CHAPITRE V
CONDITIONS ET STRATEGIES DE VIE DES
POPULATIONS
DES SITES A RISQUE
Les conditions de vie des populations de zones à
risque présentent de situations particulières. Après avoir
traité des motivations à faire recours à ces zones, il est
important dans le cadre de ce chapitre d'évaluer et de décrire
leurs conditions de vie dans ces sphères. Les indicateurs sont les
suivants : la taille des ménages et le type de l'habitat, les
sources d'approvisionnement en eau et en énergie, le type d'aisance et
les conditions d'administration des soins. Aussi nous avons
évalué les conditions de vie des populations en mettant l'accent
sur les stratégies de suivi dans les ménages. L'analyse a pris en
compte à la fois les données qualitatives et les données
quantitatives.
V -1- CONDITIONS DE VIE DANS LES MENAGESIV -1- CONDITIONS DE VIE DANS LES MENAGES
Pour mieux définir les conditions de vie des
populations enquêtées, nous avons pris en compte la taille de
ménage et le type d'habitat, les sources d'approvisionnement en eau, en
énergie et type d'aisance, les conditions d'administrations des
soins.
V -1-1- CONCEPT DE MÉNAGE
Selon F. BARTIAUX
(1986 :53),
Un ménage peut être un ensemble de
personnes qui vivent et prennent
ensemble leurs repas en tant qu'unité
domestique, ou une personne
qui vit seule et prend ses repas
séparément.
Le ménage s'identifie ici comme une unité de
production et de consommation.
Plus tard, (F. BEGEOT, 1998) le définit comme la
manière dont les personnes pourvoient à leurs repas et aux autres
besoins vitaux. Cependant les Nations Unies (NU) acceptent aussi que le
ménage soit définit selon le simple critère de
résidence. Ainsi, l'ensemble des personnes qui occupent une même
unité d`habitation forme le ménage. Le ménage
apparaît ainsi comme un concept pluridimensionnel, c'est-à-dire
qui rend difficile l'établissement d'une définition admise par
tous. De toutes ces définitions, le ménage s'identifie comme une
unité de production, une unité de consommation et une
unité d'habitation.
Nous avons pris le ménage ici comme la manière
dont les gens pourvoient en groupe ou individuellement à leurs besoins
(alimentaires, vitaux, etc.). Ensuite nous l'avons adopté comme un
groupe de personnes, vivant habituellement sous un même toit, contribuant
chacun aux dépenses et partageant l'essentiel de leurs repas.
V-1-2- TAILLES DES MÉNAGES ENQUÊTÉS ET
TYPES D'HABITAT DES POPULATIONS DES SITES A RISQUE
Les conditions de vie des
populations des sites à risque sont adéquates. Ceci se
révèle à travers l'enquête réalisée au
sein des ménages. Ces derniers sont de grandes tailles (plus de dix
personnes dans certains ménages). Plusieurs personnes partagent un
logement parfois insalubre, dormant dans des conditions rudimentaires.
Interrogées sur le pourquoi de ces co-habitations, certaines personnes
affirment être animées par le désir de vivre ensemble pour
renforcer les liens culturels. D'autres par contre mettent en exergue les
difficultés liées au logement, conséquence de la
pauvreté. La plupart des ménages sont constitués des
individus issus du même village, d'autres issus des liens
d'amitiés et d'autres encore de la famille restreinte (père,
mère, enfants). La taille des ménages est assez
élevée et varie selon le type de ménage.
Tableau 9: taille de ménage selon le type
de ménage.
Type Ménage
Taille Ménage
|
0-6 personnes
|
7-10 personnes
|
10personnes & plus
|
Effectifs
|
Parental
|
10
|
5
|
5
|
20
|
Monoparental
|
0
|
02
|
08
|
10
|
Total
|
10
|
7
|
13
|
30
|
Pourcentages
|
33,3
|
23,3
|
43,3
|
100
|
Source : notre enquête sur le terrain
Deux types de ménages ont été
identifiés et enquêtés. Les ménages parentaux sont
des ménages dirigés par un homme, une femme. Les ménages
monoparentaux sont ceux dont les membres sont constitués des personnes
dirigées par un seul parent ; soit un homme, soit une femme. Sur
trente ménages enquêtés dans les deux sites, vingt sont des
ménages parentaux et dix sont des ménages monoparentaux. Sur
vingt ménages parentaux, cinq sont constitués de plus de dix
personnes et cinq de moins. Dans les ménages monoparentaux (dix au
total), huit sont constitués de plus de dix personnes et deux de moins
de dix personnes. L'analyse montre une grande proportion des ménages
constitués de plus de dix personnes (43,3%) et une faible proportion des
ménages constitués de sept à dix personnes (23,3%). Le
taux élevé des personnes dans les ménages traduit la
difficulté liée au logement dans les sites enquêtés.
Ces sites quand bien même ils offrent de logements à faibles
coûts, certains individus ne peuvent s'en procurer un individuellement,
faute de moyen financier. Plus les individus ont des difficultés de
logement individuel, plus le désir de partager une même habitation
est élevé. M. MONIQUE rencontrée sur le site de
Maképé Missoké déclare :
Si je vis avec mes frères, ce n'est pas tellement
parce que je veux être en communauté, mais parce que je n'ai pas
encore les moyens d'avoir un logement. Lorsque je serai en mesure de m'en
procurer un, je pourrai sortir et être indépendant.
De cette déclaration, la crise de logement liée
aux difficultés financières des populations
enquêtées est ainsi une cause du taux élevé des
tailles des ménages. La cohabitation a un but économique. En ce
sens, elle permet aux acteurs dans un premier temps de faire des
économies et dans un deuxième temps d'investir au village. Ces
populations outre leur nombre élevé dans les ménages,
habitent des maisons peu confortables.
La plupart des logements sont construits en matériaux
provisoires. Le bois est le principal matériau de construction. Les bois
utilisés sont rarement traités et leur mise en oeuvre en terre
expose à l'attaque par l'eau et par les termites. C'est ainsi
qu'à la longue, les maisons ont tendance à s'incliner et dans
certains cas à se renverser. En raison de la mauvaise adhérence
entre le bois et la terre, des fissures et des fendillements sont souvent
observés et les pluies renforcent les risques de pourrissement du bois.
La faible hauteur de ces maisons leur confère un aspect peu confortable.
C. PETTANG (1996).
Cependant, d'autres construisent en briques de terre et en
parpaings. En fait, pour fabriquer des briques en terre, les populations
creusent des terres sous les pentes du site. Cette technique à
l'avantage qu'elle ne nécessite pas de lourds investissements, ni trop
de dépenses comparativement aux maisons en parpaings, qui
nécessitent un investissement financier dans l'achat du ciment et autre
matériel. Ces maisons sont réalisées très souvent
rapidement et occupées avant la fin des travaux qui aussi se
réalisent de façon évolutive sans que cela ne constitue un
problème important car s'adaptant aux conditions économiques des
populations. Les techniques qu'elles utilisent sont simples et ne
nécessitent pas une main d'oeuvre particulièrement
qualifiée. Ce qui n'est pas sans conséquence comme l'atteste
cette affirmation d'une dame interrogée à Maképé
Maturité :
En quinze ans, mon mari a déjà
construit au moins trois fois cette maison. Après chaque cinq ans au
moins, elle commence à s'affaisser et on est obligé de relever
à nouveau les murs . (Mme MACHE, Maképé
Maturité)
En fait cette conséquence vient du fait que ces maisons
dans les terres marécageuses sont construites sans fondations
appropriées. Lorsqu'il y a pluies et inondations, les maisons
s'affaissent et sombrent petit à petit. Voici le tableau qui
présente la répartition des populations enquêtées
selon le type d'habitation.
Tableau 10: répartition des individus
selon le type d'habitat
Type d'habitat
Zone
|
Maisons en carabottes
|
Maisons en briques
|
Maisons n parpaings
|
Effectifs
|
Maképé Missoké
|
70
|
10
|
20
|
100
|
Maképé Maturité
|
60
|
11
|
29
|
100
|
Total
|
130
|
21
|
49
|
200
|
Pourcentage
|
65
|
10,5
|
24,5
|
100
|
Source : notre enquête sur le terrain
De ce tableau, sur 200 personnes enquêtées, 130
affirment vivre dans les maisons en carabottes (65%), 21 affirment
résider dans des maisons en briques de terre (10,5%) et 49 dans des
maisons en parpaings (24,5%). L'analyse révèle à partir du
tableau une forte proportion des individus habitant des maisons en carabottes.
La conclusion qui résulte de ce tableau est que les habitants des sites
à risque habitent des maisons construites en carabottes. La raison
première de la sollicitation de ce type d'habitat vient non seulement de
son caractère économique, mais aussi du fait de l'état
psychologique des populations qui ont peur d'être détruites
à tout moment. Elles ont peur de construire en matériel
définitif pour être détruites plus tard.
M. INOUSS affirme :
Chaque fois, nous sommes menacés de
destruction. Si nous nous mettons à construire en matériel
définitif, ce n'est pas seulement parce que nous n'avons pas de moyens,
mais parce que nous avons peur d'investir et nous faire détruire
après. (INOUSS, Maképé Missoké)
Dans la plupart des cas, ce sont des maisons sans chambres.
Uniquement des salons où se retrouvent des lits, des équipements
prêts à être déplacés en cas de destruction ou
d'inondation.
V-1-3- SOURCE D'APPROVISIONNEMENT EN EAU, ÉNERGIE ET
TYPE D'AISANCE
Que ce soit dans la zone de
Maképé Missoké ou celle de Maképé
Maturité, l'accès à l'eau potable est difficile pour les
populations enquêtées. Dans la zone de Maképé
Maturité, il existe une borne fontaine payante relevant d'une initiative
privée, deux forages construits par une Organisation Non Gouvernementale
(ONG) canadienne. Une couche minoritaire de la population a accès
à ces deux sources d'approvisionnement. D'autres par contre, n'ayant pas
de revenus leur permettant d'acheter l'eau de la fontaine et celle des forages
se ravitaillent dans de nombreux puits creusés par eux-mêmes. Ces
puits sont non aménagés et contiennent des impuretés dues
aux infiltrations souterraines tels que le démontre le schéma
ci-dessous.
Schéma 1 : Processus d'infiltration des
impuretés dans les puits
Source : (G. R. MATCHAN, 2005)
Le schéma ci-dessus montre le processus d'infiltration
(latérale et verticale) des impuretés. Lesquelles proviennent des
rivières polluées de la Ngoné. Plusieurs individus se
ravitaillent par ce moyen qui consiste à attacher un fil sur un sceau
qu'on introduit dans le puits et au bout de quelques secondes, on le ressort
plein d'eau. Cependant d'autres encore se ravitaillent dans la rivière.
Le processus consiste à puiser de l'eau de rivière, la laisser au
repos pendant quelques temps et ensuite l'utiliser. Cette eau est
généralement utilisée pour la cuisson des aliments et pour
certaines lessives.
Tableau 11 : Répartition des populations
selon la source d'approvisionnement en eau
Source
d'approvisionne-
ment
Population
SNEC
|
Puits
|
Borne fontaine,Forage
|
Rivière
|
Effectifs
|
|
Maképé Missoké
|
20
|
30
|
25
|
25
|
100
|
Maképé maturité
|
12
|
33
|
35
|
20
|
100
|
Total
|
32
|
63
|
60
|
45
|
200
|
Pourcentages
|
16
|
31,5
|
30
|
22 ,5
|
100
|
Source : notre enquête sur le terrain
De ce tableau, sur 200 personnes enquêtées, 60
affirment avoir accès à l'eau de la fontaine et du forage (soit
30%), 32 l'eau provenant de la Société Nationale des Eaux du
Cameroun (SNEC) soit 16%, 63 se ravitaillent dans les puits (31,5%) et 45 ont
pour source d'approvisionnement en eau la rivière Ngoné (22,5%).
L'analyse révèle une forte proportion des individus qui se
ravitaillent dans les puits (31,5%). En conclusion, la plupart des individus
n'ont pas accès à l'eau potable. Ils se ravitaillent dans des
sources douteuses (près de 54% de la population enquêtés).
Ceci est une conséquence de la pauvreté ambiante qui
caractérise cette population comme le déclare F. TEZA
Si nous nous ravitaillons dans les puits, c'est
parce que nos moyens sont limités pour aller au forage et à la
fontaine. Les puits que vous voyez ont été creusés par
nous-mêmes et parfois les inondations les remplissent et nous les
creusons à nouveau. (F. TEZA, Maképé
Missoké)
Le recours à ce type de ravitaillement est donc
lié tel que dit plus haut à un manque de moyens de la part de la
population. Mais certaines personnes interviewées expliquent le recours
aux eaux d'origine douteuse comme celles des rivières en mettant en
exergue la proximité. C'est le sens de la déclaration de cette
personne enquêtée à Maképé
Maturité :
Ma maison est juste à coté de la
rivière. Je ne trouve pas important de parcourir encore une longue
distance pour aller chercher de l'eau alors qu'elle est à mes
côtés. D'ailleurs je n'ai pas les moyens pour acheter de
l'eau. (PAUL, Maképé Maturité)
L'eau de la rivière étant proche et gratuite,
les individus s'y déploient pour se ravitailler. Une analyse du tableau
précédent permet de comprendre que le pourcentage de personnes
ayant recours aux eaux de rivière est plus élevé dans la
zone de Maképé Missoké (25% %) comparativement à
celui de Maképé Maturité (20%). Il s'établit une
différence de niveau de vie dans les deux sites. Les populations de
Maképé Maturité s'organisent régulièrement
en associations dans le but d'initier des projets. Les forages creusés
dans la zone sont le fruit de cette initiative locale.
En ce qui concerne l'énergie, les ménages
manquent d'éclairage moderne. La plupart des populations
enquêtées affirment avoir pour principale source de ravitaillement
en énergie la lampe traditionnelle et dans une moindre mesure des
bougies. Dans le cadre de la cuisson des aliments, elles utilisent les feux de
bois ou les charbons. D'autres par contre ramassent des débris issus des
plantes sciées quelles pilent dans les fours pour y mettre ensuite le
feu.
Tableau 12 : répartition des individus
selon le type d'éclairage.
Population
Type d'éclairage
|
Eclairage moderne
|
Lampe à pétrole
|
Bougie
|
Effectifs
|
Maképé Missoké
|
30
|
55
|
15
|
100
|
Maképé Maturité
|
50
|
40
|
10
|
100
|
Total
|
80
|
95
|
25
|
200
|
Pourcentages
|
40
|
47,5
|
12,5
|
100
|
Source : Notre enquête sur le terrain
Sur 200 personnes interviewées, 95 affirment avoir pour
source d'énergie en matière d'éclairage des lampes
à pétrole représentant un taux de 47,5%. 25 utilisent des
bougies et 80 des ampoules modernes. Soit respectivement 12,5% et 40% %. De
manière générale, les populations n'ont pas accès
au système d'éclairage moderne. La plupart utilise des lampes
à pétrole et des bougies, ce qui est souvent à l'origine
des feux, des pertes humaines et matérielles telles que
développées dans le chapitre six. Une analyse comparative permet
de comprendre que dans la zone de Maképé Maturité, le
pourcentage des personnes ayant accès à l'énergie moderne
est élevé (50%) par rapport à la zone de
Maképé Missoké (30%). Par contre le nombre d'individus
utilisant les lampes à pétrole et les bougies est plus
élevé à Maképé Missoké (70%)
qu'à Maképé Maturité (60%). La conclusion qui
résulte de cette analyse est que l'accès dans la zone de
Maképé Maturité est plus facile pour la
Société Nationale d'Electricité (SONEL, principale et
unique distributrice de l'énergie électrique moderne au Cameroun)
que l'accès à la zone de Maképé Missoké. En
outre, la présence massive des étudiants dans la zone de
Maképé Maturité peut expliquer cet état. Car la
plupart des étudiants sont en location et les bailleurs des minis
cités présentes déploient beaucoup de moyens pour les
alimenter en électricité. Ce qui profite aussi à
certaines maisons comme le témoigne (G. CEZAIR Maképé
Maturité) « C'est parce que le courant est venu tout
proche de moi que j'ai résolu d'alimenter ma maison. Ce sont des
étudiants ici à coté qui poussent parfois les pouvoirs
publics à réagir en notre faveur ». La
présence massive des étudiants dans la zone de
Maképé maturité est d'un atout particulier pour la
population, ceux-ci sont toujours prêts à initier des
jaillissements de voix attirant ainsi la réaction des pouvoirs publics,
ce qui représente un avantage pour les habitants de la zone.
En ce qui concerne le type d'aisance, les conditions de
logement imposent aux individus un partage de toilette. Parfois jusqu'à
cinq ménages pour une toilette. La difficulté qu'il y a pour
cette population d'avoir accès à l'eau leur impose aussi un
équipement sanitaire inadéquat. Les populations utilisent
massivement des WC traditionnels (sans chasse eau). Leur entretien n'est pas
généralement pris en compte. Ces WC sont des trous d'au trop deux
à trois mètres de profondeur, creusés à
proximité des cuisines et qui coulent parfois à vue d'oeil.
Pendant les saisons de pluies, elles s'inondent et les déchets sont
évacués.
Les services d'hygiène et de salubrité de douala
5e passent de temps en temps pulvériser les douches et
toilettes. Mais selon le chef de quartier de Maképé
Maturité, M. BELLA, cette fréquence « rare »
de passage ne connaît point de succès puisqu' après
pulvérisation, « la population reprend avec les
mêmes conditions ».
D'autres personnes par contre qui ne disposent pas d'un espace
propice pour creuser un WC, se contentent des sachets (plastiques) dans
lesquels elles déposent leurs excréments qu'elles achemineront
dans les eaux de la rivière ou dans les toilettes les plus proches. Le
tableau ci-dessous présente la répartition des individus
enquêtés selon le type d'aisance.
Tableau 13: répartition des individus
selon le type d'aisance
Population
Type d'éclairage
|
WC moderne
(avec chasse)
|
WC tradit.
(sans chasse)
|
Autres
|
Effectifs
|
Maképé Missoké
|
30
|
50
|
20
|
100
|
Maképé Maturité
|
25
|
50
|
25
|
100
|
Total
|
55
|
100
|
45
|
200
|
Pourcentage
|
27,5
|
50
|
22,5
|
100
|
Source : Notre enquête sur le terrain.
Du tableau ci-dessus, sur 200 personnes
enquêtées, 55 soit 27,5% affirment utiliser les WC avec chasse,
100 personnes soit 50% utilisent des WC traditionnels (sans chasse) et 45
personnes soit 22,5% n'ont pas de douches, ni de WC. Nous pouvons conclure que
les populations des sites à risque enquêtés n'ont pas des
types d'aisance sains (près de 73% de la population). Cette situation
s'explique tel que révélé plus haut par non seulement
l'accès difficile à l'eau, mais aussi par l'impossibilité
pour certains ménages à s'acquérir des surfaces pouvant
abriter les douches, toilettes faute de moyens matériel et financier.
L'analyse comparée dans les deux sites de recherche
permet de comprendre qu'à Maképé Maturité, la
fréquence des individus utilisant les WC et toilettes inadéquates
est plus élevée que celle de Maképé Missoké.
Ceci peut s'expliquer démographiquement, car la population de
Maképé Maturité est plus élevée que celle de
Maképé Missoké. Le taux élevé de la
population accroît le nombre de ménages et une demande de plus en
plus croissante en type d'aisance, car selon le sociologue R. RANGEZ
(1995 :66),
La fréquence élevée d'une
population pauvre dans une zone
augmente la tendance à construire des toilettes
sans mesures
sanitaires afin de satisfaire les désirs pressants
et immédiats .
V-1-4- CONDITIONS D'ADMINISTRATION DES SOINS
Dans les sites enquêtés, nous avons
observé l'existence de plusieurs centres de santé et infirmeries
relevant en majorité des initiatives privées. La zone de
Maképé Maturité regorge plus de dix centres de soins de
santé et une infirmerie. Quant à celle de Maképé
Missoké, cinq centres y sont présents. Parmi les centres que
regorgent les deux sites (seize au total), onze sont d'initiatives
privées et cinq des pouvoirs publics. Ces structures sont l'oeuvre des
étudiants en médecine ou ceux ayant reçu une formation
dans le domaine médical. Elles sont au service de la population et leur
offrent des opportunités diverses comme des consultations,
hospitalisations, accouchement, pédiatrie, petite chirurgie. Centres de
santé primaire, ils administrent des traitements au travers des
personnes peu qualifiées. En outre, l'origine des médicaments
vendus n'est pas souvent révélée.
Malgré la présence de ces structures primaires,
les populations accèdent rarement aux soins modernes. Elles optent pour
la médecine traditionnelle qu'elles qualifient de « moins
chère ». L'affirmation ci-dessous de R. GASTON en est une
illustration :
Les soins de santé moderne ne sont pas à la
portée de tous. Pour une population démunie comme la notre, avoir
les moyens nécessaires pour s'administrer ces soins est difficile.
(R. GASTON, Maképé Maturité)
Cette affirmation est confirmée par celle de K. GISELE,
infirmière dans le centre de santé La Grâce à
Maképé Maturité
Rares sont les personnes qui viennent
ici. C'est quand la situation devient critique q'elles peuvent au centre de
soins. Elles préfèrent les soins naturels. (K.
Gisèle, Maképé Maturité).
Ces propos témoignent de la difficulté qu'on les
populations enquêtées à se soigner de manière
moderne car comme le déclare G. IYENDA (2002), pour les populations
démunies, se soigner est un casse-tête, une préoccupation
mineure. Sur 200 personnes enquêtées par sondage, 15%
fréquentent les centres de santé au moins deux fois par an, et
plus de 50% ne le font pas. Le taux des individus n'ayant pas
régulièrement accès aux soins de santé moderne est
très élevé (70%) et confirme davantage les
déclarations faites sur les difficultés pour les individus
à s'acquérir des moyens pour les soins modernes. Cependant, si la
médecine traditionnelle est valorisée, les populations
l'expliquent en mettant aussi en exergue le désir de valoriser les
plantes africaines comme le témoigne cette déclaration :
Votre médecine des blancs là est
inefficace et ne s'adapte même pas à nos attentes. Nous devons
valoriser nos arbres, nous devons valoriser nos écorces. C'est pour cela
que je préfère la médecine traditionnelle. (P.
TEZA, Maképé Missoké)
Les manques de moyens financiers ne constituent plus l'unique
raison de la préférence de soins traditionnels. Mais les
populations sont aussi animées par le désir de faire valoir leur
culture, leurs feuilles, leurs écorces.
Face aux difficultés qu'elles rencontrent pour la
satisfaction des besoins quotidiens de consommation, de santé,
d'éducation, les populations adoptent des stratégies
socio-économiques de survie diverses. Ces stratégies modifient
les plus souvent leurs habitudes alimentaires, leurs pratiques quotidiennes et
leur solidarité sociale.
|