I. 3. Pédagogie/ Didactique
La dichotomie entre pédagogie/didactique est aussi
profonde que celle de langue/parole de Saussure. On est en lieu de se demander
si les deux vont de pair ou si l'une est incluse dans l'autre. Les
dictionnaires généraux en tout cas n'en font que des synonymes,
surtout au niveau adjectival. Toutefois, pris comme substantif, le contenu du
mot didactique varie en quelques points de celui de pédagogie, pour
l'éducateur réfléchi.
L'étymologie du mot pédagogie est un peu
ambiguë : certains supposent qu'il vient du grec «pedein''
(enfant) et «agô» (élever, conduire),
référant à la science qui s'occupe de l'éducation
des enfants. Pour d'autres, il dérive de l'expression antique
«paidéia'' et désigne la formation
générale de l'homme. Quoiqu'il en soit, la pédagogie
renvoie à la manière de transmettre des connaissances à
des élèves, la pratique de l'enseignement. Dès ses
origines et plus particulièrement au moyen âge, la
pédagogie s'assimilait à une sorte de catéchisme. Les
méthodes d'éducation, qui mettaient l'accent sur la communication
entre maître et élève, se fondaient, au travers d'un
enseignement essentiellement axé autour de la linguistique, sur la
transmission de la foi. Caricaturée, notamment par RABELAIS dans
Gargantua (1534), cette méthode, qui privilégiait la
mémorisation et l'imitation, resta en vigueur dans les écoles
jusqu'au XVIIe siècle.
L'apprenant est alors conçu comme un réceptacle.
Il y'a très peu d'interaction entre lui et l'enseignant. C'est tout
simplement un bourrage, sous l'influence du faux mythe du savant5,
« une tête bien pleine à la place d'une tête bien faite
». C'est ce que traduit cette affirmation de HOUSSAYE J.(1988) :
La situation pédagogique peut être
définie comme un triangle composé de trois éléments
- le savoir, le professeur et les élèves - dont deux se
constituent comme sujets tandis que le troisième doit accepter la place
du mort ou, à défaut, se mettre à faire le fou .
Le concept de pédagogie a fini par emporter des
connotations d'empirisme et de désuétude. Peu à peu, il a
cédé le pas à celui de didactique.
Le terme didactique vient du grec
«didaskein» qui veut dire enseigner, mettre les
connaissances à la disposition des apprenants. La didactique
désigne donc le jeu qui se mène entre les enseignants, les
apprenants et les savoirs dans un environnement précis. Ce jeu suppose
une parfaite maitrise de l'apprenant et des méthodes précises et
variées en fonction du type d'enseignement à transmettre. Ainsi,
la didactique fait recours à de nombreuses disciplines connexes tels la
psychologie, la sociologie, la docimologie... afin de mettre sur pied des
techniques
5 Encore appelé « pédagogie du
magister dixit »
qui rendront plus efficace la transmission des connaissances
et des savoir- faire aux apprenants. Il y'a donc ici une centration sur
l'élève dont il faut comprendre, prévoir, contrôler,
guider et valoriser le comportement. Dans son essai sur les nouvelles
technologies au service de la motivation Valérie LEMEUNIER (2001
:72) définit ainsi le but de l'intégration des TIC à
l'école :
Donner à l'apprenant la possibilité
d'être aussi le médiateur de savoir afin qu'il réinvestisse
dans la classe les savoirs, les savoir-faire et les stratégies acquises
en dehors de la classe et que l'enseignant ne soit définitivement plus
le seul médiateur du savoir. Il se sentira ainsi valorisé et sera
plus motivé.
Bien entendu, l'acte didactique va bien au-delà de
l'apprenant et de l'enseignant. Il plonge dans l'interface de ces deux actants
l'environnement, l'administration et les autres acteurs externes (Parents,
ONG...)6, de sorte que, dans les faits, il s'agit d'un
«pentamètre actantiel», l'influence réciproque
de cinq forces vives au sein du système éducatif.
On a de ce fait une progression de la triangulation
pédagogique vers un modèle qui prend en compte les
échanges et l'environnement au sein du processus éducatif :
Figure 2 Triangle Pédagogique de HOUSSAYE J.
(1989)
6 Les états généraux de
l'éducation(1995) les mentionne comme personnes ressources de
l'éducation.
Figure 3 Constellation Didactique d' après
CHEVALLARD Y.7
Avec ce nouveau schéma qui rend bien compte de la
pluralité directionnelle de la didactique, nous vibrons en phase avec
Daniel COSTE(1994) qui affirme :
La didactique des langues (discipline
théorico-pratique) est un
ensemble de discours portant sur l'enseignement des langues :
quoi, pourquoi, à qui, par qui, comment.
On peut donc dire de manière générale que
La pédagogie s'intéresse à l'objet de l'enseignement
à savoir l'apprenant - mieux, le jeune apprenant, compte tenu de
l'étymologie du mot - de son adaptation et son intégration dans
la société, tandis que La didactique, science beaucoup plus
neuve, étudie les voies et moyens de la réalisation des
enseignements, les théories, les techniques et les méthodes
à mettre en oeuvre dans l'enseignement. Comme elles semblent
s'intéresser toutes à l'art d'enseigner et se complètent
pour ce qui est de bien mener la transmission des savoirs, nous jugerons de
temps à autres, au cours de nos investigations, de la pertinence et de
l'opportunité d'emploi de l'un ou de l'autre en fonction des cas.
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