La prolifération et la circulation illicite des armes légères et de petit calibre en Afrique Centrale: Etude du phénomène et analyse critique des mécanismes de contrôle de ces armes( Télécharger le fichier original )par Kisito Marie OWONA ALIMA Université de Yaoundé 2 - Master en stratégie, défense, sécurité et gestion des conflits et catastrophes 2007 |
CHAPITRE 3 : LES CONSEQUENCES DE LA PROLIFERATION ET DE LA CIRCULATION ILLICITES DES ALPC DANS LA SOUS-REGIONLes deux précédents chapitres démontrent indéniablement que des millions d'armes légères existent et sont en circulation à travers la planète, et principalement dans la sous-région d'Afrique Centrale touchée par les conflits armés plus ou moins éteints. Des milliers d'autres armes légères sont fabriquées quotidiennement, aussi bien dans les pays industrialisés que dans les pays en voie de développement. Des quantités importantes de ces armes sont exportées de façon excessive et anarchique vers plusieurs pays, surtout les pays africains affectés ou non par un conflit armé, parfois au mépris des traités internationaux ou régionaux ou alors en violation des législations nationales. Les trafics illicites et les marchés noirs des ALPC sont nombreux et se multiplient en Afrique comme partout d'ailleurs dans le monde. Naturellement, cette accumulation excessive et déstabilisante ainsi que cette circulation illicite et incontrôlée des armes légères entraînent de graves conséquences dévastatrices, aussi bien et principalement dans la sous-région d'Afrique Centrale que partout sur la planète. Dans les développements ci-dessous, ces conséquences, tirées de cette situation, sont classées en trois catégories : les conséquences politiques (section I) ; les conséquences sur la population civile (section II) et les conséquences humanitaires (section III). SECTION I : LES CONSEQUENCES POLITIQUESLa circulation illicite et anarchique des armes légères s'accompagne toujours de graves conséquences sur le plan politique. Elle entraîne la militarisation de la population et bloque le dialogue ; elle est le catalyseur des conflits armés ; elle est enfin source d'instabilité politique. I. La militarisation de la population civile et l'impossible dialogueLe processus de militarisation de la population civile signifie que les groupes en présence ont décidé de créer entre eux un rapport de forces au moyen des armements et d'abandonner systématiquement le terrain de la discussion politique et de la négociation. La logique armée est rigoureusement opposée à la logique de la négociation ou de la discussion politique et dans la plupart des situations concrètes, il y a incompatibilité entre ces deux processus. Dans plusieurs cas, bien qu'un accord négocié entre les parties ait pu aboutir à une solution politique, celle-ci, surtout quand elle ne satisfait pas les intérêts des uns et des autres, n'a pu être appliquée, à cause de la persistance de groupes armés qui ont fait tout pour relancer les troubles ou les combats. En Afrique, les exemples d'accords avortés sont nombreux. En 1991, en Angola, pour ne citer que cet exemple, les accords de Bicesse n'ont pu aboutir à un cessez-le-feu entre les forces gouvernementales du MPLA51(*) de Eduardo Dos Santos et les troupes rebelles de l'UNITA52(*) de Jonas Savimbi, fortement armées par certaines puissances étrangères53(*). Au Rwanda en 1993, les accords d'Arusha ont échoué ; ils ont plutôt abouti au génocide sanglant de 1994. Dans chacun de ces cas, on a sous-estimé l'importance des armes légères qui ont pu être utilisées par les factions d'irréductibles, refusant les accords. Aujourd'hui en RDC, à cause de l'accumulation excessive des armes, il est difficile de convaincre le mouvement rebelle de Laurent Nkunda de s'asseoir sur la table de négociation avec le gouvernement de Kinshasa. Les combats sanglants qui ont repris à l'Est du pays ce mois de décembre 2007 ne sont que le résultat de la possession illégale des armes à feu. De manière plus générale, la militarisation d'une partie de la société civile fragilise toute tentative de règlement des différends de manière pacifique. Chaque incident peut être l'étincelle qui met le feu aux poudres. Le scénario est classique : « un fait isolé entraîne des règlements de compte qui provoquent à leur tour des actes de vengeance aboutissant finalement à des massacres »54(*). Dans un tel climat, il est difficile, voire impossible de raisonner ceux qui détiennent des armes. Les mécanismes de dialogue et de négociation sont rejetés puis qu'il est plus facile d'atteindre ses objectifs en faisant parler les armes. * 51 Mouvement Populaire pour la Libération de l'Angola. * 52 Union Nationale pour la Libération Totale de l'Angola. * 53 Surtout les Etats -unis. * 54 Bernard ADAM : « Les transferts d'armes vers les pays africains », in Documents du GRIP, Bruxelles, 1997, P.3. |
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