à‰volution du débat sur la rétroactivité de la norme prétorienne en droit privé : vers un droit transitoire pour la jurisprudence ?( Télécharger le fichier original )par Julien MOAL Facultés des affaires internationales, Le Havre - Master de recherche en théorie générale du droit 2006 |
Chapitre I : Evolution des conceptions de la norme jurisprudentielle rétroactive.Section I : Critique de la rétroactivité de la règle jurisprudentielle d'après ses caractéristiques : les différents postulats.La conception du rapport de la jurisprudence au temps dépend d'autres concepts. Elle n'est en effet que la conséquence de l'adoption d'un postulat de départ concernant la nature de la jurisprudence elle-même, ce postulat étant lui-même lié à une conception de l'office du juge. Classiquement, l'idée de rétroactivité de la règle jurisprudentielle n'a pas de sens ( I ) , soit parce que l'idée de règle jurisprudentielle n'a pas de sens, soit parce que les instruments employés pour caractériser ce rapport au temps ne sont pas adéquats. Mais dès lors que l'on admet que cette règle jurisprudentielle est insérée dans la hiérarchie des normes ( II ), il devient nécessaire de se préoccuper de son insertion dans le temps comme on le ferait pour les autres règles de droit - du moins comme on le ferait pour une règle de droit écrit. Cette démonstration n'aura cependant pas pour but de départager les différents conceptions mises en oeuvre par la doctrine et par les acteurs du droit positif. Elle n'aura d'autre but que d'expliquer comment l'idée d'une norme rétroactive a pu apparaître dans les acteurs du droit Français, traditionnellement opposé à cette idée. § I / Le rapport au temps envisagé dans l'optique du rôle révélateur du juge.Dans la conception classique du rôle du juge, héritée de la Révolution, et fondée sur l'idée de légicentrisme, la jurisprudence est hors de la hiérarchie des normes : le juge ne doit (A) ni ne peut (B) créer de règle, ou du moins pas de règle rétroactive. A. La déclarativité de la règle jurisprudentielle. Le rapport de la règle jurisprudentielle au temps est basé ici sur deux idées complémentaires : le procès étant placé dans une optique individuelle, la règle jurisprudentielle n'existe pas (1) , et la seule règle digne de considération est ici la règle écrite (2) .
Selon l'expression du Doyen CARBONNIER23(*), le jugement « est enfermé dans un statut constitutionnel destiné à l'empêcher de devenir source de droit ». Ce « statut » est formé à partir de deux dispositions du code civil, mais celles-ci sont destinées à régir l'activité du juge pour l'ensemble des matières - y-compris pour le droit administratif, où le principe a été consacré par le Conseil d'Etat sous la forme d'un principe général du droit. Le premier principe est celui de la prohibition des arrêts de règlement, prévue par l'article 5 du code civil : « Il est défendu aux juges de prononcer par voie de disposition générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumises. » . Ce principe empêche le juge d' établir des règles générales, ayant une portée au delà du litige qui leur est soumis. Mais il empêche l'également de se référer à d'autres causes pour déterminer la solution du litige. Selon un principe connu, la Cour de Cassation ne casse jamais une décision des juges du fond en visant sa propre jurisprudence. « Ces règles, imposées il y a plus de deux siècles, sont effectivement appliquées dans toute leur rigueur. Les juridictions ne doivent pas renvoyer à leur propre passé et la Cour d'appel de Poitiers sera sanctionnée pour avoir fait référence à « son appréciation maximum habituelle en cette matière »24(*). » Pas plus qu'il ne peut se lier pour l'avenir par une position de principe25(*), le juge ne peut se contenter de « relever que la juridiction dont le jugement avait été cassé avait minutieusement examiné tous les moyens soumis par les parties et qu'elle avait pris une décision parfaitement motivée qu'il entendait suivre », se bornant donc à « à se référer aux motifs d'une précédente décision »26(*) ; Les juges doivent donc se « déterminer d'après les circonstances particulières de la cause »27(*) et uniquement par rapport à celles-ci. C'est donc la référence au précédent qui leur est interdite28(*). Ce principe doit être concilié, et même associé29(*) avec un autre principe, celui prévu par l'article 4 du même code : « Le juge qui refusera de juger, sous prétexte du silence, de l'obscurité ou de l'insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice. » . Cet article est considéré comme autorisant l'effort de création du juge, pour pallier à « l'obscurité » ou « l'insuffisance de la loi », mais avec une limite : le juge doit formuler, « pour les besoins de la cause dont il est saisi, la règle qui sert de fondement à la solution du litige, chaque fois que celle-ci ne peut pas être immédiatement déduite des termes exprès du droit écrit »30(*). « La loi est bien souvent aussi bavarde qu'insuffisante et il incombe donc au juge d'y suppléer »31(*), mais ce pouvoir ne vaut alors que dans le seul cadre de la cause pour laquelle l'intervention du juge est nécessaire. Le deuxième principe est celui de l'autorité relative de la chose jugée, prévue par l'article 1351 du code civil : « L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité. » . Ces dispositions « déterminent restrictivement la portée de l'autorité de la chose jugée en la limitant dans ses effets à l'hypothèse où une nouvelle demande identique, portant sur la même cause et venue entre les mêmes parties prises dans leurs mêmes qualités, pourrait être alors utilement contrecarrée par l'existence d'un précédent définitivement tranché. »L'enjeu est ici de savoir ce qui, dans le jugement, a autorité de chose jugée, et la cour de cassation a adopté ici une conception stricte: seul le dispositif a autorité de chose jugée, les motifs n'étant qu'une justification circonstancielle qui n'a aucune autorité dans un autre litige, même similaire32(*). Le jugement n'a donc « d'autorité, de force juridique qu'entre les personnes qui ont été parties au procès, il n'est pas opposable aux tiers. Par là, il apparaît comme tout le contraire d'une règle, disposition générale, applicable, opposable à tout le monde. On aura beau entasser les jugements couche sur couche, on n'aura jamais que des solutions particulières, sans rayonnement au-dehors, des accommodements, des arrangements de conflit individuel »33(*). Bref, ce « statut constitutionnel a deux effets : d'une part, il empêche la Cour de cassation de créer des règles, « c'est-à-dire des dispositions abstraites, soit générales et permanentes dans le temps, qui supposent une virtualité d'applications à un nombre indéfini d'hypothèses futures »34(*) : frappée d'un « péché originel d'illégitimité »35(*), la jurisprudence ne peut être un acte d'autorité, car « dans un Etat de droit, un acte d'autorité ne vaut qu'à la condition que son auteur soit détenteur du pouvoir de l'édicter »36(*). Cela n'empêche pas la Cour de cassation d'avoir une doctrine, mais celle-ci n'a d'autorité qu'à l'égard des juridictions qui lui sont subordonnées, et uniquement dans le cadre du litige à l'occasion duquel cette doctrine a été élaborée, comme l'ont rappelé récemment les affaires Centéa et la Briocherie37(*). Mais en dehors de ce litige, le juge se voit « contraint à un exercice de création originale permanent, lui imposant à l'occasion de chacune des espèces qui lui est soumise, de reconstruire un micro-système juridique cohérent en soi. »38(*) et lui interdisant toute référence à son précédent : il ne peut jamais « faire reposer son raisonnement ou son dispositif sur les précédents jurisprudentiels »39(*). Le juge n'est pas dépourvu pour autant de tout pouvoir normatif, mais celui-ci ne peut consister qu'en « l'obligation de produire, à la suite de demandes habilitées, des normes particulières ou individuelles, par concrétisation de normes générales et abstraites uniquement »40(*). Au-delà du litige, elle n'est qu'une « autorité » et non un « pouvoir »41(*). La jurisprudence est donc placée dans une perspective individuelle : tout lien entre l'arrêt que le juge va prononcer et les précédents étant interdit par la prohibition des arrêts de règlement, anéanti par l'autorité