3 - Les polluants résultant de certaines
activités humaines
a) Les déchets issus des
activités de pêche
Ces déchets sont constitués de branchages
d'acadja abandonnés dans le lac après leur utilisation et des
filets usés.
b) Les branchages utilisés pour
réaliser les acadjas
Les acadjas représentent des systèmes
traditionnels d'élevage et de capture de poissons. Leur
réalisation nécessite l'utilisation d'une quantité
importante de branchages.
Tableau X : Evolution du nombre des
acadjas et leur superficie dans le lac Nokoué
Année
|
Nombre d'acadjas
|
Superficie totale en ha
|
1959
|
31.056
|
235
|
1970
|
5.389
|
148
|
1981
|
589
|
311,8
|
1988
|
-
|
4.000
|
1996
|
9078
|
5.931,1
|
Source : GBAGUIDI
(1997).
Photo 4 :
Stock d'acadjas en attente d'être déversé dans le lac
à Calavi
Ces branchages sont en partie à la base de la pollution
organique de l'eau du lac et les risques écotoxicologiques sont
liés aux réactions chimiques produites lors de leur
décomposition.
La densité moyenne de branchages utilisés dans le
lac Nokoué est de 2468 fagots/ha par an (AGLINGLO, 1998). Le nombre
d'acadjas qui est de 589 en 1981 sur une superficie totale de 311,8 ha passe
à 9078 en 1996 pour une superficie de 5931,1 ha. Ces chiffres sont
actuellement largement au dessus de ces valeurs.
Tableau XI : Nombre de pêcheurs ayant
placé des acadjas dans le lac Nokoué
Localités
|
Nombre en %
|
Cotonou
|
56
|
Sèmè-Podji
|
67
|
Ganvié
|
62
|
Vêkky
|
67
|
Soixante un pour cent des pêcheurs interrogés ont
placé des acadjas dans le lac. Tous ceux-ci y abandonnent les branchages
ayant servi à construire ces acadjas jusqu'à leur
décomposition totale. A Sèmè-Podji, 66% des pêcheurs
rencontrés ont placé des acadjas dans le lac alors que 55% et
61% y ont respectivement placé à Cotonou et Ganvié.
Les tarets (Taredos petiti et Bankia
badidaensis) d'origine marine contribuent activement à la
dégradation des branchages en se fixant sur ces dernières.
La décomposition des branchages d'acadjas permet
d'affirmer que ces dernières contribuent surtout à la pollution
du lac Nokoué par les matières organiques.
c) Les filets usés
Les filets usés quant à eux, sont jetés
dans le lac, sur la berge ou bien conservés. La majeure partie des
pêcheurs rejette ces filets dans le lac.
Tableau XII : Nombre de pêcheurs (en
% des enquêtés) ayant jeté ou conservé les filets
usés
Localités
|
Rejet dans le lac
|
Rejet sur la berge
|
Conservation
|
Cotonou
|
33
|
39
|
28
|
Sèmè-Podji
|
0
|
67
|
33
|
Ganvié
|
86
|
0
|
14
|
d) Les produits pétroliers
Les produits pétroliers (essence, huile à
moteur, et gas-oil) sont déversés dans le lac volontairement ou
accidentellement lors des transports, de la commercialisation et au moment des
vidanges des moteurs.
Tableaux XIII : Nombre de transporteurs de
produits pétroliers
Localités
|
Nombre de transporteurs en %
|
Cotonou
|
33
|
Sèmè-Podji
|
33
|
Ganvié
|
38
|
Parmi les conducteurs de barque motorisée
rencontrés, environ 37% transportent des produits pétroliers.
Lors des transports, des déversements volontaires se font pour
équilibrer les barques surchargées afin d'éviter les
naufrages ou bien pour diminuer la charge dans le but d'échapper aux
poursuites douanières. Quant aux déversements accidentels, ils
sont dus aux éclatements de bidons usagers et au chavirement des barques
surtout lors des orages ou des forces de courants non maîtrisables par
les conducteurs. Cinquante cinq pour cent des transporteurs interrogés
ont déjà subi des accidents au cours des trafics.
Les destinations habituelles de ces produits
pétroliers sont : Yénawa, Agbato, Ladji, Ahouansori,
Abomey-Calavi (Photo 5), Zogbo, Godomey, Sô Tchanhoué, Sô
Zounko, Aguégué, Kétonou, Ganvié, Tchonvi et
Davatin.
Un total de 28 points de commercialisation de produits
pétroliers installés sur le lac Nokoué ont
été recensés. Les résultats se présentent
comme suit :
Tableau XIV : Nombre de points de vente de
produits pétroliers installés sur le lac
Localités
|
Ladji
|
Ahouansori
|
Abomey-
Calavi
|
Ganvié
|
Sô Tchanhoué
|
Sô Zounko
|
Total
|
Nombre
|
03
|
05
|
01
|
09
|
06
|
04
|
28
|
Ganvié présente le nombre de points de
commercialisation le plus élevée (09) ; Sô
Tchanhoué le suit avec 6 points. A chacun de ces lieux de vente, des
produits se déversent (lors des ventes ou des chutes de bouteilles
remplies de produits) dans le lac (Photo 2).
Photo 5: Point de vente de produits pétroliers
près le lac Nokoué à Abomey-Calavi.
Les conducteurs de barques motorisées effectuent 1
à 2 fois par mois la vidange de leur moteur. Ainsi, 72% et 28% de ces
conducteurs interrogés font respectivement la vidange 1 fois par mois et
2 fois par mois à Cotonou comme l'indique le Tableau XV.
Tableau XV : Fréquence de vidanges des
moteurs
Localités
|
Nombre de personnes en %
|
1 fois /mois
|
2 fois /mois
|
Cotonou
|
72
|
33
|
Sèmè-Podji
|
28
|
16
|
Ganvié
|
76
|
24
|
Une quantité d'au moins 0,25 litre d'huile à
moteur est retirée à chaque vidange ; cette huile est
jetée dans le lac, sur la berge ou conservée. Une grande partie
des conducteurs se débarrassent de l'huile de vidange en la jetant dans
le lac.
Tableau XVI : Nombre de personnes (en %
des enquêtés) rejetant ou conservant l'huile de
vidange
Localités
|
Rejet dans le lac
|
Rejet sur la berge
|
Conservation
|
Cotonou
|
72
|
16
|
11
|
Sèmè-Podji
|
33
|
66
|
0
|
Ganvié
|
71
|
0
|
28
|
Au total, 65% de ces conducteurs déversent l'huile de
vidange dans le lac ; 15% les rejettent sur la berge alors que 20% en
conservent pour un usage personnel.
Tableau XVII : Types de déchets
rejetés dans le lac
Déchets solides
|
Déchets liquides
|
Autres
|
Sachets en plastique
|
Eau de lessive
|
Huile de vidange
|
Chaussures
|
Eau de vaisselle
|
Essence
|
Pneus
|
Eau de bain
|
Pétrole
|
Vieux filets
|
Eau de cuisine
|
Gaz oil
|
Boîtes de conserves
|
Déjections animales
|
|
Ustensiles métalliques
|
Déjections humaines
|
|
Produits d'emballage (papiers, cartons)
|
|
|
Vêtements usés
|
|
|
Restes d'aliments
|
|
|
Détritus des produits de pêche (coquilles de
mollusque, carapaces de crustacées, écailles et viscères
de poissons)
|
|
|
Charbon de bois
|
|
|
Feuilles sèches ou vertes
|
|
|
Branchages
|
|
|
Fragment de bois provenant des pirogues ou des ruines
d'habitation
|
|
|
Cadavres d'animaux
|
|
|
Piles usées
|
|
|
e) Les rejets des collecteurs d'eau dans le lac
Nokoué
Les caniveaux couverts et les collecteurs à ciel ouvert
qui rejettent des eaux pluviales et usées directement dans le lac se
trouvent en zone urbaine du lac Nokoué et plus précisément
à Cotonou.
Le projet d'assainissement des villes de Cotonou et de
Porto-Novo avait prévu en 1998 la construction de 70 km de collecteurs
d'eau à Cotonou. Ce système devrait drainer une superficie de
2837 ha et un volume annuel des eaux de ruissellement évalué
à 14,3 millions de mètres cubes dont 10,5 millions de
mètres cubes seront déversés dans le lac Nokoué par
l'intermédiaire de 6 exutoires.
Le Tableau XVIII montre qu'actuellement, les eaux urbaines
parviennent directement au lac Nokoué par l'intermédiaire de 6
exutoires.
Tableau XVIII : Principaux
débouchés des collecteurs d'eau à ciel ouvert et caniveaux
couverts dans le
lac
N°
|
Sites
|
Coordonnées géographiques en degré
|
Longitude E
|
Latitude N
|
1
|
Rejets urbains du collecteur d'eau de Yénawa
|
002°27'44,6
|
06°23'32,7
|
2
|
Rejets urbains du caniveau couvert de Gankpodo
|
002°26'49,6
|
06°23'42,6
|
3
|
Rejets urbains du caniveau couvert de Gankpodo
|
002°26'48,9
|
06°23'42,7
|
4
|
Rejets urbains du collecteur d'eau d'Agbato
|
002°26'15,5
|
06°23'19,0
|
5
|
Rejets urbains du collecteur d'eau d'Ahouansori
|
002°25'15,6
|
06°23'18,3
|
6
|
Rejets urbains du caniveau couvert de Vossa
|
002°24'51,4
|
06°23'14,7
|
En somme, trois collecteurs d'eau à ciel ouvert et trois
caniveaux couverts ont été localisés à
Cotonou.
Photo 6 : Débouché du
collecteur d'eaux pluviales de Yénawa à Cotonou.
En se référant d'une part aux prévisions
du projet d'assainissement des villes de Cotonou et de Porto-Novo et d'autre
part au système actuel de collecte des eaux, système formé
par l'ensemble des 6 canaux d'évacuation d'eau, il ne sera pas
exagéré d'évaluer à environ 10,5 millions de
mètres cubes par an la quantité d'eau de ruissellement
rejeté dans le lac Nokoué et contenant d'énorme
quantité de polluants.
Dans ces canaux, la population riveraine jette quotidiennement
toutes sortes de déchets liquides (eau de cuisine, de lessive, de
vaisselle et des matières fécales) et des ordures.
Les eaux pluviales déversées dans le lac par
l'intermédiaire des 6 exutoires sont donc contaminées par les
déchets ménagers (solides et liquides). Ainsi, les collecteurs
à ciel ouvert et les caniveaux couverts contribuent par leurs rejets,
à la pollution chimique, organique et micro biologique du lac
Nokoué.
f) Les apports d'autres plans
d'eau
Les apports mis ici sont ceux du fleuve Ouémé,
du chenal de Cotonou et de la mer.
- Les apports du fleuve Ouémé
La rivière Sô et le fleuve Ouémé
alimentent le lac Nokoué en eau douce. Le débit de crue moyen de
l'Ouémé est de l'ordre de 800 m3/s. Quant au volume
d'eau douce de ces deux cours qui alimentent le lac Nokoué et la lagune
de Porto-Novo, il est de 6353 millions de mètres cubes par an
(SNC-LAVALIN, 1998).
Des résidus de pesticides organochlorés, comme
le lindane, le chlordane et le DDT (Dichloro-Diphenyl-Trichloroétane)
ont été signalés au niveau du fleuve Ouémé
par ROCHE INTERNATIONAL en 2000. Ces pesticides proviendraient des
insecticides, des herbicides utilisés dans le bassin versant de ce
fleuve. Par ailleurs, les engrais chimiques et les pesticides utilisés
dans les départements du nord et du centre surtout pour l'agriculture,
seraient aussi lessivés et transportés par le fleuve
Ouémé.
Le contact permanent entre le lac Nokoué et le fleuve
Ouémé favoriserait donc la présence des pesticides qui
sont constatés dans le lac Nokoué et qui sans doute se
retrouveraient dans l'organisme des poissons.
- L'influence de l'eau marine sur le lac
Nokoué
Le volume d'eau salée qui provient de la mer est de
1570 millions de mètres cubes par an (SNC-LAVALIN, 1998). L'intrusion
massive d'eau salée en période d'étiage entraîne une
prolifération des tarets (Taredos petit et Bankia
bagidaensis) qui contribuent à la destruction rapide des branchages
d'acadja. Par ailleurs, pendant cette période d'étiage, les
algues et plantes aquatiques (jacinthe d'eau par exemple) qui ont envahi le lac
pendant la crue, meurent et se décomposent en consommant de
l'oxygène.
Tous ces phénomènes qui se produisent
contribuent surtout à la pollution organique du lac Nokoué.
- Les apports du chenal de Cotonou
D'une longueur de 4,5 km et d'une largeur moyenne de 300 m, le
chenal de Cotonou est un couloir profond de 5 à 10 m ; il est
connecté au lac Nokoué par un entonnoir.
Dans le chenal de Cotonou et le long de celui-ci, sont
déversés quotidiennement des déchets solides provenant des
ménages et surtout du marché Dantokpa. Les décharges
d'ordures qui jonchent la bordure du chenal sont composées de
matières putrescibles, de déchets biomédicaux, d'appareils
usagers, de batteries, des amas de ferraille, etc. Des rejets de teinturiers
artisans de tissus dits sénégalais ou maliens sont à
signaler le long de ce chenal. En outre, d'autres rejets urbains et industriels
dans le chenal sont observés :
§ rejets urbains du collecteur d'eaux pluviales
d'Akpakpa-centre;
§ rejets urbains du collecteur d'eaux pluviales du
nouveau pont ;
§ rejets urbains du collecteur d'eaux pluviales de
Midombo
§ rejets urbains du collecteur d'eaux pluviales de
Hlacomey ;
§ rejets urbains du collecteur d'eaux pluviales de
Jéricho ;
§ rejets urbains du collecteur d'eaux pluviales du
marché Dantokpa ;
§ rejets urbains du collecteur d'eaux pluviales du
Collège d'Enseignement Général de Dantokpa ;
§ rejets d'eaux usées de la maternité
Lagune de Cotonou.
Grâce au contact entre le chenal de Cotonou et le lac
Nokoué, les nombreux déchets déversés dans ce
chenal sont entraînés vers le lac surtout en période
d'étiage. Les eaux du chenal, polluées par les déchets
solides et liquides contribuent donc à la pollution chimique, organique
et microbiologique du lac Nokoué.
Les rejets domestiques (solides et liquides) et les eaux des
collecteurs sont fortement chargés de matières organiques qui
s'oxydent en consommant de l'oxygène. Les divers rejets associés
surtout aux apports du chenal de Cotonou et du fleuve Ouémé
contribuent d'une part à la présence dans le lac Nokoué
des matières organiques, des contaminants microbiologiques (coliformes
fécaux, coliformes totaux, streptocoques, etc.) et d'autre part à
la présence des polluants chimiques (phosphates, nitrates, nitrites,
ammoniums, métaux lourds etc.) dans cet écosystème.
L'excès de la teneur en phosphates et nitrates induit
une croissance exagérée des végétaux aquatiques
notamment la jacinthe d'eau. Après leur mort, ces plantes surabondantes
sédimentent dans les eaux profondes, les bactéries qui les
décomposent consomment l'oxygène, le milieu s'appauvrit ainsi en
oxygène et il se forme de l'ammoniac. Ce phénomène qui
vient d'être décrit est appelé eutrophisation, il
représente donc un indice de pollution du lac. Il est à retenir
que 1 kg de phosphore dans un lac permet la production d'une tonne d'algues qui
nécessitera 140 tonnes d'oxygène pour se décomposer dans
les profondeurs (SERVETTAZ, 2001).
Par ailleurs, les produits pétroliers
déversés dans le lac y contribuent à la présence
des métaux lourds (plomb). Des pesticides sont également
observés grâce aux apports des plans d'eau qui sont en liaison
avec le lac Nokoué.
II - DISCUSSION : Risques
écotoxicologiques liés à la pollution du lac
Nokoué
|