L'INDEPENDANCE DE LA BANQUE CENTRALE : RALENTISSEUR DE
CROISSANCE ECONOMIQUE
Introduction :
Le chapitre
précédent, malgré qu'il a manqué d'une validation
empirique, nous a expliqué comment une banque centrale
indépendante peut être favorable à la croissance
économique. Mais Rogoff (1985) n'a pas été d'accord avec
cette théorie. Il prévoit que lorsqu'on donne une importance plus
importante à l'inflation cela peut être au détriment de la
croissance économique. En effet une banque centrale indépendante
n'a aucun objectif que la stabilité des prix, nous sommes alors en
présence du ciblage d'inflation, ce ciblage nécessite une
politique monétaire restrictive qui peut être nuisible à la
production.
Ce deuxième
chapitre sera subdivisé en deux sections. La première section
s'intéresse au principe du ciblage d'inflation tout en expliquant
l'action d'une banque centrale indépendante dans ce cas. Alors que la
deuxième section sera consacrée à l'analyse de la
coopération des politiques budgétaire et monétaire dans le
cas d'une banque centrale indépendante.
SECTION 1 : l'indépendance de la banque centrale et le
ciblage de l'inflation
L'instabilité des prix est source d'incertitude, elle fausse le
processus de décision économique et entrave la croissance
économique. Généralement, cette instabilité
résulte de l'inflation. L'origine de l'inflation est attribuée
à l'excès de liquidité, c'est-à-dire qu'il y a trop
de monnaie pour trop peu de biens.
Pour maîtriser
l'inflation, la banque centrale visait des objectifs intermédiaires de
taux de croissance monétaire. Ces objectifs doivent conduire au taux
d'inflation souhaité. Bien que cette stratégie ait permis
à certains pays de réduire leurs inflations, l'échec
répété et l'instabilité persistante de la relation
entre la croissance monétaire et l'inflation ont poussé la
plupart des pays à cesser de cibler les agrégats
monétaires pendant les années 80. Alors, les tentatives des
différentes banques centrales et plusieurs recherches se sont
concentrées sur la recherche d'une nouvelle variable à cibler et
à mettre en place une nouvelle politique visant de maîtriser
l'inflation.
A la fin des
années 80, de nombreux pays industrialisés suivis par des pays
à marché émergent ont commencé à cibler
l'inflation. D'où, l'apparition d'une nouvelle politique
économique nommée « ciblage d'inflation ».
Dans ce sens, il est
nécessaire que la banque centrale soit indépendante pour contrer
les anticipations inflationnistes. Barro et Gordon ont montré dans un
article de 1982 l'intérêt de l'indépendance pour
l'efficacité des politiques monétaires. Au cours de cette
section, nous allons présenter le principe de ciblage d'inflation
adopté par une banque centrale indépendante.
1-Aspects opérationnels du ciblage de l'inflation :
Le ciblage de
l'inflation est un cadre de politique monétaire qui contraint la banque
centrale à assurer une faible inflation. Le processus commence
normalement par la diffusion d'un communiqué conjoint de la banque
centrale et du gouvernement (habituellement le ministère des finances)
fixant un objectif explicite à atteindre sur une période
donnée par exemple un taux annuel d'inflation de 2 % pendant les deux
années à venir. Il incombe ensuite à la banque centrale,
qui doit être libre de la manière dont elle règle ses
instruments, d'atteindre l'objectif fixé et de publier
régulièrement des informations sur ses stratégies et ses
décisions.
Ce devoir de
transparence contribue à réduire l'incertitude quant aux
orientations futures de la politique monétaire tout en renforçant
la crédibilité et la responsabilité de la banque
centrale.
Le ciblage de
l'inflation a été décrit comme un cadre d'application de
la politique monétaire en liberté surveillée. Il s'appuie
sur des règles, puisque l'adoption de cibles explicites astreint la
banque centrale à l'application d'une politique cohérente. Il
laisse toutefois en même temps à la banque centrale la
liberté de choisir la manière dont elle utilise ses instruments,
ce qui lui donne une certaine marge de manoeuvre pour réagir aux
éventuels chocs endogènes ou exogènes.
Dans une situation
typique de ciblage de l'inflation, la banque centrale règle ses
instruments, par exemple les taux d'intérêt, à une date
donnée à un niveau qui ramènera l'inflation
prévisionnelle, par exemple pendant l'année ou les deux ans qui
suivent, à un taux proche de la cible à atteindre.
L'inflation
prévisionnelle sert d'objectif intermédiaire ;
l'écart à combler entre le taux prévisionnel et le taux
cible détermine le choix de l'action à mener. Cette approche
prospective est évidemment souhaitable, compte tenu des délais
longs et variables qui interviennent entre la modification des instruments
monétaires et la matérialisation de ses effets sur l'objectif
stratégique ultime. À l'opposé, une approche consistant
à réagir à l'inflation passée ou présente
constitue par définition une politique à retardement qui
accroît le risque de variabilité de l'inflation et de la
production.
En pratique, c'est
la banque centrale qui décide habituellement
de l'orientation future
de la politique monétaire sur la foi des informations fournies par un
ensemble d'indicateurs, par exemple les taux d'inflation prévisionnels
obtenus à partir de modèles macroéconomiques structuraux,
ou de méthodes plus mécaniques, par exemple des analyses
d'autorégression vectorielle, et des résultats d'enquêtes
sur les anticipations inflationnistes fondées sur le marché.
Les
autorités monétaires tiennent également compte de
l'évolution de variables monétaires et financières
clés comme la monnaie et le crédit, la structure des taux
d'intérêt selon les échéances, les prix des actifs
et les conditions du marché du travail. Si plus d'un de ces indicateurs
donne à penser que l'inflation dépassera probablement la cible,
la nécessité de recourir aux instruments devient
évidente.
1-
Règles ou politique discrétionnaire ?
Après des
années d'inflation élevée, le monde industrialisé
et les pays en développement sont entrés au cours des
années 90 dans une période de stabilité des prix. Les
banques centrales ont contribué à cette tendance favorable en
choisissant de plus en plus d'annoncer l'orientation à venir de
variables nominales clés afin d'influer sur les anticipations
inflationnistes. Ces objectifs intermédiaires (ou règles)
annoncés aident à renforcer la crédibilité de la
politique dans la mesure où la banque centrale est moins incitée
à jouer sur l'arbitrage à court terme entre les variations de la
production et l'inflation, qui peut avoir tendance à créer un
biais inflationniste.
Au plan
opérationnel, ces objectifs intermédiaires ont deux fonctions
utiles : empêcher les chocs endogènes ou exogènes
d'entraîner une hausse permanente de l'inflation et concrétiser la
volonté de stabilité des prix à long terme. Ils jouent en
fait le rôle de points d'ancrage nominaux, tenant les banques centrales
à l'application de politiques cohérentes tout en donnant un
repère qui permet au public d'en suivre la mise en oeuvre.
2- Ciblage de
l'inflation et transparence
La politique
monétaire est plus efficace lorsque les marchés en comprennent
les objectifs et le rapport entre ces objectifs et les mesures prescrites.
La transparence joue
aussi un rôle clé en indiquant aux marchés que les banques
centrales sont responsables des résultats qu'elles obtiennent, ce qui
favorise en retour une plus grande discipline dans la conception et la mise en
oeuvre de leur politique.
La transparence
joue également un rôle dans le ciblage monétaire dans la
mesure où les objectifs stratégiques, y compris les cibles
intermédiaires, sont publiés. Mais les partisans du ciblage de
l'inflation font valoir que leur approche maximise la transparence et la
communication. D'une part, il est vrai que l'annonce explicite des cibles
d'inflation est plus facile à comprendre pour le commun des mortels que
la notion de croissance de tel ou tel agrégat monétaire. Par
ailleurs, comme les coûts de l'inflation dépendent non seulement
de son niveau mais également de sa variabilité, des objectifs
explicites, en réduisant l'incertitude quant à l'évolution
future de l'inflation, favorisent de meilleures décisions en
matière d'épargne et d'investissement, ce qui accroît la
productivité globale. De plus, la banque centrale, en signifiant ses
intentions, peut contribuer à réduire la volatilité des
marchés financiers et à abaisser, de ce fait, les primes de
risque et de change.
De toute
évidence, les banques centrales peuvent asseoir leur
crédibilité en atteignant les cibles d'inflation
annoncées. Et toutes celles qui pratiquent le ciblage de l'inflation
publient des rapports périodiques dans lesquels elles exposent les
orientations futures de leur politique monétaire et expliquent les
écarts entre le taux actuel et le taux cible. Pour aider le public
à mieux comprendre le raisonnement de la banque centrale, ces rapports
contiennent également une description des moyens utilisés pour
prédire le taux d'inflation (ainsi qu'une évaluation des chances
d'amélioration ou de dégradation de la situation), et une
indication de la façon dont la banque réagirait à divers
scénarios envisageables. Ces avis préalables réduisent les
risques d'interprétation erronée des réactions de la
banque centrale dans ces diverses circonstances.
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