relative de chose jugée, seul reste le lien avec la loi. De plus, toute valeur normative est retirée à ces précédents. Si ce lien entre arrêts censés être créateurs de droit est impossible à recréer, et si la création jurisprudentielle est interdite, alors la jurisprudence reste non seulement hors de la hiérarchie des normes mais aussi a-temporelle : comme le dit Laurent-Xavier SIMONEL, « le juge français doit disparaître du temps, être a-temporel en se projetant, à l'occasion de chaque espèce, dans un univers clos, n'existant qu'en soi, sans aucune temporalité. Cet univers doit être recréé à chaque fois ex nihilo »42(*). Comme nous le verrons, le phénomène jurisprudentiel n'est qu'un phénomène de fait, et le juge ne peut pas, en dehors de toute habilitation légale, créer du droit, soit en donnant une force obligatoire à son interprétation comme le font le Conseil constitutionnel ou la Cour de Justice des Communautés Européennes43(*), soit en invoquant une « norme » créée pour une autre cause, donc un précédent. Si la jurisprudence ne peut créer du droit, s'il n'y a pas de normes jurisprudentielles, et que d'autre part, il n'y a pas de lien quelconque, donc de conflit potentiel, entre les normes individuelles ou les pseudo-normes (plus) générales - qui sont plutôt des raisonnements n'ayant pas d'autorité, en tant que motif non-intégré au dispositif, au-delà de l'arrêt - élaborées à l'occasion de chaque litige particulier, alors, la réflexion sur un droit transitoire destiné à éviter ou à régler un « conflit entre les jurisprudences successives »44(*) n'a pas de sens. « Parce que le pouvoir créateur du juge est nié, on ne saurait envisager de reporter dans le temps l'application de la règle jurisprudentielle, faute pour cette dernière d'exister »45(*).
Comme nous l'avons expliqué, la Cour de cassation et les juridictions qui lui sont subordonnées sont liées par la prohibition des arrêts de règlement ; contrairement au Conseil constitutionnel ou à la Cour de Justice des Communautés Européennes46(*), les motifs d'une décision de ces juridictions n'ont aucune force obligatoire : « La source de la jurisprudence est liée, l'acte de juger n'a pas de source propre, le juge est un agent de la loi qui la sert en la concrétisant, la jurisprudence n'est pas même normative, le terme de pouvoir n'est pas adéquat »47(*) C'est dans l'Histoire que cette interdiction prend tout son sens : soucieux de préserver le monopole du pouvoir législatif dans l'édiction de la règle de droit48(*), les révolutionnaires puis tous les régimes qui leur ont succédé, ont retiré au juge le pouvoir de se lier et de lier les justiciables pour l'avenir. Ce pouvoir n'appartient qu'au pouvoir législatif, et dans une certaine mesure, au pouvoir exécutif, comme l'ont réaffirmé les articles 34 et 37 de la Constitution de 195849(*), qui ne reconnaît d'ailleurs pas à la jurisprudence le statut de pouvoir mais seulement d' « autorité ». Bref, le principe de la prohibition des arrêts de règlement est le corollaire du principe de séparation des pouvoirs parce que la seule autorité légitime pour édicter des règles de droit est le législateur, de même que la seule autorité légitime pour les appliquer est le juge, « bouche de la loi »50(*). Encore cette application de la règle édictée par le législateur ne peut-elle se faire que d'une façon : au moyen d'un syllogisme associé à un acte d'interprétation. Comme l'explique Michel TROPER51(*), cette méthode avait été conçue, dans la continuité de la philosophie des lumières, comme un moyen d'empêcher le juge de fonder son jugement sur autre-chose que la loi (l'équité ou l'opportunité, par exemple, ou plus simplement ses précédents) . « Selon cette conception, la fonction juridictionnelle52(*) consiste à trancher des litiges, mais exclusivement en appliquant une loi préalable. Le juge procède par un raisonnement syllogistique : la prémisse majeure est le texte de la loi ; la mineure le fait et la sentence la conclusion. Comme les prémisses sont pour le tribunal un donné, il ne dispose d'aucun pouvoir propre de décision »53(*). La seule norme digne de considération dans le travail du juge est donc la norme créée par le législateur. Comment le juge met-il en évidence le sens de cette norme ? Il le fait au moyen d'un acte de qualification des faits, données du litige, et d'interprétation si la norme à appliquer n'est pas claire (« obscure » ou « insuffisante », pour reprendre les termes de l'article 4 du code civil) . L'acte d'interprétation peut bien sûr être en soi dangereux, car celui qui interprète peut s'arroger le pouvoir de refaire la loi en modifiant son sens sous couvert d'interprétation54(*), raison pour laquelle le législateur révolutionnaire l'avait dans un premier temps conservé au moyen du référé législatif, ne laissant à la Cour de Cassation que « l'interprétation in concreto ». Mais une fois encore, c'est justement la raison d'être de la perspective individuelle des articles 4 et 5 du code civil. Ainsi définie, la tache de la Cour de Cassation doit donc rester tout à fait neutre : elle ne consiste qu'à révéler ce qui est, à redonner à la norme créée par un autre - le législateur - son sens telle que celui-ci l'avait conçu. C'est ici, dans le caractère déclaratif de la jurisprudence, que se trouve la deuxième partie de la rétroactivité de la « norme » jurisprudentielle, et notamment de son revirement : « si à la date des faits dont le juge est saisi, la règle législative est connue mais que son contenu est incertain, la fixation de ce dernier par une décision de justice, qui fait ainsi oeuvre d'interprétation, n'est pas équivalente à l'application rétroactive d'une loi nouvelle »55(*). En effet, « L'interprétation relève de la fonction du juge qui est de dire, d'appliquer et d'interpréter le droit à l'occasion de litiges qui sont issus de faits qui se sont produits antérieurement. La décision de justice présente un caractère déclaratif qui imprègne l'interprétation retenue sans que l'on puisse, malgré son application à des faits antérieurs, considérer qu'elle est appliquée rétroactivement. Affirmer le contraire reviendrait à confondre l'effet déclaratif de la décision de justice et la déclarativité alors que ces deux notions sont distinctes »56(*). Cette idée de déclarativité a pour corollaire la théorie de l'incorporation à la loi interprétée : la « norme » jurisprudentielle n'est pas détachée de la loi qu'elle applique fidèlement, n'étant que la reprise de son sens caché - on pourrait dire, dans cette optique, qu'il n'y a pas « incorporation » mais ré-incorporation, dans le sens où la norme jurisprudentielle n'est pas censée être autre-chose qu'un aspect de la norme écrite elle-même. En somme, la « norme » jurisprudentielle entre donc en vigueur au jour de l'entrée en vigueur de la loi, puisqu'elle n'est en réalité qu'un aspect de cette loi dont le juge clarifie ou révèle le sens. Cela justifie donc un parallèle avec la loi interprétative, en ce qu'elle ne fait que dire ce qui avait déjà été dit en des termes plus clairs, et en ce qu'elle est naturellement rétroactive : « dans la mesure où la jurisprudence ne fait qu'appliquer la loi en vue de l'appliquer, les revirements de jurisprudence s'apparentent aux lois interprétatives : comme la loi interprétative, la jurisprudence fait corps avec le texte interprété et s'applique donc rétroactivement à la date de mise en vigueur de la loi »57(*). Thierry BONNEAU s'interroge toutefois : « On peut toutefois se demander si, en cas de revirement de jurisprudence, on doit accorder à cet effet la même importance que dans l'hypothèse précédente parce que, en cas de revirement, une situation constituée valablement sous l'empire d'une ancienne jurisprudence est remise en cause par une nouvelle jurisprudence. A condition que l'on puisse déterminer la date du revirement, ne doit-on pas considérer que le changement de jurisprudence équivaut à un changement de législation, ce qui permettrait de parler de rétroactivité des revirements de jurisprudence ? L'application de la nouvelle jurisprudence à des faits antérieurs traduirait alors, non plus l'effet déclaratif des décisions de justice, mais la rétroactivité de l'application de la nouvelle norme. » Mais c'est pour exclure aussitôt cette