2. 3 Une nouvelle vague de dessinateurs.
Contrairement à ce que l'on pourrait penser, le dessin
érotique se perpétue malgré la prédominence de la
photographie érotique. En effet, tout comme Dominque Wetz et Jean Yves
Leclercq, de très nombreux artistes proposent encore des figures
féminines sensuelles qu'ils nomment pin-up.
Certains de ces dessinateurs de pin-up, qu'ils soient
américains, italiens, espagnols, japonais ou français ont suivi
un parcours simple. Paul John Ballard (né en 1960) fréquente le
Highbury Grove School avant de s'inscrire au London College of Art. Olivia de
Berardinis (1948- ) suit des cours au New York School of Visual Art. Carlos
Diez (1966- ), quant à lui, préfère l'Université of
Fine Arts Ans School of Applied Arts et Jon Hul (1957- ) choisit la Valley High
School à Las Vegas. Drew Posada (1969- ) suit les cours de Phillip
Bradshaw à la High School à Seattle. D'autres artistes
multiplient les formations artistiques : Anthony Guerra (1970- ),
après avoir fréquenté Mayfield High School, puis American
College for the Applied Arts à Atlanta, termine ses études
à l'Art Institute de Houston. Hubert de Lartigue (1963- ) étudie
à l'Ecole Duperré puis à l'Ecole Estienne. Hajime Sorayama
(1947- ) fréquente l'université de Shikoku Gakuin puis la Japan's
Chuo Art School. Enfin Lorenzo Sperlonga (1969- ) suit de nombreux cours
d'illustrations, d'animations et de design à la Roberto Rossellini's
Institute à Rome, puis entre à la Valeri Visual Arts avant de
parfaire son apprentissage à la Lapis Graphic Design.
Mais une grande majorité de ces dessinateurs sont
autodidactes : Elizabeth Austin (1962- ), Michael Calandra (1962- ),
Carlos Cartagena (1960- ), Kevin Clark (1965- ), Paul Corfield (1970- ), Marcus
Gray (1971- ), Jennifer Janesko, Lorenzo Di Mauro (1954- ), Michael Mobius
(1968- ) et Ary Spoelstra (1956- ).
Tout comme leurs prédécesseurs, ces artistes ont
une trajectoire similaire. Beaucoup ont d'abord fait leurs classes dans le
monde de l'illustration, notamment pour la littérature enfantine ou pour
la publicité. Le monde du spectacle, les studios de cinéma ou des
films d'animations les ont très souvent employés. Certains ont
commencé par réaliser des peintures murales pour des hotels,
restaurants, clubs comme Paul John Ballard ; d'autres ont d'abord
réalisé des bandes dessinées, des comics tel Carlos Diez
ou des premières de couvertures d'ouvrages de science-fiction avant de
se touner vers les pin-up. La plupart sont aujourd'hui des illustrateurs
indépendants et subviennent à leurs besoins grâce à
leurs pin-up.
Ces pin-up apparaissent évidemment sur les mêmes
supports que leurs aïeules : cartes postales, posters, calendrier et
presse masculine comme Playboy, Penthouse, Maxim Magazine.
Olivia de Berardinis, Carlos Cartagena, Jennifer Janesko, Hajime Sorayama,
Lorenzo Sperlonga ont tous fourni de très nombreuses pin-up pour ces
magazines. La revue underground Heavy Metal se signale aussi par la
publication de pin-up de Carlos Diez, de Jessica Dougherty et de Lorenzo
Sperlonga.
A l'inverse des dessinateurs classiques de pin-up, ces
nouveaux artistes connaissent une renommée plus rapide. Leur
succès va grandissant et il est possible d'acheter leurs oeuvres
(lithographie, cartes postales, posters) sur internet. Un éditeur,
Robert Bane Publishing, s'est spécialisé depuis 1984, dans la
production de ces nouvelles pin-up. Certains artistes comme Hajime Soroyama
publient aussi de nombreuses monographies ou artbooks. De nombreuses
expositions aux Etats-Unis sont organisées, présentant leurs
travaux. Une galerie se distingue particulièrement : la Tamara Bane
Gallery à Los Angeles. Cette galerie a exposé les oeuvres de
Olivia de Berardinis (1987), Carlos Diez (2002), Drew Posada (1996), Hajime
Sorayama (1994), Lorenzo Sperlonga (2003).
Au niveau des techniques artistiques, il est à
remarquer la forte proportion de l'utilisation de l'aérographe notamment
chez Michael Calandra, Paul Corfield, Jennifer Janesko. D'autres
préfèrent les nouvelles technologies et travaillent grâce
à des logiciels informatiques comme Lorenzo Di Mauro ou Ary Spoelstra.
Néanmoins de très nombreux artistes, Paul John Ballard ou Hubert
de Lartigue, continuent à employer des outils plus traditionnels :
gouache, acrylique, huile ou crayon, aquarelle.
L'influence de pin-up classique dans ces nouvelles figures
féminines est grande et visible. Tout d'abord de très nombreux
dessinateurs contemporains s'inscrivent dans la lignée d'Alberto Vargas
(Elizabeth Austin, Carlos Cartegena, Carlos Diez, Hubert de Lartigue), de
George Petty (Carlos Cartegena, Hubert de Lartigue), de Gil Elvgren (Carlos
Cartagena), d'Aslan (Hubert de Lartigue) ou Alphonse Mucha (Marcus Gray). Il
arrive aussi que ces artistes contemporains s'amusent à dessiner des
pin-up classiques dans la tradition la plus pure (Ill. 177, 178, 179,
180) comme pour rendre hommage à leurs prédécesseurs
et à leurs oeuvres. Par exemple de très nombreuses pin-up
classiques sont mises en scène dans un verre à cocktail. On
retrouve ce même dispositif avec Elizabeth Austin (Ill. 185).
Certains artistes font même des clins d'oeil à
l'histoire de cette image (Ill. 181, 183). D'autres dessinateurs
soulignent l'origine américaine de leurs beautés (Ill. 182,
187). Parfois, tout comme chez leurs ancêtres, les jupes se
soulèvent pour dévoiler les dessous de ces nouvelles pin-up
(Ill. 186, 187). Plusieurs de ces pin-up contemporaines sont aussi
inspirées directement de figures mythiques comme Betty Page
(Ill. 188, 189, 190, 191) ou Marilyn Monroe (Ill. 192, 193,
194).
Ces nouvelles pin-up sont évidemment
présentées avec les accesoires usuels de séductions
(Ill. 195, 196, 207). On note néanmoins une prédominence
de la cuissarde à talon, en cuir ou latex, pour les pin-up des
années 2000 (Ill. 197, 198). La figure de la pin-up
guerrière apparaît de nombreuses fois (Ill. 199). Parfois
cette pin-up amazone est aussi une figure féminine fantastique notamment
lorsqu'elle est dessinée par Olivia de Berardinis. L'artiste s'inscrit
alors dans la lignée des représentations féminines de
Franck Frazetta. Le fantasme de la soubrette (Ill. 210, 211), de
l'infirmière (Ill. 200, 201), de la secrétaire (Ill.
203, 204), de l'institutrice (Ill. 209) ou de la Lolita (Ill.
208) sont encore les thèmes de nombreuses de ces
représentations féminines érotiques. On note aussi des
scènes de bain (Ill. 205, 206) ou de saphisme (Ill.
202). Enfin, de plus en plus de ces nouvelles pin-up sont dessinées
en train de se masturber (Ill. 210, 211).
A travers l'analyse plus approfondie de l'iconographie de ces
différents dessinateurs contemporains de pin-up, nous avons pu mettre en
valeur les permanences et les transformations entre les pin-up classiques et
les pin-up modernes. Le genre pin-up ne cesse de se modifier pour s'adapter aux
exigences et aux attentes du public. Même si ces dernières pin-up
s'éloignent fortement des premières pin-up, il est possible de
voir en filigrane que le « système » pin-up continue
de fonctionner et de faire de nouveaux adeptes, se déplaçant en
flirtant avec la ligne de la tolérance morale. A l'inverse d'autres
artistes vont se servir de ce « système » afin de le
dénoncer et de le critiquer. Ces artistes, grâce à leurs
oeuvres, poussent alors le spectateur à réfléchir sur la
production de représentations érotiques et sur les statuts
attribués aux femmes dans notre société.
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