I. PREMIERE PARTIE :
II. La compréhension du
phénomène de la piraterie des logiciels
L'organisation de la lutte contre la piraterie des
logiciels passe tout d'abord par une bonne compréhension des
différents concepts liés à la notion de piraterie, ainsi
que la maitrise des conditions environnementales qui entourent le processus
d'importation et de distribution des logiciels au Cameroun. C'est dans cette
optique que s'inscrit cette première partie. Pour ce faire, nous l'avons
répartie en deux chapitres :
Le premier chapitre intitulé « Le concept
de la piraterie des logiciels et la mise en évidence de sa pratique au
sein de l'entreprise» se penche tout d'abord sur les
différentes notions liées à la compréhension du
concept de la piraterie des logiciels, puis s'attarde sur les implications de
cette pratique au sein de l'entreprise, ceci à travers la mise en
évidence des différentes formes de piraterie des logiciels
informatiques.
Le second chapitre, intitulé « Hiperdist
dans le marché camerounais du logiciel informatique »,
présente dans sa première section, les facteurs
macro-environnementaux qui influencent l'importation et la distribution des
logiciels au Cameroun, et qui nous permettront plus tard de comprendre
certaines causes du phénomène de la piraterie, alors que la
seconde section s'attarde sur la présentation de Hiperdist Cameroun S.A
et celle de son microenvironnement, avec insistance sur les grands acteurs du
marché et les cinq forces concurrentielles telles que
présentées par Michael Porter.
Chapitre 1 : Le concept de la piraterie des
logiciels et la mise en évidence de sa pratique au sein de
l'entreprise
Ce premier chapitre nous permet de bien cerner les contours du
problème de la piraterie, en analysant en profondeur l'approche
conceptuelle du phénomène au sein des entreprises. Il aborde
ainsi dans sa première section, le concept de la piraterie et ses
implications sur l'entreprise, avant de mettre en évidence dans la
seconde section, les différentes formes des pratiques de piraterie des
logiciels informatiques.
1. Section 1 : Le concept de la piraterie et ses
implications sur l'entreprise
Dans cette section, nous allons nous attarder sur le
développement de certains concepts de base jugés pertinents pour
la compréhension du phénomène de la piraterie, avant de
mesurer l'ampleur de sa pratique dans notre pays, puis de dégager ses
implications sur l'entreprise.
1. Quelques notions fondamentales
a) La notion de logiciel
Avec la vulgarisation des Technologies de l'Information et de
la Communication (TIC), les individus et les organisations utilisent de plus en
plus l'outil informatique dans la gestion quotidienne de leurs
activités. Le fonctionnement de ces technologies requiert l'acquisition
d'ordinateurs, ensemble constitué de deux parties principales et
indissociables : Le matériel ou hardware, et le logiciel ou
software.
Un logiciel se définit comme étant un programme
ou un groupe de programmes destinés à exécuter une
tâche précise. On entend par programme, un ensemble d'instructions
séquentielles, logiques et chronologiques, qui prend des données
en entrée, les traite et affiche des résultats en sortie. Le
logiciel représente la partie logique et non tangible d'un
système informatique ; il s'appuie sur le matériel pour
s'exécuter ; cependant le logiciel est aussi indispensable au
fonctionnement d'un ordinateur que le matériel lui-même. On dit
souvent que sans le logiciel, le matériel n'est qu'un amas de ferrailles
inutile. Les logiciels sont développés soient par des maisons
d'éditions spécialisées qui mettent sur pied des produits
destinés à la grande commercialisation (on parle donc de
progiciel ou produit logiciel), soient par des développeurs
spécifiques qui conçoivent des solutions destinées
à des organisations particulières (on parle de logiciel ou
solution sur mesure).
b) La notion de licence
L'utilisation d'un logiciel requiert une autorisation de son
concepteur ; cette autorisation est encore appelée licence.
Lorsqu'un éditeur vend un logiciel, il ne vend pas un produit, mais le
droit de l'utiliser.
Ainsi, une licence peut être définie comme un
document contractuel à travers lequel un éditeur de logiciel
concède un droit d'installation et d'utilisation d'un ou plusieurs de
ses produits à un particulier ou à une organisation. Ce contrat
précise la nature du logiciel, le nombre de postes sur lesquels il peut
être installé et détaille l'étendue des droits
concédés ainsi que la durée de cette cession.