hypothèse : la solution dégagée par le juge dans l'exercice de son pouvoir d'interprétation « ne peut être rattachée à la notion de rétroactivité parce qu'elle ne résulte pas d'une volonté délibérée, mais seulement de l'effet déclaratif des décisions de justice. »58(*) C'est à cette conception que s'est ralliée la Cour de cassation dès 200059(*). Cette conception a été par la suite confirmée expressément par la chambre criminelle60(*) : dans ces affaires, le moyen, selon lequel une Cour d'appel aurait du faire application de l'interprétation jurisprudentielle soutenue par la Cour de cassation au moment des faits et non de l'interprétation soutenue au moment du jugement, est rejeté selon un critère formaliste61(*) car « en l'absence de modification de la loi pénale, et dès lors que le principe de non-rétroactivité ne s'applique pas à une simple interprétation jurisprudentielle, le moyen est inopérant ». Le résultat est le même car « ces deux notions impliquent des effets dans le passé. », mais la cause n'en est pas la même, et c'est cette différence qui légitime ce qui dans le cas de la rétroactivité, et plus particulièrement s'agissant des revirements de jurisprudence, a pu être considéré comme une « insoutenable » action à rebours du temps ayant pour effet d'anéantir les prévisions basées sur une autre interprétation62(*) : « alors que la rétroactivité est attachée, de par la volonté du législateur ou du juge, à l'application d'une règle nouvelle, l'effet déclaratif est seulement lié à l'intervention du juge à propos de faits antérieurement produits ». L'action de la jurisprudence ne consiste donc qu'à révéler ce qui est, à créer une norme individuelle à partir le cas échéant, d'une interprétation de la loi, en recherchant une vérité juridique qui préexiste au procès, et non en pas un acte de création. La répétition des motifs ne sera pas la conséquence de la force obligatoire d'une norme qui n'existe pas, mais du ralliement par d'autres juges pour d'autres causes à un raisonnement qui leur paraît juste à double-titre : « l'affirmation selon laquelle la jurisprudence est source de droit ne peut être comprise autrement que comme la traduction d'un simple raisonnement. Elle signifie d'abord que, si une règle posée par un tribunal pour les besoins de la cause dont il est saisi, est satisfaisante, c'est-à-dire compatible non seulement avec l'ordonnancement juridique dans son ensemble mais également avec le sentiment commun de la justice à l'époque de sa formulation, elle a vocation à être reproduite à l'occasion d'instances relatives à des litiges identiques, parce qu'il est raisonnable de croire que les juridictions qui auront à les trancher se laisseront convaincre de son bien-fondé ; et elle signifie ensuite qu'une règle, même non satisfaisante, que la Cour de Cassation a maintes fois exprimé, a vocation à être appliquée par les juridictions inférieures, parce qu'il est également raisonnable de penser que le sens des responsabilités des magistrats les retiendra d'une « rébellion » qu'ils savent alors cependant vaine et qui n'aurait donc pour conséquence que de retarder l'issue définitive des litiges qu'ils ont à trancher, en incitant la partie qu'ils auraient voulu condamner à exercer un recours contre leurs décisions. »63(*) . Du reste, « il est difficilement concevable qu'un même texte ou un même principe soient interprétés différemment à un moment donné selon que le même fait reproché s'est produit avant ou après telle date ».64(*) La jurisprudence n'étant donc pas une norme, et n'étant donc pas rétroactive mais déclarative, il n'est pas nécessaire d'envisager le rapport de la jurisprudence au temps, et donc la création d'un droit transitoire pour la jurisprudence pour s'assurer du champ d'application d'une « norme » qui n'en est pas vraiment une, puisqu'elle ne fait que révéler une vérité juridique qui préexistait au procès. Là encore, cette conception a été expressément affirmée par un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation le 9 octobre 200165(*) : une Cour d'appel ayant condamné un médecin pour avoir manqué à son devoir d'information vis-à-vis de sa patiente en 1974 en ne l'informant pas des risques exceptionnels auxquels l'exposaient l'intervention qu'il envisageait de lui faire subir, le médecin reproche à la Cour d'appel d'avoir fait application d'une jurisprudence qui n'a été consacrée qu'en 1998. La Cour de cassation, rappelant qu'elle doit « trancher des litiges », et non pas « définir abstraitement les obligations des médecins »66(*), rejette le pourvoi en expliquant que « l'interprétation jurisprudentielle d'une même norme à un moment donné ne peut être différente selon l'époque des faits considérés »67(*). Cette conception du rapport de la jurisprudence au temps avait été historiquement fondée, comme nous l'avons dit, sur l'idée que les juges ne doivent pas créer de droit. Cette conception avait deux conséquences : d'une part, il n'y a pas de norme jurisprudentielle, donc pas de besoin de droit transitoire pour la jurisprudence ; d'autre part la seule norme à prendre en compte pour en déterminer le champ d'application dans le temps était celle sur laquelle s'appuie le juge, c'est-à-dire la norme législative, dont la jurisprudence ne fait que préciser le sens. Avec le temps, cette conception a été partiellement « concurrencée » par l'apparition postérieure au code civil de théories plus modernes dans deux domaines : d'une part, des théories abordant le phénomène de l'interprétation sous des postulats sensiblement différents, bien qu'ils aboutissent plus à des nuances qu'à une remise en cause - ici, les deux théories coexistent dans la jurisprudence de la cour de cassation, de façon assez paradoxale à certains égards. D'autre part, la remise en cause des principes du droit transitoire au XXème siècle a eu une influence sur la conception du phénomène de rétroactivité. B. L'évolution de la position classique. La conception formulée par la première chambre civile et par la chambre criminelle n'a été qu'implicitement suivie par les deuxième et troisième chambres civiles et par la chambre sociale, qui ont concentré leur discours sur l'idée que la jurisprudence ne peut pas ne pas être rétroactive (1) . Par ailleurs, l'affinement des solutions en matière de droit transitoire pour la loi a permis a certains auteurs de proposer une analyse différentes du rapport de la jurisprudence au temps dans l'optique d'un juge créateur de droit (2) . 1) La jurisprudence : un ensemble de normes précaires.
Comme nous l'avons dit, la conception classique de l'office du juge était basée sur l'interprétation des textes - et uniquement des textes - dans le but de révéler la volonté du législateur. Cette interprétation se fait au moyen de méthodes d'interprétation. C'est sur ce point qu'une évolution s'est faite, Le XIXème siècle a d'abord été marqué par l'utilisation de la méthode exégétique, fondée sur l'idée d'un « véritable culte [de] la législation issue du Premier Empire »68(*), d'où la recherche de la volonté du législateur comme base de toutes les solutions pour les juges, et ce grâce à des techniques destinées uniquement à surmonter l'ambiguïté des textes de loi : une méthode documentaire basée sur le recours aux travaux préparatoires ou à la tradition juridique, pour « éclairer le sens immédiat des textes »69(*) ; et d'autre part une technique rationnelle, s'appuyant sur plusieurs types de raisonnement - par analogie, a fortiori, a contrario, et par induction suivi de déductions - pour déterminer la portée de la règle à interpréter. C'est vers la fin du XIXème siècle que le contexte socio-économique imposa le recours à « des techniques contextuelles de plus en plus distantes du sens littéral de la loi et de la volonté de son auteur, pour finalement imposer la jurisprudence comme source de droit gouvernant de manière autonome des pans importants du domaine juridique, comme la responsabilité ou le contrat. »70(*) Evoquant quant à lui « la créativité de la Cour de Cassation » plutôt qu' « un véritable pouvoir créateur »71(*), Bruno OPPETIT explique qu'en de nombreux domaines, la Cour de cassation « a considéré qu'il lui appartenait de donner de la loi une interprétation conforme aux nécessités du moment et, au besoin