CONCLUSION
Le mouvement progressif de massification des écoles de
BTS fait de ces établissements des lieux où se rencontrent des
étudiants, de tout horizon social et géographique,
dispersés dans une diversité de spécialités de
formation. Une importante hiérarchisation des types de formation
s'installe corrélativement à une inégale reconnaissance
des titres scolaires dans le monde du travail. Le diplôme universitaire
est concurrencé et certaines disciplines peinent à se faire
valoir sur le marché de l'emploi. Le diplôme restant le meilleur
moyen de maximiser ses chances d'accès au monde du travail, beaucoup
d'étudiants affluent vers les formations de BTS qui sont plus
valorisées dans le monde d'emploi togolais. Devant l'inflation des
diplômes universitaires et leur dévaluation, face aux
chômages et à la précarité de l'emploi qui restent
fortement présents dans les esprits, nul doute que les choix de
formation vers l'emploi sont les principales préoccupations des nouveaux
bacheliers en pleine recherche d'une reconnaissance sociale. Si les origines
sociales et les parcours scolaires de ces étudiants sont
hétérogènes, la question des choix d'orientation scolaire
est de toute importance pour les nouveaux bacheliers en quête d'une
construction identitaire. Pour les étudiants interrogés, penser
son cheminement dans la formation supérieure implique une
réflexion sur soi même, ses aspirations et sur le sens que l'on
entend donner à sa vie.
Concernant plus concrètement les
dimensions importantes qui interviennent sur l'orientation des nouveaux
bacheliers vers les écoles de BTS, le contexte socioéconomique du
pays, et le fonctionnement du système universitaire pèsent de
leur poids. Les représentations que se font ces étudiants de
l'université et les considérations qu'ils attribuent aux
écoles de BTS ont une influence évidente sur les choix
d'orientation scolaire. A l'issue de l'enquête que nous avons
menée dans les écoles de BTS, les résultats auxquels nous
sommes parvenus s'inscrivent dans ce contexte. Les difficultés de tous
ordres auxquels sont confrontés les étudiants de
l'université (taux d'échec élevé au premier cycle,
la dégradation des conditions d'accueil des nouveaux bacheliers, la
suppression des bourses d'étude, l'instabilité fréquente
sur le campus...) sont autant de causes qui influencent la position des
étudiants pour les écoles de BTS. Aussi la motivation que les
étudiants affichent aujourd'hui pour la formation des BTS se justifie
également dans le cadre des difficultés d'accès à
l'emploi. Il s'agit pour ces jeunes de s'orienter vers des créneaux
exploitables et rentables. Il apparaît donc, face à cette
situation que la formation universitaire a perdu sa crédibilité
auprès de ces étudiants. Ils se font dès lors, des
représentations fausses, et de mauvaises attributions à
l'université. Ils pensent que l'université est un lieu
d'échec, un lieu fermé à la vie, un milieu de
récréation, une institution qui forme au chômage. C'est
ainsi au détriment de l'université que les écoles de BTS
sont plus appréciées et de plus en plus désirées
par les nouveaux bacheliers. La formation des BTS est courte, pratique et
professionnelle et mieux considérée sur le marché de
l'emploi que la formation universitaire. Le privilège attaché
à ce diplôme s'explique aussi par la spécialisation des
filières de formation dans les BTS, et surtout par la
considération importante que l'Etat lui donne. On peut parler aussi de
l'attrait des conditions d'étude, et des dispositions d'accueil de ces
écoles de BTS.
Par ailleurs, l'on se demande aussi comment ces
étudiants choisissent-ils les formations de BTS ou comment ceux-ci
s'orientent-ils vers telle ou telle formation ? Répondre à
cette question demande de voir en l'orientation de ces étudiants une
pluridimensionnalité des acteurs intervenant sur leurs choix.
L'orientation ou la réorientation de ces étudiants tend à
s'opérer dans un champs des possibles plus ou moins circonscrit par des
contraintes extérieures à la personne de ces étudiants.
Certains facteurs influent de manière très marquée sur le
choix d'orientation. Sans pour autant parler du déterminisme total de
ces facteurs, les contraintes exercées par les échecs et les
mauvaises conditions d'étude à l'université
ajoutées à l'influence de la vente d'image qu'opèrent les
promoteurs des écoles de BTS sont les principaux facteurs
extérieurs qui conditionnent l'orientation des nouveaux bacheliers vers
les écoles de BTS. Mais aussi le contexte économique et social du
pays apparaît également comme un facteur imposant. La crainte du
chômage et la précarité de l'emploi au pays influencent de
façon non négligeable sur le choix de formation des jeunes
togolais. L'origine sociale des étudiants tend également à
circonscrire le champ des possibles de formation de ces étudiants qui
s'orientent vers les BTS. L'information n'est pas la même que l'on soit
fils ou fille d'un fonctionnaire ou d'un cultivateur. Les choix d'orientation
sont le fruit d'une réflexion, bien sûr personnel, mais
alimentée par la multidimensionnalité des facteurs.
L'environnement social de l'étudiant, ses réseaux de
sociabilité (famille, pairs et amis) influent sur les perceptions et les
décisions, ou plus exactement construisent les perceptions et orientent
les décisions. Cette étude a mis en évidence le rôle
important de la famille (comme lieu de la socialisation où circulent
perceptions, représentations et connaissances du monde du travail), et
l'importance accordée par les étudiants aux multiples
réseaux de sociabilité où s'échangent discours,
inquiétudes, plaisirs et peines. Ces dimensions alimentent les
réflexions sur un avenir fortement inquiétant dans l'esprit de
ces étudiants dans le cadre de cette étude. Ce qui explique
l'intérêt de ces étudiants pour les formations qui
garantissent un emploi plus tard. Tous, ou presque envisage la stabilité
de l'emploi et l'occupation d'un emploi bien rémunéré.
L'emploi est perçu comme un moyen de se réaliser, une affirmation
de soi, une reconnaissance sociale et l'autonomie d'une vie adulte. D'autre
part, les sources d'information comme les médias, et les supports des
publicités exercent aussi leurs pressions sur le choix des écoles
de BTS par les étudiants. Elles influencent l'orientation de ces
étudiants par leurs diffusions de l'image positive qu'elles attribuent
à ces écoles de BTS.
Cependant, dans un champ des possibles plus ou moins
délimités, l'étudiant dispose d'une marge de manoeuvre qui
donne la direction précise de son parcours de formation. Ses choix
à prendre, ses choix sous contraintes sont la résultante d'une
réflexion personnelle sur les données de son environnement social
et structurel. Il est donc important d'interpréter les choix
d'orientation scolaire comme le résultat d'une réflexion
personnelle alimentée et influencée par l'univers social de
l'étudiant. En d'autres termes, le rapport de l'étudiant aux
diverses formations qui l'entourent, ses représentations et ses
perceptions du monde social et les actions qui en découlent sont le
construit de ses expériences socialisatrices.
Considérant tout ce qui précède, cette
étude montre la multidimensionnalité des facteurs intervenant
dans le processus de l'orientation scolaire des nouveaux bacheliers. Elle a
touché les divers axes de recherche s'insérant dans la
problématique de l'orientation scolaire. Et il nous semble important de
multiplier les axes de recherche dans ce cadre pour permettre une meilleure
compréhension et analyse du phénomène dans sa
globalité. Dans l'optique de la continuité de la question de
recherche (qu'est ce qui motive l'inscription de plus en plus
élevée des nouveaux bacheliers dans les écoles de
BTS ?), une piste d'exploration nous paraît intéressante.
C'est celle de l'insertion professionnelle des jeunes diplômés de
BTS. C'est la place de l'adaptation des jeunes diplômés
débutant au milieu professionnel. Comment se caractérise cette
nouvelle étape de vie professionnelle ? Et quelle influence
revêt les études de BTS sur l'intégration dans le milieu
professionnel ? Peut-on parler de décalage entre la formation et la
profession ? Ces pistes d'exploration permettront d'interpréter et
d'analyser correctement l'utilité des formations de BTS. /.
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