrits des Pères de l'Eglise, les réveils ayant jalonnés la vie de l'Eglise, le pentecôtisme et les réveils charismatiques. Cela veut dire qu'on ne peut pas balayer d'un revers de la main le ministère prophétique aujourd'hui. Dans le Nouveau Testament, nous voyons deux moyens d'expression du ministère prophétique dans l'Eglise. Ce sont : le don de prophétie et le ministère de prophète. Dans 1 Corinthiens 12. 8-10, la prophétie est citée comme un don spirituel; la prophétie est donc un charisme. Dans Ep 4. 11, elle est citée au sein d'une liste de fonctions ; la prophétie est donc un ministère. Comme l'a si bien souligné Gloaguen, même si « l'exercice d'un don spirituel est un élément du ministère, (...) le fait de prophétiser, même fréquemment, [ne] confère [pas] automatiquement un ministère de prophète »62. Et 1 Corinthiens 12. 28 établit clairement dans le même verset une distinction entre ministère et don. 61Jacques Gloaguen, Apôtres et Prophètes aujourd'hui (Le Havre et Mont-sur-Lausanne : Foi et Victoire, 1990), 59. 62 Ibid., 66. La différence entre don et ministère ne peut qu'être située au niveau de l'instrument de Dieu, c'est-à-dire, de l'homme. Particulièrement, « le ministère de prophète a son origine dans une oeuvre d'élection de Dieu qui se manifeste concrètement par une plus grande réceptivité, une plus grande maîtrise de soi et une plus grande foi »63. Il est donc opportun pour l'Eglise comme pour les chrétiens de faire la différence entre un don et un ministère, entre un don et un ministère en formation. Pour ce faire, il n'y a pas d'autre alternative que l'écoute, car c'est en écoutant qu'on peut reconnaître le bon violoniste du virtuose. Le ministère prophétique aujourd'hui n'a rien à apporter à la révélation qui est complète. Mais il peut être un outil efficace entre les mains de l'Esprit pour remettre à jour les vérités bibliques dans un contexte d'apostasie. Il est susceptible d'intervenir dans tous les domaines de la vie de l'Eglise sans restriction aucune. La question de la délivrance mérite aussi une attention particulière. Examen Biblique du Ministère de la Délivrance Ayant été arraché par le Seigneur Jésus-Christ du royaume des ténèbres pour accéder au royaume de lumière, le chrétien n'est pas exempté des attaques de l'ennemi, puisque notre adversaire, « le diable, rôde comme un lion rugissant, cherchant qui il dévorera » (1 P 5. 8). C'est pourquoi la Parole de Dieu nous invite à la sobriété et à la vigilance. Ephésiens 6. 12 révèle qui sont nos adversaires spirituels. Et il nous est invité à nous fortifier dans le Seigneur (Ep 6. 10) et à nous revêtir de toutes les armes de Dieu (Ep 6. 11). Cela veut dire qu'il y a un combat spirituel auquel le chrétien est appelé. Malheureusement, il existe de faux enseignements tendant à faire croire que dès que l'on devient chrétien, Satan ne peut plus nous toucher parce que nous sommes entre les mains de Dieu. Je pense que c'est le contraire. Il n'y a pas de plus grande cible, de plus grand ennemi de Satan que le vrai croyant. Mais le combat spirituel auquel le chrétien est engagé appelle l'exercice du discernement spirituel. Ce n'est pas au chrétien de chercher comme les Don Quichotte et les matamores à chasser les démons. Il doit avoir la plénitude de l'Esprit, la sagesse divine et revêtir les armes spirituelles pour avancer sur le chemin de la vie chrétienne. C'est alors qu'il pourra dans le discernement identifier les traits enflammés du Malin, et, lorsqu'il se présentera à lui, il se défendra. Nous ne sommes pas appelés à voir dans toutes choses des manifestations démoniaques, quand il ne s'agit que des problèmes médicaux ou psychologiques. Beaucoup soutiennent que le ministère de la délivrance ne peut être exercé sur des croyants. Je ne veux pas m'engager dans ce débat, mais simplement souligner quelques faits bibliques qui méritent notre réflexion. Comme l'a si bien relevé Henri Viaud-Murat, « le combat spirituel, ce n'est pas de la délivrance, mais il peut y avoir de la délivrance dans un combat spirituel »64. D'abord, le Seigneur Jésus-Christ a exercé un puissant ministère de délivrance. Ce ministère s'est déroulé dans un contexte particulier où il y avait affaire à des enfants d'Israël non à des chrétiens. A la suite de Christ les apôtres ont emboîté le même pas. Le nom de Jésus était le nom par lequel les malades étaient guéris et les démons chassés. Mais est-ce pour autant qu'on puisse prendre cela pour de la délivrance ? 43 Le Seigneur avait dit à ses disciples : « Voici les miracles qui accompagneront ceux qui auront cru : en mon nom, ils chasseront les démons ; ils parleront de nouvelles langues ; ils saisiront des serpents ; s'ils boivent quelque breuvage mortel, il ne leur fera point de mal ; ils imposeront les mains aux malades, et les malades seront guéris. » (Mc 16. 17-18) Les apôtres n'ont vu dans les maladies des possessions démoniaques et ils ne s'adonnaient pas non plus à des séances d'exhibition. Bien au contraire, ceux-ci rassemblaient des foules non pas uniquement pour les guérir ou pour exhiber leur puissance de délivrance, mais ils en avaient senti l'importance pour les malades (cf. Act 3, 6). Ils l'avaient aussi pratiquée pour faire avancer la cause du Royaume inauguré par Jésus lorsque la puissance démoniaque contredisait et dénigrait celle du Christ65. La Parole de Dieu dit de Simon le magicien qu'il a cru au Seigneur et a été baptisé (Ac 8. 13). Il était donc chrétien. Cependant, il a voulu acheter la puissance de la transmission du Saint-Esprit avec de l'argent (Ac 8. 19). La réponse de l'apôtre Pierre montre en fait que Simon n'avait pas un coeur droit : il était « dans un fiel amer et dans les liens de l'iniquité » (Ac 8. 23) qui ne sont rien d'autre - je pense - que des liens démoniaques. Face à ce cas pratique, la méthode de Pierre pour le faire sortir de cette situation a été la suivante : la repentance et la prière (Ac 8. 22). Dit autrement, Simon avait besoin de la révélation de la Parole de Dieu dans son intelligence. Il avait besoin de la délivrance certainement. Mais cette délivrance ne consistait pas à chasser des démons, mais à recevoir la vérité de Dieu dans son esprit : « vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous affranchira » (Jn 8. 32). C'est là la plus grande délivrance, la délivrance de l'esclavage du péché. C'est celle dont a besoin un bon nombre de prétendus chrétiens. 65 Jean Masamba Ma Mpolo, Le Saint-Esprit interroge les esprits (Yaoundé : Editions CLE, 2002), 129. 44 Ce ne sont pas les séances de délivrances qui libèrent, mais c'est la vérité, la Parole de Dieu qui libère. Si nous entrions dans cette logique qui consiste à chasser des démons, des démons seront effectivement chassés. Mais les problèmes de ces personnes ne seront résolus que momentanément ou superficiellement. Tant que la vérité de Dieu n'a pas pénétré dans les coeurs, les démons qui ont été chassés reviendront en plus grand nombre (Mt 12. 43-45). La Parole de Dieu est puissante pour libérer des liens. A Ephèse, la vérité de la Parole de Dieu a fait qu' « un certain nombre de ceux qui avaient exercé les arts magiques, ayant apporté leurs livres, les brûlèrent devant tout le monde » (Ac 19. 19). Mais avant de faire cet acte public, ils ont d'abord cru, puis ont confessé et enfin, ont déclaré ce qu'ils avaient fait. La solution biblique est qu' il faut un travail d'enseignement de la parole de Dieu, (...) de prière pour que la vérité pénètre et quand la vérité a pénétré dans un coeur qui la reçoit et qui croit, à ce moment là, elle a une puissance de vie et de libération qui ne permet pas à Satan de s'accrocher66. Ce modèle biblique de la délivrance est exigeant. Et la délivrance telle qu'elle est conçue aujourd'hui est une activité très facile et non exigeante, et beaucoup de prieurs s'en donnent à coeur joie. En effet, Il est plus facile de se soumettre à une séance de «délivrance» de prétendus démons que de reconnaître son propre péché, de le confesser, de le condamner et de le rejeter. Très souvent, on rejette la responsabilité du péché ou d'un mauvais comportement sur des démons immanents à soi ou sur des ancêtres, ce qui rend plus difficile, voire impossible, la repentance spirituelle. 67 Ce que la Parole de Dieu enseigne est aux antipodes des pratiques qui ont cours dans les séances de délivrance. Jésus-Christ a refusé de recevoir l'attestation des démons. 66 Henri Viaud-Murat, «Comment être délivré des oppressions démoniaques», Source de vie, [en ligne]. http://www.sourcedevie.com/22, 15/07/2006. 67 Wolfgang Bühne, La troisième vague...le plus grand Réveil de l'Histoire de l'Eglise ? (Bilefeld : Editions Christlische Literatur-Verbreitung, 1992), 157-158. En effet, dans sa pratique pastorale, « lors des exorcismes, Jésus n'emploie pas de formules liturgiques ou magiques. Il donne simplement un ordre péremptoire à l'esprit, le menaçant au besoin »68. Aussi nous pouvons remarquer que malgré la reconnaissance de Jésus par les démons, il a refusé de s'engager dans des échanges avec eux ou de recevoir leur attestation comme dans Marc 1. 24-25 ou Luc 4. 34-35. Et l'apôtre Paul, face à la déclaration de la femme animée d'un esprit de Python, a dit : « Je t'ordonne, au nom de Jésus-Christ, de sortir d'elle. » (Ac 16. 