d'aller au-delà du texte de la loi, sinon de son esprit. »72(*) , rappelant que ces méthodes, notamment le principe de l'interprétation déformante »73(*) ont été utilisées notamment pour « découvrir »74(*) le principe de la responsabilité du fait des choses inanimées, transformer le droit de la filiation, ou construire le système Français de Droit International Privé. L'essor de ces nouvelles méthodes d'interprétation donne ainsi un rôle plus actif à la Cour de cassation, dans la mesure où La Cour n'hésite plus à fonder son analyse sur des éléments extérieurs au texte, tout en continuant à s'appuyer sur ce texte. C'est pourquoi Jean-Luc Aubert explique que la jurisprudence est le « droit positif, c'est-à-dire la règle de droit appliquée et mise en oeuvre dans la réalité concrète »75(*). Il rappelle toutefois que la Cour de cassation n'est qu'une simple autorité dont la doctrine ne s'impose pas en dehors des causes pour lesquelles elles sont conçues, et que ces méthodes ne consistent pas à laisser le juge donner libre-cours à son arbitraire76(*), mais sont toujours basées sur l'idée d'interprétation : « la jurisprudence révèle donc la règle de droit applicable à telle ou telle situation et la signification exacte de cette règle »77(*). Mais par la voie de la cassation, la Cour peut malgré tout imposer une interprétation une interprétation unificatrice78(*), et même mener une politique jurisprudentielle79(*). Ces méthodes d'interprétation, surtout, sont légitimées par l'idée de la nécessaire évolution du droit, et en particulier de la jurisprudence. Car si « l'article 5 a eu raison de condamner le caractère réglementaire des décisions juridictionnelles », c'est avant tout parce qu' « il ne serait pas sain de figer la jurisprudence, car c'est elle au contraire qui donne sa souplesse à la loi. (...) Le danger du revirement de jurisprudence dénoncé parfois par son caractère imprévisible, voire arbitraire, est dans l'ordinaire un bienfait. Un vieil arrêt qui tombe est une branche morte taillée qui fera produire à l'arbre de meilleurs fruits. Donner au juge la liberté du règlement serait lui soustraire celle de régler la loi »80(*). Jean-Luc AUBERT développe cette idée en expliquant que la jurisprudence a trois fonctions : interpréter, suppléer, et adapter la loi lorsque celle ci devient obsolète ou inadaptée aux circonstances81(*). Cette idée, la Cour de Cassation l'a elle-même exprimé cette idée à plusieurs reprises dans son rapport annuel. Citons par exemple le rapport pour l'année 2003 : « Certaines de ces interprétations, peu nombreuses d'ailleurs, sont nouvelles et soulèvent la question récurrente de leur rétroactivité et de la mise en cause de la sécurité juridique, qui fait régulièrement l'objet d'une controverse aux motivations contradictoires. Mais dans une période de mutations accélérées dans tous les domaines, il n'est pas étonnant que la jurisprudence, qui n'est que le reflet de l'évolution des pratiques sociales, économiques, politiques ou des mentalités, connaisse elle aussi des changements. »82(*). Quant au rapport annuel pour l'année 2001, il rappelle que la Cour de Cassation ne fait ici qu'affirmer ce que la Cour Européenne de Droits de l'Homme avait déjà affirmé avant : « Le principe de l'immutabilité de la jurisprudence européenne n'existe donc pas dès lors qu'il existe un motif valable de s'en écarter »83(*).
c'est Jean-Luc AUBERT qui résume cette idée : la jurisprudence, conçue sur ces bases, produit certes des normes. Le juge a un rôle trop actif pour que son action ne soit basée que sur un « raisonnement ». Mais cette norme ne présente pas les caractères, notamment de permanence, que l'on doit pouvoir trouver dans la règle de droit stricto sensu. Cette norme « ne s'impose à personne, pas plus aux juges du fond qu'à la Cour de Cassation ». Il s'agit alors d'une « norme précaire », issue d'une « conception « molle » de la règle », « appelées à côtoyer les normes dures issues de la loi et du règlement »84(*). Elle ne s'impose pas, bien sûr aux juges du fond, ni aux justiciables, parce que la Cour de Cassation, comme nous l'avons dit, n'est pas capable de produire une telle norme en raison de la prohibition des arrêts de règlement. La jurisprudence de la Cour s'impose par voie d'autorité morale, et par l'effet « de l'organisation hiérarchique des juridictions, et en particulier de l'existence, au sommet de cette hiérarchie, d'une juridiction habilitée à imposer son interprétation aux juridictions subordonnées »85(*), mais pas en tout cas parce que les destinataires de cette norme seraient tenus de l'appliquer autrement que par la cassation. Mais elle ne s'impose pas à la Cour de Cassation elle-même : évoquant la question des revirements de jurisprudence, Jean-Luc AUBERT explique qu'ils « marquent la précarité naturelle de la jurisprudence. Aussi bien fixée soit-elle, l'interprétation jurisprudentielle peut à tout moment être renversée ou modifiée. Il suffit pour cela que les juges découvrent des raisons nouvelles de donner à la règle de droit un sens différent de celui qu'ils lui reconnaissaient jusque-là. Rien dans la loi ne s'oppose à de telles variations. Tout au contraire, la loi interdit au juge de se lier pour l'avenir par les décisions qu'ils rendent ».86(*) Voilà pour la consistance de cette norme précaire dans l'espace. Mais - et c'est là le point intéressant pour notre sujet - , cette norme, par voie de conséquence, est également précaire dans le temps. Cette norme ne s'imposant à personne, on ne peut en revendiquer le bénéfice si la Cour de Cassation voit une bonne raison de changer d'orientation ; ceci est le principe pour l'avenir. Mais la norme ne s'impose pas plus pour le passé : « la précarité naturelle de la jurisprudence se conjugue avec la non moins naturelle rétroactivité de la règle jurisprudentielle. Celle-ci a été fort clairement expliquée : « les arrêts de règlement étant interdits, le juge ne peut faire naître une règle qu'à travers la décision même qui statue sur des faits antérieurs. La formation de la règle est ainsi inséparable de son application à l'espèce. En énonçant la règle, le juge l'applique nécessairement de façon rétroactive » »87(*) Plus loin, il ajoute « lorsqu'une habitude constatée assure la consécration d'une norme jurisprudentielle, celle-ci peut, à tout moment et sans avertissement, être gommée par un revirement. Elle ne s'impose pas au juge, ce qui la différencie radicalement de la règle de droit »88(*). Cette conception de la rétroactivité de la norme précaire est un effet du manque de légitimité du juge à édicter une règle de droit, mais une deuxième raison est à rechercher dans son origine. Rappelons-le, la norme précaire n'est pas issue d'une volonté arbitraire, mais bien d'un acte d'interprétation basée sur des données objectives. Même le principe de « l'interprétation déformante » ne s'éloigne pas de ces bases. Or, on peut ici répéter le principe de la déclarativité : « ainsi entendue, la jurisprudence révèle donc le sens de la règle de droit applicable à telle ou telle situation et la signification exacte de cette règle »89(*) ; la jurisprudence donne le sens de la règle de droit, elle ne le crée pas ex nihilo. Elle s'applique donc dès l'entrée en vigueur de la loi interprétée. Bref, la précarité naturelle de la norme jurisprudentielle est à relier à la nécessaire évolutivité de la norme jurisprudentielle : comme nous l'avons dit, la norme jurisprudentielle est liée à un contexte. Si les juges « découvrent des raisons nouvelles de donner à la règle de droit un sens différent de celui qu'ils lui reconnaissaient jusque-là », ils peuvent du jour au lendemain, et de façon rétroactive, lui donner un sens différent. C'est ainsi que le Professeur Béatrice BOURDELOIS résume cette position : « la prohibition des arrêts de règlement (art. 5 C. civ.) s'oppose à ce qu'on puisse soutenir que la solution donnée dans une autre affaire constitue un droit acquis à pour le plaideur dont le dossier présenterait des faits similaires ; la possibilité que se reconnaît la jurisprudence de changer d'avis - revirements de jurisprudence - et, dans un tel cas, de considérer que telle avait toujours été sa position, de sorte à imposer sa nouvelle interprétation aux instances en cours, y compris pour celles qui se déroulent devant la Cour de Cassation, démontre de plus l'absence de droit acquis (lorsqu'il est jurisprudentiel) jusqu'à ce qu'intervienne une décision définitive ; jusque là, le sort des attentes du plaideur est subordonné (sans qu'aucune assurance ne puisse lui être donnée) à la constance de la cour suprême ; si celle-ci est d'humeur versatile, tant pis pour lui ! »90(*). Plus loin, encore : « une décision judiciaire non définitive n'a pas pu donner lieu à un droit acquis au regard d'une solution jurisprudentielle antérieure concernant une autre instance. Si celle-ci a pu faire naître des espoirs, ceux-ci n'ont, à ce stade, pas été concrétisés de nature à figer, pour le demandeur, le contenu du droit ». Quant à la jurisprudence, elle a elle aussi jugé que la rétroactivité était inhérente à l'office du juge : tant les arguments tirés de la sécurité juridique que ceux tirés de l'article 6.1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme ne sauraient « consacrer un droit acquis à une jurisprudence figée, l'évolution de la jurisprudence relevant de l'office du juge dans l'application du droit ». Cette formule est tirée de l'arrêt du 21 mars 2000 rendu par la première chambre civile de la Cour de Cassation91(*), reprise par l'arrêt du 9 octobre 200192(*). Elle a été reprise par les deuxième et troisième chambres civile, ainsi que par la chambre sociale, la chambre commerciale n'ayant apparemment pas eu à se prononcer sur la question. On signalera des nuances dans les formules employées correspondant probablement à des sensibilités différentes : la première chambre civile parle de « jurisprudence figée », alors que les deuxièmes et troisièmes chambres civiles parlent de façon plus neutre de « jurisprudence constante »93(*) et que la chambre sociale parle quant à elle de « jurisprudence immuable »94(*). La jurisprudence, dans ces arrêts refuse donc d'aborder de front la question de la nature exacte de la norme jurisprudentielle. Cette question ne peut toutefois être comprise, comme l'a écrit le Professeur Christian ATIAS95(*), que dans une conception de la jurisprudence basée (dans une certaine mesure) sur l'interprétation. C'est d'ailleurs ce qu'a rappelé la chambre sociale96(*) en parlant d'une « interprétation jurisprudentielle » dont « l'application par la juges du fond », « fût-elle postérieure à l'instance », ne saurait constituer une violation de l'article 6.1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales ». Quoi qu'il en soit, cette conception de la jurisprudence est nécessairement évolutive, et les inconvénients occasionnés par l'abandon d'une norme précaire ne doivent pas faire oublier que « l'évolution de la jurisprudence [relève] de l'office du juge dans l'application du droit ». Ce qui est en cause, c'est la nécessaire évolution du droit « dès lors qu'il existe un motif valable de s'en écarter »97(*). L'emploi du qualificatif « figée » est particulièrement évocateur quant au danger encouru. Cette norme précaire ne consacre aucun droit pour les justiciables, et celui-ci ne peut en refuser l'application rétroactive : il n'est en rien protégé contre le changement de jurisprudence, n'étant titulaire d'aucun « droit acquis à une jurisprudence figée », « constante » , ou « immuable » qui lui permettrait de paralyser l'évolution de l'interprétation jurisprudentielle en demandant l'application de l'interprétation consacrée au jour des faits contre l'interprétation reconnue ultérieurement ». 2) L'argument tiré de l'absence de rétroactivité dans une optique plus ouverte de l'office du juge. Pour mettre en oeuvre les principes prévus par l'article 2 du code civil, la jurisprudence avait trouvé initialement un critère simple mais imprécis et ne correspondant pas à la réalité du rapport de la loi au temps : la loi nouvelle était contraire à l'article 5 du code civil selon qu'elle conduisait à remettre en cause les droits acquis sous l'empire de l'ancienne législation. Ce critère a été remis en cause au XXème siècle, notamment par le Doyen ROUBIER98(*), au profit d'une autre logique : celle des conflits de lois dans le temps. Partant de la mise en évidence de l'existence d'un conflit entre deux lois, la loi nouvelle et la loi ancienne, a priori également applicables à une situation, elle précisait et affinait les concepts relatifs au rapport de la loi au temps, notamment le concept de rétroactivité, et révolutionnait les solutions en matière de droit transitoire dans une optique fondamentalement différente - la mise en évidence d'un conflit et ses conséquences, plutôt que le simple respect des droits acquis - , optique qui n'a pas été remise en cause depuis par les auteurs proposant des solutions différentes en matière de droit transitoire. Cet affinement des solutions en matière de droit transitoire destiné à la loi a amené une critique des propositions sur la construction d'un droit transitoire destiné à la loi, basées pour des questions de pragmatisme sur une logique proche du système des droits acquis : la préservation des prévisions légitimes des justiciables surpris par le revirement de jurisprudence ou l'apparition d'une jurisprudence nouvelle, dans une optique différente de celle des conflits de loi dans le temps. Cette critique est le fait de deux auteurs, Thierry BONNEAU99(*) et Pierre FLEURY-LE GROS100(*) s'appuyant sur des travaux différents mais arrivant aux mêmes conclusions concernant l'existence d'un phénomène de rétroactivité de la norme jurisprudentielle, si norme jurisprudentielle il y a. Pour les besoins de la démonstration, cette critique est faite dans l'optique d'un juge créateur d'une interprétation jurisprudentielle qui serait une norme à part entière, sans toutefois se prononcer sur son fondement101(*) (nous parlerons simplement ici de norme jurisprudentielle, sans chercher à approfondir la question de ses caractéristiques) . Cette critique se concentre en effet sur un autre problème : la conception du rapport de la jurisprudence au temps, et non pas l'existence d'une norme. Elles partent toutes deux d'un constat : la jurisprudence est considérée comme systématiquement rétroactive - rétroactivité par nature : « D'après les nombreux débats qui portent sur la question des revirements de jurisprudence, il semble que la rétroactivité du revirement soit considérée comme une caractéristique inhérente à ce mécanisme. Le rapport établi par le groupe de travail de M. le Professeur MOLFESSIS (...) et de nombreux autres travaux (...) considèrent en effet que la rétroactivité est l'essence même de la règle jurisprudentielle. »102(*). C'est précisément cette donnée qui est contestée : le caractère systématiquement rétroactif du revirement. « Une analyse différente peut (...) être proposée, car il nous semble que le seul fait que le revirement de jurisprudence produise son effet dans le cadre d'une affaire en cours ne lui confère pas inéluctablement un effet rétroactif, indépendamment de la question de la distinction entre l'effet déclaratif et constitutif du jugement parfois évoquée »103(*). Pour ce faire, les deux auteurs proposent d'appliquer les critères des conflits de lois dans le temps à la norme jurisprudentielle : « Pour démontrer que tout revirement de jurisprudence n'est pas par essence rétroactif, il convient de s'appuyer sur les règles qui régissent l'application de la loi dans le temps. » . En effet, « ces règles fournissent des repères propres à dépister la rétroactivité, et à être transposés dans le contexte du revirement de jurisprudence »104(*). La question posée ici est la suivante : « si l'application de la solution commandée par le revirement de jurisprudence résultait d'une réforme législative, et non pas d'une évolution jurisprudentielle, celle-ci serait-elle qualifiée de rétroactive ? En d'autres termes, l'application d'un régime substantiel par le juge à l'égard d'un sujet de droit serait-elle qualifiée de rétroactive si cette même application était commandée par le législateur dans le cadre d'une loi nouvelle ? »105(*). Cette question implique donc une démarche fondamentalement différente de celle consistant à partir des droits acquis ou des prévisions des justiciables : « Seule une réponse positive doit permettre de conclure que le revirement produit