Chez
Microsoft par exemple, ces informations sont contenues dans le Contrat de
Licence Utilisateur Final (CLUF). En effet, Le CLUF autorise une personne
à utiliser le logiciel et définit quels sont ses droits. En
installant, en copiant ou en utilisant un logiciel Microsoft, l'acheteur
reconnaît être d'accord avec les termes du CLUF. Le Contrat de
Licence Utilisateur Final fournit deux types de renseignements importants :
- Le nombre de licences qu'il octroie : Cette
information figure généralement sur la première page du
CLUF. Il s'agit du nombre d'ordinateurs sur lesquels il est possible de faire
fonctionner ce produit. En aucun cas, il ne doit être fait plus
d'installations que le nombre qui y est mentionné.
- Les termes du contrat pour l'utilisation du
produit : Il s'agit des règles à respecter, notamment
en ce qui concerne l'installation, la copie ou l'utilisation du logiciel. Un
droit qui n'est pas expressément indiqué dans les termes du CLUF
est interdit. Si un utilisateur n'est pas d'accord avec les termes de ce
contrat, il doit retourner le produit logiciel à l'endroit où il
a été acheté afin d'en obtenir le remboursement
intégral.
En cas de cession d'un logiciel, le contrat de licence est
transféré au nouvel acquéreur. L'ancien
propriétaire perd ainsi tout droit d'utilisation, et ne peut pas
conserver légitimement de copie du logiciel cédé.
c) La notion de piraterie
logicielle
Le piratage des logiciels se défini comme
l'installation et l'utilisation d'un logiciel sans licence. Aux termes de la
loi Camerounaise, une oeuvre est dite piratée lorsqu'elle n'est pas
originale. En effet, la loi Numéro 2000/011 du 19 décembre 2000
relative aux droits d'auteurs et aux droits voisins, présente en son
article 2, une oeuvre originale comme « une oeuvre qui, dans ses
éléments caractéristiques, se distingue des oeuvres
antérieures »
La loi française est plus explicite dans sa
définition du concept de piraterie logicielle, lorsqu'elle
déclare dans son Article L.122, Alinéa 4, que « le
délit de piraterie de logiciel est contacté lorsqu'une personne
ou une organisation effectue sans autorisation la copie, la reproduction,
l'utilisation ou la fabrication de produits logiciels protégés
par les lois régissant les droits de la Propriété
Intellectuelle. » Au vu de la loi, le piratage de logiciels
peut donc être perçu comme étant toute infraction aux lois
régissant les droits de la propriété intellectuelle
(droits d'auteur).
Plus loin dans nos recherches, nous reviendrons en profondeur
sur les différents niveaux de piraterie au sein de l'entreprise.
2. Rappel historique du phénomène de la
piraterie
La piraterie est un fléau qui n'est pas nouveau ;
elle existe depuis que les moyens de reproduction ont été rendus
publics (reproduction des vidéocassettes dans les années 1980
avec l'apparition des magnétoscopes). Ces produits piratés
étaient commercialisées assez artisanalement auprès du
grand public mais celui-ci pouvait aisément les identifier comme
telles.
Avec l'explosion de la technologie numérique dans
les années 90, on est passé à des reproductions plus
nettes et de très bonnes qualités, mais aussi plus rapide
grâce à la vulgarisation des graveurs de CD et DVD, et surtout
moins chères. La disquette qui était le support de sauvegarde par
excellence a été progressivement remplacée par des outils
plus fiables et pouvant prendre de grands volumes d'information comme les
CD-ROM, les DVD et les clés USB. Nous sommes alors passés
à une reproduction qui ressemblait plus à un clone qu'à
une copie.
L'avènement d'Internet, réseau mondialement
ouvert, a permis une plus grande inter-connectivité des personnes
à travers le monde, ce qui a fait favorisé la diffusion
très rapide des produits contrefait. On est alors passé d'une
contrefaçon jugulable à une contrefaçon massive. Ceci est
allé tellement vite qu'en moins de dix ans, l'industrie des oeuvres de
l'esprit est sur le point de vaciller à cause de la piraterie.
3. Le cas des produits Microsoft
D'après les différents classements de la
Business Software alliance, syndicat mondial des éditeurs de logiciels,
Microsoft est de loin le leader mondial des éditeurs de logiciels sur
les cinq dernières années, avec environ 33% de part de
marché en 2008 (suivi d'IBM qui ne détiendrait que 13%). Au
Cameroun, le bureau Microsoft local déclare détenir les 80% de
part de marché. De ces chiffres, nous pouvons déduire que les
produits Microsoft sont également les plus piratés. Par ailleurs,
Microsoft à une forte présence locale, avec des bureaux à
Douala, quartier Bonapriso, Rue Njo Njo et une équipe constituée
de dix personnes. De plus, le site partenaires Microsoft
(https://partner.microsoft.com/france) est une véritable
bibliothèque virtuelle, avec des informations sur l'entreprise, sur ses
produits, ses stratégies, ses différents marchés, etc.
C'est au vu de toutes ces raisons que nous ferons insistance sur le cas
Microsoft tout au long de notre étude.
4. L'ampleur de la piraterie des logiciels au
Cameroun
La réduction des frais de douane sur le matériel
informatique en 2001 au Cameroun a accéléré
l'équipement des ménages et des organisations en
micro-ordinateurs. Cependant, les logiciels, indispensables au fonctionnement
de ces machines n'ont pas suivi la même progression. D'après le
classement de la Business Software Alliance publié en 2009, le taux de
piratage au Cameroun serait de 83% environ, chiffre qui place notre pays au
dix-neuvième rang mondial, et en quatrième position en Afrique
après le Zimbabwe, la Lybie et l'Algérie en termes de piraterie
logiciel. Le tableau ci-dessous présente d'une part les vingt-cinq pays
ayant les taux de piraterie les plus élevés dans le monde, et
ceux ayant les taux les plus bas.
Source: SIxTH annUaL bSa-IDC gLobaL SoFTWaRE
PIRaCy STUDy, May 2009
Figure N° 3 : Classification du taux de
piraterie logicielle par pays en 2008
Il faut cependant noter une très légère
progression du Cameroun par rapport aux années antérieures. En
effet, à travers le tableau ci-dessous, nous pouvons constater que
depuis l'année 2004, le taux de piraterie logicielle au Cameron
était resté constant à 84%, mais est passé
à 83% cette année, soit une baisse de 1%. D'ailleurs, Business
Software Alliance remarque qu'au niveau mondial, plus de la moitié des
110 pays étudiés ont vu leur taux de piratage chuter et seulement
15 % d'entre eux ont constaté une augmentation.
« Les résultats de cette année
démontrent que notre action commence à porter ses fruits, mais
que nous avons encore fort à faire au Cameroun pour réduire
davantage le piratage de logiciels », déclare Laurent TETANG,
Responsable OEM Microsoft Afrique Centrale.
Source: SIxTH annUaL bSa-IDC gLobaL SoFTWaRE
PIRaCy STUDy, May 2009
Figure N° 4 : Classification du taux de
piraterie logicielle par pays depuis 2004
Ce fort taux de piratage de logiciels dans notre pays a des
implications majeures dans l'emploi, les recettes fiscales et le produit
intérieur brut d'un Etat. Ceci signifie que la passivité de
l'Etat face à la lutte contre le piratage de logiciels, entraine des
conséquences tangibles pour les pouvoirs publics et l'économie
nationale, avec des pertes au niveau des recettes fiscales, des pertes
d'opportunités d'emplois, la détérioration du climat des
affaires, et la perte de l'apport économique et financier provenant du
secteur de l'informatique.
5. Les implications de la piraterie sur les entreprises
Toutes les études réalisées
auprès des clients d'éditeurs de logiciels démontrent que
les risques liés à l'utilisation de logiciels copiés ou
sans licences valides sont souvent méconnus. Pourtant, ils sont
réels et peuvent mettre en difficulté la bonne marche de
l'entreprise. Ces risques sont de plusieurs ordres, notamment technologiques,
légaux, d'image et financiers.
a) Les implications d'ordre
technologique
Utiliser un logiciel contrefait peut mettre en danger tout un
système d'information. Il peut en effet présenter des failles de
sécurité et/ou contenir du code « malveillant »
nuisibles pour les ordinateurs. Cela favorise également l'introduction
de virus conduisant le plus souvent à compromettre les données
personnelles ou à l'arrêt des machines du système.
Par ailleurs, copier un logiciel prive l'entreprise du
support technique des éditeurs et des nombreux avantages qui sont
offerts à l'acquisition d'une copie originale (mises à jour
régulières, formations sur site, documentation diverse, etc.) En
2007, Microsoft a publié une étude relative aux différents
risques associés aux produits contrefaits. Cette analyse, conduite sur
la base de produits contrefaits acquis dans 17 pays, fait apparaître que
43 % des produits téléchargés sur internet contenaient un
virus connu.
D'après une étude IDC, 25% des sites Internet
qui offrent des logiciels contrefaits ou piratés ont également
tenté d'installer des logiciels espions ou des chevaux de Troie qui
peuvent compromettre sérieusement les systèmes d'information. IDC
le confirme bien à travers le graphique ci-dessous :
Figure N° 5 : Taux de risques liés
aux téléchargements illicites sur Internet
b) Les implications d'ordre légal
Le piratage informatique est une infraction à la loi
camerounaise régissant les droits d'auteurs et droits voisins. Il s'agit
donc d'une faute grave qui peut être jugée au civil par un
tribunal de commerce, où des dommages et intérêts peuvent
être réclamés. Il peut également être
jugé au pénal, où des amendes et des peines de prison
peuvent être prononcées.
c) Les implications liées à l'image de
l'entreprise
L'utilisation de logiciels piratés peut nuire à
la renommée d'une entreprise. En effet, autant les collaborateurs en
interne que les clients et fournisseurs peuvent y voir un manque de
sérieux, de professionnalisme, ou une faille de gestion.
d) Les implications d'ordre
financier
Les implications financières peuvent être de
plusieurs ordres au sein d'une organisation victime de piraterie.
Premièrement, le risque financier lié aux dommages et
intérêts pouvant être réclamés par les
éditeurs peut mettre l'entreprise en difficulté. En effet, la loi
Camerounaise régissant les droits d'auteurs, prévoit en son
article 82, une « peine d'emprisonnement de cinq (5) ans à
dix (10) ans et une amende de 500 000 à 10 000 000 de Francs
CFA ».
Par ailleurs, une étude du Yankee Group a
révélé que : «Lorsque des problèmes se
posent avec des logiciels piratés, les administrateurs informatiques ont
besoin habituellement de 20% à 30% de temps et de main d'oeuvre
supplémentaires pour les identifier et les
résoudre ». De plus, il faut prendre en
considération le risque financier dû à l'arrêt du
système d'information ou à la perte et au vol de données
qui peut représenter un coût non négligeable.
D'après Business Software Alliance, (BSA Repport, 2007), ce coût
est parfois supérieur aux dommages et intérêts
réclamés par un tribunal. L'étude de l'IDC déclare
que le coût estimé de restauration d'une machine infectée
du fait de l'installation des logiciels espions provenant des
téléchargements illicites peut être évalué
à plus de 700€ par machine. A travers le schéma ci-dessous,
IDC démontre ce coût par incident de sécurité. La
valeur de ces coûts confirme l'ampleur du danger que représente
l'utilisation de logiciels piratés.
Figure N° 6 : Proportions de Coûts
par incidents de sécurité
En définitive, l'éclairage sur un certain nombre
de concepts de base, notamment sur les notions de logiciel, de licence et de
piraterie, constitue un apport clé qui nous permet de mieux
appréhender la terminologie régulièrement utilisée,
mais aussi de bien cerner les contours de la pratique de la piraterie des
logiciels au sein des entreprises. De plus, la mesure de l'ampleur du
phénomène de la piraterie dans notre environnement, attire notre
attention sur la gravité de cette pratique, et constitue un avantage
substantiel en ce sens qu'elle nous permet de dégager ses implications
sur les entreprises qui pratiquent la piraterie des logiciels.
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