Chapitre 2
differents moyens mis en place pour integrer le concept
de developpement durable : une veritable remise en cause
I. Une remise en cause indispensable à
différents niveaux
a. Marketing « bancaire » et marketing
« vert » : alliance possible ?
Actuellement, beaucoup de banques ne semblent
préoccupées que par le profit immédiat. Il est
intéressant de remarquer que la plupart des catastrophes
financières récentes ont eu pour cause des faits liés au
manque d'éthique où lié la responsabilité sociale
de l'entreprise. Toutes ces affaires ont finalement eu un impact financier
important. Sur le plan de la protection de l'environnement, de grands
progrès ont certes été accomplis au cours de ces
dernières années, mais les exemples de développement non
durable abondent. Il est frappant de constater la quantité de transports
aller retour de marchandises justifiée par la seule recherche des plus
bas prix pour une opération donnée, indépendamment de
toute prise en compte du coût de l'impact environnemental. Ce n'est donc
pas par hasard si le message de l'ISR (Investissement Socialement Responsable)
qui intègre les aspects économiques et environnementaux s'est
développé au cours des dix dernières années. Nous
verrons ainsi en quoi l'investissement d'éthique peut constituer un
élément fondamental du développement durable, combinant
l'économique et l'environnementale, et le financement de projet plus
écologique peuvent contribuer à renverser la tendance
actuelle.
Pour comprendre par quels moyens les banques ont réussi
à intégrer le concept de développement durable, de
responsabilité sociétale et environnementale dans leur structure
interne, il m'a été primordial et fondamental de revenir sur des
concepts marketing au préalable.. Pour cela, j'ai effectué une
analyse et une synthèse des revues littéraires, et des
réponses données lors de l'entretien avec Mr Dumoulin,
Chargé de mission du Développement Durable à BNP PARIBAS.
On peut se demander quel est l'intérêt d'une telle alliance, entre
le « marketing bancaire », et
« marketing vert ».
Le marketing bancaire est plus à
vocation « économique » que le marketing
« vert » est à vocation
« environnementale ». La combinaison du marketing bancaire
et du développement durable n'en est encore qu'à ses
débuts, c'est pourquoi chacun utilise les termes qu'il
préfère : marketing vert, responsable, durable...Il convient
donc avant toute chose de comprendre la signification de ces termes. Pour cela,
j'ai entrepris des recherches littéraires qui m'ont permis d'aboutir
à des approches du marketing bancaire dit « vert »
ou « écologique » utilisé le plus souvent par
les établissements bancaires dans le cadre d'une intégration de
ces concepts.
Marie Le Gall, chercheuse au CNRS et maître de
conférences en économie et gestion à l'Université
de Rennes 1, présente deux conceptions axées sur l'aspect
environnemental :
o Le marketing écologique : il
suppose que les comportements, que ce soient ceux des entreprises ou des
consommateurs, ne pourront se modifier qu'à partir du moment où
nous auront tous compris dans sa globalité les problèmes
environnementaux. Autrement dit, elle estime que l'écologie devrait
être avancée comme un argument de vente uniquement si c'est le
meilleur moyen de parvenir à préserver les ressources naturelles.
En résumé, cela doit résulter du choix de l'entreprise de
proposer un service ou un produit « vert » afin de
véhiculer une image propre et de montrer l'exemple aux autres acteurs.
La banque a ici un rôle à jouer. Voici un exemple concret d'une
publicité de marketing écologique émanant d'association
pour sensibiliser les consommateurs.
o Le marketing vert : il s'agit
plutôt de l'hypothèse contraire. Les producteurs seraient
sensibles à la demande en produits « durables » des
consommateurs. Ainsi la démarche des entreprises relèverait des
pressions du marché et non d'une motivation morale et sociétale.
Mais il s'agit ici d'une approche théorique. Or des
professionnels du conseil en développement durable ou de la RSE exposent
de façon plus pratique leur conception. Selon Stanislas Dupré,
directeur général d'Utopies, agence pionnière dans le
domaine qui a aidé des banques reconnues à intégrer ces
concepts :
o Le marketing vert, il met en avant la valeur
éthique du produit
o Le marketing responsable, il prévient les
débordements du marketing
o Le marketing social, il fait la promotion des
comportements durables
En d'autre terme, il établit de façon
pratique 3 niveaux d'actions de communications important à
citer :
o Au 1er niveau, les actions de communications de ces
entreprises ne seraient qu'une façade, un leurre pour attirer le client.
Ici c'est l'effet de mode qui joue.
o Au 2ème niveau, les entreprises
pensent saisir des opportunités de nouveaux marchés en
développant des offres produits ou services
« durables ». Ici c'est l'effet d'opportunisme.
o Au 3ème niveau, les entreprises
intègrent le développement durable au coeur même de leur
stratégie et de leur politique générale. Ici c'est
l'effet de tendance de fond.
En définitif, il n'existe pas encore aujourd'hui
d'approche permettant de définir clairement l'implication du marketing
bancaire quand il est question de développement durable. Cela
n'empêche pas qu'il existe un lien réel entre ces notions.
Quoiqu'il en soit les banques doivent favoriser les éco-comportements de
chacun par le biais d'actions de communication sur les gestes
éco-responsables au quotidien, d'où le fort rôle du
marketing.
b. L'intérêt essentiel à la
cohabitation
Par conséquent, il existe un réel
intérêt à faire cohabiter marketing bancaire et
développement durable. Tout d'abord, rappelons que le marketing est le
service en entreprise qui permet de centraliser les attentes des consommateurs.
Or, plus qu'une tendance, les motivations, attentes et habitudes de
consommation sont petit à petit en train de se transformer, comme nous
l'avons vu vis-à-vis des investisseurs, actionnaires, clients...etc.
Cela nous est prouvé par des sondages : en effet, Ethicity, agence
de conseils stratégiques en développement durable, a rendu public
le 23 novembre 2006 sa 3ème étude sur le sujet :
« les attentes des consommateurs évoluent vite, leur
sensibilisation au développement durable s'approfondit, et ils sont de
plus en plus nombreux à mettre en cohérence leurs actes d'achats
avec leurs déclarations ». En pratique, cette
enquête démontre que plus de 35% des personnes interrogées
relient leur acte d'achat avec leurs convictions : un nouveau
phénomène en la matière. On parle même de
« Consomm'Acteur ».
Allier développement durable à une
activité marketing bancaire semble prometteur, voire une
opportunité à ne surtout pas rater. Tout dépend des
valeurs de la banque, des avantages que cela lui procureraient, mais surtout de
la motivation des dirigeants, premier facteur d'engagement. Nous pouvons donc
néanmoins nous poser la question suivante : L'outil financier
ne pourrait-il pas constituer un levier d'action opportun sur lequel le
développement durable s'appuierait pour faire évoluer à la
fois l'économie et l'environnement ?
II. Outils financiers comme levier d'action
opportun
a. Le rôle majeur des produits et services financiers
« éthiques, verts, responsables » :
Rappelons que les banques génèrent des
émissions de CO2 de deux manières différentes :
De manière directe, via leurs
propres activités (principalement le transport, les bâtiments,
l'énergie et les matériaux entrants). Elles sont
intégralement responsables de ces émissions,
relativement faibles du fait de leur activité de
service et non industrielle ;
De manière indirecte, via les
financements et investissements décidés par les banques en
faveur
de certains secteurs, de certaines catégories de
clients, de certains clients spécifiques, mais
également via leur métier de conseil financier
(en particulier pour les entreprises et grands
projets). Elles sont partiellement responsables de ces
émissions puisqu'elles les rendent possibles
en les finançant, le client ayant également une
part de la responsabilité. Le secteur bancaire
finançant une énorme partie des activités
économiques mondiales, ces émissions indirectes sont
immenses. C'est donc en cela quels ont un rôle à
jouer en combinant profit et éthique. Elles vont donc agir à deux
niveaux le premier par rapport aux produits et services financiers et le
deuxième par rapport aux choix d'investissement et de financement. Le
rôle clé des banques dans la lutte contre le changement climatique
est de réduire les émissions de leurs clients. C'est ce qu'on
appelle la réduction des impacts indirects. Les banques doivent ajouter
des conditions liées au CO2 dans les produits et services financiers
qu'elles proposent, pour calculer le risque des projets et entreprises et
déterminer les taux d'intérêt. Cette démarche
devient logique et même inévitable dans une économie
où la tonne de carbone a un coût. Elle fonctionne de
manière positive aussi bien que négative : un client polluant
sera pénalisé, un client sobre en carbone
bénéficiera de financements facilités (toutes choses
égales par ailleurs).Néanmoins, plusieurs banques leaders ont
déjà pris conscience du rôle spécifique qu'elles
jouent et de leurs responsabilités en matière de changement
climatique (ce qui leur est demandé de manière croissante par
certaines catégories de clients), et elles ont mis en place des
politiques formelles pour prendre en compte le changement climatique de
façon systématique.
b. Le choix des projets de financement peut contribuer
à améliorer l'environnement :
Au niveau des projets de financement, les banques actuelles
investissent très peu dans des projets à vocation durables,
malgré une communication colossale en la matière. Voici les
chiffres qui le démontrent :
Comme on peut l'observer sur l'histogramme la totalité des
banques françaises finance très peu les énergies
renouvelables, contrairement aux énergies non renouvelables. Le
Crédit Agricole finance 98% des énergies non renouvelables !
Au plus méritant, Dexia finance 77% d'énergies non renouvelables,
ce qui reste précaire comme situation. Voici l'exemple de projet non
durable qui a fait grincer des dents de nombreuses associations et autres
organismes.
A contrario, le fait que BNP PARIBAS a financé le parc
d'éoliennes en Bretagne par exemple, peut constituer une action positive
en terme de protection de l'environnement ; voilà en quoi elle a un
rôle à jouer dans les projets de financements.
c. L'investissement éthique comme
réponse : alliance possible entre
« économique » et
« environnementale »
On considère souvent que le rôle du marketing
bancaire est uniquement d'apporter du profit à l'entreprise, hors les
clients ont changé et se préoccupent d'avantage de
l'environnement et notamment des offres proposés. Dans le secteur
bancaire on est ainsi venu à créer et parler de
l'investissement éthique. En effet, la performance
financière a longtemps été le seul critère de choix
dans les placements des investisseurs. Désormais, ce n'est plus le cas.
Soucieux de rentabilité à long terme et de la préservation
de l'environnement, les investisseurs tiennent compte de plus en plus, de la
politique sociale et environnementale des entreprises. Ils ont par ailleurs la
possibilité d'investir dans des initiatives ou des entreprises non
cotées, mais impliquées dans des activités jugées
particulièrement responsables.
d. La gestion durable et l'Investissement Socialement
Responsable comme concept fondamental du développement durable
Les banques et investisseurs, via l'utilisation de produits
durables ou responsables se préoccupe en fait autant de sa performance
que de la manière dont celle-ci est générée au
moyens de critères non financiers. Ce qui n'est pas le cas avec des
produits bancaires standards où le profit est l'unique
intérêt. A ce jour, les critères non financiers
(éthiques) demeurent encore marginaux (selon une étude d'Eurosif
remontant à 2006, le coeur des placements ISR représente 1% des
actifs gérés en Europe). Toutefois, l'entrée en vigueur du
Protocole de Kyoto, qui impose le principe du pollueur-payeur, ainsi que
l'actualité relative au réchauffement climatique, semblent
désormais agir comme un vrai catalyseur auprès des
investisseurs.
Dans la gestion durable, l'Investissement Socialement
Responsable peut constituer un élément fondamental du
développement durable. Rappelons qu'il existe de nombreux styles dans
des investissements socialement responsables. En fonction de sa
sensibilité, l'investisseurs choisira entre:
§ Les portefeuilles thématiques,
qui se concentrent sur un aspect précis ; par exemple les
énergies renouvelables, micro crédits,...etc.
§ Les portefeuilles dits "activistes",
qui cherchent à influencer directement la marche de l'entreprise, le
plus souvent en prenant une participation importante dans le capital.
L'objectif des gérants peut toutefois également être
très éloigné des préoccupations de
développement durable.
§ Les portefeuilles dits de "développement
durable", basés sur l'analyse de l'ensemble des risques et des
opportunités. L'objectif est d'identifier les meilleures
sociétés dans chaque pays ou secteurs (recherche des "premiers de
classe" sur la base de critères financiers, sociaux, environnementaux et
de gouvernement d'entreprise).
Il existe des produits qui combinent plusieurs de ces
approches. Les spécialistes ISR distinguent en outre la
durabilité "absolue" de la durabilité "relative".
àLa durabilité absolue
se focalise sur les entreprises dont les produits contribuent
directement au développement durable (purification de l'eau,
énergies renouvelables...).
à S'ils permettent une grande identification à
une cause, ces produits présentent le défaut d'une
diversification peu optimale des risques. C'est pourquoi la plupart des
investisseurs adoptent une attitude en fait pragmatique, faite de compromis
entre les exigences de diversification et les objectifs en matière
d'ISR. Ils postulent alors que l'ensemble de l'économie devra adopter
tôt ou tard une approche durable, sous peine de disparaître. C'est
l'approche dite de durabilité relative,
basée sur la préférence donnée aux "premiers de
classe", supposés être plus aptes à s'adapter rapidement
à des exigences plus strictes.
III. L'adaptation des banques à ce nouveau
concept passe par la formation et la sensibilisation des parties
prenantes
Nous assistons donc à une nouvelle tendance, c'est
pourquoi, les marketeurs ne peuvent plus ignorer aujourd'hui l'avènement
d'un nouveau mode de consommation. Les banques doivent donc comprendre cette
nouvelle tendance, et la prendre en compte si elles veulent survivre. Le
marketing bancaire est donc voué à changer d'autant plus que les
personnes accordent de plus en plus d'importance à l'engagement des
entreprises. En effet, les entreprises engagées dans une telle
démarche mettent en jeu leur réputation et leur image de marque.
C'est un pari risqué mais incontournable. Pour cela, certaine banque
comme le souligne Marc DUMOULIN, chargé de développement durable
à BNP PARIBAS, nous informe que celle-ci doit être perçue
non pas comme un lourd défi même si la tâche est rude, mais
comme une occasion de se différencier. Il considère cela comme
une opportunité de se distancer des concurrents, et surtout de ne pas se
faire distancer par les opportunistes qui prendrait en marche le train de
l'éco marketing. Lors de l'entretien il précise que
« En amont, cela permet de prévenir les crises, de
réduire les coûts et d'innover. En aval, on peut ainsi marquer sa
différence, fidéliser sa clientèle, valoriser sa marque,
et, enfin, assurer sa performance économique » (selon
Marc Dumoulin, BNP PARIBAS).
Quand la direction d'une banque décide d'ajouter ce
dernier dans sa stratégie générale, il doit alors
s'opérer un véritable changement qui passe prioritairement par
l'information, pour impliquer tout ses salariés au projet. La mise en
place d'une telle démarche ne doit pas être subie, au risque de
courir droit à l'échec. Autrement dit, le développement
durable au sein des banques demande des efforts, du management, de la
préparation et surtout une très bonne organisation au niveau de
tous les services.
§ Les banques ont un immense besoin de formation
interne : Il est nécessaire de former les collaborateurs en
contact avec les particuliers ; ils doivent avoir la capacité de
les renseigner et les informer, et ainsi de transmettre le message à
tout l'ensemble des acteurs économique, voilà en quoi la banque
à un rôle à jouer.
§ Les banques doivent également lancer des
campagnes massives de sensibilisation des particuliers, et
professionnels. La France compte 26 370 guichets bancaires (hors la
Banque postale qui en compte environ 14 000 à elle seule), qui
constituent un énorme réseau à utiliser pour toucher la
population française !
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