WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

L'eau matière stratégique et enjeu de sécurité au 21ème siècle

( Télécharger le fichier original )
par Abdessamad DRIS
Université Paris 10 - DEA Sciences Politiques 2005
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

B/ Le Maghreb entre le défi de la soif et le défi alimentaire :

D'après les experts de la banque mondiale, et de l'ONU, le Maghreb avec quelques 650m3 d'eau par habitant pour l'année 1995 (En 1995, les estimations étaient de 605 m3 en Algérie, 758 m3 au Maroc et 418 m3 en Tunisie), les pays du Maghreb (Algérie, Maroc et Tunisie) ont déjà franchi le seuil des 1000m3, où se produisent des pénuries d'eau. Situation qui va largement empirer à l'avenir puisque, du seul fait du quasi-doublement de la population, les ressources renouvelables disponibles par habitant vont diminuer d'ici l'an 2025 de plus de moitié par rapport à celles de 1980 : elle se situeront alors en delà du seuil où se produisent des pénuries véritablement critiques dans certaines régions (500 m3). Très probablement, la situation hydrique du Maghreb sera alors plus tendue qu'elle ne l'est aujourd'hui en Israël. Jouera en effet en ce sens une double concentration : concentration de la demande sur le littoral méditerranéen, résultant de celle de la population et des terres cultivables ; et concentration de l'allocation de la ressource en eau vers le milieu rural, le Maghreb consacrant déjà plus de 80% de ses prélèvements d'eau à un secteur agricole qui satisfait pourtant de moins en moins les besoins des populations. Or, ce défi de l'eau pourrait bien rester sans réponse, ou du moins, ne pas connaître de réponse suffisante. Constat qui risque alors de faire de l'eau un facteur profondément déstabilisant pour des pays qui n'ont pas les moyens de puiser ailleurs la précieuse ressource. Constat qui hypothèque aussi très largement l'équilibre économique et social de la région.

Avec quelques 250 m3 d'eau/an en moyenne, un Maghrébin dispose de bien moins d'eau que ses voisins Mauritaniens ou Libyens (De même, rapportés par habitant, les prélèvements utiles du Maghreb, c'est-à-dire les prélèvements arrivant effectivement à l'utilisateur, une fois décomptées les pertes, ne représentaient en 1990 que les 2/3 de ceux d'Israël ou de Syrie, et moins du tiers de ceux de l'Europe du Sud (France, Italie, Espagne)). A l'avenir, la situation sera bien plus tendue encore du fait de deux éléments principaux : l'ampleur de la demande par rapport à une offre extrêmement limitée et les une réalité peut-être plus grave encore, la faiblesse des possibilités d'accroissement du potentiel hydrique (extrême dépendance du Maghreb vis-à-vis de la maîtrise de la composante irrégulière, usure des sites de barrage avec l'envasement des retenues écourtant la durée de la fonction régulatrice potentielle des réservoirs, caractère trop tardif et trop limité aujourd'hui des actions de prévention mises pour retarder -si ce n'est stopper- le comblement fatal des retenues, encore moins pour le stopper). Compte tenu de la demande, la pression exercée sur les ressources renouvelables en eau s'aggravera nettement dans les prochaines années, et attentera doublement à la sécurité des approvisionnements. Sur le plan qualitatif : la mise en regard des besoins d'investissements en eau et de l'état des finances des pays du Maghreb conduit à prévoir un net recul des efforts d'assainissement, au profit de la production d'eau. Dans le même temps, il faudra aussi compter sur une régression de l'auto-épuration des eaux du Maghreb. Or, les eaux usées des collectivités et industries représentent déjà 9% des ressources régulières du Maghreb, soit nettement moins qu'en Espagne ou en Israël (13%), mais tout de même 3 fois plus qu'en Grèce ou en France. Sur le plan quantitatif aussi : certes, 67% du potentiel régularisable au Maghreb sont aujourd'hui déjà prélevés, mais ce chiffre apparaît presque une panacée lorsqu'on le compare à celui de 2010, celui-ci dépassant 88% dans l'hypothèse d'un maintien des prélèvements utiles par habitant à leur niveau actuel. Or ceci signifie un dépassement du potentiel régularisable de la Tunisie, et, pour les trois pays, une forte pression résultant des actions d'aménagement et d'exploitation : dérivation des eaux régulières en partie non restituées, alors qu'elles sont déjà peu abondantes, ou régularisation des eaux de crue par des réservoirs d'accumulation. D'où des conséquences évidentes : réduction parfois ample du débit d'étiage des cours d'eau, notamment en année sèche, et partant, par l'affaiblissement des capacités d'assimilation des eaux usées retournées (auto-épuration) ; exploitation intensive, voire sur-exploitation, des eaux souterraines (risques aigus de tarrissement en Tunisie notamment) ; risque de déséquilibre profond entre les différentes zones, et notamment entre le littoral et les régions situées plus en amont. Aussi, vue la faible marge de manoeuvre des Etats du Maghreb pour tenter d'enrayer l'ampleur de ces deux phénomènes, il faut s'attendre pour les prochaines années à une vulnérabilité accrue aux sécheresses de tous les secteurs utilisateurs d'eau, les progrès en matière de régularisation étant en partie neutralisés par l'envasement des réservoirs. Ce à quoi devrait se conjuguer une délocalisation probable de certaines activités pour s'adapter aux nouvelles structures de l'offre d'approvisionnement, ce qui devrait se traduire encore par une littoralisation accrue.

Certes, l'inadéquation entre les ressources en eau et les besoins, tant des populations (eau, agro-alimentaire) que de l'économie (industrie et services), peut être résolue par la mobilisation de ressources naturelles supplémentaires, ou par le recours à des ressources non conventionnelles (L'utilisation des eaux usées traitées, par exemple, est pratiquée depuis longtemps déjà en Tunisie, les agrumes de la plaine de la Soukra étant irrigués avec les eaux de la station d'épuration de La Cherguia depuis le début des années 60). Mais, en toutes hypothèses, ces solutions se heurteront alors aux faibles capacités financières des pays du Maghreb. En 1992, les prélèvements utiles du Maghreb représentaient déjà une somme de 1,5 milliard de dollars, c'est-à-dire 7,5% des exportations, plus de 20% des dépenses d'enseignement, et 1,6% du PIB. En termes constants et pour réaliser l'objectif du maintien de la situation actuelle de prélèvements par habitant, ils devraient alors s'élever aux environs de 2,2 milliards de dollars en 2010, ce qui équivaudrait à 11% des exportations, 30% des dépenses d'enseignement et 2,4% du PIB de 1992. Hypothèse qui se base d'ailleurs sur un maintien des coûts actuels d'exploitation, alors même qu'ils ne peuvent qu'augmenter à l'avenir ainsi que sur des capacités financières dont ces Etats ne disposent pas : les procédés coûteux, utilisés dans des pays tels que l'Arabie Saoudite pourvus de disponibilités financières, ne peuvent actuellement être employés à grande échelle au Maghreb, dont la situation économique demeure précaire. Vu ce hiatus entre rareté de la ressource et ampleur de la demande, les politiques hydrauliques du Maghreb devraient au moins conjuguer une politique incitant à une rationalisation de la consommation, et un entretien du potentiel existant dans des conditions d'exploitabilité et d'utilité maximale. Ce dont ces pays sont encore bien loin. En toute hypothèse, en effet, et quel que soit le niveau de satisfaction des besoins en eau du Maghreb, la difficulté majeure à laquelle seront confrontés à l'avenir les pays du Maghreb consiste dans le passage "de l'eau du Ciel à l'eau d'Etat", de la manne naturelle au bien périssable. Ce qui signifie une prise de conscience (traduite dans les faits) à deux niveaux au moins. A l'échelle de l'Etat et des entités territoriales, ceci implique que soit instaurée une véritable politique hydraulique, et donc, une mise en oeuvre effective de ressources humaines affectées à cette tâche. Au niveau des consommateurs, ceci impose de toute urgence la mise en place d'une tarification de l'eau représentative du coût réel (il est d'ailleurs intéressant de noter à cet égard que l'augmentation rapide des tarifs de l'eau entre 1984 et 1988 n'a pas suscité de difficultés majeures, à Tunis tout au moins).

Premier consommateur d'eau au Maghreb, l'agriculture absorbe à elle seule 80 % environ de la consommation totale d'eau, avec une nette concentration sur le littoral : les demandes en eau de l'agriculture y représentent 59% des demandes totales en Algérie, 88% au Maroc et 90% en Tunisie. Or, l'allocation actuelle des ressources en eau vers l'agriculture pourrait sans doute être optimisée grâce aux comblements d'au moins deux lacunes : la négligence concernant le taux de pertes de l'eau affectée à l'agriculture (très forte évapotranspiration, absorbant plus de 4/5 des précipitations annuelles sur le littoral, et pour l'Algérie, par un net recul en matière d'irrigation), l'absence d'organisation des années de sécheresses (ce qui conduit à promouvoir la mobilité des populations et à se priver de facto du facteur irrigation comme élément stabilisant les populations rurales). Passé encore sous silence parce qu'il paraît aujourd'hui moins aigu qu'au Proche et au Moyen-Orient, le problème de l'eau au Maghreb recèle incontestablement un potentiel déstabilisant par ricochet : il est en effet clair

que cette question pèsera lourdement sur les finances de ces pays, déjà rendues exsangues par le poids de la dette et des nécessaires importations alimentaires. Il n'en est pas moins certain qu'elle deviendra, en outre, un facteur supplémentaire de limitation des capacités d'investissement dans des secteurs d'activité plus productifs (En effet, à raison de 20 à 25.000 $/ha, l'irrigation de surfaces supplémentaires par les seules finances des Etats du Maghreb signifie inévitablement éviction de certains secteurs pour ce qui est des investissements) . Au même titre que la satisfaction des besoins alimentaires, celle des besoins en eau va ainsi devenir cruciale en termes de stabilité et de sécurité socio-politique. A la différence des pays du Proche et du Moyen-Orient, ceux du Maghreb ne disposent pas de voisins mieux dotés qu'eux en ressources en eau. Si une "guerre de l'eau" semble donc exclue, une désorganisation accrue de ces pays, par combinaison du manque d'eau, du manque de biens alimentaires, et de l'absence d'investissement suffisant dans les secteurs productifs de devises, pèsera d'autant plus sur la stabilité sociale interne. Dans une telle situation, il est certes vrai que la quasi-inexistence d'une tarification de l'eau au Maghreb, si difficile soit-elle à mettre en place, pèse lourd dans ce gaspillage fatal des ressources. Mais, il n'en reste pas moins que les trois pays concernés devraient s'interroger sans tarder sur le caractère non seulement vain de leur recherche de l'auto-suffisance alimentaire, mais également financièrement et socialement pesant.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci