3.2.3 Revenu et sous-emploi des jeunes
D'après les estimations de l'Enquête sur la
Dynamique d'Insertion socioprofessionnelle des jeunes de la ville de
Yaoundé (EDIJ 2005), 23,6 % des jeunes en activité et
salariés auraient un
33 D'après la deuxième Enquête
Camerounaise Auprès des Ménages (ECAMII), Les employés
protégés sont des employés salariés qui ont droit
aux allocations familiales ; les employés non protégés
sont des employés salariés qui ne disposent pas d'allocations
familiales.
38
revenu mensuel inférieur à 23 514 francs
CFA34. Plus de la moitié des jeunes auraient un revenu
mensuel inférieur à 50 000 francs CFA (cf. graphique 11). Les
jeunes femmes bien qu'ayant au départ quasiment le même salaire
que les jeunes hommes (salaire à l'embauche), seraient sujettes à
une discrimination dans les revenus, toutes choses égales. Le revenu
moyen chez les jeunes hommes est de 98 570 francs CFA contre 50 060 francs CFA
(cf. tableau 20 en annexe 1).
Graphique 11 : Répartition des jeunes
insérés selon la tranche de revenu
40,0
35,0
30,0
25,0
20,0
15,0
10,0
5,0
0,0
Proportion des jeunes inseres (%)
Momns de De 23500
|
De 50000
|
De
|
De
|
400000
|
23500 a 49999
|
a 99999
|
100000 a
|
200000 a
|
et plus
|
|
|
199999
|
399999
|
|
Tranche de revenu (en Fcfa)
23,6
33,7
22,9
15,7
2,4 1,7
Source : EDIJ 2005, ISSEA
Les jeunes actifs occupés du secteur public et
parapublic sont les mieux rémunérés, car près de 33
% de ses emplois jeunes seraient rémunérés à plus
de 150 000 francs CFA , contre 11,3 % dans le secteur privé formel et
6,6 % dans le secteur informel. Ainsi, il apparaît que les secteurs
public et parapublic seraient ceux qui offriraient des salaires à
l'embauche les plus élevés et qui rémunéreraient le
mieux les jeunes. D'autre part, ils constituent une meilleure garantie en
termes de sécurité sociale35. Le secteur informel
confirme sa place de secteur le moins rémunérateur, plus de 75 %
des jeunes du secteur informel auraient un revenu inférieur à 60
000 francs CFA.
Par rapport à l'évolution des revenus,
près de 45 % de jeunes déclarent inchangés leurs revenus
au cours de l'année précédent l'enquête (2004-2005),
33,8 % affirment qu'ils ont augmenté, et pour 21,7 %, ils sont en
baisse.
En plus, 52,7 % de jeunes se déclarent insatisfaits de
leur emploi (principal) ; et avancent comme principale raison la faiblesse des
revenus (près de 60 % des cas) et les conditions de travail (10,4 % des
cas). En plus, 56,5 % de jeunes jugent leur qualification en déphasage
avec leur emploi. Cette situation peut paraître moins surprenante dans la
mesure où il apparaît que plus de 54 % des structures seraient
informelles puisque ne tenant pas de comptabilité
détaillée (55,5%) et n'ayant pas de numéro de contribuable
(52 %).
34 Cette valeur représente le SMIC (Salaire
Minimum Interprofessionnel de Croissance) au Cameroun
35 D'après le BIT, la notion de «
sécurité sociale » est définie comme la protection
que la société accorde à ses membres, grâce à
une série de mesures publiques en raison de la survenance d'un risque
dit social.
Exemple : les allocations familiales.
39
D'après l'Enquête ECAMII, le taux36 de
sous-emploi des jeunes au Cameroun est estimé à 52,8%.Cependant,
elle précise que le sous-emploi en milieu urbain est plus faible qu'en
milieu rural. Cet état de fait pourrait s'expliquer par le fait que la
plupart des jeunes exercent dans le secteur informel où les horaires de
travail ne sont pas réglementés37. Des estimations de
l'enquête EDIJ 2005, il ressort que le nombre moyen de jours
consacrés par semaine par les jeunes actifs occupés à
l'emploi principal serait de 5,36 jours ; ces jeunes y consacrent aussi plus
d'heures en moyenne par semaine (42,26 heures) qu'ils ne devraient (35
heures)38, 61,4% des jeunes occupés déclarent avoir
plus de 35 heures de travail par semaine comme le montre le tableau 5.