un effet rétroactif dans le contexte envisagé. Dans le cas contraire, l'absence d'effet rétroactif du revirement doit être déduite, le fait qu'il produise son effet dans des instances en cours étant indifférent. La démarche proposée repose sur l'idée suivante : lorsque les concepts caractéristiques des conflits de lois dans le temps permettent de conclure que l'application d'un régime substantiel par le législateur n'est pas rétroactive, la même application effectuée cette fois par un juge ne présente pas davantage ce caractère. La rétroactivité est en effet un processus technique dont l'existence ou la non existence ne sauraient dépendre de l'organe - jurisprudentiel ou législatif - qui assure sa mise en oeuvre. »106(*). Les deux auteurs, comme nous l'avons dit, partent de travaux différents. Thierry BONNEAU part des concepts mis en évidence par les travaux du Doyen ROUBIER107(*), tandis que Pierre FLEURY-LE GROS part des travaux du Doyen BACH108(*), qu'il avait d'ailleurs précisés auparavant109(*). Mais, comme nous l'avons dit, en partant de travaux différents, les deux auteurs arrivent à la même conclusion : l'utilisation de concepts plus précis permet de repérer des situations où une norme jurisprudentielle ne sera pas considérée comme rétroactive alors même qu'un revirement interviendrait après l'introduction de l'instance, ou même concernerait des faits intervenus avant l'apparition de cette norme. Thierry BONNEAU, sur ces bases explique donc qu'« il n'est (...) pas exact d'affirmer que tous les revirements de jurisprudence sont rétroactifs : ils ne le sont pas systématiquement comme le prouve la jurisprudence relative à la preuve de la filiation naturelle par la possession d'état. On se souvient en effet que, par un arrêt du 8 mai 1979, la Cour de cassation avait refusé, sur le fondement de l'ancien art. 334-8 c. civ., d'admettre une telle preuve alors que, toujours sur le même fondement, elle l'a admis dans des arrêts des 9 juill. 1982 et 1er déc. 1982110(*). Ce changement de jurisprudence s'est effectué sans aucune rétroactivité, tout au moins si l'on admet l'analyse classique, telle qu'elle est présentée par ROUBIER111(*) qui raisonne à partir d'une loi nouvelle : le rapport de filiation étant un état durable, il peut être atteint par la loi nouvelle, non en tant que fait du passé, mais en tant que fait du présent. Aussi toute loi prévoyant de nouvelles modalités d'établissement de la filiation peut s'appliquer sans aucune rétroactivité aux enfants nés antérieurement à son entrée en vigueur. Cette solution trouve d'ailleurs un renfort dans les règles admises en matière de preuve, le juge pouvant admettre, sans aucune rétroactivité, les preuves autorisées par les lois en vigueur au jour où il statue. Il en est de même d'une jurisprudence dont l'objet est identique »112(*). Pierre FLEURY-LE GROS, appliquant des principes différents aux affaires Centéa et La Bricoherie113(*), se pose la question suivante : « lorsqu'un revirement de jurisprudence doit produire son effet à l'égard d'une « affaire en cours » , il faut rechercher si son effet concerne des actes et faits futurs ou passés par rapport à ce revirement. ». Cela le conduit à des conclusions différentes dans chaque espèce, montrant également l'absence d'uniformité du phénomène jurisprudentiel sur ce point : « Dans l'affaire Centéa, le litige portait sur un contrat de prêt conclu avec une banque, laquelle ne disposait pas, lors de la conclusion de l'acte, de l'habilitation alors requise par l'article 15 de la loi du 24 janvier 1984. L'application du revirement intervenu dans l'arrêt d'Assemblée plénière du 4 mars 2005 - qui rend inutile cet agrément - aurait donc eu pour conséquence de rendre valide un acte dépourvu de validité lors de sa conclusion ; or, on sait que la même validation opérée cette fois par une loi conférerait sans aucun doute à celle-ci un caractère rétroactif ; par conséquent, on peut déduire de cette transposition que la recevabilité du pourvoi aurait pu conduire à appliquer rétroactivement la solution du revirement à une affaire en cours. Pour autant, cet effet rétroactif est loin d'être une caractéristique inhérente à tout revirement, ce que démontre parfaitement la seconde espèce. »114(*) Utilisant ensuite le concept de « situations de droit ou de fait durables dont certaines peuvent avoir pris naissance dans le passé (tel est par exemple le cas de la situation de bailleur, de commerçant ou encore d'enfant mineur non émancipé) », il en arrive en effet à une conclusion différente pour l'affaire La Briocherie : « Dans l'affaire de la Briocherie, le litige portait sur le mode de calcul en matière de réévaluation de loyers. Le revirement opéré le 23 janvier 2004 - et dont l'application était réclamée en l'espèce - a consisté à écarter le mode prévu par la loi Murcef à l'égard des baux conclus antérieurement. Supposons alors de nouveau que cette éviction ait été commandée légalement, et non pas jurisprudentiellement. On aurait alors immédiatement conclu que la réforme ne soulevait aucun problème de rétroactivité : réservant son application aux seuls baux conclus postérieurement, elle n'aurait pu régir par hypothèse que les actes futurs pouvant survenir dans leur cadre, choix exclusif de toute question de rétroactivité si l'on se réfère à la logique des deux groupes de concepts précédemment présentés. Pourquoi qualifierait-on alors l'application de la solution résultant du revirement de « rétroactive », alors que cette même solution commandée par une évolution législative n'aurait pas présenté ce caractère ? Au moyen de la transposition proposée, il faut bien admettre que l'application de la solution du revirement à une affaire en cours n'aurait pas été rétroactive, ce qui confirme que la rétroactivité n'est pas une caractéristique inhérente à tout revirement de jurisprudence. »115(*) En raisonnant par l'absurde, les deux démonstrations arrivent donc à la même conclusion : l'application des principes des conflits de lois dans le temps permet de relativiser la critique relative à la rétroactivité de la norme jurisprudentielle, tant relative à sa nature qu'à ses effets. En effet, ils montrent que le phénomène jurisprudentiel n'est pas uniforme, et que tous les revirements ne doivent pas déclencher les mêmes préoccupations. S'il s'agit dans tous les cas d'appliquer une « norme » à des faits survenus avant l'édiction de cette « norme », toutes ces situations ne peuvent être rattachées au phénomène de rétroactivité entendu strictement. S'il existe, le phénomène de rétroactivité de la jurisprudence n'est donc pas automatique, et n'est donc ni uniforme, ne réclamant donc pas toujours les mêmes solutions, ni aussi important que ce qu'affirment certains travaux116(*). La mauvaise perception du phénomène venant de l'utilisation de mauvais instruments, seule l'utilisation des critères employés en matière de conflits de lois dans le temps permet de restituer une image juste du phénomène de rétroactivité de la jurisprudence. Pour Thierry BONNEAU, s'il faut admettre que les arrêts de revirement « entraînent des perturbations et que l'opportunité peut justifier une limitation dans le temps de tels arrêts », « est-ce une raison suffisante pour qualifier de rétroactif ce qui ne l'est pas ». On rappellera simplement que les deux démonstrations divergent sur un point : la démonstration de Thierry BONNEAU vise à rejeter les travaux de Christian MOULY, alors que celle de Pierre FLEURY-LE GROS vise quant à elle à corriger ce qu'il estime être des erreurs dans le rapport MOLFESSIS. Si la valeur scientifique de ces principes est incontestable, ceux-ci n'ont toutefois pas été repris pas le droit positif. L'explication est ici très simple : comment un droit qui ne reconnaît pas l'existence en son sein de règles d'origine jurisprudentielle pourrait il reprendre des thèses partant du postulat, quand bien même elles ne le feraient qu'en raisonnant par l'absurde, que la jurisprudence serait source de droit ? * 23 : Jean-Luc AUBERT, Introduction au droit et thèmes fondamentaux du droit civil, Armand COLLIN, p.227 * 24 : Crim., 3 novembre 1955, Dalloz 1956, p. 557, note R. SAVATIER., cité dans Laurent-Xavier SIMONEL, « Le juge et son précédent », Gazette du Palais, 10-11 décembre 1999 * 25 : Voir par exemple Crim., 4 février 1970, pourvoi n° 68-93464 : les juges « ne sauraient se référer, dans une espèce déterminée, à des règles établies à l'avance pour justifier leur décision ». * 26 : Cass. soc., 27 février 1991 * 27 : Cass. civ. 1re, 4 avril 1991, pourvoi n° 90-04005 * 28 : « s'ils peuvent procéder dans leur motivation par affirmations d'ordre général, c'est toujours à la condition que les principes ainsi formulés leur servent à résoudre le litige qui est soumis à leur appréciation. Ils ne sauraient de même transposer sans retouche à un cas nouveau des considérations précédemment établies pour juger d'autres affaires » Alain SERIAUX, « Le juge au miroir, l'article 5 du code civil et l'ordre juridictionnel Français contemporain », in Mélanges Christian Mouly * 29 : sur cette question, voir Bernard BEIGNIER, « les arrêts de règlement », Droits n°9, 1989, p. 45 * 30 V. HEUZE, « à propos du rapport sur les revirements de jurisprudence, une réaction entre indignation et incrédulité », JCP G n°14, 6 avril 2005, p. 671 * 31 : Philippe MALINVAUD, « A propos de la rétroactivité des revirements de jurisprudence », RTD civ., avril :juin 2005, p. 313 * 32 : Sur la controverse relative aux motifs déterminants, voir notamment GHESTIN Jacques, « L'autorité de chose jugée des motifs d'une décision judiciaire en droit privé », in Mélanges WALINE ; HERON Jacques, « Localisation de la chose jugée ou rejet de l'autorité positive de la chose jugée », in Nouveaux juges, nouveaux pouvoirs ?, Mélanges en l'honneur de Roger PERROT, p.131 ; KERNALEGUEN Francis, « Choses jugées entre elles (variations sur une harmonie bien tempérée) », in « Justice et droits fondamentaux, études offertes à J. NORMAND » * 33 : CARBONNIER Jean, Droit civil, introduction, PUF, p.227 * 34 : J. CARBONNIER, Introduction au droit et au Droit civil, P.U.F., 1964, p.7, cité dans Alain HERVIEU, « Observations sur l'insécurité de la règle jurisprudentielle », RRJ 1989-2, * 35 : Denys de BECHILLON, « le juge et son oeuvre, in « Mélanges Michel Troper », p.365 * 36 : V. HEUZE, « à propos du rapport sur les revirements de jurisprudence, une réaction entre indignation et incrédulité » précité * 37 : Ass. Pl. , 21 décembre 2006, pourvoi n°05-11966, et pourvoi n°05-17690 : Dans ces deux affaires, la Cour de cassation avait jugé qu'était irrecevable le moyen consistant à relever que la décision d'une Cour d'appel de renvoi est conforme à l'arrêt qui a cassé, mais n'est pas conforme à une solution prévue postérieurement dans le cadre d'une autre affaire. Ces deux affaires sont d'autant plus intéressantes que, comme l'explique Pierre FLEURY-LE GROS, la Cour de cassation aurait pu et aurait du faire application de la dernière solution et non pas d'une solution désuète (Pierre FLEURY-LE GROS, Note sous Assemblée Plénière, 21 décembre 2006, Affaires Centéa et La Briocherie, JCP E) * 38 : Laurent-Xavier SIMONEL, « Le juge et son précédent », Gazette du Palais, 10-11 décembre 1999 * 39 : Laurent-Xavier SIMONEL, « Le juge et son précédent », Gazette du Palais, 10-11 décembre 1999 * 40 Otto PFERSMANN, « à quoi bon un « pouvoir judiciaire » ? », in l'office du juge, part de souveraineté ou puissance nulle * 41 : Jean CARBONNIER, Droit civil, introduction, PUF, p.227 * 42 : Laurent-Xavier SIMONEL, « Le juge et son précédent », Gazette du Palais, 10-11 décembre 1999 * 43 : Jean-Luc AUBERT, Introduction au droit et thèmes fondamentaux du droit civil, Armand COLLIN, p.171 * 44 : ROUBIER Paul, Le droit transitoire (conflits des lois dans le temps, Dalloz, 2ème édition * 45 : Rapport MOLFESSIS, p.11 * 46 : cf infra * 47 : Marie-anne FRISON-ROCHE, « La théorie de l'action comme principe de l'application dans le temps des revirements de jurisprudence », RTD civ, Avril/juin 2005, p.310 * 48 : sur cette question, voir notamment Michel TROPER, « La question du pouvoir judiciaire en l'an III », in L'office du juge : part de souveraineté ou puissance nulle ?, Bruylant 2002 et Jean-Louis HALPERIN, « La souveraineté de la cour de Cassation : une idée longtemps contestée », in l'office du juge : part de souveraineté ou puissance nulle, Bruylant, 2002* 49 : « Ce n'est pas par inadvertance que la Constitution (...) écarte « l'Autorité judiciaire » des « Pouvoirs » entre lesquels elle répartit, dans ses articles 34 et 37 les compétences pour édicter des règles générales. » V. HEUZE, « à propos du rapport sur les revirements de jurisprudence, une réaction entre indignation et incrédulité » précité * 50 : Les juges ne sont « que la bouche qui prononce les paroles de la loi ; des êtres inanimés qui n'en peuvent modérer ni la force ni la rigueur » MONTESQUIEU, L'esprit des Lois , livre XI, chapitre VI . Cette citation de Montesquieu, particulièrement claire dans le principe qu'elle formule, a marqué les esprits, encore que Guy CANIVET explique qu'elle repose sur un malentendu historique, n'y voyant qu'une « formule curieusement attribuée à MONTESQUIEU » (« Activisme judiciaire et prudence interprétative », in La création du droit par le juge, p.9) * 51 : « La question du pouvoir judiciaire en l'an III » précité * 52 : et, a fortiori, la fonction jurisprudentielle, si tant est qu'elle soit admise * 53 : Il poursuit en expliquant que le principe cher à Beccaria (« En présence de tout délit, le juge doit former un syllogisme parfait : la majeure doit être la loi générale, la mineure l'acte conforme ou non à la loi, la conclusion étant l'acquittement ou la condamnation ») a été repris dans ce qui constitue aujourd'hui le droit positif, et notamment dans la Déclaration des droits de l'Homme * 54 : La formule la plus souvent citée sur cette idée est probablement celle de l'évêque Hoadley au XVIIe siècle, d'ailleurs citée par Michel TROPER dans son article : « Whoever Hath an absolute authority to interpret any writen or spoken law, it is he who is truly the Law-giver to all intents and purposes and not the person who first wrote or spoke them » * 55 : Thierry BONNEAU, « Brèves remarques sur la prétendue rétroactivité des arrêts de principe et des arrêtes de revirement », Recueil Dalloz, 1995, p.24 * 56 Thierry BONNEAU, « Brèves remarques sur la prétendue rétroactivité des arrêts de principe et des arrêtes de revirement » précité * 57 : Philippe MALINVAUD « A propos de la rétroactivité des revirements de jurisprudence » RTD civ. Avril/juin 2005, p.314 * 58 Thierry BONNEAU, « Brèves remarques sur la prétendue rétroactivité des arrêts de principe et des arrêtes de revirement » précité * 59 : Civ ; 1ère, 21 mars 2000, pourvoi n°98-11982 ; Recueil Dalloz 2000, n°28, p.593, note Christian ATIAS * 60 : Crim. , 30 janvier 2002, Bull. n°16 ; Crim. , 5 mai 2004, pourvoi n°03-82801. Le premier arrêt est particulièrement intéressant car le premier moyen est l'exacte reprise du raisonnement tenu par le Cour Européenne des droits de l'Homme dans les affaires C.R. c. R-U, S.R. c. R-U, Cantoni et Pessino (cf infra) * 61 : Sur la question du critère formaliste, voir Didier REBUT, « le revirement de jurisprudence en droit pénal », repris dans les annexes du Rapport MOLFESSIS * 62 : Christian MOULY, « Le revirement pour l'avenir », JCP G 1994, n°27, p.325 * 63 : V. HEUZE, « à propos du rapport sur les revirements de jurisprudence, une réaction entre indignation et incrédulité » précité * 64 : Rapport annuel pour l'année 2001, p.421 à p.425 * 65 : civ. 1ère, 9 octobre 2001, pourvoi n°00-14564 * 66 : V. HEUZE, « à propos du rapport sur les revirements de jurisprudence, une réaction entre indignation et incrédulité » précité * 67 : civ. 1ère, 9 octobre 2001 précité * 68 : Jean-Luc AUBERT, Introduction au droit et thèmes fondamentaux du droit civil, Armand COLLIN, p.119 et s. * 69 : AUBERT Jean-Luc, Introduction au droit et thèmes fondamentaux du droit civil, Armand COLLIN p.119 et s. * 70 : Guy CANIVET, « Vision prospective de la Cour de Cassation », conférence prononcée devant l'Académie des Sciences Morales et Politiques le Lundi 13 novembre 2006 * 71 Bruno Oppetit, « Le rôle créateur de la Cour de cassation », in Bicentenaire de la Cour de cassation, La documentation française, 1991 * 72 : Il estime par ailleurs que « ce faisant, la Cour de Cassation ne trahissait nullement sa mission : elle obéissait au contraire aux