1.2.2 Les problèmes de l'approche de la grammaire
traditionnelle
La grammaire traditionnelle ne voit entre les connecteurs
qu'un seul point commun, qui d'ailleurs ne les réunit même pas: ce
sont tous des mots invariables. Pourtant, comme nous l'avons vu (section
1.1.1), les
8Ce qui est la position la plus communément
acceptée (entre autres par MOESCHLER et REBOUL (1994), KNOTT (1996),
JAYEZ et ROSSARI (1999) et FRASER (1999).
9Ils sont pour nous d'autant plus exclus de la classe
des connecteurs que notre étude porte sur des textes monologaux
écrits.
connecteurs ont surtout en commun de relier deux
éléments d'un discours entre eux.
Un deuxième point sur lequel il semble important de
s'attarder concerne la faiblesse descriptive de la grammaire traditionnelle :
elle ne s'attarde en effet que sur les segments matériels que relient
les connecteurs, sans toutefois tenir compte du contenu sémantique
qu'ils véhiculent. Nous avons donc affaire là à une
linguistique de la phrase, ne s'intéressant qu'aux propositions
grammaticales, donc à la distribution syntaxique.
Selon la grammaire traditionnelle, la syntaxe est donc
première et devrait déterminer la sémantique, or justement
rien n'est dit à propos de la sémantique des connecteurs, mis
à part qu'un classement sémantique est construit à
l'intérieur des différentes étiquettes grammaticales que
sont les adverbes conjonctifs, les conjonctions de coordination et les
conjonctions de subordination. En effet, on retrouve dans les grammaires des
catégories comme « complément circonstanciel de
manière » ou « complément circonstanciel de but »
qui peuvent être introduits par les parties du discours que l'on vient de
citer. Or c'est bien ce mélange de la syntaxe et de la sémantique
qui est gênant : les propriétés sémantiques ne
sauraient être justifiées par la syntaxe, mais tout au plus
influencées10.
Par cette classification, la grammaire traditionnelle
écarte aussi la possibilité d'avoir des sens plus complexes, un
même connecteur pouvant avoir différents sens, et la grammaire
traditionnelle le classant dans une catégorie hermétique. De
plus, hormis des sens différents, un connecteur ayant un sens peut avoir
différents emplois, sa sémantique étant
alors déterminée par le contexte, et c'est
là qu'intervient la pragmatique, mais nous y reviendrons dans le
chapitre 3.
Ces remarques nous mènent à envisager une
analyse plus complète des connecteurs, c'est pourquoi nous nous
interrogerons sur les différents niveaux d'analyse que l'on peut faire,
ainsi que sur la pertinence du fait qu'il ne faut pas s'arrêter à
la syntaxe ni à la logique, mais aussi prendre en compte le contexte.
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