Tableau 5 : Répartition des jeunes
insérés selon le nombre d'heures de travail par
semaine
Nombre d'heures de travail hebdomadaire
|
Pourcentage (%)
|
Momns de 20 heures
|
25,8
|
De 20 heures à 24 heures
|
5,4
|
De 25 heures à 29 heures
|
2,5
|
De 30 heures à 34 heures
|
5,0
|
De 35 heures à 39 heures
|
29,3
|
Plus de 40 heures
|
32
|
Total
|
100
|
N= 483
Source : EDIJ 2005, ISSEA
Bien qu'insérés, 21,5 % de ces jeunes cherchent
encore un emploi, principalement (dans 78 % cas) pour améliorer leurs
conditions de vie, ou pour une nouvelle insertion.
Par ailleurs, le taux de pluri-activité
s'élève à 15 %. La pluri-activité est souvent
considérée comme une stratégie des individus pour
accroître leur revenu et compenser leur chute en période de
récession [STATECO N°99 2005 P. 52]. Selon le statut dans l'emploi,
9,1 % de jeunes pluriactifs sont des cadres moyens ou supérieurs, 13 %
des patrons ou employeurs, et 18,2 % des personnes travaillant à leur
propre compte (cf. tableau 24 en annexe 1). En plus, près de 3 sur 4
jeunes pluri-actifs travaillent dans le secteur informel (72,6 %).
L'étude descriptive de la situation d'activité a
permis de relever que les jeunes sortis du système éducatif
éprouvent d'énormes difficultés pour s'insérer.
Ceux qui réussissent à décrocher un emploi, sont
vulnérables et s'insèrent en majorité (72%) dans le
secteur informel où leurs volumes horaires de travail dépassent
les volumes normaux de travail (35 heures). Malgré la file d'attente
relativement longue (environ 3 ans) que font les jeunes pour s'insérer,
quelles sont les
36 D'après le manuel de conception et de
définition de l'enquête ECAMII, le taux de sous emploi est
définie comme le rapport du nombre de personnes travaillant
involontairement moins de 35 heures de travail par semaine sur le nombre de
personnes actives occupées.
37 La législation n'a pas encore prévu
une réglementation pour la plupart des activités du secteur
informel.
38 La législation a fixé le nombre
d'heures hebdomadaires de travail à 35 heures
40
stratégies adoptées par ces derniers pour faciliter
leur insertion ? Usent-ils encore des voies objectives pour s'insérer ?
Telles sont les préoccupations qui feront l'objet du chapitre
suivant.
41
CHAPITRE 5 : ANALYSE DES STRATEGIES D'INSERTION
DES JEUNES ET LES RECOMMANDATIONS
Le chapitre 4 a permis de faire remarquer que la situation
d'activité des jeunes est fortement caractérisée par
l'inégale répartition de ces derniers dans les secteurs public,
parapublic, privé formel et informel. Le secteur informel serait devenu
actuellement l'expression de nouvelles stratégies d'insertion
professionnelle des jeunes dans la ville de Yaoundé. Il importe à
présent d'appréhender les différents canaux les plus
usités par les jeunes pour s'insérer et de mesurer l'effet de
l'emploi des différentes voies utilisées dans la quête de
l'emploi dans le secteur formel.
