3EME PARTIE DU RAPPORT A LA TERRE 1
LE MANQUE, LA TERRE DEVENUE PAUVRE ? MAL ETRE DE LA PAYSANNERIE ?
3
LA RELATION A LA TERRE. Du SYMBOLIQUE AU SOCIAL. 4
Des termes au sens de la terre 4
La communauté et son territoire 6
Attachement à la terre. La chacra ?
Propriété ? 8
Évolution 8
LE DROIT A LA TERRE... 9
Propriété privée vs.
Propriété communale 9
La communauté et les terres. 9
L 'évolution 12
Communauté campesina et terres 12
Des liens. Lima /Sierra 13
RETOUR SUR LA MIGRATION A LIMA 14
Que font-ils de leurs terres quand ils s'en vont
2-2 14
Ou sont-ils enterrés 2 15
LES MIGRANTS ET LA TERRE : DE L'INVASION A LA "FORMALISATION"
16
L 'invasion 16
La formalisation à Lima, par l'institution COFOPRI
17
TERRITOIRES ET PROPRIETE 19
De l'importance du territoire commun 19
Le sens de la lutte vers la propriété
20
Du rapport à la terre
« Immigration et émigration sont les deux
faces indissociables d'une même réalité, elles ne peuvent
s'expliquer l'une sans l'autre". »
Faut-il penser l'origine avant de penser l'arrivée ?
Penser l'arrivée puis remonter aux origines ? Cela n'a que peu de sens.
C'est un réel va et vient. Il n'est pas un seul lieu de départ
qui amène à un point d'arrivée. Le processus est plus
complexe. La coupure existe parfois, tacite ou nette. Mais le lien
peut rester très fort. La migration est une
possibilité, la migration est un fait, elle traverse le temps, et
transgresse les espaces. Aussi faut-il la penser en de multiples
dimensions...
La question de la terre est centrale dans la migration dans la
question migratoire. La terre comme territoire d'appartenance, la terre comme
lieu de l'activité paysanne, la terre comme lieu du souvenir, la terre
comme propriété, la terre conquise pour l'installation, la lutte
pour la propriété... On y établit une forme
d'organisation, elle devient le lieu du soi que l'on défend...
Le rapport à la terre évolue. C'est par la
migration que la quête pour la propriété semble s'
exacerber.
Il est important de comprendre quel lien lie les hommes
à la terre, dans un rapport symbolique, social et enfin juridique (tous
étant d'ailleurs liés). Aussi, on peut s'interroger sur le sens
et le rapport à la terre pour les habitants des Andes, et sous quelles
formes il s'exprime à Lima, notamment dans la lutte pour la
propriété, et la défense du territoire. Non pas pour
peindre une vision romantique des paysans (d'ailleurs tous les migrants ne sont
pas des paysans !) qui migrent. Simplement, la conquête et la lutte pour
le territoire à Lima sont avérées. Aussi le lien au sol
des communautés urbaines est très fort (Cf. la Vizcachera et
autres).
On pourra aussi se rendre compte qu'il y a toujours une lutte
sous-jacente, lutte pour la reconnaissance de ses terres, lutte parce qu'il
faut toujours lutter, rien n'est acquis.
On pourrait aussi tenter d'appréhender
l'évolution du rapport à la terre au fil du temps dans les Andes,
dans les processus de formalisation et de propriété (dans les
Andes), et aussi à travers la migration (rapport avec les terre de
"là-bas", rapport à la propriété "ici").
Ce qui semble d'ailleurs éminent dans la migration
c'est le rapport à la terre, en tant que lieu des origines, le rapport
au nouvel espace conquis, les aspirations à la propriété ;
tout cet ensemble qui questionne sur le sens de l'appartenance à travers
une terre, un espace, des lieux.
C'est aussi comprendre les rouages qui rendent difficile la
condition paysanne (problème d'accès à la terre...)
C'est enfin, trouver un sens à la conquête et
redonner vie à une communauté, recréer une
identité.
On pourra aussi remarquer, sans systématiser ou "plaquer"
des similitudes, le rapport entre des pratiques dans les Andes et leurs
nouvelles formes dans la ville.
1Sayad. Ibid.
Ce qui à travers tout cela semble prégnant,
c'est la communauté. Le sens de la communauté et les rapports qui
la construisent. C'est aussi ce croisement entre diverses communautés
d'appartenances, phénomène accru par la migration.
I/
Un regard sur l'accès aux terres et la
condition paysanne peut être intéressant pour appréhender
la réalité de la communauté et de ses membres ; et pour
comprendre le rapport à la propriété qui se joue ici, et
là-bas (à Lima), à travers la conquête d'un nouvel
espace. La propriété est source de conflits et de
changements dans l'ensemble de la vie paysanne et se joue dans la migration.
Soulever la question de la paysannerie permet aussi
d'interroger les moteurs de la migration. En effet qu'en est-il de la condition
paysanne pour que tant de gens la délaisse ? D'autre part, quels
problèmes liés à la terre, à la
propriété sont source de mal-être de la condition paysanne
? (Peu de terres ?)
Le rapport à la terre peut aider
à réfléchir sur l'attachement qu'elle suscite et la
difficulté vécue par ceux qui en ont peu. Le problème de
la terre semble avoir traversé les siècles, depuis la
colonisation. Contrairement à d'autre pays latino-américains, le
Pérou n'est plus un pays de grands latifundia2. La
réforme agraire3 a voulu redonner la terre à celui qui
la travaille... Mais celle-ci semble avoir été un échec de
part et d'autre: les grands propriétaires naturellement se plaignent
d'avoir perdu beaucoup de terres ; et pour les autres, elle a été
mal redistribuée, de manière peu organisée...
(régime collectiviste de la propriété agraire, puis
libéralisation dans les années 90...) On peut se demander si une
meilleure redistribution et organisation de la terre n'aiderait pas les gens
à sortir de l'abîme dans lequel ils se sentent
précipités.
2 Les immenses propriétés
foncières représentaient jusqu'à 80% des terres
labourables. Aussi, la multitude d'exploitation familiale minuscule
était menacée en permanence par l'expangion latifundiste,
émiettée par le jeu des partages de succession, privées
[...] obligeant la majorité de la population agricole à tenter la
survie dans les conditions misérables du minifundiura.1.1
« pour résister à la concurrence du secteur
capitaliste moderne, le latifundium traditionnel péruvien réagit,
entre le MX' et le )O( siècle, en aggravant l'exploitation et
l'em)oliation des communautés indiennes, il ne fait que traduire
à sa façon les lois du développement inégal. Le
vrai responsable de l'expansion latifundiste précapitaliste qui se
produit au début du _XX' siècle dans les Andes
péruviennes, c'est la pression exercée sur le secteur
latifundiste traditionnel par le capitalisme agraire lui-même ».
(Jean Piel, Le latifundium traditionnel au Pérou jusqu'en 1914.
Marginalisation et résistance, Etudes rurales)
3 1969, sous Velasco. Voir annexe
Le manque, la terre devenue pauvre ? Mal être de
la paysannerie ?
«La faim, ce n'est pas seulement ce qu'il faut te
mettre dans le ventre, c'est aussi la faim du dos [qu'il faut habiller], des
pieds [qu'il faut chausser], du mal de ventre [qu'il faut soigner], du toit, de
la tête [éducation des enfant]. 11 ne faut pas que tu aies besoin
de quelque chose mais surtout que tu aies besoin d'argent. Or c'est d'argent
que tout le monde a besoin, même au village, tout s'achète comme
en ville. » Un paysan d'Algérie4.
Un modèle qui s'impose ? Manque ressenti. Pour
certains, une évidence : il n'y a plus rien à espérer de
la chacra, autrement dit, de la vie paysanne. On vit tout juste dans
l'autosubsistance, et on cherche autre chose. On est pauvre, de plus en plus
pauvre. L'Etat ne nous aide pas. On ne doit pas rester dans cette situation,
mais aller au-delà. Plutôt que de rester dans l'abandon et
l'enfermement, ils vont chercher ailleurs... Ils laissent leurs terres car
elles n'apportent pas d'espoir de mieux. Pis, on possède de moins en
moins ; le prix de la pomme de terre baisse (à 0.03 € le kilo pour
les plus bas !), et les années où il y a des sécheresses,
qu'a-t-on en substitution ? Rien, ou pas grand-chose. Vicissitudes du monde
paysan. C'est à la ville, que se trouvent les opportunités ;
d'autres ont réussi. C'est un peu la démarche qui semble
sous-jacente à ces départs, la paysannerie étant devenue
trop limitée... ?
Comme le souligne Sayad, « croire encore, ne serait-ce
qu'un temps, à la condition paysanne, adhérer à la terre,
avec toute la vigueur du néophyte, ne peut être qu'une attitude de
défi ». En sont-ils arrivés au Pérou à un tel
engourdissement de l'esprit paysan ? Je me pose la question, pour ne pas tomber
dans le fatalisme, et ne pas me résigner comme beaucoup le font :
pourquoi resteraient-ils dans la Sierra Ils ne peuvent plus rien ! C'est ce que
l'on entend dire de la part de tous, les paysans arrivés à Lima
ou partis comme les autres. Pourquoi ne pas aussi chercher avec eux les
solutions à l'accomplissement de leurs aspirations, dans le cadre de
leur vie quotidienne, sans pour autant rejeter le choix de la migration qui est
aussi un choix de vie, une stratégie pour réinventer ce qui ne
fonctionne plus.
Ils savent bien que c'est à la ville qu'ils trouveront
des opportunités : il faut un travail, un travail
rémunéré parce qu'il procure de l'argent devenu
indispensable aujourd'hui. Et pourtant, combien ne diront pas que la
difficulté de la ville, de Lima, c'est que "tout est argent"... Ici,
non...
« Tu travailles tous les jours sans compter, tous les
jours que Dieu a fait, tu rapportes ce qu'il te faut pour vivre et ne vis que
de ce que tu rapportes. » paysan d'Algérie...
Je reprends ces paroles d'une culture qui,
penserait-on, n'a rien à voir avec les campesinos
péruviens... Et pourtant, c'est dans le même ordre
d'idée ! Cela se rapporte à cette phrase si souvent
répétée... Ça donne juste de quoi manger
»
Aussi, la conception du travail semble avoir
changé aujourd'hui (mais qu'était-elle avant ?) : le travail des
terres n'est pas un travail, aussi pénible soit-il... Trop ingrat ?
D'où cette recherche de « travail », parce que c'est ça
qui procure de l'argent, et non pas le travail de forcené dans les
champs, qui ne mènerait qu'à l'autosubsistance, aujourd'hui (en
tout cas condition qui est rejetée désormais). C'est peut
être pour cela qu'on considère toujours qu'il n'y a pas de
"travail" dans la Sierra (d'ici ou de là-bas). Travail renvoie
maintenant au salaire... Alors ils s'en vont pour recueillir ce
salaire.
Et pourtant la terre de la sierra, c'est aussi
l'abondance. Combien ne se sont pas étendus dans de
longues énumérations pour évoquer les produits d'ici, la
sierra, ou de "là-bas", pour ceux
4 A. SAYAD. La double absence. Des illusions de
l'émigré aux souffrances de l'immigré Seuil. 1999.
qui sont à Lima. Même s'ils donnent une vision
négative de la vie agricole et paysanne, les produits qu'offre la terre
sont toujours une grande fierté ! C'est toujours ce qu'il y a de si
positif quand on parle de "sa terre". (Cf. les histoires de vie, ou les
commentaires des autorités, ou des gens en général...)
450 KM
-e>
mouvements migratoires
forêt
piedmont en cours de défrichement culture de la coca
le littoral
dé5ert
cultures irriguées: légumes, coton
les Andes
- montagnes «hauts platem
agticulture vivrière, élevage extensif
l'Amazonie
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Océan
Pacifique
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La relation à la terre. Du symbolique au
social.
« Cette relation est présente où que ce soit,
mais cette présence peut-être donnée en creux ou en
interrogation, laissant le soin des pleins à l'univers culturel et ses
racines. »
En Afrique : « où que ce soit, l'homme, lors
même qu'il est nomade, y est la terre. Cette terre est pour toute
globalité culturelle, une mère partagée,
et ce partage enveloppe des échanges, il se
développe en faisant de la terre une terre partagée.
» Jaulin
La terre s'offre comme épouse, elle enfante
(d'où la "terre mère"), afin qu'un univers humain soit
enfanté. Vision symbolique, reposant sur des conceptions dites
traditionnelles, elle peut néanmoins être interrogée.
L'espace est toujours un espace partagé et conquérir un nouvel
oblige à réinventer, recréer. Il s'agit de partager le
inonde avec des gens qui nous sont liés ou pas.
Des termes au sens de la terre
I.« De la terre à « mi tierra
»
Il existe un grand nombre d'acceptation différente pour le
concept de terre, cette polysémie nous révélant les
différents sens qu'elle peut avoir, en tant qu'élément.
ri
1 . 4 . r-
1/ Elément solide qui supporte les êtres vivants et
leurs ouvrages, et où poussent les végétaux ; 1/ Surface
sur laquelle l'homme, les animaux se tiennent et marchent Le
sol.
2/ Matière qui forme la couche superficielle de la
croûte terrestre. C'est là que l'on enterre. 3/
Elément où poussent les végétaux,
étendue de ces éléments.
4/ Etendue limitée, bornée, de surfaces
cultivables, considérées comme objet de possession (bien,
domaine, héritage, propriété).
5/ vaste étendue de la surface solide du globe
(territoire, zone)
II/ le milieu où vit l'humanité ;
notre monde.
1/ Ensemble des lieux où l'homme peut aller,
considérés à l'échelle humaine. 2/ Le milieu
où vit l'humanité 3/ notre monde considéré comme un
astre.[...]
Au Pérou, on peut ajouter les sens d'appartenance "en
mi tierra" que l'on ne rencontre pas ici... Là-bas « en mi tierra
», disent les émigrés. Je vais rendre visite à "mi
tierra". Ma terre, ma région, ma communauté, mes origines.
Mais bien d'autres, il est d'autres mots en quechua pour
signifier certains concepts de terre. Mais il est des mots en quechua qui ont
une signification bien plus large et complexe que la simple terre.
-1-- La pachamama
Au Pérou (mais aussi dans toute la partie andine du
continent), on entend parler de la pachamama ou mamapacha
(Cf. poème Lida Aguirre), ce qui peut vouloir dire la « terre
mère ». Ce concept se rapporte notamment à la
fertilité de la terre. Aussi, on lui fait des offrandes, par exemple, on
lui donne beaucoup de chicha, de cocci pour qu'elle soit contente,
elle peut se mettre en colère ! De la même manière, il faut
des offrandes aux Apus (les montagnes ou les divinités, les seigneurs
qui vivent dans les montagnes). Il faut être bienveillant avec eux parce
que sinon, ils se vengent : ils volent du bétail, font des
huaycos6...
n n
E]
L
L
L
1
Mais le terme quechua "pacha" est à la fois
un espace et un temps... "kay pacha" c'est "ce monde"
- d'ici (par différence avec le paradis et l'enfer --vision transmise
par les missionnaires !) et de maintenant (par différence avec d'autres
périodes... comme celle des Gentils' (quand le soleil n'était pas
encore là) puis la période des Incas, puis la période des
espagnols...
D'autres mots s'utilisent. La terre des champs c'est "allpa"
(comme la revue "allpanchis" : notre terre), c'est dans le sens de "la
matière". Mais le champ c'est la chacra, c'est l'endroit,
l'espace. ?
De la cosmogonie andine...
Nous voici au coeur de l'ethnologie, telle qu'on la vue chez
les grands classiques ! On peut lire un ensemble de représentations
cosmogoniques qui semblent être plutôt une vision idéale du
monde andin qu'une réalité...
Pacha et le temps...
Ainsi que Grillo le suggère: "Dans les Andes, il
n'existe pas de distinction catégorielle ou antinomique
entre le "passé" et le "futur" parce que le "présent" les
contient tous deux. existe, par
5 La feuille de coca
6 Les haycos sont les glissements de terrains
sur la chaussée pendant la période des pluies.
Les Gentils : il y encore leurs os dans des grottes et
ça peut donner des maladies, ils vivaient avant que le soleil
n'apparaissent, ils se mariaient entre frères et soeurs, ils vivaient
dans "le péché" ; et ensuite, le soleil est arrivé alors :
ils ont été brûlés mais pas tous car certains se
sont réfugiés dans des grottes et ils continuent à
provoquer des maladies aujourd'hui avec leurs os, c'est pour cela
que les gens ont peur de toucher les os des grottes...
contre, la notion de séquence, la notion d'avant et
d'après, mais ceux-ci ne s'opposent pas l'un à l'autre comme le
font le passé et le futur dans le paradigme Occidental. Ils se
retrouvent ensemble dans le présent, dans le "toujours", toujours
re-créé, toujours régénéré".
La cosmogonie Andine est également intimement liée
à la nature de l'environnement de l'agriculture, la nature du terrain,
des plantes cultivées, des animaux et ainsi de suite.
Il semblerait que le temps soit considéré comme
cyclique plutôt que linéaire.
Le temps est intimement relié au flux de la vie: les
rythmes et les cycles de la lune_ du soleil. du
climat. et les cycles de l'agriculture.
Les activités agricoles. tels que les différents "crianzas"
(dons, soins à la vie), les rituels et les festivités ne sont pas
déterminées par un calendrier mais suivent le rythme des cycles
saisonniers. »
Mais parfois les interprétations, transpositions et
applications de concepts vont plus loin.... On personnifie la chacra, le champ.
On en fait un monde harmonieux, interpénétré...
Et la chacra...
« Chaque chacra, tout comme chaque semence, est unique,
avec son propre mode d'être et sa propre personnalité. Cela
requiert une grande sensibilité de la part des membres de rayllte afin
d'entrer en résonance avec ses besoins. »
« Les concepts de Pacha qui forment le tout vivant
s'interpénètrent sur le site de la chacra. Mais la chacra est
aussi tout site où la communauté humaine, la communauté
naturelle et la communauté surnaturelle conversent et entretiennent des
rapports de réciprocités pour régénérer la
vie 9 »_
La conclusion du PRATECI° : « partout
dans les Andes et à Lima, les germes de la non sujétion ont
poussé et ont donné leurs fleurs en
régénérant tranquillement un monde ancien mais
toujours nouveau ».
Cela montre un peu dans quelle perspective se trouvent ces
mouvements. Réinventer une tradition perdue ? Lutter contre
l'occidentalisation ou l'univers totalitaire (Cf. Jaulin) qui
« envahi » le monde andin
Visions idéales, romantiques, passéistes se
mélangent. C'est aussi toute une littérature indigéniste
qui mythifie un peu la culture andine. En outre, les élites --ou
intellectuels des villes- qui s'y intéressent semblent avoir cette
tendance à réinventer la tradition, redonner une identité
andine parfois passéiste, parfois tout droit sortie de l'invention des
anthropologues ou autre... Ou des associations de soutien aux
communautés andines et à l'agriculture, qui cherchent à
"revalorise?' le monde andin...
La communauté et son
territoire
Il est important d'évoquer la façon dont on peut
« plaquer" » des réalités sur des questions de
« Société et identité » et
surtout de « Communautés et ethnicité
»12.
s Relation de parenté entre les membres de la
communauté
La régénération de la culture andine. La
cosmovision traditionnelle du paysan andin tel qu'il se
régénère à l'heure actuelle. PRATEC. Interculture.
n°126
PRATEC (Proyecto Andino de Tecnologias Campinas). Objectif :
donner de la vigueur d la culture et l'agriculture andines. Groupe d'auteurs
autochtones des Andes péruviennes (ONG fondée en 1987). Ils
cherchent à contrer l'influence du système éducatif
officiel qui dévalorise la façon de faire et de vivre du paysan.
en récupérant des pratiques et connaissances que les jeunes
générations ont abandonnées, [Reirivention de la tradition
? Réaction contre "l'univers totalitaire"qui s'est imposé ? (Cf.
Jaulin)
Il Ce terme n'est pas très
élégant. mais il correspond bien à cette attitude
ellmocentriste de nos jugements et interprétations...
On a tendance aujourd'hui à identifier les gens qui
parlent quechua comme des « quechuas ». Il s'agit plutôt d'une
confusion entre identité linguistique et identité
ethnique13. A l'époque coloniale, le terme « quechua
» n'était employé que dans un sens linguistique et ce n'est
qu'au début du 19ème siècle qu'il
apparaît pour la première fois, sous la plume d'intellectuels
créoles (criollos), pour désigner une catégorie ethnique.
Rien n'est pourtant plus étranger à l'histoire et à. la
réalité sociale andines qu'une telle assimilation.
On est de telle communauté ou de telle
région. Le parler quechua du Cuzco distingue dans son
vocabulaire deux catégories ethniques : les runa ou
« Indiens » et les misti ou « non Indiens ». A la
première catégorie appartiennent les personnes qui sont membres
d'une communauté ; à la seconde toutes celles qui ne le sont pas,
depuis les petits agriculteurs ou petits commerçants d'un bourg de
province jusqu'aux touristes étrangers, en passant par les membres de la
communauté qui ont émigré et rompu leurs liens avec
celle-ci.
Seule l'appartenance à une communauté
définit le statut d' « indigène » aux yeux de
la société. L'appartenance communautaire est quant à elle
fondée sur un sentiment de parenté entre ses membres, comme
l'indique le terme qui la désigne en quechua, ayllu,
qui désigne un ensemble d'éléments appartenant
à une même espèce, ayant une même origine.
Elle possède un territoire
réputé avoir été constitué dans les
temps très anciens par des êtres mythiques : les Gentils. Les
membres actuels de la communauté se considèrent comme leurs
héritiers, sinon comme leurs descendants et ne peuvent en principe
vendre hors de la communauté aucune parcelle de ce territoire
ancestral.
Après la disparition des Gentils, la communauté a
été refondée par un Saint ou une Vierge, qui constitue
dans le présent une espèce de divinité tutélaire
des membres de l'ayllu.
La communauté possède également des
terres communes, essentiellement des pâturages, et tous
ses membres y ont accès à la mesure de leurs besoins. Enfin, les
membres d'une communauté sont liés par des obligations de
travail en commun (nettoyage des canaux, construction d'une route ou
d'une école) et de réciprocité : on ne
peut refuser son aide à un voisin qui vous sollicite pour un travail
agricole ou pour construire sa maison. On recevra en échange une
prestation de travail équivalente (ayni) ou une
compensation en nature (mink' a). »
Notons aussi que les dits indiens des Andes sont
désormais appelés "campesinos", c'est-à-dire paysan. Cela
renvoie plus à la notion de communauté paysanne que
d'ethnicité... Il est vrai que le terme « indio » était
connoté négativement...
La communauté semble être le lieu même de
l'appartenance et de l'identification. Elle est située en un territoire,
la terre des ancêtres. Cette forme d'existence semble se retrouver
à travers la migration, mais sur une autre terre, dans un nouveau
territoire que l'on construit et défend ensemble. Il serait
intéressant de voir quelles relations, en dehors du rapport au sol
peuvent encore exister. N'oublions pas que les rapports de
réciprocités et de solidarités sont encore très
forts...
L'héritage semble être une dimension importante, et
souvent les terres restent à l'intérieur de la
communauté... mais la tendance à la propriété
privée ne va-t-elle pas changé ce principe 'h
12 D'après César Itier, Parlons
quechua, L'Harmattan, 199'7p. 26
13 Qui correspond davantage à
l'histoire de l'Europe contemporaine qu'au contexte
andin
Attachement à la terre. La chacra ?
Propriété ?
Je ne sais pas dans quelle mesure ces représentations
demeurent (ou meurent) aujourd'hui et comment elles ont évolué
(ou réellement existé). Des changements de modèle, pas
seulement "cosmogoniques" (peut-être même pas du tout) poussent
à la migration (mais peut-être tout simplement la pauvreté,
ou la non possession de terres obligent à aller ailleurs...). C'est une
dynamique de vie qui permet à la communauté de ne pas
dépérir en allant chercher ailleurs, mais ce sont aussi d'autres
aspirations qui ne font plus croire en la condition paysanne.
Cependant, on constate un certain attachement, de
manière générale, à la terre, sous ses
différents vecteurs... Les gens donnent un nom à leur chacra (par
exemple "wayra para" "cdturitas del viento" "petite hauteur du
vent"... Les gens qui en ont peu (les gens « hurnildes »
-humbles, comme ils les dénomment) l'appelle de manière
affective : « mi chacrita » (mon petit champ) Tout le monde
sait à qui appartiennent les champs dans la province. Même les
enfants ! Ils savent aussi de qui ils ont hérité telle ou telle
terre, ou si c'est une expropriation ou combien elle a été
vendue. Cela montre que la terre doit être importante pour eux. Dans
quelle mesure ? Le rapport avec elle et donc avec les autres ? La possession
?...
Les gens gardent précieusement des titres de
propriété vraiment anciens (sans valeur officielle, mais qui
servent quand même de preuve pour ce processus de formalisation !), mais
c'est aussi parce qu'aujourd'hui la lutte pour la terre est
tenace et que de nombreuses mutations (vers la propriété, ou
problème de délimitation des parcelles ou invasions, etc...)
Il est important d'avoir des terres à soi (pour s'en
sortir, mais aussi par rapport à l'attachement que l'on a au sol, aux
choses à soi...), de ne pas louer (les terres d'autrui, sa maison). Ceux
sont les plus pauvres qui sont dans ce cas là.
Les migrants laissent d'ailleurs parfois leurs terres en
location.
Évolution
Est-ce que l'évolution du rapport à la terre
fait tendre vers la propriété ? Attachement... car c'est
aujourd'hui la seule garantie ? Le seul moyen de la faire vivre encore ?! Les
réformes sont-elles celles qui décident ces changements
juridiques en dehors des volontés communautaires, influant sur les
aspirations des gens ?
Il est vrai que dans la migration, la propriété
peut être un avantage pour la revente lorsque l'on part, et ensuite
à travers la recherche d'une casa propia et du terrain à
soi.
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