CHAPITRE I I:
L'EK-SISTENCE DU DASEIN : UNE OUVERTURE
EK- STATIQUE
On ne peut définir l'homme par rapport à
lui-même : il n'est ni un sujet isolé, ni la monade leibnizienne
qui serait une réalité sans ouverture, sans fenêtre, sans
porte. Pour Heidegger, en fait, le propre du Dasein c'est d'être dans le
monde, de vivre et d'ek-sister. Ek-sister, en effet, n'est
pas synonyme d'être qui peut renvoyer à un état «
factice » et fictif, un état passif et oisif oü l'homme se
contente uniquement d'être dans le monde, d'être là en
spectateur. Cette présence fondamentale du Dasein au monde n'est pas
exclusivement un fait constatable, elle est un événement
vécu, l'expérience étonnante du surgissement de
l'être, que notre philosophe traduit par le terme ek-sistence.
Mais qu'est-ce qu'ek-sister pour le Dasein? Qu'est-ce qui
caractérise sa modalité d'être? Telles sont les questions
qui nous serviront de fil conducteur tout au long de ce chapitre. Pour y
répondre, nous articulerons nos investigations autour de trois axes.
Nous évoquerons tour à tour les caractères de
l'ek-sistence du Dasein. Ensuite, nous essayerons de comprendre et de
mettre en lumière les modalités de son ek-sistence,
à savoir les modes inauthentique et authentique. Enfin, il sera question
de présenter l'argument ontologique de l'ek-sistence. Mais
avant de nous adonner à cette description du Dasein, il convient de
clarifier ce que ce mot représente dans l'acception
heideggérienne.
II.1- Esquisse d'explication du concept de Dasein
La question qui a taraudé Martin Heidegger durant toute
son existence en tant que penseur est bien évidemment celle de
l'être, ou mieux celle du sens et de la vérité de
l'être. C'est à partir de cette interrogation fondamentale sur
l'être que le philosophe allemand va poser le problème
anthropologique, celui de la condition humaine. Pour Heidegger, en effet, il y
a plusieurs sortes d'étants, et puisque l'être est commun à
tous, il faut impérativement choisir un qui sera en mesure de livrer ou
de délivrer le sens et la vérité de l'être.
CompDo PDF
Expanded Features
cuments
Unlimited Pages
lete
« Qui dit élaboration de la question de
l'être, déclare Heidegger, dit par conséquent
qu'un étant, celui qui questionne, se rend transparent à
lui-même en son être. Dès lors que poser cette question est
un mode d'être d'un étant, le questionnement qu'elle
instaure doit lui-même de sa détermination au questionné
qui est visé en lui à l'être. Cet étant que nous
sommes chaque fois nous-mêmes et qui a, entre autres possibilités
d'être, celle de questionner, nous lui faisons place dans notre
terminologie, poursuit-il, sous le nom de Dasein. Pour poser
expressément et en toute clarté la question du sens de être
(sic), il est requis d'en passer d'abord par une explication d'un étant
(Dasein) en considérant justement son être
»27.
Mais pourquoi ce vocable de Dasein ? En d'autres termes,
pourquoi cette re-nomination ou cette « rebaptisation » de l'homme
sous la terminologie de Dasein ? D'entrée de jeu, Heidegger approuve
cette terminologie qui signifie « réalité humaine
»28. D'autre part, il explique que c'est un concept
intraduisible en français : « Da-sein ne signifie pas tellement
pour moi « me voilà là ! », mais si je puis
ainsi m'exprimer dans un français sans doute impossible :
être-le-là, et le-là est
précisément Alèthéia
décèlement -- ouverture »29. Cette
deuxième réponse à la question touchant au statut du
Dasein va se situer dans une perspective de dépassement et de
déplacement de la conception traditionnelle que l'on a de l'être
humain. A cet effet, F. Dastur peut dire :
« Heidegger est le penseur qui a rappelé de
manière très forte la philosophie à sa vocation
première, qui est celle du souci de la totalité et non pas
seulement de la sphère humaine, en une époque dominée par
l'anthropocentrisme et où, en cette fin de siècle, la philosophie
se voit réduite à l'éthique, c'est-à-dire à
une préoccupation centrée sur l'homme seul. C'est là le
sens fondamental du retour à la question de l'être comme question
fondamentale de la philosophie [...J. Que le rapport à
l'être définisse de manière première et fondamentale
l'être de l'homme, c'est là ce qui a conduit Heidegger à
nommer ce dernier d'un nom qui n'est pas traditionnel : Dasein, et non
plus 'sujet' ou ' conscience' »30
.
27 M. Heidegger, Sein und Zeit (1927),
Etre et temps, traduction française par F. Vezin, Gallimard, Paris,
1986, p. 7 (Nous optons dans ce travail pour la pagination de l'édition
originale qui se trouve en marge de la traduction française).
28 M. Heidegger, « Lettre à Jean Beaufret
», in Question III, Gallimard, Paris, 1966, p.130.
29 Idem.
30 F. Dastur, cité par D. Janicaud,
Heidegger en France, Tome II . Entretiens, éd. Albin Michel, Paris,
2001, p. 75.
cuments
Unlimited Pages
lete
CompDo
PDF
Ainsi, il faut reconnaître que cette explication n'est
que liminaire, car c'est au cours de cette description des caractères de
l'ek-sistence du Dasein que nous mettrons en lumière les
raisons de ce choix de notre auteur.
|