17) Remarquons que dans la Parole de Dieu, nous ne voyons pas de serviteurs de Dieu qui aient passé leur temps à échanger avec des démons ! Gardons-nous de nous faire des illusions. Nous ne sommes pas tout-puissants devant le diable. C'est le Seigneur qui l'est. La Parole de Dieu établit clairement que « nous n'avons pas à lutter contre la chair et le sang, mais contre les autorités, contre les princes de ce monde de ténèbres, contre les esprits méchants dans les lieux célestes » (Ep 6. 12). Cela ne fait pas que le diable va se soumettre à nous. Nous ne devons pas injurier les gloires (Jude 8). L'archange Michel en contestation avec le diable n'osa lui porter de jugement injurieux (Jude 9). En fait, chaque croyant doit savoir que le combat spirituel est une réalité. Tout dépend en fait de comment la vie spirituelle est vécue. L'ennemi cherche des portes d'entrée pour avoir les chrétiens. Ephésiens 4. 26 nous invite à ne pas donner accès au diable. Il appartient à tout un chacun de ne pas prêter le flanc, et de savoir que « le Seigneur c'est l'Esprit ; et là où est l'Esprit du Seigneur, là est la liberté » (2 Co 3. 17). Dit autrement, la liberté que Christ nous confère devrait nous oblige à nous offrir à Christ nos membres comme des instruments de justice (Rm 6. 13b), ce qui est synonyme d'obéissance et de fidélité à Christ. 68 Jean Masamba Ma Mpolo, Le Saint-Esprit interroge les esprits (Yaoundé : Editions CLE, 2002), 128. La question du ministère de la délivrance soulève à mon avis une autre question, celle de l'authenticité de la nouvelle naissance chez bon nombre de personnes qui fréquentent nos églises. Malheureusement, la vie menée par certains chrétiens ne témoigne pas d'une nouveauté de vie. Dans un tel contexte, je pense qu'il n'est pas étonnant que des gens qu'on croit être chrétiens aient des liens démoniaques. La Parole de Dieu souligne en plus que ce qui est gratuitement reçu doit être gratuitement donné. Vous Avez Reçu Gratuitement, Donnez Gratuitement Les pratiques de certains prieurs relatives à leurs motivations économiques peuvent être assimilées à un commerce des biens spirituels. Elles remettent en question la grâce imméritée manifestée par Christ. En effet, nous sommes sauvés par grâce. Par nature, la grâce ne peut faire l'objet d'un usage commercial. En effet, c'est se livrer à un commerce éhonté que de s'adonner à la vente des biens symboliques, notamment, les biens spirituels. La bénédiction de Dieu, ses miracles et ses guérisons ne sont pas des biens spirituels monnayables à merci. Le péché de Guéhazi appelle aujourd'hui à faire preuve de discernement (2 R 5. 16, 26-27). L'exercice des dons spirituels est pour l'édification du corps de Christ, et non pour satisfaire à des intérêts personnels. Jésus-Christ en envoyant ses disciples en mission leur avait dit : « Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement. » (Mt 10. 8b). Il est important de relever que cette déclaration faisait suite à une invitation aux disciples à l'exercice des dons de puissance : « Guérissez les malades, ressuscitez les morts, purifiez les lépreux, chassez les démons. » (Mt 10. 8b) Soulignons que dans son essence, le mot «don» est évocateur. Le mot grec utilisé par l'apôtre Paul est «charisma». « Un charisma est un don fait par charis, c.- à-d. par grâce (...). [C'est] tout ce que l'on avait reçu gratuitement. »69 Il s'agit donc d'une manifestation grandiloquente de la grâce de Dieu à l'égard de son Eglise. Les dons sont en effet des charismes, des grâces ; donc chaque manifestation est une grâce particulière. Les dons ne sont pas des capacités que l'on peut utiliser à volonté. Ils diffèrent donc en cela des manifestations spirites de sorcellerie ou démoniaques, car le diable a tout intérêt à contrefaire Dieu en faisant passer ses miracles (ceux du diable) pour des miracles de Dieu. Les faveurs de Dieu ne peuvent s'acheter. Simon le magicien, voulant acquérir l'Esprit ou le pouvoir de communiquer l'Esprit à prix d'argent, a été maudit : « Que ton argent aille à la perdition avec toi, puisque tu as pensé acquérir le don de Dieu à prix d'argent » (Ac 8. 20). C'est de qui a donné naissance au mot simonie définie comme une « volonté réfléchie d'acheter ou vendre à prix temporel une chose spirituelle (ou assimilable à une chose spirituelle). »70 A la lumière de ce qui précède, il convient de proposer des solutions afin d'atténuer les effets négatifs de ce phénomène au niveau des différents acteurs en question. Pour ce faire, mes propositions sont les suivantes. |
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