2 Positions des stagiaires vis-à-vis de
l'idée du Projet Nô-Life sur l'agriculture de type Ikigai ?
Quelles positions les stagiaires établissent-ils
vis-à-vis de l'idée du Projet Nô-Life (agriculture de type
Ikigai) ? Divergence ou convergence des positions ?
Nous pouvons répondre à cette question en nous
basant sur nos analyses des changements d'idées, d'activités et
de mode de vie, ainsi que des prises de position vis-à-vis de
l'agriculture de type Ikigai, effectuées plus haut.
Dans l'analyse des changements d'idées, et
d'activités et de mode de vie au cours de leur formation Nô-Life,
les six groupes d'enquêtés que nous avons établi à
partir de leurs motivations initiales ont montré leurs diverses
manières d'agir (ou réagir) dans la situation de la formation
Nô-Life, en relation avec leurs circonstances et trajectoires
individuelles que nous considérons comme facteurs intérieurs de
leurs actions.
Puis, comme facteur extérieur et général
aux stagiaires, nous pouvons soulever des contraintes économiques que
les activités agricoles peuvent entraîner en terme
d'investissement (équipements, travail, exigences du marché).
Elles sont ressenties de manière négative, mais
différemment chez les uns chez les autres, ce qui provoque tantôt
des changements d'idées qui éloignent les positions des
stagiaires du pôle de la production matérielle, tantôt une
hésitation entre ce pôle et les deux autres pôles,
tantôt un dilemme entre l'engagement fort aux activités du Projet
Nô-Life et les contraintes ressenties pour mener ces activités.
Ceci constitue un point commun parmi la plupart des
enquêtés763.
Puis, dans l'analyse des prises de position des stagiaires
vis-à-vis de l'agriculture de type Ikigai, nous avons
repérés trois groupes parmi les stagiaires enquêtés
: groupe distancié, groupe neutre et groupe productiviste.
Si d'un côté, il y a une divergence des positions
entre les enquêtés, elle est liée aux circonstances
individuelles du présent ou à court terme, qui s'inscrivent dans
leurs trajectoires impliquant, comme nous l'avons analysé, quatre
variantes de situation (crise ou stabilité au niveau des capitaux
économique et socio-culturel). Ces facteurs intérieurs
constituent finalement la diversité des enjeux et des
représentations au sein de nos enquêtés. Et par là,
cette diversité sous-tend la divergence de positions.
Mais de l'autre côté, nous trouvons une convergence
forte ou un point commun susceptible de constituer une source de convergence :
ceci peut s'expliquer par les deux points suivants négatif et
positif.
Le point négatif est, comme nous l'avons
constaté dans la partie des Changements d'idées, que la plupart
des enquêtés se retrouvent confrontés à la
difficulté liée aux contraintes économiques que risquent
d'entraîner une production agricole à but lucatif. D'où une
série de critiques et de doutes chez les enquêtés
vis-à-vis de l'objectif productiviste de la formation Nô-Life
représenté par celui d'un million de yens de revenu agricole
763 Cette tendance est commune sauf pour Mme. Tsuzuki et M.
Kamihata. Car Mme Tsuzuki n'a en ce moment l'intention ni de développer
sa production agricole dans ses terrains familiaux, ni de s'occuper de la
production à son initiative car sa belle-mère est encore active.
Puis, M.Kamihata poursuit de manière persistante son objectif
économique pour une raison identitaire et particulièrement forte
par rapport aux autres stagiaires.
annuel.
Trois enquêtés du groupe distancié (sauf
Mme. Tsuzuki dont la raison est expliquée plus haut) et tous les
enquêtés du groupe neutre critiquent ou mettent en doute soit cet
objectif productiviste, soit le contenu de la formation Nô-Life trop
orienté par ce dernier imposant une méthode d'agriculture
conventionnelle trop coûteuse et non rentable. Et ce point éloigne
comme résultat les positions de ces enquêtés du pôle
de la production matérielle.
Ensuite, nous pouvons soulever un point positif qui pourrait
constituer une source de convergence : ils considèrent tous (sauf trois
personnes du groupe distancié, M. Shioya, Mme. Tsuzuki, M. Imai)
l'agriculture comme Ikigai. Et ceci pour divers besoins socio-culturels qui
portent souvent sur un intérêt sur le long terme, plutôt que
pour des besoins économiques sur le court terme. En plus, ces besoins
socio-culturels ne sont pas dissociés du pôle de la production
matérielle.
Nous avons pu trouver plus clairement ces aspects dans le
groupe neutre dont cinq enquêtés du type de trajectoire 2,
marqués par une situation de crise au niveau du capital socio-culturel
(cas de Mme. Kawamura, Mme. Katô, Mme. Konno, Mme Mizutani et M.
Kobayashi). Puis, cela va de même chez les autres enquêtés
de ce groupe, mais de manière plus individuelle dans une situation
stable (type de trajectoire 1), et ensuite chez les deux hommes du groupe
productiviste de manière différente de l'un à l'autre, en
raison de deux trajectoires totalement différentes (M. Nichizawa et M.
Kamihata). Et même chez les quatre enquêtés du groupe
distancié, nous avons constaté que leurs motivations ou
engagement restent potentiellement forts, malgré leur éloignement
des trois pôles de l'agriculture de type Ikigai pour diverses
circonstances individuelles (cas de M. Imai et Mme. Tsuzuki) et obstacles
ressentis par rapport à l'orientation actuelle du Projet Nô-Life
(cas de M. Suzuki). Ils sont donc en réalité loin d'être
totalement désintéressés du monde de l'agriculture de type
Ikigai, mais potentiellement motivés ou engagés par celle-ci.
Suite à notre constat de ces points négatifs
(obstacle posé par l'orientation productiste du Projet Nô-Life) et
positifs (motivation pour Ikigai dans le sens socio-culturel), nous pouvons
dire qu'un point de convergence entre les enquêtés est qu'ils sont
confrontés au même dilemme : la difficulté de rendre
compatible ces deux exigences économique et socio-culturel.
D'ailleurs, un certain nombre d'avis positifs et
négatifs exprimés dans les réflexions sur le devenir du
Projet Nô-Life nous ont confirmé ce dilemme auquel les
enquêtés sont confronté, et auquel le Projet lui-même
n'arrive pas encore encore à faire face.
Nous pouvons nous référer notamment à ceux
portant sur le Bilan des activités de la formation Nô-Life et
l'Avenir du Projet Nô-Life.
Sur le Bilan, si nous avons constaté la satisfaction
généralement exprimée par un bon nombre
d'enquêtés dans les trois groupes (dix personnes), cela se
limitait au niveau de l'apprentissage de la technique de base qui est, en fait
une demande instrumentale générale et un intérêt sur
le court terme présente chez tous les enquêtés (ce point a
été confirmé par le résultat de l'enquête par
questionnaire)
Puis, les trois points relevant des avis négatifs sur
le Bilan sont révélateurs de l'ambiguïté
résidant dans le principe et le contenu de la formation Nô-Life :
ambiguïté de l'objectif entre l'amateurisme et le professionnalisme
qui implique d'un côté, un manque d'enseignement sur l'entretien
des cultures (amateurisme), de l'autre une méthode agricole trop
coûteuse relevant de l'agriculture conventionnelle
(professionnalisme).
Sur l'Avenir, si un grand nombre d'enquêtés
justifient la légitimité et la valeur générale du
Projet Nô-Life, ils ont toujours exprimé différents points
d'insatisfactions sur le Projet Nô-Life, soit sur la concertation entre
stagiaires et gestionnaires, soit sur le contenu de la formation (plus de
quantité et de qualité), soit sur la forme de l'organisation du
Projet sur le long terme (élargissement institutionnel ou transformation
à un réseau de coopération). Puis, n'oublions pas des
réflexions critiques sévères portant sur le fond du Projet
(ambiguïté du principe du Projet d'un côté,
incertitude des attentes du public de l'autre).
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