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Stratégies d'insertion des jeunes de la ville de Yaoundé

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par Patrick Félicien MAMBOU
Institut Sous-régional de Statistique et d'Economie Appliquée, Cameroun - Ingénieur d'application de la statistique 2006
  

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1.2 Les facteurs explicatifs de l'insertion professionnelle des jeunes

Il s'agit dans ce paragraphe de mettre en évidence les facteurs explicatifs de l'insertion des jeunes. Ces facteurs seront appréhendés par le modèle Logit dont la formulation est présentée dans l'encadré 2. Pour ce faire, l'estimation du modèle nécessite le choix des variables d'analyse.

44

a) Les variables utilisées

Les analyses précédentes faites à partir des méthodes simples de tabulation peuvent contribuer à mieux identifier les variables qui pourraient avoir une influence sur l'accès à l'emploi des jeunes. La décision de participation au marché du travail tient aux considérations tant individuelles qu'environnementales. Les variables retenues pour expliquer l'insertion des jeunes dans le marché du travail découlent des théories présentées au chapitre 2. Elles sont de plusieurs catégories et tiennent à la fois aux considérations tant individuelles qu'environnementales à savoir :

9 le genre qui s'est révélé être un élément discriminant dans l'insertion des jeunes ;

9 l'âge et l'âge au carré qui sont des variables généralement utilisées pour appréhender le potentiel lié à l'expérience de l'individu40;

9 le niveau d'instruction et les qualifications professionnelles de l'individu ;

9 la taille du ménage car l'environnement de l'individu est un facteur qui peut stimuler la participation de l'individu au marché du travail ;

9 les variables relatives aux caractéristiques du chef de ménage car le comportement du chef de ménage et son secteur d'activité (secteur public, secteur privé formel et le secteur informel) sont susceptibles d'influer l'insertion socioprofessionnelle des jeunes ;

9 le coût d'opportunité qui, d'après la théorie de la recherche de l'emploi41 est considéré comme le salaire de réserve ou le coût du chômage.

b) Détermination du coût d'opportunité

Le salaire de réserve ou le coût du chômage dépend de la distribution des salaires dans l'économie, du degré de stabilité des emplois proposés et de l'impatience de chaque demandeur d'emploi et de plusieurs facteurs inhérents au chercheur d'emploi. Les données qui ont été exploitées n'ont pas permis de capter de façon directe le montant auquel les chercheurs d'emploi seraient prêts à accepter un emploi qu'il soit du secteur formel ou informel. Ainsi, pour contourner ce fait, il a été fait l'hypothèse selon laquelle les revenus issus de l'activité principale des jeunes occupés sont les revenus que les demandeurs d'emploi escomptent afin de décider de leur participation au marché de l'emploi. Pour ce faire, il serait nécessaire de procéder à l'identification des éléments qui ont un impact significatif sur le revenu des jeunes. Ainsi, les études similaires faites par le BIT dans le cadre de l'analyse des caractéristiques et des déterminants de l'emploi des jeunes au Cameroun et les analyses descriptives précédemment

40 Source : LACHAUD, J-P, « Salaire d'efficience, vulnérabilité du travail et chômage urbain au Burkina-Faso », Centre d'Economie du Développement (Université Montesquieu Bordeaux IV), 1997.

41 La théorie de la recherche de l'emploi est présentée au chapitre 2

45

effectuées ont permis de relever les éléments qui pourraient avoir un impact sur le revenu des jeunes. Ces variables sont relatives au capital humain (formation professionnelle, âge au carré) à la démographie (sexe et âge de l'individu) et à l'environnement familial de l'individu.

Tableau 6 : Equation du revenu issu de l'emploi des jeunes avec correction du biais de sélection

Variable dépendante

Logrevenu

Variables explicatives

 

Coefficient

t

Significativité

Constante

2,35046588

6,89647277

0,00***

Capital humain

 

A reçu une formation professionnelle ou non

0,15910609

2,57970653

0,01***

Age au carré

0,0049823

1,81855986

0,07*

Environnement familial

 

Vie en union42

-0,16445193

-2,4749479

0,01**

Taille du ménage

0,02584952

2,23101367

0,03**

Démographie

 

Age de l'individu

-0,0548112

-3,29528952

0,001***

Sexe de l'individu43

0,20752836

2,43069695

0,02**

Inverse du ratio de Mill

-0,7435785

-3,05236437

0,01***

R2

0,240

R2- ajusté

0,195

F

12,445***

N

400

Durbin-Watson

2,045

t représente la statistique de student

* indique la significativité au seuil de 10% ** indique la significativité au seuil de 5% *** indique la significativité au seuil de 1%

Source : Nos calculs à partir des données de l'EDIJ 2005, ISSEA.

Malgré le faible pouvoir explicatif du modèle de l'équation des revenus (24%), il est cependant globalement très significatif (au seuil de 1%). Cette faiblesse du pouvoir explicatif des modèles de détermination des revenus contrairement à celle des pays développés est caractéristique des pays de l'Afrique sub-saharienne [Lachaud ,1996].

Le fait d'avoir reçu une formation professionnelle augmenterait le logarithme du revenu des jeunes de 15,91% toutes choses égales par ailleurs. En plus, l'expérience sur le marché du travail appréhendée par l'âge au carré bien qu'étant significative à 10 % contribuerait à augmenter le revenu des jeunes.

Bien plus, les variables liées à l'environnement familial ont une influence significative sur la détermination des revenus. La vie en union des jeunes aurait un impact négatif sur l'évolution de leur revenu. Ceci peut être dû au fait que nombre de femmes sont parfois amenées à

42 La variable << Vie en union » est une variable muette qui prend la valeur 1 lorsque l'individu est marié et 0 sinon

43 La variable << sexe de l'individu » (resp. << A reçu une formation professionnelle ou non ») est une variable muette qui prend la valeur 1 si l'individu est un homme et 0 sinon (resp. 1 si l'individu possède une formation professionnelle et 0 sinon)

46

abandonner leurs activités une fois mariées pour des raisons de maternité. Bien qu'il soit aussi plausible de penser que l'augmentation de la taille du ménage serait une conséquence de l'accroissement des revenus, la taille du ménage a une influence positive sur le revenu. En effet, dans le contexte particulier des pays en voie de développement, les ménages de taille élevée sont généralement des ménages pauvres. Ainsi, les jeunes de ces ménages seraient amenés à exercer des activités rémunératrices afin d'augmenter leurs revenus. Le sexe est un élément discriminant du revenu des jeunes. La différence de revenus des jeunes hommes et des jeunes femmes est significative ce qui confirme ce qu'ont révélé les analyses descriptives précédemment effectuées.

c) Les résultats du modèle

Après avoir déterminé l'équation de détermination du revenu des jeunes dans l'objectif d'estimer le coût d'opportunité de l'emploi ou le coût du chômage, il s'agit actuellement de mettre en évidence les éléments qui influent sur l'accès à l'emploi des jeunes.

Le modèle obtenu est globalement significatif (le Khi-deux de valeur 120,1185 est significatif au seuil de 1%) et le pourcentage correct (71,6%) signifie que le modèle est vrai dans 71,6 % des cas. En d'autres termes, si un jeune présente les caractéristiques énumérées dans le modèle, il fera partie du groupe des insérés dans 71,6% des cas.

47

Tableau 7 : Résultat du modèle économétrique44 de l'accès à l'emploi des jeunes

Variables

Coefficient

E.S

ddl

Significativité

Effet
marginal

Constante

-7,3991432

2,70952485

1

0,006***

 

Environnement familial

Existence d'enfants de moins de 14 ans

Oui

0,55119767

0,24087134

1

0,022**

1,73533012

Non

m.r

m.r

m.r

m.r

m.r

Etre chef de ménage

Oui

-0,60477275

0,27355603

1

0,027**

1,54619854

Non

m.r

m.r

m.r

m.r

m.r

Etre fils ou fille du chef de ménage

Oui

-0,41375368

0,24528662

1

0,09*

0,66116379

Non

m.r

m.r

m.r

m.r

m.r

Nombre d'actifs occupés dans le ménage

0,48304697

0,09025223

1

0.000***

1,62100605

Capital humain

Niveaux d'instruction 5

Supérieur

m.r

m.r

m.r

m.r

m.r

Primaire

0,15131492

0,38373737

1

0,693

1,16336297

Secondaire général 1er cycle

0,49246865

0,35848803

1

0,169

1,63635082

Secondaire général 2e cycle

-0,28541113

0,36963997

1

0,44

0,75170514

Secondaire technique 1er cycle

0,52025049

0,40966261

1

0,204

1,68244903

Secondaire technique 2e cycle

0,59126181

0,45765238

1

0,196

1,80626614

Age au carré

-0,00720458

0,00413823

1

0,082*

0,99282132

Qualification technique ou professionnelle

 
 
 
 
 

