Chapitre 1
Un constat environnemental préoccupant qui fait
naitre de nouveaux enjeux
I. Un constat inquiétant à
différentes échelles : Etat des lieux
a. L'état préoccupant de la
planète
« La tâche qui nous attend est ardue
mais, à notre avis, le changement climatique représente le plus
grand défi environnemental de ce siècle et il est essentiel que
le monde agisse dès maintenant. » Sir John Bond,
président du Groupe HSBC Holdings plc, avril 2005.
Le changement climatique est désormais reconnu partout
et par tous comme un enjeu majeur. Le rapport Stern estime qu'il pourrait
coûter 5% du PIB mondial chaque année, dès maintenant et
indéfiniment, et ses dommages collatéraux s'élever
à 20% du PIB voire davantage. Pour tenir cet engagement ambitieux mais
accessible, tous les acteurs doivent être mobilisés. Les banques,
acteurs économiques majeurs intervenant dans tous les secteurs
d'activités, doivent aussi impérativement s'engager dans la lutte
contre le changement climatique.
Mais avant cela revenons brièvement sur le constat
actuel de l'état de la planète, afin de mieux comprendre par la
suite en quoi les établissements financiers, colonne vertébrale
de l'économie, ont un véritable rôle à jouer en la
matière à l'heure actuelle. Dix ans après la
« Déclaration de Rio », le dernier bilan
dressé lors du Sommet de la Terre à Johannesbourg est affligeant.
Ce rapport effectue un constat officiel de l'état actuel de la
planète et définit en conséquence les enjeux
planétaires du 21èmesiècle. Les thèmes
abordés sont l'épuisement des ressources, le réchauffement
climatique, et enfin les enjeux technologiques. En voici quelques chiffres
énuméré brièvement
à L'Epuisement des ressources : En
1999, la consommation des ressources naturelles a dépassé de 20%
la capacité de la planète à les
régénérer. Il a été définit que la
capacité productive de la Terre est limitée à 1.9 ha par
habitants selon l'outil de l'emprunte écologique WWF
(cf. annexe).
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*L'EMPRUNTE ECOLOGIQUE WWF « Outil de mesure qui
compare la consommation des ressources naturelles renouvelables et la
capacité productive de la planète - il y intègre la
surface productive de sols, d'océans et de mers, exprimé en
hectares, nécessaire pour à la fois fournir les ressources
consommées par une population donnée, et assimiler les rejets et
déchets de ladite population ». Mesure la pression qu'exerce
l'homme sur la nature.
à Le réchauffement
climatique : Cela relève des
risques industriels (1986 Tchernobyl en Ukraine :
catastrophe nucléaire...), des pollutions
atmosphériques (fonte de la calotte glaciaire, inondation,
désertifications, disparition d'espèces animales) et enfin de la
gestion des déchets (seulement 20% des déchets
actuellement produits dans le monde font l'objet d'un traitement, compte tenu
de leur coûts élevés)
à Les énergies
renouvelables - enjeux technologiques : les
énergies renouvelables (panneaux solaires,
éolien, géothermie, biomasse) constitue des moyens alternatifs
auquel nous devrons de plus en plus nous orienter. On parle d'une migration
vers « l'économie sans carbone » prévu aux
alentours de 2050 due à l'épuisement de nos réserves en
hydrocarbures. En effet, nos ressources naturelles sont aujourd'hui
surconsommées, et aucun acteur ne les maîtrise
réellement.
b. Les émissions de CO² par secteurs
d'activités
Ce qui nous amène à nous intéresser aux
émissions de CO² émises par secteur d'activité. Au
niveau mondial, la production d'énergie et le transport sont les deux
secteurs les plus émetteurs de CO2, avec respectivement 40% et 23%.
Par conséquent, même si les banques ne
sont pas les principales émettrices de CO², leur place centrale au
sein de l'économie leur donne une grande responsabilité en la
matière compte tenu de leur influence sur les différents acteurs
économiques.
c. Les émissions de CO² et le secteur
bancaire :
Les banques influencent la totalité de
l'économie avec leurs produits et services financiers et sont
responsables d'émissions de CO2 à deux titres : De manière
directe, via leurs propres activités (transport, bâtiments,
énergie, etc.) ; De manière indirecte, via leurs choix de
financements et d'investissements. Voici donc l'estimation des émissions
indirectes générées par les banques :
Quantitativement, les émissions des banques
françaises représentent 1,32 Gt de CO2 en 2004, soit 5,06% des
émissions mondiales totales. Cela représente 3,2 fois les
émissions totales de la France.
Compte tenu du graphique, BNP-Paribas a des émissions
indirectes de CO2 de 275 Mt, le Crédit Agricole de 247 Mt et la
Société Générale de 182 Mt 57. En 2005, les
émissions totales de CO2 de la France s'élevaient à 413,2
Mt 58. Les émissions indirectes BNP-Paribas représentent
donc 66% des émissions totales de la France, celles du
Crédit Agricole 60%, et celles de la Société
Générale 44%. Les émissions indirectes
cumulées des 3 banques s'élèvent à 704 Mt CO2, soit
environ 50% des émissions indirectes de l'ensemble des banques
françaises.
II. Influence et rôle incontournable des banques
dans le maillage économique, et leur nécessaire implication
environnementale
a. La place des banques dans l'économie et leur
contribution:
Il convient de revenir préalablement sur la place d'une
banque. Dans les économies des pays riches, les services bancaires
occupent une place incontournable. La France est l'un des pays les plus
bancarisés au monde (taux de bancarisation : 99%) ; 30 millions
d'opérations bancaires ont lieu chaque jour. Le financement est ainsi le
coeur des métiers bancaires ; les banques, du fait de leur
activité de service, ont des émissions directes de CO2 et des
émissions indirectes via les financements et investissements
octroyés (prêt solaire à des particuliers, prêt
d'investissement d'un parc éoliennes à des entreprises par
exemple) ; c'est à ce niveau que les banques ont les
responsabilités les plus importantes en matière climatique.
L'objectif est de réduire ces émissions. Si aujourd'hui les
banques françaises ne daignent pas reconnaître leurs
responsabilités en la matière la question du climat devient
à tous les niveaux et à toutes les échelles une telle
priorité, que les banques ne peuvent que se décrédibiliser
à ralentir de quelques années en retardant les efforts qu'elles
devront de toute façon mettre un jour en oeuvre dans leurs
activités bancaires. Il est aussi important de noter que d'autres
acteurs, comme les actionnaires et investisseurs sont concernés.
b. Les actionnaires et investisseurs
concernés :
En quoi les actionnaires et investisseurs sont-ils eux aussi
concernés? L'investisseur doit se préoccuper autant de sa
performance que de la manière dont celle-ci est
générée. En clair, l'obtention d'une juste performance par
rapport aux risques acceptés est subordonnée au respect d'un
certain nombre de valeurs humaines et éthiques. En outre, elle peut
s'accompagner du respect d'une cause ou d'un idéal. On parle ici de
l'actionnaire « partenaire ». Dans son cas, on parle d'un
retournement total de l'état d'esprit dans lequel actionnaires et
entreprises dialoguent et s'influencent mutuellement. L'actionnaire prend ici
au sérieux sa qualité de copropriétaire, et se
présente comme un partenaire proactif et curieux de la vie de
l'entreprise. L'objectif de cet activisme est en général de
convaincre l'entreprise d'orienter ses actions dans le sens d'une vision
à long terme (durable) et équilibrée (équitable
dans ses relations avec toutes ses parties prenantes).
Outre l'appui des investisseurs de plus en plus sensibles
à ces préoccupations environnementales, les comportements
activistes en matière de développement durable au sein de la
finance sont de plus en plus encouragés : les actionnaires
« partenaires », la pression concurrentielle, les agences
de notation extra-financière, la recherche de véhiculer une image
propre, et également les instances internationales agissant comme des
catalyseurs de l'intégration du développement durable.
Toutes ces pressions ont fait naître le concept de
responsabilité sociétale d'une entreprise.
III. Une nouvelle tendance de fond et de
nouveaux enjeux désormais pris en compte par les banques dans leur choix
stratégique
a. Intégration de la la responsabilité
sociétale ou sociale des banques* :
Pour répondre à cette effervescence relative
à l'intégration du développement durable dans la structure
bancaire, issu d'une forte demande de différents acteurs (investisseurs,
actionnaires, associations, ONG, Sommet de la Terre...), il s'est produit
l'émergence d'un nouveau concept : Les banques ont commencé
à devenir socialement responsable. Suite à une analyse des revues
littéraires, le Livre Vert intitulé « Promouvoir un
cadre européen pour la responsabilité sociale des
entreprises » (cf.Annexe), la Commission des communautés
européennes mentionne que le concept de responsabilité sociale
des entreprises signifie essentiellement que celles-ci décident de leur
propre initiative de contribuer à améliorer la
société et rendre plus propre l'environnement.
Ainsi le simple fait d'être socialement
responsable signifie non seulement satisfaire pleinement aux
obligations juridiques applicables, mais aussi de répondre à
toutes les attentes de la Société. Ceci peut impliquer de
s'investir «d'avantage» dans le capital humain, l'environnement et
les relations avec les parties prenantes. Ce rapport explique également
que l'environnement n'est pas nécessairement antinomique avec la
performance économique. En effet, l'expérience acquise avec
l'investissement dans des technologies et des pratiques commerciales
écologiquement responsables suggère quant allant plus loin que le
respect de la législation, les entreprises pouvaient accroître
leur compétitivité.
b. Comment mesure t-on la prise en compte de la
RSE ?
On peut ainsi se poser la question de savoir comment est
évaluée la prise en compte de la RSE au sein de
l'entreprise : On parle ici du bilan financier, social et
environnemental qui est l'un des instruments permettant de juger
comment les entreprises assument leur responsabilité sociale.
L'idée d'un bilan plus large que le seul rapport financier est
directement liée au concept de développement durable. Pour
mesurer correctement les impacts de l'activité d'une entreprise à
court et à long terme, il faut considérer trois aspects
(économique, environnemental et social) et présenter pour chacun
des indicateurs de performance.
c. Des enjeux colossaux pour les banques
La vitesse du changement s'accroît sur de nombreux
fronts depuis le milieu des années 1990 : évolution des valeurs
sociales, croissance de l'activisme des consommateurs et des actionnaires,
renforcement de l'action locale et internationale des citoyens,
réduction des ressources naturelles, augmentation des risques. Le temps
est venu pour les entreprises de définir des stratégies de
développement durable ou de responsabilité sociale. Une telle
stratégie implique l'intégration et le traitement
simultané des dimensions économiques, écologiques et
sociales liées aux activités de l'entreprise, c'est-àdire,
faire face à la "triple bottom line"(cf. Annexe). On peut donc
s'interroger sur les enjeux auquels les banques vont être
confrontées compte tenu du choix stratégique
« marketing » qu'elles doivent effectuer. Cette tendance de
fond occasionne des enjeux colossaux :
§ Le risque d'image :
Tout d'abord, le risque inéluctable d'image, souvent
provoqué par la force des médias et le poids des ONG, il peut
engendrer des conséquences nuisibles, voir fatales à long terme
de part l'image préjudiciable véhiculée. C'était le
cas de Shell qui pâtit de son manque de responsabilité
écologique.
§ L'enjeu commercial et financier :
Dans un deuxième temps, l'enjeu commercial et plus
précisément le poids de l'image lors de la vente des services. Il
s'agit ici de rendre le client « consomm'acteur » et
responsable dans son comportement d'achat.
§ L'enjeu managérial
organisationnel :
Enfin, l'enjeu managérial concerne
l'attractivité des groupes sur le marché du travail.
§ L'enjeu écologique « de
survie » :
Le rôle clé des banques dans la lutte contre le
changement climatique est de réduire les émissions de leurs
clients. Les banques doivent donc ajouter des conditions éthiques dans
les produits et services financiers qu'elles proposent pour calculer le risque
des projets et entreprises et déterminer les taux
d'intérêt. Cette démarche devient logique et même
inévitable dans une économie où la tonne de carbone a un
coût. Elle fonctionne de manière positive aussi bien que
négative : un client polluant sera pénalisé, un client
sobre en carbone bénéficiera de financements facilités.
CONCLUSION DU CHAPITRE 1
Suite à ce constat actuel, il est nécessaire de
rappeler que pendant de nombreuses années les établissements
financiers ne disposaient d'aucun cadre juridique. Hors les pouvoirs publics
ont un rôle crucial à jouer dans ce domaine. Il demeure difficile
pour les banques de persuader leurs clients de réduire leurs
émissions de CO2 aussi longtemps qu'elles n'y auront pas
l'intérêt ou l'obligation. C'est pourquoi les pouvoirs publics ont
également un rôle crucial à jouer dans ce domaine. Ils
doivent mettre en place un cadre qui demandera aux banques d'intégrer
les conditions d'émissions de CO2 à leurs produits et services,
via des incitations et des obligations. Différents mécanismes
doivent être étudiés, à travers des taxes carbones,
des politiques fiscales spéciales ou des subventions pour les produits
financiers permettant de réduire les émissions.
Les initiatives actuelles sont exclusivement volontaires. Pour
cela, de manière croissante la société civile (ONG,
associations...) interpelle les banques sur leurs responsabilités :
En décembre 2005, les Amis de la Terre lançaient la campagne
« Banques françaises : épargnez le climat ! ». Les ONG
n'ont pas seulement fait qu'interpelé les banques sur le changement
climatique actuel et leurs émissions de gaz à effets de serre,
elles ont aussi établis les enjeux et attentes des parties prenantes.
Les ONG ont donc joué un rôle décisif pour faire
« bouger » les banques (cf. annexe).
La finance est ainsi mise au défi.
Environnement, déontologie, responsabilité environnementale
gagnent en importance. Mais la matière reste foisonnante et les effets
concrets difficiles à saisir. Nous allons donc analyser à
présent par quels moyens variés les banques intègrent la
notion de développement durable dans leur structure.
Mais on peut alors se poser la question, comment est ce
que les banques vont t-elles répondre à cette nouvelle tendance
de fond qui consiste à allier à la fois performance
économique, et dimensions environnementale ?
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