directives exprimées par Portalis dans son Discours préliminaire de présentation du Code civil, qui excluaient certes l'interprétation judiciaire « par voie d'autorité », débouchant sur des arrêts de règlement, mais encourageaient au contraire les tribunaux à développer l'interprétation « par voie de doctrine », consistant à « saisir le vrai sens des lois, à les appliquer avec discernement et à les suppléer dans les cas qu'elles n'ont pas réglés ». * 73 : Sur cette question, voir notamment AUBERT Jean-Luc, Introduction au droit et thèmes fondamentaux du droit civil, Armand COLLIN p.119 et s. * 74 : L'expression est de Jacques FLOUR, Jean-Luc AUBERT et Eric SAVAUX, Droit civil, les obligations, Tome 2, p.228 * 75 : Jean-Luc AUBERT, Introduction au droit et thèmes fondamentaux du droit civil, Armand COLLIN p.170 * 76 : Jean-Luc AUBERT, Introduction au droit et thèmes fondamentaux du droit civil, Armand COLLIN p.118 et s. * 77 : Jean-Luc AUBERT, Introduction au droit et thèmes fondamentaux du droit civil, Armand COLLIN p.171 * 78 : C'est d'ailleurs le rôle qui lui est depuis longtemps reconnue : « il y a, pour toute la république, une Cour de cassation ». Sur cette question, voir notamment Guy CANIVET et Jean-François BURGELIN : « L'organisation interne de la Cour de Cassation favorise-t-elle l'élaboration de sa propre jurisprudence », in La Cour de Cassation et l'élaboration du droit, Nicolas Molfessis (dir.) , économica 2004 * 79 : Su cette question, voir par notamment Guy CANIVET, « Vision prospective de la Cour de Cassation », conférence prononcée devant l'Académie des Sciences Morales et Politiques le Lundi 13 novembre 2006 * 80 : Bernard BEIGNIER, « Les arrêts de règlement », Droits 9-1989, p.54 * 81 : Jean-Luc AUBERT, Introduction au droit et thèmes fondamentaux du droit civil, Armand COLLIN * 82 : Rapport annuel pour 2003, p.291 ; Le rapport, p. 292 va plus loin : « En outre lorsqu'une nouvelle jurisprudence s'élabore en s'écartant des solutions jusqu'alors acquises, il s'agit pour l'essentiel de questions particulièrement controversées où il était devenu nécessaire de corriger certains excès ou de fixer une ligne directrice plus cohérente * 83 : rapport annuel pour l'année 2001, p. 421 à 425 * 84 : Jean-Luc AUBERT, « Faut-il « moduler » dans le temps les revirements de jurisprudence ?... J'en doute ? », RTD civ, Avril/juin 2005, p.302 * 85 : AUBERT Jean-Luc, Introduction au droit et thèmes fondamentaux du droit civil, Armand COLLIN p.172 * 86 : AUBERT Jean-Luc, Introduction au droit et thèmes fondamentaux du droit civil, Armand COLLIN p.172 * 87 : AUBERT Jean-Luc, Introduction au droit et thèmes fondamentaux du droit civil, Armand COLLIN p.172 * 88 : AUBERT Jean-Luc, Introduction au droit et thèmes fondamentaux du droit civil, Armand COLLIN.176 * 89 : AUBERT Jean-Luc, Introduction au droit et thèmes fondamentaux du droit civil, Armand COLLIN p.171 * 90 : Béatrice BOURDELOIS, « Lois rétroactives et droits fondamentaux », étude présentée lors du colloque sur les droits fondamentaux de la personne humaine en 2003 et 2004, organisé par le Groupe de Recherche et d'Etudes en Droit Fondamental, International et comparé de la Faculté des Affaires Internationales du Havre. * 91 : civ. 1ère, 21 mars 2000, pourvoi n° 98-11982 ; la formule exacte dans l'arrêt était « la sécurité juridique invoquée ne saurait consacrer un droit acquis à une jurisprudence figée, l'évolution de la jurisprudence relevant de l'office du juge dans l'application du droit », l'argument tiré de la violation de l'article 6.1 n'ayant été invoqué qu'ultérieurement dans d'autres affaires. * 92 : civ.ère, 9octobre 2001 précité. La juxtaposition de cette formule et de la formule classique sur l'inexistence de la norme jurisprudentielle (« « l'interprétation jurisprudentielle d'une même norme à un moment donné ne peut être différente selon l'époque des faits considérés » ») ne va pas sans un certain paradoxe, comme le rappelle Denys de Béchillon : « de la rétroactivité de la règle jurisprudentielle », in mélanges en l'honneur de Franck Moderne, p.5 * 93 : civ. 2ème, 8 juillet 2004, pourvoi n° 03-14717 ; civ. 3ème, 2 octobre 2002, pourvoi n°01-02073 ; Il est d'ailleurs intéressant de constater que, le même jour, la deuxième chambre civile a rendu un arrêt où elle admettait le principe d'une non-rétroactivité limitée de la norme jurisprudentielle (pourvoi n°01-10426, cf infra) * 94 : soc.7 janvier 2003, pourvoi n° 00-46476 ; soc. 26 novembre 2003, pourvoi n°01-45486 ; soc. 25 février 2004, RJS 5/04, p.366 ; soc. 18 janvier 2005, pourvoi n° 02-46737 ; soc. 23 février 2005 ; pourvoi n° 02-42615 * 95 : Recueil Dalloz 2000, n°28, p.593, note sous civ. 1ère, 21 mars 2000 * 96 : soc. 28 janvier 2004, pourvois n° 02-40173 et n°02-40174. On signalera simplement que la formule, moins développée que celle employée par la chambre criminelle, renseigne moins sur la vision de la jurisprudence. On peut penser que la chambre sociale a simplement profité de ces arrêts pour préciser le cadre de son intervention, avant de reprendre l'ancienne formule (soc. 25 février 2004, RJS 5/04, p.366) * 97 : rapport annuel de la cour de cassation pour l'année 2001 précité * 98 : ROUBIER Paul, Le droit transitoire (conflits des lois dans le temps) , Dalloz, 2ème édition * 99 : « Brèves remarques sur la prétendue rétroactivité des arrêts de principe et des arrêts de revirement » précité, dirigé contre les propositions de Christian MOULY * 100 : Pierre FLEURY-LE GROS, Note sous Assemblée Plénière, 21 décembre 2006, Affaires Centéa et La Briocherie, JCP E dirigé contre les propositions du rapport MOLFESSIS * 101 : On peut d'ailleurs noter que Thierry BONNEAU revient au principe de la déclarativité, tandis que Pierre FLEURY-LE GROS accepte de rester dans l'optique d'un juge créateur. * 102 : Pierre FLEURY-LE GROS, Note sous Assemblée Plénière, 21 décembre 2006, Affaires Centéa et La Briocherie, JCP E * 103 : Pierre FLEURY-LE GROS, Note sous Assemblée Plénière, 21 décembre 2006, Affaires Centéa et La Briocherie, JCP E * 104 : Pierre FLEURY-LE GROS, Note sous Assemblée Plénière, 21 décembre 2006, Affaires Centéa et La Briocherie, JCP E * 105 : Pierre FLEURY-LE GROS, Note sous Assemblée Plénière, 21 décembre 2006, Affaires Centéa et La Briocherie, JCP E * 106 : Pierre FLEURY-LE GROS, Note sous Assemblée Plénière, 21 décembre 2006, Affaires Centéa et La Briocherie, JCP E * 107 : Paul ROUBIER, « Le Droit transitoire », 2ème éd., 1960 * 108 : L. BACH, « Contribution à l'étude du problème de l'application des lois dans le temps », R.T.D.civ., 1969, pp. 405 à 468 * 109 : P. FLEURY-LE GROS, Contribution à l'analyse normative des conflits de lois dans le temps en droit privé interne, thèse, préface L. BACH, P. MAYER, postface. J. PETIT, éd. Dalloz, Nouvelle bibliothèque de thèse, vol 43, février 2005 * 110 : Thierry BONNEAU indique les référence suivantes : Cass. 1re civ., 8 mai 1979, D. 1979.477, note Huet-Weiller ; JCP 1980.II.19301, note Paire ; Gaz. Pal. 1979.2.426, note Massip ; Cass. ass. plén., 9 juill. 1982, JCP 1983.II.19993, concl. Cabannes ; RTD civ. 1983.729, obs. Nerson et Rubellin-Devichi, et 1984.150, obs. Normand. ; Cass. 1re civ., 1er déc. 1982, D. 1983.573, note Agostini. * 111 : Paul ROUBIER, « Le Droit transitoire » précité * 112 : « Brèves remarques sur la prétendue rétroactivité des arrêts de principe et des arrêts de revirement » précité * 113 : Ass. Pl., 21 décembre 2006 précité * 114 : Pierre FLEURY-LE GROS, Note sous Assemblée Plénière, 21 décembre 2006, Affaires Centéa et La Briocherie, JCP E * 115 : Pierre FLEURY-LE GROS, Note sous Assemblée Plénière, 21 décembre 2006, Affaires Centéa et La Briocherie, JCP E * 116 : Pierre FLEURY-LE GROS concentre sa critique sur les prémisses du rapport MOLFESSIS ; Thierry BONNEAU évoque principalement les articles de Christian MOULY dans les années 1990 : C. Mouly, Comment rendre les revirements de jurisprudence davantage prévisibles ?, Petites affiches, n° 33, 18 mars 1994, p. 15. ; C. Mouly, art. préc. ; Le revirement pour l'avenir, JCP 1994.I.3776 ; rapport sur les revirements de jurisprudence de la Cour de cassation, in L'image doctrinale de la Cour de cassation, Doc. fr., 1994, p. 123 s. |
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