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L'extinction de l'instance en justice

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par Daniel Duplex NDE TAWEMBE
Université de Yaoundé II-Soa (Cameroun) - diplôme d'études approfondies en droit privé 2005
  

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INTRODUCTION GENERALE

1. Le droit d'agir en justice ou le libre accès à la justice est aujourd'hui reconnu comme une liberté fondamentale, une sorte d'obligation dont le citoyen est créancier vis-à-vis de l'Etat qui en est le débiteur. Les autorités étatiques doivent en effet tout mettre en oeuvre pour assurer aux citoyens un recours juridictionnel effectif leur permettant d'obtenir en justice, lorsque cela s'avère nécessaire, la reconnaissance et la sanction de leurs droits. Comme conséquence directe de la reconnaissance du droit d'agir en justice comme une liberté fondamentale1(*), le citoyen jouit d'une faculté qui en est le prolongement. Cette faculté traduit un pouvoir légal, celui d'être entendu d'un juge en lui présentant une prétention et d'obtenir de lui une décision sur le fond relativement à cette prétention.

Lorsque ce pouvoir reconnu à tous2(*)est mis en oeuvre, c'est-à-dire exercé à travers les actes de procédure que sont les demandes et les défenses, il fait intervenir le représentant de l'Etat qu'est le juge.

2. L'exercice de la faculté d'agir en justice par l'une des parties en litige fait naître entre elles un lien particulier que l'on appelle le lien juridique d'instance3(*), en même temps qu'il leur confère désormais la qualité de plaideurs. Il fait en outre naître à leur charge des obligations, notamment celle d'accomplir les actes nécessaires à l'évolution normale de la procédure engagée. Toutefois, dans un souci de protection des plaideurs, l'instance est encadrée et gouvernée par un certain nombre de principes fondamentaux qui confèrent un certain nombre de droits aux différents protagonistes de l'action en justice. Ces principes garantissent un fonctionnement démocratique de l'instance pour les uns4(*), et tiennent aux rôles respectifs des parties et du juge5(*), de même qu'aux caractères de la procédure pour les autres6(*).

3. Si le droit d'agir en justice est l'expression d'une liberté fondamentale se traduisant par une faculté reconnue à son titulaire d'agir ou de ne pas agir en justice7(*), l'idée de liberté retrouve cependant toute sa vigueur au niveau de l'instance. La liberté c'est d'abord le principe dispositif, c'est-à-dire la liberté pour les parties lorsqu'elles ont déclenché l'instance, de la conduire, d'apporter les preuves, de l'étendre, de la suspendre, mais aussi et surtout de l'éteindre, c'est-à-dire d'y mettre fin même avant que le juge se soit prononcé. Il est cependant nécessaire de relever qu'une telle liberté dans la gestion de l'instance ne peut pas être laissée aux plaideurs en matière pénale, dans la mesure où l'ordre public est mis en cause du fait du trouble social causé par l'infraction. Ainsi, l'intérêt qui est ici protégé est l'ordre social et non un intérêt privé ; même si l'action civile qui vient se greffer sur l'action publique en cours - dans la mesure où elle tend à la réparation du préjudice subi par un particulier du fait de l'infraction commise - a pour objet la sanction d'un intérêt privé, et par conséquent obéit aux règles régissant le procès civil. Les parties jouissent donc d'une plus grande liberté dans l'instance civile qui est à leur disposition et dont elles ont pleinement la maîtrise, malgré le rôle relativement croissant joué par le juge dans la recherche et la manifestation de la vérité.

4. Lorsque les parties soumettent au juge leurs prétentions par le biais des demandes en justice, elles s'attendent à ce que le juge se prononce au fond sur celles-ci par une décision que l'on appelle jugement8(*), au terme d'un débat en principe contradictoire et d'une procédure conforme aux prescriptions légales et de tout autre texte y relatif. De ce fait, le jugement constitue la cause d'extinction normale de l'instance, de dénouement de celle-ci.

Cependant, compte tenu de la relation étroite qu'entretiennent le temps et le droit9(*), il peut arriver qu'après l'ouverture d'une instance, un plaideur ne trouve pas judicieux pour lui, compte tenu de ses intérêts, d'attendre la décision du juge sur la question. A cet effet, il pourra prendre, de concert avec son adversaire, mais parfois unilatéralement, des mesures propres à anticiper l'aboutissement de l'instance. Parfois, l'instance s'éteindra indépendamment de la volonté de l'un et l'autre plaideurs. Tout ceci nous amène à constater que l'ouverture d'une instance ne garantit pas son aboutissement par une décision du juge rendue au terme des débats conduits conformément aux prescriptions légales. Une instance est donc susceptible de se terminer de plusieurs manières. D'où l'importance de l'étude de la question de l'extinction de l'instance en justice qui retiendra notre attention tout au long de ce travail.

5. Afin de bien cerner les contours du sujet d'étude intitulé « L'extinction de l'instance en justice », quelques précisions notionnelles et terminologiques s'avèrent indispensables. Il sera question pour nous ici de définir les concepts clés de ce sujet.

C'est ainsi que nous serons amenés à définir successivement les notions d'instance, d'extinction de l'instance et de procès souvent confondu avec l'instance. Mais, compte tenu de la confusion qui est susceptible de s'établir, et qui est d'ailleurs souvent faite, entre l'instance et le procès, il nous semble judicieux d'expliciter également ce dernier concept.

6. Le terme ``instance'' est susceptible de plusieurs acceptions. D'abord, dans un sens courant et général, il se réfère à une sollicitation pressante, à une insistance de la part d'une personne en vue d'obtenir d'une autre ce qu'elle sollicite.

En Droit, l'instance désigne souvent un degré de la hiérarchie des juridictions ; c'est le sens qui lui est donné dans l'expression « première instance ». A cet égard, il existe une instance au premier degré, une instance devant la Cour d'appel et une autre instance devant la Cour suprême. Parfois, le terme est utilisé pour qualifier une juridiction ou un tribunal tout simplement. Il arrive aussi que l'on parle d'instance pour caractériser une autorité, un corps constitué qui détient un pouvoir de décision. Mais généralement, sur le plan juridique, l'instance s'entend d'un ensemble d'actes, délais et formalités ayant pour objet l'introduction, l'instruction et le jugement d'un litige ; elle s'étend par conséquent de la demande en justice jusqu'au jugement. C'est cette dernière définition qui sera utilisée dans cette étude.

7. Du latin processus, de procedere qui signifie «aller en avant«, s'avancer, le ``procès'' traduit dans son sens premier l'idée de marche, de développement.

Dans un sens purement juridique, le procès désigne la contestation, le litige soumis par deux parties en conflit à une juridiction afin que celle-ci se prononce par une décision qui mettra un terme à la contestation en définissant les droits de chaque partie. Le procès se réfère alors à la procédure devant aboutir à une telle décision dont l'effet sera de taire définitivement la dispute, la contestation qui s'était élevée entre les différents protagonistes concernés par l'affaire en cause. Vu de cette manière, le procès est souvent assimilé, de manière un peu réductrice, à l'instance. Une telle confusion est à regretter, car à l'analyse, il ressort que l'instance n'est en fait qu'une partie qui s'inscrit dans un tout qu'est le procès.

8. Nous avons dans ce sujet préféré la formulation « l'extinction de l'instance » à celle de « l'extinction du procès », dans la mesure où une instance peut s'éteindre sans pour autant entraîner l'extinction du procès, étant donné que celui-ci continuera avec l'exercice des voies de recours, l'exercice d'une voie de recours donnant lieu à l'ouverture d'une nouvelle instance10(*). Le procès est une difficulté de fait ou de droit soumise à l'examen d'un juge ou d'un arbitre et se manifeste donc par une succession d'instances devant aboutir à sa solution définitive, l'instance étant entendue comme « une suite d'actes de procédure allant de la demande en justice jusqu'au jugement »11(*).

