II-3-THEORIE COMPLEMENTAIRE
II-3-1-LA THEORIE DE LA SOCIOLOGIE DYNAMISTE ET
CRITIQUE
La sociologie dynamiste et critique est issue de
l'école générative née pendant la période
des années soixante. L'école dynamiste et critique optait pour
objectif selon lequel tout chercheur est investi d'une attitude critique en
rupture avec les catégories de l'ordre social. Cette théorie fort
critique contre le structuralisme génétique met au centre de sa
réflexion l'étude des changements, des mutations, des mouvements
sociaux, du devenir des sociétés. Les promoteurs de cette
théorie sont : G. GURVITCH, A. TOURAINE, C.
RIVIERE, G. BALANDIER etc. Cependant la thèse développée
A. TOURAINE nous intéressent dans le cadre de cette étude.
II-3-2-LES FONDEMENTS DE LA SOCIOLOGIE DYNAMIQUE DE
BALANDIER
G. BALANDIER est né en 1920 à
Aillevillers-et-LYaumont. Il est la figure majeure de l'anthropologie
dynamique. C'est en 1955 que BALANDIER précise la démarche
scientifique dans son ouvrage intitulé l'anthropologie
appliquée aux problèmes des pays sous
développés. Il privilégie l'approche dynamiste des
structures et des systèmes sociaux africains et la
nécessité de tenir compte des résultats acquis par
d'autres sciences.
Il aborde la dynamique sociale dans une perspective
particulière : L'analyse des sociétés dites sous
développées caractérisées par des processus de
changements lents, base ses travaux sur les méthodes extrêmement
logiques. Il considère que chaque système social est instable et
laisse cohabiter l'ordre et le désordre et qu'en conséquence, il
faut interpréter les changements à travers les
révélateurs de désajustement à savoir les conflits,
les tensions, les crises. Une société parfaitement unie serait
une société fermée dans laquelle rien ne peut bouger, une
société morte. BALANDIER s'intéresse au
phénomène de production et de reproduction d'une
société. La société se produit continuellement,
chaque individu va jouer sur son environnement et contribuer au renouvellement
de la société. Ainsi les faits historiques prônent que
toutes les configurations sociales sont constamment en mouvements. Aucune
société n'est contrainte à vivre une longue permanence,
une longue période d'autarcie. BALANDIER (1971) peut remarquer que ce
dynamisme prône d'avantage l'aspect d'une oeuvre collective jamais
achevée et toujours à refaire. L'objet de la sociologie n'est pas
statique historique, mais présente des réalités,
« officielles et officieuses ».
Les études dynamiques ont pour but de corriger les
théories structuralistes génétiques et l'ethnologie qui
traitent certaines sociétés comme étant
perpétuellement fixes, établies dans un perpétuel
présent. Il s'agit de restituer à ces types de
sociétés une dynamique permanente. La société est
définie par le model des figures qui marquent une coupure par rapport
aux représentations classiques. Ce sont des agencements
vulnérables et problématiques des systèmes de relations
réjouissants l'activité collective, l'ordre et le désordre
y sont ensemble. Les orientations actuelles de la sociologie dynamiste sont
perçues dans le sens d'une analyse multilinéaire. Dans cette
conception, la notion de progrès est redéfinie. Il n'est plus
continu, ni nécessaire et répétitif. Il existe des
éléments dynamiques à l'intérieur de chaque
société. A ce titre, le développement ou la transformation
n'est que le travail des éléments dynamiques qui existent
à l'intérieur de la structure concernée, ce que BALANDIER
(1971) appelle « dynamique du dedans ».Toutefois, les
éléments qui viennent de l'extérieur peuvent modifier,
ralentir ou étouffer les énergies internes. C'est
la « dynamique du dehors ». Trois postulats sont
à considérer dans l'approche de Balandier :
-les sociétés inscrites dans la
dépendance sont affectées par leurs rapports avec les
sociétés qui leur sont externes et cela au niveau de leurs
structures sociales, politique, culturelles et économique.
-ces sociétés doivent par conséquent
être analysées après repérage du
« dynamisme du dedans » et leur « dynamisme du
dehors ».
-Doivent être également prises en compte les
interrelations de ces dynamiques.
La démarche de BALANDIER (2000) valorise les
potentialités de chaque société, de déceler tout ce
qu'une société recèle de peu visible, de latent et qui
permet de comprendre que les formes visibles ne sont jamais ce qu'elles
paraissent être ou ce qu'elles prétendent être. Elles
s'expriment à deux niveaux au moins, un superficiel présente les
structures officielles, l'autre profond assure l'accès aux rapports
réels les plus fondamentaux et aux pratiques révélatrices
de la dynamique du système sociale. La démarche de Balandier a
pour avantage de mettre en valeur les complexités très souvent
absentes dans une perspective unilatérale. C'est ainsi que les
dynamiques socio-économiques dans les sites à risque peuvent
être révélatrices de ces complexités.
Balandier va plus loin dans ses analyses des dynamiques
sociales, celle du dedans et celle du dehors et envisage une sociologie des
mutations. Si les sociétés de dépendance doivent
être analysées dans leurs dynamiques, celles ci devraient
être appréhendées du point de vue des mutations en tend que
séries de ruptures. Dès lors, la sociologie des mutations doit
être abordée en deux temps. D'abord le problème
d'identification ou de repérage, ensuite la dynamique de la mutation
sociale. La mutation est une rupture dans une continuité, une
conjonction et événement provoquant une transformation profonde
et assurant une continuité par d'autres moyens. Balandier
débouche plutôt à une phénoménologie des
mutations sociales qu'à leur explication.
Contrairement à Balandier, A. TOURAINE fonde ses
analyses sur les sociétés industrielles et post industrielles,
caractérisées par des processus de changements significatifs.
II-3-3-LES FONDEMENTS DE LA SOCIOLOGIE DYNAMISTE ET CRITIQUE
DE A. TOURAINE
A TOURAINE est né en France dans le calvados en 1925.
Il est l'auteur de plusieurs ouvrages tels l'évolution du travail
ouvrier aux usines Renaud, les conditions des ouvriers d'origine agricole
respectivement en 1955 et en 1961. Ces premiers travaux portent sur la
Sociologie du travail très influencée par les conséquences
de l'industrialisation. Tout comme Balandier, A. TOURAINE prend ses distances
avec le structuralisme et précise l'objet de la sociologie parmi les
autres sciences. Dès 1965, il entend construire l'objet de la sociologie
par opposition aux autres sociologies classiques notamment les thèses de
KARL MARX et de MAX WEBER.
Contre MARX, A. TOURAINE récuse l'approche qui
privilégie les analyses des conséquences sociales d'un facteur
dominant. Et contre WEBER, la critique selon laquelle l'objet de la sociologie
serait de restituer le sens visé par les acteurs. Il se propose de
redéfinir la sociologie comme l'étude de l'action, action d'un
sujet historique dont les orientations se définissent par rapport
à l'ensemble des conditions sociales. Le travail est le point de
départ du model d'analyse de
type « actionniste ». Le travail perçu comme
une activité collective. Ainsi A. TOURAINE rejette définitivement
le structuralisme et crée alors deux concepts :
L'historicité et rapport de classe. La sociologie d'A. TOURAINE est donc
une sociologie de l'action collective doublée d'une sociologie critique
du conflit social. Une sociologie de haute et de moyenne portée. Il
s'agit en effet pour emprunter la terminologie de TOURAINE,
d'une « propédeutique » qui a pour but de
baliser la démarche théorique conformément aux nouvelles
exigences de la sociologie. Se situant aux antipodes des théories
classiques qui considèrent la société «
comme une chose » DURKHEIM (1947), TOURAINE soutient que les
sociétés ne sont pas des entités stables, inertes et donc
immuables, mais plutôt comme des entités changeantes,
évanescentes et partant, marquées du double sceau de
l'historicité et du dynamisme. C'est non sans pertinence que l'auteur
soutient :
la sociologie n'existe qu'à partir du
moment ou les sociétés ne sont plus situées par rapport
à un ordre qui leur est extérieur, mais saisies dans leur
historicité, dans leur capacité à se reproduire. A.
TOURAINE(1981 :52).
II-3-3-PORTEE DE LA THEORIE SUR LE PHENOMENE ETUDIE.
Autant la thèse de Balandier, celle
développée par TOURAINE récuse les permanences
structurelles et formelles pour s'intéresser à
l'historicité ; laquelle est évocatrice de la vie intime des
sociétés. La théorie dynamiste et critique a donc
l'avantage de prendre l'objet de la sociologie non seulement comme statistique
historique, mais aussi comme un objet qui présente une
réalité bidimensionnelle (dimension officielle et dimension
officieuse).
C'est dire enfin de compte que, la sociologie dynamiste et
critique consiste à envisager les structures sociales dans leur histoire
ou devenir, dans leurs actions et réactions, et non plus sous la forme
de « structures et de systèmes
intemporels ».
La théorie de la dynamique sociale nous aidera
à comprendre les dynamiques socio-économiques dans les zones
à risque de Douala. Les bouleversements, les mouvements des populations
urbaines relèvent d'un dynamisme nouveau, lequel participe à une
construction du risque socio-économique. Les éléments
dynamiques dont regorgent toujours les populations de Douala sont toujours
disposés à transformer le monde socio-économique. Ces
éléments peuvent provenir de
l'intérieur « dynamique du dedans »ou de
l'extérieur « dynamique du dehors ». Les dynamiques
socio-économiques dans les sites à risque s'inscrivent donc dans
la théorie la dynamique sociale. Dans cette perspective, elles sont
perçues comme des mouvements sociaux, des faits sociaux toujours en
perpétuels mouvements. Lesquels ont un sens et une puissance qu'il faut
chercher à et à comprendre expliquer.
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