IV-3 : Les contraintes des écoles dans
l'orientation des
étudiants vers les BTS
L'orientation vers les écoles de BTS semble avoir fait
l'objet d'un vrai choix pour les uns, et pour les autres, elle a
été l'objet d'une contrainte après les échecs
à l'université ou d'une influence des offres de formation des
BTS. Pour certains étudiants, c'est pour le goût des
matières enseignées qu'ils ont choisi les BTS.
« J'aimais la comptabilité, j'étais doué
pour les chiffres ». Pour d'autres étudiants, ce sont des
raisons rationnelles qui sont avancées : « je
voulais devenir un expert comptable, et cette formation me permettait d'avoir
un diplôme de comptable ».
Cependant il s'agit en général d'une orientation
par défaut ou par hasard pour nos enquêtés. Faute de mieux,
c'est la seule issue pour leur demande de formation supérieure.
« Je ne suis pas assez forte scolairement, j'ai choisi les BTS pour
ne plus redoubler ». Ainsi présentée, l'orientation des
nouveaux bacheliers vers les écoles de BTS est plus l'objet d'un choix
par défaut et par hasard que l'objet d'un véritable projet de
construction de soi. Les influences exercées par les caractères
spécifiques des BTS et les contraintes des échecs universitaires
sont les principaux guides d'orientation de ces étudiants vers les BTS
(Tableau 6).
En effet, s'il y a une raison efficace pour justifier la
croissance sensible des étudiants dans les écoles de BTS, c'est
justement les difficultés liées aux conditions de travail et de
réussite à l'université. Alors qu'ils ont largement
intériorisé l'importance du diplôme de BTS, nos
enquêtés admettent avoir vécu un processus de
relégation vers les écoles de BTS. Pour se justifier de leurs
échecs universitaires, ils mettent en cause le fonctionnement de
l'institution. Le niveau des taux d'échecs au DEUG à
l'université de Lomé reste encore élevé, surtout
dans les facultés comme la FASEG, FDD, et à la faculté de
médecine. Le devenir de ceux qui abandonnent ou qui sortent sans
diplôme restent inquiet. Désireux de faire les formations
supérieures, gage de leur intégration sociale, ces
étudiants se tournent vers les nouvelles offres de formation courte,
pratique et professionnelle malgré leurs coûts
élevés. C'est ainsi qu'ils soutiennent qu'au lieu d'aller perdre
leur vie à l'université, et sortir sans aucune qualification ou
certification, il est préférable pour eux d'aller faire une
formation rapide et de pouvoir travailler sur le marché de l'emploi. Il
convient ici d'exprimer la motivation de ces étudiants pour les
études universitaires lorsqu'ils étaient au lycée. Il
s'agissait pour eux de terminer les études universitaires pour
échapper au chômage. Déçus par leur
relégation à l'université, ils sont contraints de faire
une formation qui rassure leur insertion sociale.
Par ailleurs la dégradation des conditions
d'étude à l'université explique la fuite des
étudiants vers les écoles de BTS. Le début de
l'augmentation sensible des effectifs au BTS (à partir de 2002)
correspond aux années où l'université a connu de profondes
crises. Les conditions d'étude à l'université sont
devenues difficiles. Il y a eu la flambée des frais d'inscription qui
sont passés de 4500 F CFA à 25000 F CFA en 2002 et de 25000 F CFA
à 50000 F CFA en 2004. Au même moment les étudiants
assistaient à la suppression automatique des bourses, à la
rareté des aides universitaires, à la majoration des tickets de
restauration et de bus. L'inquiétude des parents, face à
l'instabilité ou à la crise universitaire due aux grèves
qui conduisent souvent aux années blanches grandissaient. Pendant ces
périodes, les écoles de BTS par le biais des publicités et
de la situation professionnelle de ses anciens étudiants ont
gagné de l'admiration et du prestige auprès des
étudiants. Il y a alors de quoi s'intéresser aux écoles de
BTS. D'une durée de deux (2) ans et accessible avec un niveau Bac, la
formation de BTS est destinée à faire acquérir un
savoir-faire professionnel. Elle comprend des stages en entreprise et des
ateliers pratiques. Les étudiants choisissent aussi le BTS en raison de
la qualité de l'encadrement (Graphique 11) et
du suivi pédagogique individualisé qui se démarque de
l'université. Les BTS offrent aux nouveaux bacheliers l'occasion d'avoir
un diplôme professionnel en une période plus courte. Les parents
sont tout aussi séduits par ces filières, qui malgré leur
coût élevé, offrent un bon encadrement aux étudiants
par rapport à l'université et représentent une sorte
d'assurance anti chômage dans leurs imaginations. Le choix de cette
formation par les étudiants est l'expression de la perception positive
qu'ils se font d'elle. A l'heure où le chômage et les
difficultés économiques rendent difficile et désorientent
la vie sociale, les BTS apparaissent aux yeux de ces étudiants comme une
satisfaction à leurs besoins. Surtout s'ils considèrent le
privilège attaché à ce diplôme par l'Etat. Les BTS
(Bac+2) sont soumis au même traitement que ceux qui sortent de
l'université nantis d'une maîtrise (Bac+4). Ce privilège
explique par ailleurs la motivation des nouveaux bacheliers pour les
études de BTS. Par conséquent, les nouveaux étudiants
réorientés vers les BTS auraient choisi de faire les
études à l'université si les conditions d'étude et
de réussite leur étaient favorables. Tel est l'avis de la
majorité de nos enquêtés.
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