SECTION 1 : Stratégies d'insertion adoptées
par les jeunes 1.1 Les canaux d'insertion des jeunes
Autrefois, la stratégie d'insertion
adoptée par les jeunes était classique. Ces derniers faisaient
initialement leur quête par voie de concours officiel ou directement
auprès des employeurs39 . Sur le plan national, ce mode
d'insertion semble encore d'actualité d'après les
résultats de la deuxième Enquête Camerounaise Auprès
des Ménages effectuée en 2001. D'après cette source de
données, plus de la moitié (53,5 %) des jeunes chômeurs
cherchent du travail directement auprès des employeurs.
a) Les jeunes non insérés
Pour le cas spécifique de la ville de Yaoundé,
les procédures officielles seraient contournées par les jeunes
non insérés. La mobilisation des réseaux de
solidarité familiale semble être l'option
privilégiée des jeunes non insérés dans leur
recherche d'emploi (cf. Graphique 12), la prospection directe auprès des
employeurs concerne seulement moins d'un tiers de la population des jeunes non
insérés.
42
39 Source : INS, « ECAM II : Emploi et lutte
contre la pauvreté au Cameroun », Yaoundé, 2003
Graphique 12 : Répartition des
primo-demandeurs et des jeunes ayant perdu leur emploi précédent
suivant le canal de recherche du travail
Directement aupres des employeurs
|
Parents/relations
|
FNE
|
Bureau de la main d'oeuvre
|
Agence de placement prive
|
Concours/selection
|
Auto-emploi
|
Recrutement de l'Etat
|
A u tre
|
Perte du précédent Première insertion
Ensemble
Proportion(en %)
40,0
60,0
50,0
30,0
20,0
10,0
0,0
Source : EDIJ 2005, ISSEA
L'utilisation massive des relations amicales ou familiales
serait la principale conséquence de l'asymétrie de l'information
présente sur le marché du travail camerounais car les jeunes
jugent que c'est en passant par les parents et les connaissances que l'on est
plus sûr d'avoir la bonne information. Cet aléa moral
s'expliquerait par la méconnaissance des agences de placement d'une part
et d'un manque de confiance envers les agences de promotion de l'emploi d'autre
part. On remarque la faible fréquentation des agences de promotion de
l'emploi. Seulement 3,4 % des jeunes non insérés
interrogés déclarent avoir fait leur quête par le canal du
FNE qui est la principale agence publique de promotion de l'emploi. Enfin, on
note que la proportion des jeunes non insérés qui
fréquentent les agences de promotion de l'emploi est presque la
même (3,6 % pour le Bureau de la main d'oeuvre et 3,3 % pour l'agence de
placement privée).
b) Les jeunes insérés
Le Graphique 13 illustre en proportion, l'importance des
différents canaux d'insertion des jeunes. Pour obtenir leurs emplois, le
canal le plus utilisé reste celui des parents et relations : 47,6 % des
jeunes insérés l'ont utilisé ; suit ensuite l'auto-emploi
(à hauteur de 20,3 %) et le recrutement direct auprès des
employeurs (15,7 %). On remarque que les possibilités offertes par
43
les structures formelles sont insuffisantes ; elles sont
reparties ainsi qu'il suit : concours (10 %), recrutements d'Etat (2,8 %),
bureaux de main d'oeuvre (0,5 %). Cependant, près de 30 % des jeunes
seulement connaissent les stratégies nationales d'insertion, parmi
lesquels 61 % les trouvent inefficaces.
Graphique 13 : Canaux d'insertion des jeunes
insérés
Concours/selection
Directement aupres des employeurs
Auto-emploi
Parents/relations
Agence de placement prive
Recrutement de l'Etat
Bureau de la main d'oeuvre
47,6
50,0
45,0
Proportion (en %)
40,0
35,0
30,0
20,3
25,0
15,7
20,0
10,0
15,0
10,0
2,8
5,0
0,0
3,1
0,5
Source : EDIJ 2005, ISSEA
Ainsi, avec le gel des recrutements et les conditions
sélectives des divers concours, la planche de salut résiderait
dans l'auto-emploi. Par ce canal, le secteur informel est alors devenu le
secteur d'activité qui emploierait le plus de jeunes (72%). En outre,
les voies subjectives d'insertion sont de plus en plus utilisées ; ce
qui pourrait favoriser la corruption, le tribalisme et le favoritisme dont la
lutte est d'actualité.
Après avoir exploré les voies usitées par
les jeunes dans leur quête de l'emploi, il serait intéressant
d'examiner les éléments qui pourraient influencer leur
décision de participation au marché du travail.
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