La pin-up et ses filles: histoire d'un archétype érotique( Télécharger le fichier original )par Camille Favre Université Toulouse Le Mirail - Master 2 Histoire des civilisations modernes et contemporaines 2007 |
2.2 Jean-Yves Leclercq.Après des études en aviation et suivi quelques cours à l'académie de Verviers et à St Luc à Liège en illustration de bande dessinée, Jean-Yves Leclercq, citoyen belge, décide de se reconvertir dans le dessin de créatures de rêve à l'âge de 32 ans. Il se met à dessiner des pin-up pour lui, « et pour tous ceux et celles qui les apprécient201(*) », en raison de son adoration pour « l'esthétique du corps féminin202(*) ». Pour lui, une pin-up est : « un dessin ou une photo représentant une jeune fille susceptible de séduire celui qui la regarde. La demoiselle occupe souvent une grande partie de l'image, est représentée en pied, et a tendance à regarder son spectateur. Ces codes ont été mis en place par Alberto Vargas dans les années 20, bien que des artistes antérieurs avaient commencé à travailler dans cette direction. Les pin-ups ont évolué jusqu'à nos jours au gré des moeurs, de la mode et des techniques picturales203(*) ». Cet artiste découvre les pin-up, à l'âge de dix-sept ans dans un livre d'Olivia de Berardinis, et il décide de suivre les traces de ses précurseurs et dessinateurs favoris tel Alberto Vargas et Gil Elvgren : « Les pin-up de Gil Elvrgen, bien que moins agressives sexuellement que celles d'aujourd'hui, sont tellement adorables qu'on en tomberait à mon avis bien plus vite amoureux que n'importe quelle autre. A côté d'un tel travail, je suis obligé de rester très modeste au sujet de ce que je fais204(*) ». En effet, pour cet artiste, le phénomène pin-up est bel et bien américain : « Le phénomène des pin-ups vient de USA. Elles sont culturellement beaucoup plus importantes là-bas que nulle part ailleurs, y compris en France. Il y a deux temps forts dans l'histoire de la pin-up américaine : La Seconde Guerre Mondiale, où elles accompagnent les GIs sur le front dans les magazines US, et les années 50-60, lorsque des artistes comme Elvgren sont au sommet de leur art et créent des images qui représentent un certain aspect du rêve américain. Malgré le génie de dessinateurs comme Aslan, la pin-up française ou de tout autre pays fait figure d'imitation205(*) ». Comme tout dessinateur réaliste, Jean-Yves Leclerq a besoin d'un modèle pour atteindre un « niveau de qualité suffisant206(*) ». Il commence par s'inspirer de photographies trouvées dans la presse puis se met à dessiner des pin-up d'après modèles : « je m'inspire toujours de modèles pour mes dessins réalistes. Elles viennent poser pour moi ou m'autorisent à utiliser des photos existantes. Ce sont souvent des modèles professionnelles ; parfois des filles qui décident enfin de réaliser ce qu'elles n'avaient pas encore osé : se transformer en vamp le temps d'une séance photo207(*) ». Il arrive parfois que sa compagne pose pour lui. Chaque séance de pose lui fournit matière à dessiner : « une jolie modèle, deux spot bien placés et un Olympus C-2500 vous donne en deux heures de pose de quoi dessiner pendant des mois ! Mes photos sont très loin de ce que l'on pourrait qualifier de professionnelles mais elles contiennent toutes les informations (proportions, attitudes et surtout ombre et lumières) qui vont me permettre de réaliser des croquis intéressants, qu'ils soient hyperréalistes ou caricaturaux208(*) ». Puis il crayonne leurs courbes affriolantes. Lorsqu'un croquis atteint un niveau de détails voulu, il passe des heures à les mettre en couleur sur ordinateur. Les dessins scannés sont ensuite modifiés grâce à une tablette graphique wacon et l'outil aérographe de Photoshop. Tous les effets sont obtenus de la même manière qu'avec un aérographe réel, avec l'avantage de pouvoir créer et rappeler les calques à tout moment, et de pouvoir tenter n'importe quelle expérience effaçable en cas d'échec. Le personnage est dissociable du fond pour qu'il soit intégrable n'importe où. La mise en page éventuelle et les lettrages en vue de la réalisation d'une affiche sont également réalisés à l'aide de Photoshop6. Selon l'artiste, la réalisation d'une image prend en tout une quarantaine d'heures de travail. Le fait de travailler sur ordinateur rend ses dessins encore plus réalistes. L'ordinateur permet aussi de jouer sur les textures : le velouté des peaux, la brillance du latex ou du cuir (Ill. 166)... Ces girls ont, comme leurs ancêtres, des talons vertigineux, des bas et gants noirs et souvent un porte-jarretelles (Ill. 167). Comme leurs consoeurs de Wetz, elles portent aussi des dessous arachnéens et parfois des robes moulantes en latex. Elles ont des chevelures de lionnes ou des coiffures plus sophistiquées. Les yeux sont maquillés de noir afin de souligner leur regard de braise. Leclercq a bien compris que ces créatures sont là pour répondre aux fantasmes masculins, c'est pourquoi il varie les scénarios et les poses : « mes créatures correspondent à des types de fantasmes différents : ça va de la pin-up classique à la poupée sadomosachiste en passant par l'aventurière tatouée ou l'institutrice sévère et BCBG209(*) ». Dans sa production artistique, on trouve aussi bien des pin-up qui s'inscrivent dans une certaine tradition classique de l'érotisme : infirmière (Ill. 168), soubrette, nue sous un tablier de cuisine (Ill. 169), Lolita (Ill. 176), portant un uniforme (Ill. 170) ou scène de saphisme (Ill. 172) que des pin-up plus modernes puisque les « pin-up reflètent leur époque, il est normal que les images actuelles soient plus directes qu'il y a cinquante ans210(*) ». On trouve des pin-up prisonnières (Ill. 173), attachées (Ill. 171), se masturbant (Ill. 174, 175). Pour cette dernière thématique, l'artiste souhaite ne pas aller trop loin car il : « préfère l'esthétique du corps à celle du sexe, même s'il m'arrive parfois de déborder211(*) ». Même si l'artiste ne considère pas ces créatures « comme des femmes de substitutions212(*) », pas plus qu'il ne considère ces « jolies modèles comme des femmes-objets213(*) », celles-ci sont néanmoins des figures idéalisées du corps féminin comme les filles de Wetz. L'artiste reconnaît volontiers que ses pin-up sont : « la représentation de fantasmes masculins. Certaines femmes s'y reconnaissent et les apprécient, mais elles ne peuvent pas être qualifiée d'oeuvres féministes. Il y a un manque de compréhention entre les féministes et les dessinateurs de pin-ups, du au fait qu'une pin-up est une image très réductrice de la femme. Pour éviter un trop long débat, je dirais que les pin-up ne sont pas des femmes-objets. Ce sont des objets, qui n'ont pas grand-chose à voir avec de vraies femmes214(*) ». Si Jean Yves Leclercq devait illustrer un magazine féminin, il avoue : « qu'il travaillerait dans un style très différent215(*) ». Grâce à la publication de ses oeuvres dans la presse masculine (Playboy, Lui) et dans divers ouvrages (Taschen, Ballistic Publishing), l'artiste a pu vivre deux ans de ses pin-up. Aujourd'hui, il vit d'illustrations plus rapides à produire et donne aussi des cours de retouche photographique. * 201 «Ibid.» * 202 Extrait de l'entretien de Jean Yves Leclercq, réalisé le 2 septembre 2007, entretien joint en Annexe 4. * 203 «Ibid.» * 204 Extrait de l'entretien de Jean Yves Leclercq, réalisé le 2 septembre 2007, entretien joint en Annexe 4. * 205 «Ibid.» * 206 Extrait du site internet http://users.swing.be/JYL, rubrique notes graphiques. * 207 Lui, numéro 21, 2002, p. 46. * 208 Extrait du site internet http://users.swing.be/JYL, rubrique notes graphiques. * 209 Lui, numéro 21, 2002, p. 46. * 210 Extrait de l'entretien de Jean Yves Leclercq, réalisé le 2 septembre 2007, entretien joint en Annexe 4. * 211«Ibid.» * 212 Lui, numéro 21, 2002, p. 46. * 213 «Ibid.» * 214 Extrait de l'entretien de Jean Yves Leclercq, réalisé le 2 septembre 2007, entretien joint en Annexe 4. * 215 «Ibid.» |
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