Oui

0,47154879

0,22547223

1

0,003***

1,69873221

Non

m.r

m.r

m.r

m.r

m.r

Démographie

Sexe de l'individu

Femme

m.r

m.r

m.r

m.r

m.r

Homme

1,02779534

0,20011848

1

0,000***

2,79489723

Age de l'individu

0,41594565 0,2093744 1 0,047** 1,51580348

liées au chef de ménage ou du parent

3

Caractéristiques

Secteur d'activité

Informel

m.r

m.r

m.r

m.r

m.r

Public

0,59711625

0,23881976

1

0,012**

0,55039655

Parapublic

0,95487652

0,44131791

1

0,030**

0,38485967

Privé formel

0,87725161

0,25806889

1

0,000***

0,41592446

 

Coût d'opportunité de l'emploi

0,22275325

0,17064766

1

0,192

1,24951222

Khi-deux = 120,1185***

Cas bien classés= 71,6 %

N=1085

m.r : modalité de référence, E.S : Erreur Standard, ddl : nombre de degré de liberté.

*indique la significativité au seuil de 10 % ** indique la significativité au seuil de 5% *** indique la significativité au seuil de 1% Source : Nos calculs à partir des données de l'EDIJ 2005, ISSEA.

44 Il s'agit d'un modèle dichotomique (Inséré ou non inséré)

48

Il ressort de l'estimation du modèle que les variables relatives au niveau d'instruction ne sont pas significatives. Ainsi, ces variables ne seraient pas les principaux déterminants de l'insertion chez les jeunes. Ce constat pourrait s'expliquer par le fait que les jeunes ayant eu une instruction sont en général sans expérience sur le marché du travail ce qui rendrait difficile leur accès à un emploi décent. Par contre, les variables liées à l'environnement familial, à la démographie et aux secteurs d'activité du chef de ménage sont fortement significatives dans l'explication de l'accès à l'emploi des jeunes.

Les jeunes qui vivent dans des ménages qui contiennent des enfants de moins de 14 ans (78,4 %) ont une probabilité de participer au marché du travail 1,73 fois plus importante que ceux qui vivent dans des ménages qui n'en contiennent pas.

Environ 23,2 % des jeunes sont des chefs de ménage. Ils ont, toutes choses égales par ailleurs 1,55 fois plus de chances de participer au marché du travail que ceux qui n'ont pas de charges familiales.

Par ailleurs, la variable « être fils ou fille du chef de ménage » a un coefficient négatif. Ceux-ci vivent de plus en plus longtemps dans la sphère familiale, et bénéficient de ce fait du soutien financier des parents pour subvenir à leurs besoins.

Le nombre d'actifs occupés présents dans le ménage est significatif au seuil de 1% avec un coefficient positif. Ainsi, les actifs occupés exercent une influence psychologique sur les actifs non occupés notamment à travers une certaine capacité à acquérir des biens. Le jeune qui cohabite avec au moins un actif occupé a 1,62 fois plus de chances d'être inséré que celui qui vit dans des ménages qui ne disposent pas d'actifs occupés toutes choses égales par ailleurs. Ces personnes occupées exercent dans la plupart des cas dans le secteur informel et ils développent des activités qui sont tenues par leurs proches.

Comme il a été signalé dans l'analyse descriptive, le sexe est un élément discriminateur dans l'explication de l'insertion des jeunes. Les jeunes hommes ont 2,79 fois plus de chances de s'insérer que les jeunes femmes.

La variable âge est significative au seuil de 5 % avec un coefficient positif. Ainsi, plus l'on est jeune moins l'on a les chances de s'insérer. Ce qui poserait la problématique de l'insertion des jeunes. En outre, le signe négatif de l'âge au carré indique que l'impact négatif de l'ancienneté diminue graduellement avec l'âge des jeunes. Ainsi, les jeunes devraient en principe avoir une longue expérience sur le marché du travail avant d'accéder à un emploi.

L'accès des jeunes à l'emploi est fortement influencé par le secteur d'activité du chef de ménage. De manière générale, les jeunes qui vivent dans les ménages où le chef travaille ont beaucoup plus de chances de participer au marché du travail. L'examen du tableau 7 montre que les variables relatives au secteur d'activité du chef de ménage sont toutes significatives et

49

positives. Les jeunes dont le chef de ménage travaille dans le secteur formel (public et privé) ont moins de chances de s'insérer que ceux dont le chef de ménage travaille dans l'informel. En effet, cette affirmation peut être relativisée. Contrairement aux jeunes issus des familles dont le chef est un travailleur du secteur formel qui ont une forte propension à exercer dans les segments protégés de l'emploi, les jeunes qui vivent dans des ménages dont le chef est un travailleur du secteur informel se dirigent dans l'informel. En plus, près de 91% des jeunes qui exercent dans le secteur public sont issus des ménages dont le chef travaille dans le secteur public ou privé formels (cf. tableau 26 en annexe 1). Les stratégies d'insertion ont montré que les jeunes s'appuieraient prioritairement sur les relations familiales pour s'insérer. Ce qui aurait pour conséquence de conférer un avantage aux jeunes issus des ménages dans lesquels le chef travaille dans le secteur formel.

Une des raisons que l'on peut avancer pour expliquer l'insertion des jeunes sur le marché du travail concerne les prétentions salariales. Le choix de cette variable est guidé par la théorie de la recherche de l'emploi selon laquelle les chercheurs d'emploi décident de leur participation au marché du travail suivant leurs prétentions salariales. Le modèle estimé montre que la variable relative au coût d'opportunité n'est pas significative. Tout se passe comme si à défaut de trouver un emploi correspondant à leur profil, et à leur niveau de formation, les jeunes de la ville de Yaoundé n'ont plus d'autre alternative que de choisir le premier emploi qui se présente à eux quelle que soit la qualité et la nature de cet emploi. Les jeunes sont de moins en moins regardants quant à la qualité des emplois qu'ils exercent. D'où l'entrée massive des jeunes dans les segments d'emplois précaires.

Somme toute, les chances pour les jeunes d'entrer dans la vie professionnelle dans la ville de Yaoundé sont liées aux caractéristiques démographiques et socio-économiques du jeune et à la conjoncture économique traversée. Résoudre le problème de l'emploi des jeunes passerait par l'amélioration des actions ciblées sur ces variables.

Encadré 2 : Le modèle dichotomique de participation au marché du travail.

La formulation du modèle de participation au marché du travail se fait selon la structure à choix discret où l'individu i choisit de participer au marché du travail (Yi = 1) ou non (Yi = 0). Le modèle se présente sous la forme générale d'un modèle Logit : Yi = â0 + â1 *Xi + â2 * Fi + åi ou encore P (Yi=1) = F (âiWi) Où :

- Xi est un vecteur de caractéristiques individuelles comprenant les variables visant à capturer le potentiel de productivité ;

50

- Fi est un vecteur de caractéristiques familiales influençant les décisions de participation,

- â k, k= 0, 1,2 est un vecteur de paramètres à estimer,

- å i est le terme d'erreur qui suit la loi normale,

- P (Yi=1) est la probabilité d'un jeune actif à s'insérer dans le monde du travail,

- F est la fonction de répartition de la loi logistique ( F x

( ) =

1
1 exp( )

+ - x

),

- Wi est le vecteur de caractéristiques liées à l'environnement familial, au capital humain et à la conjoncture

économique influençant la décision de participation au marché du travail.

Les valeurs numériques des estimations n'ont pas d'interprétation économique directe, en raison du problème de la normalisation de la variance résiduelle. Ainsi, la seule information directe réellement utilisable est le signe des paramètres indiquant si la variable associée influence à la hausse ou à la baisse la probabilité de l'évènement considéré. Toutefois, on peut en effet calculer les effets marginaux : les effets marginaux mesurent la sensibilité de la probabilité de l'évènement Yi = 1 par rapport à des variations dans les variables explicatives.

Le salaire de réserve qui, selon la théorie du Job search est une variable qui influe sur la décision de participation du marché du travail n'a pas été appréhendé pour les individus non insérés. Afin de l'inclure dans le modèle de participation au marché du travail, l'estimation de l'équation de revenu s'est avérée nécessaire. Les coefficients de cette équation peuvent être biaisés car les individus insérés sur lesquels la régression s'est effectuée ne constituent pas un échantillon aléatoire. La correction du biais de sélection s'est réalisée en introduisant dans l'équation du revenu une variable explicative supplémentaire appelée l'inverse du ratio de Mill. Si l'on désigne par ë

l'inverse du ratio de Mill, alors, il s'exprime par la relation : ( )

ö â X

ë = . Où Ö(.) est la fonction de répartition de

Ö ( X)

â

la loi normale centrée et réduite et ö(.) sa fonction de densité de probabilité. On obtient alors l'équation du revenu
qui peut s'écrire : Ln ( Ri) = â ' Xi +øiëi + åi E (åi Vi = 0 ) = 0 et Ln ( Ri) correspond au logarithme des

revenus provenant de l'emploi principal, Xi est un vecteur de variables susceptibles d'influencer les revenus issus de l'emploi principal et åi qui suit une loi normale N(0,ó ).

Source : C. Hurlain ; Polycopié de cours d'Econométrie des variables Qualitatives ; Janvier 2003.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci