CHAPITRE II
DEVELOPPEMENT
Les Racines du Phénomène
Notre sujet d'étude a des racines profondes que nous
pouvons situer dans le montanisme, au niveau du mouvement pentecôtiste et
ses interprétations en Afrique et au Burkina Faso. Examinons-les.
Le Montanisme
Le phénomène de personnes « qui se disent
inspirés n'est pas une nouveauté »1. Le
développement des communautés de prieurs pourrait trouver racines
dans un mouvement qui avait des manifestations analogues : le montanisme. Au
cours du deuxième siècle, un certain Montanus s'était
arrogé le titre de Paraclet. Les montanistes se vantaient de leurs
prophéties et visions. Le Mouvement a connu une grande ampleur et a
été surtout discrédité par ses excès.
Certaines de leurs pratiques ne sont pas loin de celles qui ont cours
aujourd'hui si on se réfère à Bénédict
Pictet qui notait :
Montanus et Priscille et Maximille, les deux femmes qui
l'accompagnaient,
tombaient dans des extases et paraissaient hors
d'eux-mêmes. Parmi leurs rêveries, ils prédisaient qu'il ne
se lèverait plus de prophète après eux. Ils
dépouillaient les êtres crédules de leur argent, de leurs
objets précieux et vêtements de qualité.2
1 Bénédict Pictet, Lettre sur ceux
qui se croient inspirés (Chalon-sur-Saône : Europresse,
1993),
26.
2 Ibid., 27.
En deuxième point, voyons les mouvements
pentecôtistes.
Les Mouvements Pentecôtistes
Le mouvement du Saint-Esprit qui a commencé à se
manifester aux débuts des années 1900 aux Etats-Unis, à
Azuza Street, est analysé par plusieurs auteurs sous forme de vagues. La
première vague est celle du mouvement de Pentecôte en 1910
à Azuza Street, avec le parler en langue comme signe initial du
baptême dans le Saint-Esprit. Il a donné naissance à des
églises pentecôtistes. La deuxième vague a eu lieu au cours
des années 1960 au sein des églises protestantes libres et des
églises catholiques. Ces églises ont fait l'expérience du
baptême dans le Saint-Esprit. Ce mouvement est connu sous l'appellation
«Mouvement charismatique» : « Le mouvement charismatique
avait pour but, non de former de nouvelles églises charismatiques, mais
de répandre les expériences charismatiques dans toutes les
églises officielles et libres existantes. »3 La
troisième vague est celle de l'évangélisation de puissance
avec Peter Wagner et John Wimber. Elle a concerné les fondamentalistes
et les évangéliques conservateurs. Les idées
théologiques développées par les tenants de cette vague
ont beaucoup influencé les africains. Examinons-en quelques unes.
Ils affirment que deux sources de révélation sont
valables : la Bible et l'expérience chrétienne. Selon John Wimber
par exemple :
Dieu utilise donc nos expériences pour mieux nous faire
comprendre ce qu'il
nous enseigne dans la Bible. Et souvent il nous amène, par
l'expérience, à rejeter par-dessus bord ou à modifier
certains aspects de notre théologie ou de notre vision du
monde.4
3 Wolfgang Bühne, La troisième
vague...le plus grand Réveil de l'Histoire de l'Eglise ? (Bielefeld
: Editions Christlische Literatur-Verbreitung, 1992), 14.
4 John Wimber et K. Springer, Die Dritte Welle
(Hochheim : Projektion J., 1998), 93, cité dans Wolfgang, Bühne,
La troisième vague...le plus grand Réveil de l'Histoire de
l'Eglise ? (Bielefeld : Editions Christlische Literatur-Verbreitung,
1992), 28.
10 Il faut selon eux communier avec Jésus pour recevoir
des révélations. Ils pratiquent des séances de
guérison et d'exorcisme au cours de leurs réunions, et
adhèrent à une évangélisation de puissance
définie comme une
évangélisation qui est
précédée et sous-tendue par des manifestations
surnaturelles de la présence de Dieu...Cela se fait le plus souvent au
travers des
paroles de connaissance...de guérisons, des
prophéties ou de délivrances d'esprits mauvais. Dans
l'évangélisation de puissance, la résistance à
l'évangile est vaincue par la démonstration de la puissance de
Dieu au travers d'événements surnaturels.5
Ils développent une certaine théologie sur le
ministère de la guérison et de la délivrance. La
guérison est perçue comme un ministère au même titre
que l'évangélisation : « Oui, les chrétiens sont
appelés à guérir les malades de la même façon
qu'ils sont appelés à évangéliser
»6. Et la guérison est un puissant outil
d'évangélisation. Pour eux, la guérison est un facteur qui
favorise l'évangélisation ; « elle est un
«promoteur de l'évangile» »7.Quant
à la délivrance, elle est perçue comme une lutte contre
les démons, chose aussi naturelle que l'opposition entre le royaume de
Dieu et celui de Satan. Wimber, tout en affirmant « son devoir de
chasser les démons qui ont élu domicile chez des chrétiens
et des non - chrétiens »8 définit trois nivaux de
délivrance : l'auto - délivrance, la délivrance
fraternelle et la délivrance pastorale.
5 John Wimber et K. Springer,
Allez...évangélisez (Rouen : Ménor, 1989), 47-48,
cité dans Wolfgang Bühne, La troisième vague...le plus
grand Réveil de l'Histoire de l'Eglise ? (Bielefeld : Editions
Christlische Literatur-Verbreitung, 1992), 31.
6 John Wimber et K. Springer,
Allez...guérissez (Rouen : Ménor, 1989), 64, cité
dans Wolfgang Bühne, La troisième vague...le plus grand
Réveil de l'Histoire de l'Eglise ? (Bielefeld : Editions
Christlische Literatur-Verbreitung, 1992), 34.
7 Ibid., 59.
8 Wolfgang Bühne, La troisième
vague...le plus grand Réveil de l'Histoire de l'Eglise ? (Bielefeld
: Editions Christlische Literatur-Verbreitung, 1992), 44.
La théologie développée par Paul Yonghi Cho
n'a pas été sans conséquence sur le pentecôtisme
africain. Elle a particulièrement insisté sur les idées
suivantes :
- La pensée, la motivation et le succès avec un
accent sur l'évangile de la prospérité; - la visualisation
(rêves et visions) et la quatrième dimension ;
- le pouvoir créateur de la parole exprimée :
« Revendiquez et parlez le langage de l'assurance car vos paroles sont
appelées à créer. Dieu a parlé, et le monde entier
a été créé. Votre parole est la matière dont
l'Esprit se sert pour créer. »9 Ces
différentes expressions du pentecôtisme bien qu'elles ne soient
pas totalement bibliques ont eu des accents particuliers en Afrique.
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