VI-2- INCIDENCES DES DYNAMIQUES SOCIO-ECONOMIQUES DANS LES
SITES A RISQUE
VI-2-1-IMPLICATIONS SANITAIRES
Les médecins perçoivent
bien en quoi l'afflux massif des populations démunies dans les
territoires exigus d'un camp accroît les risques de pollution et des
épidémies tels que le paludisme et le choléra.
VI-2-1-1- Les effets de la pollution
Les effets de la pollution de
l'air sur la santé sont mieux connus grâce aux études
menées essentiellement dans les pays développés
d'Amérique du Nord et d'Europe. Un certain nombre d'études ont
aussi été réalisé dans les grandes
métropoles et à Mexico. Par contre, les études
scientifiques réalisées dans les villes africaines sont
relativement rares et fragmentaires.
Dans les villes américaines, européennes et
asiatiques étudiées, les problèmes de santé
spécifiquement liés à la pollution de l'air par les rejets
des déchets toxiques d'origine naturelle et humaine sont faciles
à individualiser. La pollution industrielle interfère sur les
résultats des échantillonnages d'air ambiant. Mais ces ratios
sont peu applicables aux villes africaines comme Douala où la pollution
de l'air par des sources industrielles est très limitée. Quoique
la pollution industrielle soit présente, celle provenant des
activités domestiques (déchets, ordure, etc.) est dominante. Elle
constitue une source de maladie pour la population. L'impact des
marécages avec ces nuisances sur la santé des individus se
détermine par une augmentation de l'incidence d'un vaste spectre de
maladies allant des maladies respiratoires aux maladies de peau en passant par
l'aggravation des maladies cardio-vasculaires et les maladies allergiques. Les
marécages lâchent des gaz toxiques. C'est le cas du cours d'eau
qui traverse le long du quartier Maképé. Les eaux noirâtres
coulent péniblement sous le pont. Des odeurs nauséabondes
couvrent toute la zone. « Les populations y jettent toutes sortes
de particules et c'est aussi ici qu'on y déverse toutes les huiles
usagées recueillies dans les moteurs par les
mécaniciens. », explique M. BELLA. Il ajoute :
« Parfois, il est totalement impossible pour nous qui habitons le
coin de rester à l'extérieur de la maison tant l'air est
vicié et irrespirable. ». La double
pollution atmosphérique et de l'eau asphyxie les populations par temps
de pluie comme pendant la saison sèche. Selon l'Organisation Mondiale de
la santé (OMS) trois millions de personnes meurent chaque année
sous l'effet de la pollution atmosphérique, soit 5% des 55 millions de
décès annuels dans le monde.
Dans la zone de Maképé les risques de pollution
sont souvent visibles. Nous nous sommes entretenu avec M.CLOVIS infirmier
breveté d'Etat. Dans le centre qu'il dirige, il reçoit environ 50
malades par semaine dont 3% souffrent généralement de maladies
respiratoires tels que des pathologies aigues qui se manifestent par les
bronchites et beaucoup plus de cas d'asthme. On le remarque surtout chez les
enfants qui sont les plus sensibles. Pour le Dr ETOUNDI MBALLA,
« Il y a des pathologies des manifestations au niveau des yeux,
les conjonctivites, les irritations cutanées, des maladies digestives,
les diarrhées ». Ce sont des pathologies
fréquentes dans les sites polluées et qui apparaissent un, deux
ou trois jours après qu'on ait été en contact avec les
substances polluantes. Il note aussi le risque des pathologies chroniques comme
le cancer de poumon, du sang, digestifs ou de la peau, la toux.
VI-2-1-2- Montée du paludisme et
cholera
A Maképé, la
proximité ambiante et surtout les ordures ménagères et
eaux souillées qui côtoient les habitations expliquent la raison
pour laquelle les habitants sont régulièrement victimes du
paludisme. Nous avons interviewé Mme MACAIRE,
infirmière dans un centre de santé à
Maképé Maturité sur l'origine et la fréquence des
malades dans la zone. Selon celle-ci
Il arrive des moments où la majorité des
malades qui arrivent dans le centre de santé sont victimes du paludisme.
Surtout en saison sèche, nous croyons souvent à tort que la
défense de notre santé et notre environnement n'est pas de notre
ressort. Pourtant, les ordures qui nous entourent sont sources de nombreuses
maladies à l'instar du paludisme .
Elle ajoute :
Vous savez, le moustique n'aime pas le froid.
Pendant la saison sèche, au moins cinq des dix lits de notre petit
centre sont occupés par jour par les patients paludéens. Ce
sont généralement des enfants dont l'âge varie de 6 mois
à 17 ans.
Cette affirmation de Mme MACAIRE a été
confirmée par notre observation. Les enfants de moins de 05 ans sont
plus exposés au paludisme que les adultes à cause des
mécanismes de défense qui sont encore immatures et
particulièrement fragiles. Le paludisme devient comme un risque
permanent qui affecte les familles. Dans un ménage enquêté
au hasard et dont le chef de famille est (M. ELAN), même ci celui-ci
ignore l'origine du paludisme affirme cependant que
régulièrement, ses enfants attrapent des crises de paludisme et
ce de façon répétitive. « Par an, j'ai au
moins 3 enfants qui tombent malades. Mais je ne peux pas vous donner
l'origine. »
Le risque de paludisme est d'autant plus préoccupant
que selon le rapport de l'OMS 2006, un enfant meurt toutes les 30 secondes de
cette maladie. La zone de Maképé a été
identifiée selon le rapport de recherche sur le cholera à Douala
comme zone à risque, zone de développement de la maladie. Les
dynamiques économiques en zone insalubre constituent un risque pour la
population active et pour les consommateurs. Les risques ne sont pas simplement
perceptibles au niveau des acteurs économiques, mais aussi et surtout au
niveau des acteurs consommateurs (les clients qui viennent se ravitailler).
Les aliments vendus sont mal lavés et ce dans des eaux
souillées, exposés en même le sol. Cette pratique augmente
même le risque de contamination. Plusieurs cas de cholera ont
été signalé dans la zone de Maképé et les
causes sont les manques d'hygiène, la consommation des produits mal ou
non lavés. Selon les statistiques fournies par les centres
visités, sur 100 cas de choléra dans la ville de Douala, 10% de
cas proviennent de la zone de Maképé. Ce taux est d'autant plus
élevé lorsqu'on se rend compte que les sites de
Maképé Missoké et Maképé Maturité ne
sont pas les seules Zones à risque de Douala. La ville renferme de
nombreuses zones à risque (Mabanda, New Bell, Cité CICAM etc.)
les aliments vendus ne font l'objet d'aucun contrôle. Les acteurs
économiques ignorent les conséquences de leurs activités
non seulement sur eux-mêmes, mais aussi sur les populations qui
consomment leurs produits. Compte tenu de la difficulté à
« joindre les deux bouts » les commerçants ne
prennent pas en compte le danger qu'ils courent. Une commerçante,
(GISELE, Maképé Maturité), déclare :
Nous n'avons même pas de l'eau potable dans
notre zone. C'est Dieu qui protège le nègre. Donc, souffrez que
je vende mes produits à même le sol. Lorsque le client
achète, il les lave chez lui.
Il apparaît ici non seulement l'ignorance, mais aussi un
manque de responsabilité les commerçants jugent normales leurs
pratiquent dans un environnement pollué. L'Etat garant de la
sécurité alimentaire devrait prendre des dispositions pour un
environnement sain. Cette thèse confirme davantage la perception que les
individus ont de leur milieu telle que démontrée dans le chapitre
précédent. La tendance à décliner la
responsabilité du peuple actif a été soutenue par le chef
de quartier de Maképé maturité, M. BELLA, lorsqu'il
affirme : « Rien n'est fait par l'Etat pour
contrôler la qualité des aliments vendus ici. Nous avons
même déjà fait des appels pour les adductions d'eau, mais
jusqu'ici les actions sont moindres et nous continuons à
subir ». Cependant, il se révèle un paradoxe, si
l'Etat qui est le gouvernement selon la population intervient dans le
contrôle des marchés et des aliments, il y aura certainement une
exigence. Ce que les populations contestent car si elles ont choisi ces zones,
c'est pour fuir les exigences du gouvernement tels que les impôts, etc.
Serez-vous prêts à accepter une réglementation avec ses
exigences de vos activités ? Telle est la question posée
à un groupe de femmes buy and sellam. Même si elles
répondent par la négativité, elles pensent
néanmoins que le pouvoir public doit assurer sa fonction sans toutefois
leur nuire (Ne rien leur demander).
Vous croyez que l'Etat doit toujours investir pour
récolter ? Il n'a pas toujours besoin de demander quoi que ce soit
à la population. Nous sommes de petits commerçants. Si l'Etat ne
peut nous aider et prétendre une contrepartie, nous nous opposons.
(MICHEL, Maképé Maturité)
Sur le plan sanitaire, les zones marécageuses
constituent des risques pour les populations. Ces risques sont perceptibles
à travers différentes maladies dont sont
régulièrement victimes les habitants de Maképé
Missoké et de Maképé Maturité. Même si les
individus ignorent ces risques, ils reconnaissent néanmoins qu'ils en
sont de temps en temps victimes, constituant ainsi un lourd fardeau
économique. Dans le cas du paludisme, l'analyse des risques ne prend pas
simplement en compte le coût de traitement, mais aussi la perte
résultante de l'invalidité du malade. De prime abord, le
praticien indique que le traitement dépend des moyens. En principe,
soutient-il,
Le traitement du paludisme coûte cher pour les
populations démunies. Son coût dépend des modalités
de traitement. Les soins avec hospitalisations s'évaluent à
25 000 francs. Il faut noter que ce taux varie en fonction des structures
sanitaires. Sans hospitalisations, le coût de traitement s'évalue
entre 5 à 10 000 francs selon les cas.
Les conséquences du paludisme peuvent
générer des coûts économiques beaucoup plus
importants que ceux liés aux maladies cardio-vasculaires et les maladies
allergiques. La plupart des individus faute de pouvoir se soigner par les
moyens modernes se réfèrent à la médecine
traditionnelle. Les maladies liées à la pollution ont aussi un
coût, qui se décline des soins de santé, en
médicaments, en congés de maladies, en baisse de
productivité, en invalidité. Ce coût est souvent
supérieur au coût de la prévention.
VI-2-1-3- Populations et risque des
sinistres
C. COLLIN (1995) dit de la ville
qu'elle entraîne depuis toujours un cortège de
vulnérabilité. Lesquelles sont liées à la
difficulté de trouver une organisation cohérente entre le besoin
qu'ont éprouvé les hommes de se rassembler et les risques
constitués par l'entassement des populations dans des conditions
propices au développement des sinistres et des désordres. L'un
des risques dans les sites enquêtés est lié à la
construction traditionnelle en bois qui favorise les grands feux dans les
zones. Interviewé sur les problèmes quotidiens liés
à leurs conditions de vie, (NARCISSE, zone de Maképé
Missoké) affirme :
Il est difficile dans notre zone de passer un mois sans
sinistre. Notamment les feux des maisons. Au mois de décembre 2006, dans
notre petite zone, nous avons enregistré trois cas de feu dans le
quartier.
Les feux tirent leurs origines de l'utilisation des bougies
par les populations comme moyen d'éclairage. Plusieurs viennent à
oublier allumée les bougies pendant le sommeil. En outre l'utilisation
de feu de bois et certains branchements électriques expliquent ces feux.
Outre les feux qui se multiplient et prennent de plus en plus de l'ampleur, les
pertes en vies humaines sont enregistrées de suite de glissement de
terrain et des inondations. Les glissements de terrains sont dus non seulement
de la sensibilité de la zone, mais aussi du fait que les populations
creusent des pentes pour des constructions. Ce qui provoque
l'écoulement de certaines maisons. Les causes des inondations sont
diverses : de prime à bord, la ville de Douala est une zones
inondable car située en bordure de la mer. Dans le cas spécifique
des zones enquêtées, les populations participent à la
construction des risques en bouchant les canalisations d'eau par des
débris ménagers, etc. Les constructions anarchiques ne favorisent
pas la circulation des eaux de toitures. Ces inondations s'accompagnent des
grandes pertes matérielle et humaine. « J'ai vu
partir mes effets et toutes ma maison en 2005 sur les torrents
d'eau » (M. ALBERT, Maképé
Maturité). Le tableau ci-dessous présente les pertes humaines
enregistrées de 1998 à 2004.
Tableau 15 : évolution des pertes en vie
humaines de suite des inondations dans les zones
enquêtées
Sites
Années
|
1998
|
1999
|
2000
|
2001
|
2002
|
2003
|
2004
|
total
|
Maképé
Missoké
|
4
|
6
|
2
|
0
|
4
|
2
|
2
|
20
|
Maképé Maturité
|
4
|
9
|
1
|
2
|
0
|
1
|
0
|
17
|
Total
|
8
|
15
|
3
|
2
|
4
|
3
|
2
|
37
|
Source : Document de travail communauté
urbaine de Douala (CUD)
De ce tableau il apparaît que de 1998 à 2004, il
a été enregistré dans la zone de Maképé
Missoké une vingtaine de décès de suite des inondations.
Dans la zone de Maképé Maturité, 17 cas de ces ont
été enregistrés. Au total 38 cas de décès de
1998 à 2004. La plupart des victimes sont des enfants. Une remarque est
faite à partir de ce tableau. Celle du nombre élevé de
décès enregistrés en 1999. Cette année
été marquée par de grandes pluies torrentielles. C'est
à partir de ces sinistres que le gouvernement a accentué le
processus de déguerpissement des populations à risque. Nous
n'avons pas eu des statistiques sur les implications des inondations de 2004
à 2006. La vie dans les sites à risque presente ainsi des
situations particulières. Les implications observées et
évaluées sur le plan sanitaire ont été aussi
observées sur la satisfaction des besoins de la famille.
VI-2-2- IMPLICATIONS SUR LA SATISFACTION DES BESOINS DE LA
FAMILLE
VI-2-2- 1- Les fonctions de
la famille
La famille exerce un certain
nombre de fonctions. Elle est le lieu par excellence des solidarités
entre producteurs et improductifs. Les anciens sont amenés à
trouver auprès des générations suivantes le soutien
nécessaire lorsqu'ils deviennent trop âgés pour travailler.
Cette solidarité se traduit par l'hébergement des parents
âgés, l'affectation des jeunes au ménage d'un ancien ou
l'envoi de subsistances. Elle constitue un lieu de refuge non seulement pour
les parents, mais aussi pour les enfants. La famille pour les populations des
sites à risque est un lieu où l'enfant s'épanouit jusqu'au
moment où à l'âge adulte, il fonde lui même un foyer.
Même étant mariés, certains enfants préfèrent
demeurer chez leurs parents avec leurs épouses et enfants. La famille
représente un abri sur où l'on exprime ses sentiments avec la
certitude d'être soutenu. La famille participe à la socialisation
des enfants, un soutien économique, un agent de protection et
d'assistance. La famille est ainsi un lieu incontournable dans la vie de chaque
individu. Elle est aussi organisée avec des rôles
spécifiques attribués à chaque membre comme la
société elle-même. Les familles telles qu'observées
dans les sites à risque ont des besoins dont la satisfaction
dépend de leurs conditions de vie.
VI-2-2-2- Besoins de la famille
Les besoins sont immenses dans les
familles rencontrées dans les sites à risque. Ces besoins vont de
la scolarisation des enfants à la satisfaction des besoins alimentaires
et communautaires. Pour des personnes interviewées sur leurs besoins
dans la famille, certaines ont fait part du besoin de scolarisation des
enfants. MICHELLE est une de ces personnes interviewées dans la zone de
Maképé Maturité et elle affirme :« Nos
enfants ont besoin d'aller à l'école. J'ai toute la
volonté d'envoyer les miens à l'école. Pour cela, il faut
que je me batte ardemment. »
La scolarisation des enfants est ainsi un besoin et un devoir
pour les parents qui doivent se battre pour offrir à leurs
progénitures une éducation adéquate. Une éducation
qu'ils n'ont pas eue. D'autres personnes rencontrées et
interviewées évoquent en plus de besoins de scolariser les
enfants, la satisfaction des besoins alimentaire, vestimentaire et
communautaire.
« Il faut que les enfants mangent, c'est notre
rôle de les nourrir en tant que parents. Il faut que nous parents, nous
mangeons aussi. C'est ce que nous avons besoin et nous nous battons tous les
ours pour cela. » (JULIEN, Maképé
Maturité)
« L'homme ne peut pas vivre sans manger, boire
et s'habiller. Nous éprouvons le besoin de nous vêtir même
si nous sommes démunis. Ce n'est pas facile, mais nous nous battons et
c'est tout. » (PASCAL, Maképé Missoké)
Que voulez-vous que je vous dise. Pour moi, seules
mes cotisations comptent. Si je pouvais avoir les moyens financiers importants,
je serai dans presque toutes les tontines. J'ai un souci de regroupement et de
participation aux activités communautaires. (FRANCIS,
Maképé Missoké)
De ces trois discours recueillis, il ressort que les besoins
des familles des sites à risque varient en fonction des familles et des
individus. Pour certains, ce qui compte c'est le besoin alimentaire car ce
besoin « est vital ». D'autres mettent plus
l'accent sur les vêtements pour ne pas « souvent laisser
trop voir leur souffrance. » Comme affirme Michelle, d'autres
encore sont animés par le désir de participer aux
activités communautaires et la scolarisation de leurs
progénitures. Leurs conditions et de vie et leurs activités
telles que révélées dans le chapitre deux, leur
permettent-elles de satisfaite ces besoins ?
VI-2-2-3- Conditions de vie des populations des sites
à risque et implications sur la scolarisation des enfants
L'école ne connaît
pas un meilleur sort dans les structures familiales. Faute de pouvoir
scolariser correctement leurs progénitures, les populations
révisent leur choix d'investissement. Cela se traduit par une baisse de
la fréquentation des écoles et particulièrement, une sous
scolarisation des filles. L'analyse des implications sur la scolarisation des
enfants à été motivée par le fait que les individus
ont affirmé que leurs activités leurs permettaient de
répondre aux besoins des enfants. Nous désirons comprendre ce
degré de scolarisation dans les ménages.
VI-2-2-3-1- Scolarisation des filles
Pour les populations
enquêtées, les filles sont reconduites vers le petit commerce au
détriment de l'école. Elles doivent déjà comme
affirme M. ZEBAZE « apprendre à être responsable
puisque l'école ne pourra leur servir à quelque
chose. ». Les conditions de vie des populations leur donnent une
autre vision de l'école et surtout celle des filles. En effet,
l'école pour les filles ne pourra servir à quelque chose d'autant
plus que celles-ci sont appelées à se marier plus tard. Alors il
faut leur apprendre à se débrouiller et à faire face
à certaines difficultés qu'elles pourront rencontrer plus tard
dans les ménages, surtout si leurs maris sont invalides. La
priorité de l'instruction scolaire est accordée au genre masculin
même si celui-ci ne connaît pas aussi un succès. Le tableau
ci-dessous présente le taux de scolarisation des filles dans les
ménages à Maképé Missoké tel que
observé et enquêté.
Tableau 16 : scolarisation des filles selon le
site
Zone
Scolarisation
des filles
|
Effectif des filles
|
Filles en ages es scolaires
|
Filles scolarisées
|
Maképé Missoké
|
45
|
42
|
08
|
Maképé Maturité
|
55
|
38
|
17
|
Total
|
100
|
80
|
25
|
Pourcentage
|
100
|
80
|
31,25
|
Source : Notre enquête sur le terrain
Sur 100 filles recensées dans les ménages des
deux sites enquêtés, 80% sont en âges scolaires (entre 7-14
ans), seules 31,25% vont à l'école. Les filles qui vont à
l'école ont été recensées plus dans les
ménages où les parents ont un niveau d'instruction
élevé. L'instruction est donc une caractéristique qui a
servi dans la compréhension de cette sous scolarisation des filles dans
les sites à risque.
Sur 25 filles scolarisées, 20 sont issues des
ménages dont les parents ont au moins un niveau secondaire et 5 filles
issues des ménages dont les parents ont un niveau primaire. Nous pouvons
donc conclure que la pauvreté n'est pas la seule raison qui justifie la
baisse des effectifs des effectifs des filles scolarisées dans les
ménages. Cette baisse s'explique aussi par le niveau d'instruction des
parents dans les ménages. La plupart des parents enquêtés
sont analphabètes et cet analphabétisme leur donne une perception
négative de l'école, surtout celle des filles. Les parents qui
ont fréquenté scolarisent mieux leurs filles. Mais ceux qui n'ont
pas fréquenté pensent que la fille doit être
éduquée dans le sens du mariage. C'est le sens de cette
affirmation de (M. HENRI Maképé Missoké)
La fille va où avec l'école. Le
mariage l'attend plus tard. Il faut l'initier des maintenant car elle doit
apprendre à être responsable. C'est même ici en ville que je
vois les jeunes filles aller plus loin avec l'école. Au village, on ne
fréquente pas beaucoup. J'ai une fille de 16ans chez moi. Apres son CEP
(Certificat d'Etude Primaire), j'ai tenu à ce qu'elle apprenne à
faire le commerce comme sa maman. C'est elle qui nourrira son mari et sa
progéniture.
Les filles ici pour les personnes non instruites doivent
être conduites dans le sens du mariage. Qu'en est-il de la scolarisation
des garçons ?
VI-2-2-3-1- Scolarisation des garçons
Dans les ménages
enquêtés, les garçons ont le privilège d'une longue
carrière scolaire. Mais les conditions démunies des populations
telles que observées ne leur permettent pas de satisfaire ce
désir. L'éducation des garçons prend de plus en plus de
recul dans les ménages malgré la priorité qu'on leur
accorde au détriment des filles. Les populations affirment avoir de
sérieux problèmes, des difficultés financières pour
pouvoir scolariser effectivement leurs enfants.
Tableau 17 : scolarisation des garçons
selon les sites enquêtés
Scolarisation des
garçons
Zone
|
Effectif des garçons
|
garçons en
âges scolaires
|
garçons scolarisés
|
Maképé Missoké
|
62
|
46
|
12
|
Maképé Maturité
|
58
|
54
|
33
|
Total
|
120
|
100
|
45
|
Pourcentage
|
100
|
83,3
|
45
|
Source : Notre enquête sur le terrain
De ce tableau, il ressort que sur 120 garçons
recensés dans les deux sites de recherche, 100 soit (83,3%) ont l'age
d'aller à l'école. 45 soit (45%) sont effectivement
scolarisés. La plupart des garçons sont dirigés vers les
formations pratiques comme la menuiserie, la mécanique automobile.
D'autres encore sont dirigés vers le transport par moto malgré
parfois leurs adolescences M. ARMAND commerçant dans la zone de
Maképé Maturité affirme :
C'est vrai que les garçons sont les futurs
leaders dans les ménages, et c'est même eux qui prendront la
relève dans les familles. Nous voulons bien leur donner une meilleure
éducation. Mais que voulez-vous qu'on fasse. Nous n'avons pas de revenu
suffisant pour leur école. Le peu que nous avons ne nous permet
même pas déjà de faire face aux multiples besoins qui sont
les nôtres. Nous sommes obligés de les conduire vers les centres
de formations pratiques pour que très vite, ils puissent contribuer aux
revenus du ménage.
Les conditions de vie des populations ainsi modifient les
rôles des enfants dans les ménages. Les enfants sont
utilisés en vue de la multiplication des revenus. Ce qui modifie aussi
leur vie scolaire. Mais comme chez les filles, plus les parents sont instruits,
plus les garçons ont de la chance de faire de longues études. Les
conditions de vie des populations ont donc des incidences sur la scolarisation
des enfants. Cette incidence est aussi observée dans l'alimentation au
sein des ménages.
VI-2-3-CONDITIONS DE VIE DES POPULATIONS DES SITES A RISQUE ET
IMPLICATIONS ALIMENTAIRES
S`il est une dimension
économique que les conditions de vie des populations des sites à
risque modifient, c'est celle de l'alimentation. Outre l'augmentation de la
fraction budgétaire qui est consacrée à l'alimentation, on
assiste à un repli sur le minimum vital se traduisant par une
réduction à la fois qualitative et quantitative du nombre de
repas par jour. Lorsqu'il était demandé aux populations combien
de repas elles prennent par jour, près de 90% ont répondu une
fois par jour. Les ménages ont réduit le nombre de repas. Tous
ont ajusté leur part alimentaire. La pluriactivité, la mise au
travail quasiment de tout la famille, et le recours à des
activités de tâcherons semblent devenus le point commun de toute
la population des sites à risque. Pour maximiser ses revenus, elle est
contrainte d'avoir plusieurs occupations, ce qui se traduit par une aggravation
de leurs conditions de vie et de santé.
Les raisons d'ajustement du nombre de repas journaliers ne
relèvent plus alors seulement de la pauvreté. En effet les
membres des ménages sortent chaque matin et ne reviennent que le soir.
La mise au travail des membres de la structure fait que tout le monde laisse la
maison très tôt le matin. Personne ne peut assurer la cuisine. Les
enfants se débrouillent tant bien que mal pour se nourrir. Les moyens
les plus récurrents pour y parvenir sont comme l'affirme M.
BELLA : « les visites inopinées dans
d'autres maisons où ils quémandent à manger et
à boire. » Le seul repas a lieu le soir après le
retour des activités. La réduction du nombre de repas journalier
dépend de la taille des ménages. Les modifications qui
interviennent sur la qualité et la quantité du repas touchent
plus les ménages de grande taille. Certains parents viennent parfois
à se priver de nourriture pour nourrir en priorité les enfants.
Parfois les enfants fouillent dans les poubelles pour manger.
VI-2-4- IMPLICATIONS DES CONDITIONS DE VIE DES POPULATIONS DES
ZONES A RISQUE SUR LEUR INTEGRATION AUX ACTIVITES ASSOCIATIVES
Les implications sur
l'intégration des populations aux activités ont été
saisies en demandant aux interviewés si leurs conditions de vie leur
permettent de participer de manière régulière aux tontines
et associations ?
De manière générale et après
analyse, les personnes interviewées ne sont pas régulières
dans leurs cotisations. Il est difficile affirme Mme MONTE (Responsable d'une
association à Maképé Maturité) que tous les
individus cotisent chaque fois. Elle ajoute :
Les membres de nos tontines ont de sérieuses
difficultés dans leurs ménages. Raisons pour laquelle
ils ne peuvent toujours avoir de l'argent pour cotiser. Certaines personnes
sont animées dès le départ pour cotiser, mais avec le
temps, ils se rendent comptent qu'ils sont limités.
Ce manque de régularité dans la cotisation
amène certains groupes à se dissoudre. De nombreux conflits
naissent, les individus se dispersent, la gestion devient difficile.
« Parfois même, nous commençons une
association ou une tontine avec des meilleures idées. Mais il est rare
qu'elle s'achève c'est-à-dire qu'elle aille jusqu'au bout. Ceci
parce tel ou tel n'a pas pu cotiser. Alors, on arrête. Ce qui
créer un conflit d'autant plus que tout le monde n'aurait pas encore
ramassé. » (ARMAND, Maképé
Maturité)
La participation au contribution et cotisation du groupe n'est
pas effective de la part des populations des sites à risque. Cependant
leur état dans leur milieu crée en eux une charge
psychologique.
VI-2-5- CONDITIONS DE VIE DES POPULATIONS DES
SITES À RISQUE ET IMPLICATIONS PSYCHOLOGIQUES
Dans la revue des livres et
chroniques, (R. WARAH, 2003) dans son article
étudiant sur les populations des bidonvilles pense que ces
dernières ne risquent pas seulement d'être victimes des maladies
d'origine hydrique. Elle évoque aussi la vie dans les bidonvilles comme
un énorme fardeau social et psychologique sur les résidents. Ce
fardeau engendre souvent l'éclatement des familles et l'exclusion
sociale, des violences intrafamiliales dus à soit l'inactivité de
l'homme ou celle de la femme. Laquelle activité doit
générer des finances pour la survie des ménages, pour
répondre aux besoins social et économique dans les
ménages. Bien que l'on pense communément que les bidonvilles sont
un terreau de la délinquance, le rapport montre que les habitants des
taudis sont plus souvent victimes qu'auteurs d'infractions.
Dans le cas des populations des sites de notre enquête,
les individus font face tous les jours aux menaces d'expulsion et de
déguerpissement. La plupart des habitants sont victimes de nombreuses
escroqueries de la part des personnes qui leurs vendent des terres ne leur
appartenant pas. En outre, le pouvoir public par moment est animé par le
désir de doter la zone d'infrastructures routières, ce qui ne va
pas sans conséquence pour ces populations qui construisent de
manière anarchique. Sans plan d'urbanisation, sans permis de
bâtir, etc. En 1990, l'Etat avait même déclaré la
zone de Maképé Maturité un site pétrolier. Mais en
fait l'Etat voulait juste « faire partir la population qui de
plus en plus devenait nombreuse dans cette zone jugée zone à
risque. » AMOS (dans la zone de
Maképé Maturité depuis une trentaine d'année)
Il ajoute :
Mais les populations ont résisté,
certaines sont néanmoins parties. Depuis ce temps jusqu'à
présent, il est difficile de voir quelqu'un investir dans cette zone car
psychologiquement, personne n'est à l'aise. On a toujours peur qu'un
jour, l'Etat viendra et nous demandera de partir comme cela se passe dans
d'autres quartiers de Douala ou même de Yaoundé. (AMOS,
Maképé Maturité)
Quoique les sites à risque présentent des
avantages pour les habitants, ils demeurent néanmoins un lourd fardeau
social, économique et psychologique. Ils présentent des
situations particulières. Même si ces environnements insalubres et
surpeuplés peuvent donner naissance à de nouveau mouvements
culturels et renforcer la solidarité entre les classes pauvres et
moyennes, il n'en demeure pas moins qu'ils présentent des risques
énormes pour ses habitants. Les activités exercées par les
populations quoi que aident à survivre ne leur permettent pas de mieux
scolariser leur progéniture. La plupart des dépenses sont
orientées vers les réparations, des dommages causés par
des inondations et des sinistres de toute nature. Toutefois pour
« contrarier » les risques, des actions sont souvent
initiées par les populations. Ces actions sont d'ordre individuel et
collectif.
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