De plus, nous nous limiterons aux causes d'extinction de l'instance, sans nous étendre sur les suites ou mieux les effets de cette extinction tels l'exécution des jugements et l'exercice éventuel des voies de recours dans les hypothèses où cet exercice demeure possible. Tous ces aspects s'inscrivent bien entendu dans le cadre du procès, tout en débordant largement le cadre de l'instance.

9. Le substantif « extinction » dérive du verbe éteindre ; exemple : éteindre un feu. Il traduit donc l'action d'éteindre, l'action par laquelle quelque chose perd son existence ou son efficacité. L'extinction de quelque chose s'entend donc de sa disparition, de sa fin. Bref, dire d'une activité ou d'une action qu'elle s'éteint signifie qu'elle se termine, qu'elle arrive à son terme.

Invoquer l'extinction de l'instance revient donc à envisager comment une instance ouverte devant une juridiction se termine, prend fin.

Une fois que les parties ont engagé une instance, il importe de savoir, si à côté de son but naturel qu'est le jugement, la contestation est susceptible de se terminer autrement ; et quelle est à cet effet la marge de manoeuvres des parties ?

Il est en général très rare qu'une instance engagée se déroule sereinement jusqu'à son terme, c'est-à-dire sans connaître des perturbations que l'on qualifie d'incidents. En effet, le cours d'une instance peut être émaillé d'une diversité d'incidents qui ne l'affectent cependant pas tous de la même manière, ni avec la même intensité.

10. Ainsi, certains incidents relatifs à l'instance12(*) peuvent avoir pour effet la modification des éléments du rapport juridique d'instance. Cette modification peut porter tant sur les éléments objectifs de l'instance que sur les éléments subjectifs de celle-ci.

Les éléments objectifs de l'instance13(*) peuvent se trouver modifiés du fait de l'introduction par les parties, en cours d'instance, de demandes incidentes. Il s'agit ici d'un simple élargissement de l'instance déjà engagée, et non d'un prétexte pour l'ouverture d'un tout nouveau procès à travers l'admission de demandes nouvelles n'ayant aucun rapport avec la demande initiale. C'est pourquoi l'admission en cours d'instance de demandes incidentes est conditionnée par l'exigence que de telles demandes se rattachent aux prétentions originaires par un lien de connexité suffisant. En conséquence, l'on peut dire qu'il existe une possibilité d'extension de l'instance primitive à travers l'intervention des demandes reconventionnelles14(*) et additionnelles15(*).

Le cadre subjectif de l'instance quant à lui se trouve modifié lorsqu'une personne, tiers par rapport à l'instance à l'origine, s'y associe ou y est associée lorsqu'elle est en cours. On parle d'intervention, laquelle aboutit à la modification des éléments subjectifs de l'instance, puisqu'une nouvelle personne, un nouveau sujet donc, vient s'intégrer dans le rapport juridique d'instance, une telle altération du cadre subjectif pouvant d'ailleurs se traduire également par une modification du cadre objectif. Toutefois, tout comme pour les demandes incidentes, l'intervention n'est recevable que si elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant. C'est dire que l'on ne saurait considérer n'importe quelle intervention comme recevable. Cela étant, l'on distingue deux types d'intervention : l'intervention volontaire et l'intervention forcée.

11. L'intervention est dite volontaire lorsqu'une tierce personne s'associe spontanément à une instance déjà engagée entre d'autres personnes, parce qu'elle estime que ses intérêts sont susceptibles d'être affectés par la décision à intervenir16(*). Lorsque l'existence d'un tel risque est à craindre, une telle intervention peut être admise. Suivant les cas, l'intervention volontaire pourra être soit principale, soir accessoire.

Elle est principale lorsque l'intervenant invoque un droit propre et émet par conséquent une prétention distincte de celles dont la juridiction est saisie. Une telle intervention n'est recevable que si son auteur est titulaire du droit d'agir17(*) relativement à la prétention qu'il émet.

Il est en revanche question d'intervention accessoire lorsqu'il s'agit simplement pour l'intervenant d'appuyer les prétentions d'une des parties. La recevabilité d'une telle intervention est soumise à l'existence de conditions moins rigoureuses que celles requises en matière d'intervention principale : il suffit en effet que l'intervenant ait intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir l'une des parties en litige.

L'intervention est dite forcée dans l'hypothèse où l'une des parties à une instance en cours appelle un tiers à celle-ci, l'obligeant ainsi à entrer dans le rapport juridique d'instance. Le juge peut lui-même ordonner la mise en cause des personnes dont la présence lui paraît nécessaire à la solution du litige qui lui est soumis. Il peut tout aussi inviter les parties à procéder à une telle mise en cause.

12. Les incidents jusqu'ici exposés ont pour effet d'aboutir à la modification des éléments constitutifs du lien juridique d'instance. Il existe cependant des incidents d'instance dont les effets ont un impact direct sur le cours de la procédure elle-même. Il s'agit ainsi notamment des jonction et disjonction d'instance, de l'interruption et de la suspension de l'instance.

Lorsque des affaires présentant entre elles un lien de connexité sont soumises à une même juridiction dans des instances distinctes, la juridiction peut les joindre de manière à statuer en même temps sur ces affaires. Une telle jonction des instances peut se faire soit à la demande des parties, soit d'office par le juge, lorsque le lien entre les instances pendantes devant lui est tel qu'il soit de l'intérêt d'une bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble18(*). De même, toujours dans le souci d'une bonne administration de la justice, lorsqu'une instance se révèle complexe et comporte beaucoup de ramifications, le juge peut ordonner la disjonction d'une telle instance en plusieurs.

Les décisions de jonction ou disjonction d'instance, dans la mesure où le juge ne statue pas en même temps sur un point litigieux, sont des mesures d'administration judiciaire qui ne peuvent de ce fait faire l'objet d'un recours19(*). C'est pour cette raison qu'elles n'ont pas à être spécialement motivées. La jonction d'instances ne crée pas une procédure unique. Il en résulte que la jonction des instances ne crée pas, à elle seule, des liens juridiques entre les parties en cause20(*) ; que les diligences faites dans l'une des instances n'interrompent pas nécessairement la péremption de l'autre21(*) ; qu'une cour d'appel, saisie de deux appels, peut, après jonction des deux procédures, condamner les parties perdantes à payer des sommes distinctes au titre de chacune de ces deux procédures22(*).

13. L'interruption de l'instance qui fait cesser provisoirement le procès, suppose la survenance d'un évènement qui affecte la situation personnelle des parties ou de leurs représentants, cet évènement entraînant la rupture du lien d'instance. Une telle rupture du rapport d'instance ne signifie pas pour autant anéantissement définitif de la procédure menée jusque là. Toutefois, celle-ci ne peut se poursuivre qu'avec l'accomplissement de formalités dites de reprise d'instance. Certains évènements ont un effet interruptif d'instance par eux-mêmes, c'est-à-dire indépendamment de l'accomplissement de toute formalité. Il en est ainsi de la majorité d'une partie ou encore de la cessation de fonctions de l'avocat lorsque la représentation est obligatoire.

D'autres évènements par contre ne produisent leur effet interruptif qu'à compter de la notification qui en est faite à l'autre partie. Il en est ainsi entre autres du décès d'une partie dans les cas où l'action est transmissible23(*), de la cessation de fonctions du représentant légal d'un incapable et du recouvrement ou la perte par une partie de la capacité d'ester en justice. Toutefois, il convient de relever que la survenance ou la notification d'un évènement n'interrompt l'instance que si elle est antérieure à l'ouverture des débats. Il convient néanmoins d'ajouter, au sujet de la notification, qu'elle doit être faite à la partie elle-même et qu'en cas de pluralité de parties, la notification doit être faite à l'ensemble des adversaires.

L'interruption de l'instance emporte celle du délai de péremption, mais seulement à l'égard des parties affectées par la cause d'interruption. L'interruption empêche la poursuite régulière de la procédure tant qu'il n'y a pas eu reprise d'instance, mais le juge n'est pas pour autant dessaisi de l'affaire. Il peut ainsi inviter les parties à lui faire part de leurs initiatives en vue de reprendre l'instance, et radier l'affaire à défaut de diligences dans le délai imparti ; de même peut-il demander au ministère public de recueillir les renseignements nécessaires à la reprise de l'instance. Les actes et jugements intervenus après l'interruption et avant la reprise d'instance sont considérés comme non avenus. Il est cependant admis que de tels actes puissent être expressément24(*) ou tacitement25(*) confirmés par la partie au profit de laquelle l'interruption est prévue. L'instance peut être volontairement reprise, et dans le cas où la personne au profit de laquelle l'interruption était prévue n'accomplit pas les actes nécessaires à la poursuite de la procédure, l'instance peut être reprise par voie de citation. Cette possibilité est ouverte à l'adversaire de la partie concernée par la cause d'interruption qui ne peut être contraint d'attendre indéfiniment une reprise volontaire d'instance par cette partie. Il s'agit là en réalité d'une sorte de reprise forcée. Lorsque la formalité de reprise d'instance est intervenue, l'instance reprend son cours en l'état où elle se trouvait au moment où elle a été interrompue. Sauf l'hypothèse d'indivisibilité du litige, en cas d'interruption, l'instance se poursuit à l'égard des parties non affectées par la cause d'interruption

14. Contrairement à l'interruption, la suspension de l'instance a lieu en cas de survenance de certains évènements étrangers à la situation personnelle des parties ou de leurs représentants. Ces évènements constituent des obstacles à la poursuite de l'instance, mais lorsqu'ils ont disparu, il est possible de continuer l'instance sans qu'il soit nécessaire, comme dans l'hypothèse d'interruption, d'accomplir la formalité dite de reprise d'instance. En règle générale, l'instance est suspendue en cas de sursis à statuer ou de radiation de l'affaire du rôle.

La décision de sursis suspend le cours de l'instance pour le temps ou jusqu'à la survenance de l'évènement qu'elle détermine26(*). Le sursis à statuer peut être demandé par l'une des parties ou l'ensemble des parties. Mais cette demande doit être soulevée avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir. Le sursis à statuer peut également être décidé d'office par le juge, sauf exception prévue par un texte réservant aux parties ce pouvoir. Le sursis à statuer ne dessaisit cependant pas le juge, lequel peut d'ailleurs, suivant les circonstances, révoquer le sursis, ou en abréger le délai. A l'expiration du sursis, l'instance est poursuivie, soit à l'initiative des parties, soit à la diligence du juge, celui-ci ayant au demeurant le pouvoir d'ordonner, s'il l'estime nécessaire, un nouveau sursis.

La radiation de l'affaire peut être faite d'office par le juge lorsque les parties à l'instance n'accomplissent pas les actes de la procédure dans les délais requis. Cette radiation, qui sanctionne, dans les conditions de la loi, le défaut de diligence des parties27(*), ne fait toutefois qu'emporter le retrait de l'affaire du rang des affaires en cours. Elle ne fait pas disparaître l'instance, elle la suspend seulement ; cependant, elle n'arrête pas le cours du délai de péremption. En raison de sa nature de mesure d'administration judiciaire, la décision de radiation n'est naturellement pas susceptible de recours juridictionnel. Aussi, dans la mesure où la radiation ne fait que suspendre l'instance, elle ne fait nullement obstacle à la poursuite de celle-ci. Mais pour que cette poursuite soit possible, il faut qu'il y ait rétablissement de l'affaire, c'est-à-dire une nouvelle mise au rôle de celle-ci à travers l'accomplissement des diligences dont le défaut a entraîné la radiation. Notons enfin qu'une affaire retirée du rôle peut être rétablie à la demande de l'une des parties. Il importe par ailleurs que l'instance ne soit pas périmée.

15. Certains incidents d'instance, à l'instar de la péremption d'instance, conduisent non pas à une neutralisation temporaire de celle-ci, mais entraînent plutôt un dessaisissement du juge, et donc éteignent véritablement l'instance. Ces incidents entraînent donc une extinction de l'instance autrement que par une décision de justice qui en est l'aboutissement normal, son issue logique. Il appert par conséquent qu'une instance engagée peut prendre fin autrement que par le jugement.

Nous avons donc été amené à poser la question de savoir : Comment le lien juridique d'instance qui naît entre les parties à un litige du fait de l'introduction de la demande en justice s'éteint-il ? En d'autres termes, quelles sont les causes qui peuvent mettre fin à une instance ? Ces causes sont-elles les mêmes en matière pénale ? Quels sont les effets qu'entraîne l'extinction de l'instance ? 

La réponse à ce questionnement présente un intérêt indéniable dans la mesure où particulièrement les dispositions du Code camerounais de procédure civile et commerciale sur la question sont très incomplètes ou imprécises. Cet état de choses entraîne beaucoup de confusion dans l'esprit des apprentis du droit, des théoriciens, et même des praticiens du droit. Compte tenu des carences observées dans la législation camerounaise sur la question, nous nous réfèrerons constamment à la législation étrangère à titre de droit comparé, et notamment au Nouveau Code de Procédure Civile français.

Pour apporter des éléments de réponse aux préoccupations ci-dessus formulées, nous envisagerons d'abord l'aboutissement logique de l'instance, c'est-à-dire son extinction normale à travers le jugement, en identifiant les jugements extinctifs de l'instance, et les effets qu'entraîne un tel jugement, relativement à cette extinction (Titre I). Nous nous appesantirons ensuite sur les autres causes d'extinction de l'instance, en prenant le soin de distinguer celles qui entraînent l'extinction à titre principal de l'instance, de celles qui provoquent accessoirement cette extinction, du fait de la disparition de la faculté d'action ; ce que nous allons appeler l'extinction incidente de l'instance (Titre II).

* 1 Cf. Préambule de la Constitution camerounaise révisée du 18 janvier 1996 : « La loi assure à tous les hommes le droit de se faire rendre justice ».

* 2 Malgré quelques restrictions à son exercice, et notamment l'exigence d'un intérêt, d'une qualité, que la chose n'ait pas déjà été jugée, que la prescription ne soit pas acquise...cf. art. 31 NCPC Français

* 3 Défini par le Lexique des termes juridiques comme étant un lien juridique d'origine légale, qui s'institue entre le demandeur et le défendeur, et se superpose au rapport juridique fondamental dont la reconnaissance est demandée en justice.

* 4 Il s'agit notamment du droit à un tribunal indépendant et impartial et du droit à un procès équitable, public et dans un délai raisonnable, variante essentielle de ce droit.

* 5 Rentrent dans cette catégorie le principe accusatoire ou d'initiative et la maîtrise de la direction du procès ; le principe dispositif et la maîtrise de la matière litigieuse ; le principe du respect des droits de la défense et le principe fondamental du contradictoire, le principe de l'immutabilité du litige et l'obligation de réserve.

* 6 Hors mis le fait qu'elle doit être en principe publique, la procédure, et notamment la procédure civile, est à la fois orale et écrite, de même qu'elle doit être laïque sans que la justice soit toutefois indifférente aux convictions religieuses des parties. Pour plus de détails sur l'ensemble de ces principes, voir VINCENT (J) et GUINCHARD (S) : Procédure civile, Précis Dalloz, 26ème édition, 2001.

* 7 Il lui est cependant interdit de se faire lui-même justice.

* 8 Le terme jugement est pris ici dans son acception extensive et recouvre aussi bien les jugements stricto sensu rendus par les tribunaux, que les arrêts rendus par les cours.

* 9 En effet, une bonne justice n'a de sens que si elle est administrée dans un délai raisonnable, de nature à procurer une réelle satisfaction au justiciable. Ce qui explique qu'une justice caractérisée par les lenteurs judiciaires soit de nature à décourager, lorsque le jugement peut n'intervenir qu'après de longs mois ou années. Il peut de ce fait être plus intéressant pour l'un des plaideurs ou même les deux de mettre fin par anticipation à l'instance engagée.

* 10 A l'exception cependant de l'opposition, où il est généralement admis que son exercice ne donne pas lieu à une nouvelle instance, mais constitue plutôt le prolongement de la précédente.

* 11 Cf. Lexique des termes juridiques, Dalloz, 13ème édition, 2001.

* 12 Ces incidents s'inscrivent dans le cadre plus vaste des incidents de procédure que l'on classe habituellement en cinq catégories, à savoir : les exceptions ; les incidents relatifs à la preuve ; les incidents provenant soit de la modification des prétentions des parties soit du personnel du procès ; les incidents relatifs au personnel judiciaire(notamment récusation, abstention, renvoi) et les incidents relatifs au cours de l'instance, à son déroulement normal, qui retiennent ici notre attention.

* 13 i.e l'objet du litige constitué des prétentions des parties, et de la cause.

* 14 Lorsqu'elles émanent du défendeur.

* 15 Lorsqu'elles sont le fait du demandeur.

* 16 Il est vrai que le principe de la relativité de la chose jugée, en confinant les effets des décisions de justice aux parties concernées par elles, offre le plus souvent aux tiers une protection suffisante contre les décisions rendues entre d'autres personnes, mais il peut arriver que l'imbrication entre les rapports juridiques soit telle que certaines décisions risquent en définitive d'affecter les intérêts des tiers, et que la relativité de la chose jugée ne suffise pas à les en prémunir.

* 17 Cela implique non seulement qu'il dispose de la capacité pour agir, mais aussi et surtout qu'il ait qualité et intérêt pour le faire.

* 18 Ceci afin d'éviter la contrariété de décisions.

* 19 Civ. 2e, 17 mai 1993, D. 1993, Inf. rap. 146

* 20 2e Civ., 9 mai 1985, Bull. 1985, II, n° 93, pourvoi n° 84-11.318, au sujet des conditions de recevabilité d'un appel qualifié de provoqué.

* 21 2e Civ., 13 janvier 1988, Bull. 1988, II, n° 22, pourvoi n° 86-15.922

* 22 2e Civ., 24 juin 2004, Bull. 2004, II, n° 319, pourvoi n° 02-16.989

* 23 La règle ne vaut que pour les personnes physiques. Pour une personne morale, sa personnalité juridique subsistant, malgré une dissolution, tant que ses droits et obligations n'ont pas été liquidés, le juge doit constater l'interruption de l'instance et inviter la partie qui y a intérêt à faire part de ses initiatives en vue de la reprendre, notamment par la mise en cause d'un mandataire ad litem (Soc., 27 octobre 1999, Bull. 1999, V, n° 424, pourvoi n° 97-41.720).

* 24 Ainsi, un jugement postérieur à la survenance d'une cause d'interruption de l'instance peut être confirmé par la partie intéressée (Com., 23 juin 1981, Bull. 1981, IV, n° 289, pourvoi n° 79-15.316 ; Com., 2 juin 2004, pourvoi n° 01-13.078 ; Com., 1er mars 2005, pourvoi n° 01-11.594)

* 25 Des conclusions sur le fond prises par cette partie (ou ses héritiers, dans le cas de décès) sans invoquer l'interruption d'instance constituent un exemple de confirmation tacite (2e Civ., 28 juin 1989, Bull. 1989, II, n° 142, pourvoi n° 88-15.877).

* 26 C'est le cas lorsque survient en cours d'instance une question préjudicielle relevant de la compétence d'une autre juridiction.

* 27 La radiation sanctionne en principe le défaut de diligences de l'ensemble des parties, la négligence de l'une d'elles relevant d'un mécanisme différent. Exceptionnellement cependant, une mesure de radiation peut sanctionner l'inertie de l'une des parties ; c'est le cas du défaut de dépôt par l'appelant de ses conclusions d'appel, lorsqu'il en est requis.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld