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Croissance des dépenses publiques et incidence sur le développement au Cameroun: le cas du secteur éducatif

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par Romuald sostaine Foueka Tagne
Université de Yaoundé 2 soa - Master/ dea NPTCI 2009
  

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II-3-3-2- Efficacité interne du système éducatif au Cameroun

L'analyse en termes d'efficacité interne s'attache à ce qui se passe réellement à l'intérieur des différents cycles scolaires à savoir les flux d'élèves, les redoublements et abandons et l'influence des facteurs de l'organisation scolaire sur les résultats scolaires (rétention, acquisitions des élèves).

Le système éducatif camerounais connaît un sérieux problème de redoublements, ainsi qu'illustré dans le tableau 3.6 présenté en annexe.

D'une manière générale, les redoublements sont relativement fréquents au Cameroun.

· Dans le primaire et depuis deux décennies, ils se situent de façon stable autour de 25 % en moyenne.

· Dans le secondaire, la fréquence des redoublements se situe à des niveaux également conséquents, respectivement 15,3 et 26,2 % dans le premier et le second cycle du général en 2002/2003.

On note toutefois une nette différence entre les deux sous-systèmes : le sous-système francophone se caractérise par un taux de redoublement notablement plus élevé que le sous-système anglophone : 11 points de plus pour le primaire, 4 pour le secondaire premier cycle et 14,5 points pour le secondaire deuxième cycle, soit plus de deux fois plus de redoublants pour ce sous cycle.

Aussi, est-il utile de noter qu'au Cameroun, la fréquence des redoublements est élevée dans toutes les classes des différents cycles d'enseignement, mais qu'elle l'est très spécialement dans certaines d'entre elles : la première classe primaire d'une part (34 %) et les dernières classes secondaires de l'autre part, comme le montre le tableau 3.7 de l'annexe ainsi que le graphique 3.2.

Cette observation est valable pour les deux sous-systèmes. Tant dans les établissements francophones qu'anglophones, la première classe du primaire se caractérise par un taux de redoublement notablement supérieur à celui de toutes les autres classes, alors que la dernière classe du cycle enregistre un taux nettement inférieur, en particulier pour les anglophones où il est de l'ordre de la moitié du plus faible taux constatés dans les autres niveaux. A l'inverse, au niveau du secondaire premier cycle, les premières classes ont des taux de redoublement faibles, alors que la dernière classe du sous cycle a cette fois de forts taux de redoublement, respectivement de 11 et 7 points supérieurs aux autres classes pour les sous-systèmes francophone et anglophone.

C'est au secondaire second cycle que l'on constate une différence particulière entre les deux sous-systèmes. Sur l'ensemble des deux précédents cycles, la structure des taux de redoublement est comparable entre sous-systèmes francophone et anglophone, même si leurs niveaux dans ce dernier sont toujours nettement inférieurs. Dans le secondaire second cycle, en revanche, le profil des taux de redoublements est, pour le sous-système francophone, similaire à celui du secondaire premier cycle : faibles taux en début de cycle et taux élevés en classe terminale et, pour le sous-système anglophone, similaire à celui du primaire : élevés en début de cycle et assez faibles en dernière classe.

Ainsi il apparaît clairement que si les redoublements dans les différentes classes d'un cycle présentent des caractéristiques communes, ceux concernant la dernière année des cycles sont aussi liés aux conditions spécifiques de la transition entre cycles pour les classes de CM2 et de 3ème, et à l'obtention du baccalauréat pour la classe de terminale. De plus, les comportements à ces différentes classes charnières sont assez différents : en fin de primaire les taux sont plus faibles, alors qu'en fin de secondaire premier cycle ils sont plus importants. Il semble donc que, malgré des taux de transition assez faibles entre le primaire et le secondaire, peu d'élèves décident de redoubler la dernière classe du primaire pour tenter une deuxième fois d'obtenir une place dans le secondaire.

En fin de secondaire premier cycle, c'est le contraire que l'on constate : de nombreux élèves redoublent la troisième ou la Junior Secondary 5 afin d'avoir plus de chance l'année suivante d'intégrer le secondaire second cycle. On peut en effet supposer que lorsqu'un enfant a déjà atteint ce niveau, les capacités montrées et l'investissement fait pour l'y amener justifient le coût supplémentaire que représente le redoublement, de manière à ce qu'il puisse accéder, à terme, au baccalauréat.

Plusieurs indicateurs dits coefficients d'efficacité interne permettent d'évaluer le gaspillage dans l'usage des crédits publics du fait des multiples redoublements et abandons scolaires. Ils peuvent être calculés cycle par cycle pour le système éducatif.

Le tableau 3.8, que l'on retrouve en annexe, donne les éléments de cadrage pour les trois premiers degrés d'enseignement, pour l'année 2002-2003, ainsi que les estimations de ces indices d'efficacité.

Le coefficient global d'efficacité interne (CEI), pour l'ensemble du système éducatif camerounais, est de 71,4 %. Cela signifie qu'a contrario, près de 30 % des ressources allouées au système éducatif sont gaspillées, d'une part parce qu'elles paient des années de redoublement, d'autre part parce qu'elles paient des individus qui ne vont pas suivre les cycles qui correspondent à des unités d'enseignement jusqu'à leur terme.

Dans le primaire, le CEI est estimée à 63,3%, ce qui a pour conséquences :

· L'incapacité des élèves à conserver l'aptitude à la lecture et à l'écriture à l'âge adulte ;

· Le gaspillage de plus de 35% des ressources allouées.

En comparant le CEI des deux sous-systèmes, on réalise que le sous-système anglophone est globalement plus efficient que le sous-système francophone (65 % contre 61,1 %).

Dans le premier cycle du secondaire, le CEI est plus élevé dans le sous-système francophone. En effet, il est estimé à 85 %, soit 8 points de plus que dans le système anglophone.

Dans le second cycle du secondaire, l'efficience est à nouveau assez faible, plus encore qu'au cycle primaire. Dans le sous-système francophone, ce sont les abandons qui sont responsables du très faible niveau du CEI (59 %), inférieur à celui du primaire. Globalement, ce cycle est légèrement plus efficient que le primaire, mais moins que le secondaire premier cycle.

S'agissant du Supérieur, l'on estime à près de 70 % le taux d'échec au niveau de la première année des facultés. Il faut noter par ailleurs le faible taux de réussite des candidats aux examens nationaux du BTS89(*). Toutefois, il faut relever que le manque d'informations statistiques fiables empêche l'étude précise du degré d'efficacité interne de ce niveau d'enseignement.

II-3-3- 3- Education et développement économique : efficacité externe du système éducatif

Cette sous-section étudie l'efficacité externe du système, qui mesure les performances des jeunes issus du système éducatif dans la sphère productive.

D'après l'enquête ECAM II, 89% des jeunes de 25 à 34 ans sont soit occupés, soit en quête d'emploi. Parmi ceux qui sont occupés 75% exercent dans le secteur informel avec généralement un faible niveau d'instruction. Dans le secteur moderne, l'emploi est fonction du niveau d'instruction, en dépit du sous emploi qui prévaut.

En terme d'efficacité externe, on note pour les sortants de l'Enseignement Technique une nette démarcation entre ceux issus du premier cycle qui s'insère mieux dans le secteur productif et ceux du second cycle qui le sont moins.

S'agissant des diplômés de l'Enseignement Supérieur, 37% seulement s'insèrent assez convenablement dans le monde de l'emploi. Ce qui pose le problème de l'adéquation formation emploi.

Il est établi que le stock de capital humain conditionne l'aptitude d'un pays à innover, autrement dit à engendrer le progrès technique. Par ailleurs, plusieurs études permettent de comprendre l'impact de la formation professionnelle dans l'insertion socioprofessionnelle des chercheurs d'emplois. En effet, les résultats du modèle économétrique établi dans le RESEN90(*) montrent que s'agissant du niveau d'instruction, on constate que les individus ayant suivi une formation professionnelle après le CEP, BEPC ou probatoire ou ceux ayant reçu une formation dans une école spécialisée recrutant au niveau du bac, ont 11 % de chances en plus d'avoir un emploi que les non diplômés. En revanche les détenteurs d'une formation générale ou technique ou les individus ayant reçu exclusivement une formation universitaire ont une probabilité plus grande que les non diplômés d'être chômeurs : alors que l'écart de probabilité se monte à +15 % pour les « secondaires » il atteint jusqu'à +21 % chez ceux du niveau d'études supérieures. D'une manière générale, la situation de l'emploi des jeunes camerounais de la classe d'âge comprise entre 25 et 34 ans selon le plus haut niveau d'études atteint se présente de la manière suivante:

A leur compte - 5

7- chômage

6- secteur informel

4- sans qualifications

3- employés ouvriers

2- cadres moyens

1- cadres supérieurs

Cette image peu reluisante s'explique en partie par la situation actuelle du marché de l'emploi dans le pays.

Le marché de l'emploi au Cameroun est caractérisé par une segmentation en deux secteurs juxtaposés : un secteur moderne structuré et un secteur non structuré dit informel.

Depuis le milieu des années 80, le marché de l'emploi au Cameroun se caractérise de manière générale par un écart croissant entre l'offre et la demande d'emploi. Dans le secteur moderne, la demande d'emploi qualifié croît à un rythme accéléré alors que l'offre d'emploi salarial connaît un niveau de croissance moindre. La contribution du secteur moderne à l'offre d'emploi en zone urbaine est passée de 49 % en 1987 à 26 % en 2001. Cette décroissance se fait au profit du secteur informel qui occupe environ 80% des actifs et du chômage qui est évalué à près de 18,9% en milieu urbain et 2,3% en zone rurale, avec des pointes de 25,6 % et 21,6 % dans les villes de Douala et de Yaoundé. Contrairement au secteur moderne, le décalage entre l'offre et la demande d'emploi dans le secteur informel et notamment dans le sous-secteur rural est moindre.

En tout état de cause, cette situation peut s'expliquer par:

- L'inadéquation entre la demande d'emploi qualifié et les profils et besoins réels du système de production;

- L'absence de mécanismes de régulation des flux par rapport au marché de l'emploi ;

- L'absence d'un système cohérent de formation professionnelle.

Il en résulte que le profil de ceux qui arrivent sur le marché est en déphasage par rapport à la structure des emplois.

Sous un tout autre angle, la contribution de l'éducation à la croissance économique au Cameroun est ambiguë, du fait des résultats paradoxaux obtenus à ce propos. Des conclusions du genre, l'éducation n'a pas d'effet sur la croissance économique ou alors cet effet est négatif dans les pays en voie de développement, sont souvent observées. C'est le cas de l'étude de Kobou (2000)91(*) qui montre que la croissance économique au Cameroun est non seulement extensive, mais peu alimentée par les fondamentaux de l'économie tels que l'investissement, le capital humain et l'investissement de remplacement. Ce qui est rejeté en bloc par l'étude récente d'Atala (2008)92(*) qui révèle que l'éducation a un impact positif sur la croissance économique au Cameroun.

Somme toute, l'éducation comporte un caractère spécifique voire spécial dans la promotion du développement. Cette idée est sous-tendue dans la littérature économique par les théories du capital humain et de la croissance endogène. De même l'éducation occupe une place importante dans les politiques de développement des pays en voie de développement, particulièrement le Cameroun. Dans le secteur éducatif camerounais et ainsi que dans la plupart des pays en voie de développement, l'intervention de l'Etat est très importante93(*), il convient d'apprécier l'impact de cette intervention à travers les dépenses publiques d'éducation94(*) sur le bien être des individus. Cet objectif constituera le socle du chapitre suivant.

CHAPITRE IV : ANALYSE DE L'INCIDENCE DES DEPENSES PUBLIQUES D'EDUCATION

Après plusieurs années d'efforts de réforme de la gestion des finances publiques au Cameroun, la préparation du budget présente des lacunes en partie attribuables au fait que les réformes n'ont pas été toujours planifiées et mises en oeuvre de façon globale. Le Cameroun dispose déjà d'outils de soutien à la réforme de la préparation du budget : le DSRP, qui sert de cadre politique et identifie les priorités de développement ; et les CDMT sectoriels qui tentent d'adapter le budget aux objectifs et stratégies du DSRP. Le cadre des dépenses à moyen terme (CDMT) constitue un instrument de politique budgétaire ciblée : c'est avec les clés de répartition de l'enveloppe budgétaire que le gouvernement opère des arbitrages dans l'allocation des ressources entre les secteurs prioritaires et les autres. C'est par ce biais qu'il peut donner des impulsions dans divers secteurs. Ces ressources affectent directement la réalisation des objectifs sectoriels et indirectement le profil de la croissance. Les dépenses publiques, en particulier les salaires, les dépenses de biens et services et les dépenses en capital résultant de la mise en oeuvre des stratégies sectorielles de la santé, de l'éducation et des infrastructures devront progresser. Cette évolution sera possible sans détérioration de l'enveloppe globale des dépenses grâce à la réduction du service de la dette.

La stratégie sectorielle de l'éducation prévoit un appui budgétaire qui portera la part de l'éducation dans les dépenses primaires de 17% sur la période 1995-2000 à 25% sur la période 2001-2010. Les dépenses en capital devraient croître plus vite que les dépenses de fonctionnement pour les besoins de rattrapage ainsi que pour des efforts particuliers en faveur de l'enseignement technique et de la formation professionnelle. Cette volonté d'accroître les dépenses s'est réellement observée au cours de la période 1997-2007, avec un niveau de dépenses publiques d'éducation passant de 81 milliards en 1997 à 295 milliards en 2007. Ce qui représente respectivement en pourcentage des dépenses ministérielles 23,7% en 1997, 37% en 2002 et 25,2% en 2007.

Au regard de l'ensemble des fonds mis à la disposition du secteur de l'éducation, nous nous posons la question fondamentale de savoir : A qui profite les ressources mises à disposition du secteur de l'éducation ? La réponse de cette question qui constitue l'objet de ce chapitre, sera obtenue par application de la méthode d'analyse bénéfice incidence Cependant, l'analyse d'un système scolaire doit prendre en compte et étudier la notion d'équité, non seulement pour les aspects descriptifs de ce système mais également pour rendre compte d'un des objectifs sous-tendus par l'éducation, l'égalité de chance. Cette approche porte principalement sur trois aspects liés soit au revenu, soit au genre ou soit à la zone géographique. Ainsi, à la suite de l'étude faite par Kamgnia et al (2008)95(*), dont l'analyse a porté sur les disparités liées au revenu, nous nous attarderons sur les disparités liées au genre et à la zone de résidence (régions).

Avant d'introduire les aspects d'équité dans l'analyse des dépenses publiques d'éducation, nous présenterons en première section une vue d'ensemble des dépenses publiques d'éducation et un exposé complet de l'approche d'analyse bénéfice incidence.

Section I- Aspects factuels et théoriques de l'analyse des dépenses publiques d'éducation

Dans cette section, en fonction des données disponibles, nous présenterons sur l'ensemble de notre période d'étude, les ressources publiques mises à la disposition du secteur éducatif d'une part et d'autre part, nous mettrons en exergue l'une des méthodologies les plus fréquemment utilisées pour évaluer l'impact des dépenses publiques en éducation sur la pauvreté appelée « analyse- bénéfice incidence » (ABI).

* 89 Le taux de réussite du BTS est passé de 36,21% en 1999/2000 à 21,44% en 2002/2003

* 90 Rapport d'Etat d'un Système Educatif National

* 91 Kobou G. (2000) : « Les sources de la croissance économique au Cameroun », communication of 10th annual conference on econometric modeling in Africa, African Econometrics Society.

* 92 Atala E. (2008) : « La contribution de l'éducation à la croissance économique au Cameroun », Thèse de Doctorat, université de Yaoundé II.

* 93 Sur l'ensemble du système en 2001, le montant des dépenses courantes d'éducation s'élève à 415 milliards de Fcfa, à raison de 182 milliards pour l'État, soit 43,85% et 233 milliards pour les ménages, soit 57,15%

* 94 Selon la loi de règlement 2007, 16,2% du budget fut consacré au secteur de l'éducation

* 95 Kamgnia et al (2008) : « Bénéfices acquis et ciblage des pauvres dans les dépenses publiques de santé et d'éducation au Cameroun »

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