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Analyse critique de la loi électorale du 09 mars 2006,Congo : conditions d'éligibilités et modes de scrutin

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par François BAHININWA MAKYAMBE
Université Officielle de Bukavu - Licence de droit 2006
  

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CHAPITRE DEUXIEME : LES CONDITIONS D'ELIGIBILITE

Pour être élu à n'importe quel poste, les candidats doivent remplir un certain nombre des conditions, lesquelles conditions sont fixées par la loi électorale. Les conditions d'éligibilité sont indissociables avec le cas ou mieux les conditions d'inéligibilité qui, également sont fixées par la même loi.

En République Démocratique du Congo, ces conditions sont, pour l'élection du Président de la République et les élections des députés nationaux et des sénateurs fixées d'une part par la constitution en ses articles 72,102 et 106 et d'autres part pour les autres élections par la loi N° 06/006 du 09 mars 2006 dite encore la loi électorale.

Outre les conditions communes à toutes les élections prévues à l'article 9 de la loi électorale : être de nationalité congolaise, avoir l'âge requis à la date de clôture de dépôt de candidature, jouir de la plénitude de ses droits civils et politiques, ne pas se trouver dans un des cas d'exclusion prévus par la présente loi, avoir la qualité d'électeur ou se faire identifier et enrôler lors du dépôt de sa candidature, il est également prévu des conditions spécifiques à chaque élection. Ainsi par exemple, pour l'élection du Président de la République, outre les conditions communes à toutes les élections ci-haut citées, le candidat doit également remplir les conditions spécifiques fixées à l'article 103 de la loi électorale, conditions qui sont conformes à celles prévues à l'article 72 de la constitution.

En effet, l'élaboration autant de la constitution que de la loi électorale ayant été entourée par des suspicions des uns vis-à-vis des autres, personne ne voulait offrir à l'autre le pouvoir sur un plateau d'or. Ainsi, le spectre de se voir disqualifié ou écarté de la course avant les élections au moyen des artifices juridiques a amené le parlement de transition à lever certaines options qui relèvent plus du souci de pérenniser la logique des composantes et entités en lieu et place de l'obligation d'assurer une véritable démocratie représentative. Ainsi, pouvait-on entendre certains parlementaires exiger avec acharnement l'élagage dans la loi des certaines conditions d'éligibilité aux fonctions exécutives de la condition d'études faites en échange de retrait par les autres de la condition de résidence sans interruption au pays pendant un laps de temps déterminé (6(*)).

Ainsi, au lieu que les débats sur les conditions d'éligibilité aux différents postes soient impersonnels, les débats se sont plutôt personnalisés au tour de tel ou tel autre potentiel candidat.

C'est ainsi que la peur de voir les anciens belligérants et autres personnalités politiques être tentés par l'entreprise de reprise des armes en cas d'une exclusion juridique avant les élections certaines options relatives aux conditions d'éligibilité ont été prises

Ainsi, dans ce 2e chapitre, il sera question d'analyser certaines conditions d'éligibilité et d'inéligibilité qui ont suscité un débat houleux à l'Assemblée nationale et au sénat de la transition lors de l'adoption de la loi électorale. C'est notamment la question ou mieux la condition d'âge du candidat président de la République, le critère de niveau d'étude, la question de vote des militaires et la question de la caution non remboursable.

SECTION 1 : LA CONDITION D'AGE

L'une des questions ayant posé problème lors de l'adoption aussi bien de la constitution que de la loi électorale est la question d'âge des candidats non seulement du président de la République, mais aussi de tous les candidats aux différents postes.

En effet, en application et en conformité avec l'article 72 de la constitution, l'article 103 de la loi électorale a fixé l'âge du candidat président de la République à 30 ans au moins.

Quant aux autres postes électifs, l'âge des candidats a été respectivement fixé à 30 ans pour les sénateurs, 25ans pour les candidats députés nationaux et les députés Provinciaux, 18 ans pour les candidats Gouverneurs et vice gouverneurs, conseillers urbains, maires et maires adjoints, conseillers municipaux, bourgmestres et Bourgmestres adjoints, conseillers de secteur et de chefferie et chefs de secteur et chefs de secteur adjoint.

L'âge de 30 ans pour le candidat Président de la République et 18 ans pour les candidats Gouverneurs et vice gouverneurs a été justifié par le souci du rajeunissement de l'élite dirigeante par la réduction de l'âge du candidat président de la République. Cette option a été motivée par le fait que la majorité des congolais sont constitués des personnes dont l'âge minimum se situe dans la tranche de 30 à 40 ans et que l'espérance de vie pour un congolais moyen se situerait entre 45 et 50 ans (7(*)).

