La pin-up et ses filles: histoire d'un archétype érotique( Télécharger le fichier original )par Camille Favre Université Toulouse Le Mirail - Master 2 Histoire des civilisations modernes et contemporaines 2007 |
1.2 Le corps féminin réapproprié.On apprend aux femmes, à travers la publicité, à se regarder comme des objets dont chacune est une création concurrente de celle des autres femmes, peintes, sculptées et modelées grâce aux bons soins du marché moderne : « Il faut que l'individu se prenne lui-même comme objet, comme le plus beau des objets, comme le plus précieux matériel d'échange, pour que puisse s'instituer au niveau du corps, de la sexualité, un processus économique de rentabilité75(*) ». On sait, de reste, combien l'érotisme et l'esthétique moderne du corps baignent dans un environnement foisonnant de produits, de gadgets, d'accessoires, sous le signe d'une certaine sophistication et d'un marché fructueux. De l'hygiène au maquillage, en passant par le sport et les multiples préconisations de la mode, la redécouverte du corps passe d'abord par des produits. Le corps est ainsi réapproprié l'est d'emblée en fonction d'objectifs capitalistes : autrement dit s'il est investi, c'est pour le faire fructifier. L'objectif n'est pas les finalités autonomes du sujet, mais un principe normatif de jouissance et de rentabilité hédoniste, selon une contrainte d'instrumentalité directement indexé sur les codes et les normes d'une société de production, de consommation dirigée et d'intérêts mercantiles. Le rapport qui existe sur le plan de ce spectacle outrancier de la femme hypersexuée que la pin-up représente, c'est-à-dire l'image de la féminité désirable, trouble la frontière de l'image-de-la-femme et de la femme-comme-image. Ce rapport des plus significatifs découle des besoins, des exigences et des impératifs de la valeur d'échange et d'un certain fétichisme de la marchandise issus de la société marchande qui, durant la seconde moitié du XXe siècle, culminent avec la consommation de masse en la société de spectacle76(*). Pourtant, cet objectif productiviste, ce processus de rentabilité par lequel se généralisent au niveau du corps les structures sociales de production, est sans doute encore secondaire par rapport aux finalités d'intégration et de contrôle social mises en place à travers le dispositif mythologique et psychologique centré autour du corps. Il existe bel et bien un imaginaire du corps comme le soutient George Vigarello : « les normes ont à jouer avec ce corps. Elles ne peuvent pas se transformer sans lui. Ce n'est jamais passivement que le corps est habité par elles. Il faut même que changent les images de celui-ci pour que puissent se déplacer les contraintes77(*) ». L'éthique du corps, dans la nouvelle société constituée à partir des années cinquante, peut se définir comme la réduction de toutes les valeurs concrètes, les valeurs d'usages (énergétique, gestuelles..) en une seule « valeur d'échange » fonctionnelle. Le corps, n'est plus rien qu'un matériel de signes qui s'échangent. Il fonctionne comme une valeur/signe. Nous avions déjà souligné que les pin-up sont représentatives du corps objets. Elles ne sont qu'un ensemble de zones érotiques et d'accessoires de séduction. Mais l'association de ce patchwork devient, par le talent du dessinateur, un assemblage plausible, crédible, bien qu'irréaliste. Baudrillard remarque que : « le corps tel que l'institue la mythologie moderne n'est pas plus matériel que l'âme. Il est, comme elle, une idée, ou plutôt, car le terme d'idée ne veut pas dire grand-chose : un objet partiel hypostasié, un double privilégié, et investi comme tel. Il est devenu, ce qu'était l'âme en son temps, le support privilégié de l'objectivation, le mythe directeur d'une éthique de la consommation78(*) ». * 75 BAUDRILLARD Jean, «op. cit.», p.211. * 76 DEBORD Guy, La société de spectacle, Paris, editions Buchet-Chastel, 1967. * 77 VIGARELLO Georges, Le propre et le sale, Paris, Seuil, 1985, p.11. * 78 BAUDRILLARD Jean, «op. cit.», p.213. |
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