Les partisans de cette option appuyaient leur position en recourant au droit comparé des pays aussi bien dits de vieille démocratie comme particulièrement la France où l'âge des candidats président de la République est fixé à 23 ans ; mais aussi des pays de démocratie émergente comme :

v Le Burkina Faso : où l'article 106 du code électoral dispose que tout candidat aux fonctions du Président de Faso doit être Burkinabé de naissance et né des parents eux-mêmes Burkinabé et être âgé de 35 ans révolus à la date du dépôt de candidature

v Le Burundi : où l'article 186 du code électoral dispose que le candidat aux fonctions du Président de la République doit :

- Avoir la qualité d'électeur dans les conditions précisées aux articles 4 et 10 du présent code

- Etre de nationalité Burundaise de naissance

- Etre âgé de 35 ans révolus au moment des élections [...]

Par ailleurs ils estimaient que le critère d'âge du chef de l'Etat est de trop dans la mesure où il est très subjectif. L'expérience ne s'acquiert pas à la longueur de temps vécu sur la terre mais en profondeur. On ne peut donc pas situer l'expérience à partir de 40 ans,( en référence à l'avant projet de constitution qui avait fixé l'âge de candidat président de la République à 45 ans) comme y tiennent mordicus certaines personnes (8(*)). « Il revient à tous les jeunes de se mobiliser pour barrer la route à tous ceux qui croient à tort que la jeunesse est présomption d'inexpérience. On ne peut d'une part parler du renouvellement de la classe politique et d'autre part exclure ceux qui ont encore l'énergie et la capacité de faire mieux et autrement », affirmaient -ils.

Les détracteurs de l'âge de 30 ans du candidat président de la République pour leur part, faisaient également recours au droit comparé notamment au Bénin où l'article 4 de la loi n° 2000-019 du 3 janvier 2001 dispose : « nul ne peut être candidat aux fonctions du Président de la République s'il :

- N'est de la nationalité béninoise de naissance ou acquise depuis au moins 10 ans ;

- N'est de bonne moralité et d'une grande probité ;

- Ne jouit de tous ses droits civils et politiques ;

- N'est âgé de 40 ans au moins et de 70 ans au plus à la date du dépôt de candidature [...].

Si pour un petit pays comme le Bénin, l'âge minimum du Président de la République est fixé à 40 ans, à plus forte mesure pour un pays aux dimensions continentales que la RDC où les enjeux sont très complexes. Ils estimaient qu'il est bon de recourir au droit constitutionnel comparé des pays d'ancienne tradition démocratique ; Mais c'est encore mieux de contextualiser et d'inculturer toute l'architecture institutionnelle si l'on veut lui assurer quelque chance de succès, au lieu de compter sur un modèle démocratique exportable clés en mains. Ceci rappelle opportunément la réponse que SOLON, ce sage athénien du Ve siècle avant Jésus-Christ donnait à la question de savoir quel est le meilleur régime politique. « Dites-moi d'abord, rétorquait-il, pour quel pays, pour quel peuple et à quel moment de son histoire ?  ». Il y a donc forcement place dans toutes les rédactions constitutionnelles pour l'expression de génie propre de la société considérée (9(*)).

Nous pouvons alors nous demander si tout congolais âgé de 30 ans et de 18 ans au moins qui jouit de la plénitude de ses droits civils et politiques qui ne se trouve pas dans un des cas d'exclusion prévus par la loi électorale est apte de remplir avec compétence, dignité et honneur respectivement les fonctions du président de la République, d'un si grand pays aux dimensions continentales qu' est la RDC ou encore celles de tout un gouverneur de Province.

Ne risque-t-on pas d'assister ou d'élire les dirigeants qui, faute d'expérience éprouvée viendront apprendre et acquérir de l'expérience à la tête des institutions ? Ce n'est pas au sommet du pays et des Provinces qu'on viendra faire des « essai-erreurs » au lieu de se mettre au service de la population.

En réalité, l'âge de 30 ans n'a pas été retenu par souci de rajeunir la classe politique mais plutôt, les parlementaires voulaient maintenir dans la course électorale certains candidats non pas de moindre qui seraient écartés si on avait fixé l'âge du candidat Président de la République à 40 ans comme l'avait fixé l'avant projet de constitution. C'est comme qui dirait des lois ou mieux des conditions d'éligibilité taillées sur mesure. En témoignent les propos du sénateur Christophe MBOSO : « la constitution de la troisième République est un texte de compromis politique. Tout texte de compromis affecte la qualité. Il fallait comprendre et intégrer les réclamations des uns et des autres et avoir un texte constitutionnel qui mette tout le monde a l'aise (10(*))

* 6 AKELE P: « le défit et enjeux de la nouvelle constitution : comment éviter la catastrophe d'un nouveau rendez-vous raté ? » in Congo- Afrique N° 395, éd. CEPAS, Kinshasa. P.278

* 7 ESSAMBO J.L. : «  protection du projet de constitution de la RDC ». In Congo-Afrique N° 395 éd. CEPAS, Kinshasa, 2007, P.10

* 8 L'avenir : « l'age du Chef de l'Etat pose problème » in L'Avenir N° 2350 du 09 mars 2005 P2.

* 9. Pierre AKELE, Op.cit, P. 278

* 10 Christophe MBOSO : interviewé par l'Avenir N° 2631 du 31/02/2006

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe