I.3. Les caractéristiques
socioéconomiques
a). Occupation de la femme
et le niveau de vie du ménage
Généralement, le niveau de vie du ménage
est appréhendé par l'activité des parents, mieux du
père ou du chef de ménage. En choisissant l'occupation de la
femme, nous voulons tout simplement mesurer son impact sur l'ampleur des
inégalités sexuelles de mortalité dans la mesure ou
celle-ci leur attribue le pouvoir de décision susceptible
d'améliorer non seulement les conditions de vie du ménage mais
également l'état de santé des enfants, en particulier
celui des petites filles.
En effet, comme nous l'avons vu dans le chapitre premier, on
estime que les femmes préfèrent tout comme leurs maris, les
garçons parce qu'elles sont dépendantes économiquement des
hommes. Dans ces conditions on peut supposer que dans un ménage
où la femme (ou le couple) travaille, les inégalités de
mortalité dues aux préférences sexuelles seront
négligeables, sinon nulles.
Cependant, faute de données ad hoc, le niveau de vie du
ménage sera saisi par le confort de l'habitat. Ce dernier, lorsqu'il
reflète bien le revenu du ménage peut s'avérer comme la
caractéristique familiale la plus déterminante pour la
santé des enfants et par conséquent de leur survie.
« Les ressources économiques influencent
la possession de toute une série de biens et le recours à de
nombreux services susceptibles d'affecter la mortalité des enfants
à travers leurs impacts sur les déterminants proches. La
disponibilité en eau potable et en nourriture, garantes d'un bon
équilibre physiologique ainsi que la présence d'installations
sanitaires (et le type ou le confort du logement), qui
détermine en partie le degré d'exposition au risque pour
de nombreuses maladies infectieuses et parasitaires, sont largement
influencées par le niveau économique du
ménage », Barbieri (1991, cité par Biaye,
1994).
L'emploi salarié, en tant qu'indicateur des ressources
économiques du ménage et donc de sa capacité
d'accès aux biens et services utiles à la santé de
l'enfant, permet de disposer (en quantité et en variété)
des aliments nutritifs au sein de la cellule familiale, notamment lorsque la
mère est enceinte ou allaitante. Il permet aussi de disposer de moyens
d'assurer une alimentation saine (cuisson des aliments, stérilisation
des ustensiles, conservation de la nourriture...).
Enfin, toujours d'après Barbieri, « le
revenu permet de recourir aux moyens d'information et de circulation
nécessaire pour utiliser efficacement les services de santé de la
communauté. Le coût de tels services (consultations
médicales, hospitalisation, médicament) limite en outre leurs
utilisation aux classes les plus aisées de la
population ».
Faisant le rapport de ces deux indicateurs avec les
différences entre sexes en matière de mortalité des
enfants, M. Biaye estime que le fait de disposer des revenus au sein du
ménage, rend les infrastructures sanitaires plus accessibles aux enfants
et amoindrie les différences sexuelles de mortalité du fait d'une
situation supposée favorable aux dépenses.
b). Le milieu de
résidence
Ce concept se réfère généralement
à deux définitions ; l'une insiste sur l'aspect physique et
géographique et l'assimile au :
«Processus impliquant une concentration de plus en
plus forte de gens dans certaines entités, avec le cas
échéant un changement de type d'activité (primaire,
secondaire et tertiaire), et le contact avec des gens de cultures et d'horizon
différents », Akoto (1993, p.112).
L'autre, insiste sur l'aspect global ou sociologique de
l'urbanisation, la considère comme :
« La diffusion géographique de valeurs,
de comportements, d'organisation et d'institutions urbaines »
(G. Courade et M. Bruneau, 1984, cité par Biaye).
Le constat fait par Akoto en 1993, constat selon le quel
l'urbanisation physique est en avance sur l'urbanisation sociologique est
encore valable de nos jours dans les pays africains. Cela s'explique par
l'hétérogénéité du système
urbain :
« La ville est une mosaïque de
population, d'activité, de conditions d'existence, de niveaux culturels
et de traditions fort disparates. Tous les habitants d'une agglomération
urbaine ne jouissent pas de la même façon de l'infrastructure
socioéconomique et sanitaire dont celle-ci est dotée. Certaines
couches de la population en sont exclues. Le problème des villes du
tiers monde s'exprime en effet souvent en termes de marginalité ou
d'exclusion d'une frange plus ou moins importante des citadins du mode de vie
urbain ».
En ce qui concerne la mortalité
générale, il est clair que les infrastructures
socioéconomiques et sanitaires qui ont un pouvoir réducteur sur
la morbidité et la mortalité des enfants, s'améliorent
avec l'urbanisation. Sous cette hypothèse, les enfants en milieu urbain
auront une mortalité moins élevée que ceux en milieu
rural. Cette hypothèse est discutable dans la mesure où le
phénomène de bidonvilisation (due lui-même à l'exode
rural massif, au sous emploi et au chômage) plus ou moins
prononcé peut tout à fait conduire à une situation
contraire, où la survie sera nettement meilleur en milieu rural qu'en
milieu urbain.
Pour les différences de mortalité, on
estime que près des villes et dans les villes les gens sont moins
imprégnés des normes et valeurs traditionnelles que la campagne
est supposée conserver et, en cas de désavantage d'un sexe dans
l'enfance, le milieu urbain présenterait des situations
atténuantes par rapport à ce que l'on attendrait. Dans sa forte
hétérogénéité, en milieu urbain le
changement peut n'être souvent que dans l'apparence et non dans les
mentalités pour la grande majorité moins impliqués dans le
processus ; on peut pour cela présager, comme M. BIAYE une
situation de manque où les rares ressources doivent être
utilisées avec parcimonie pourrait éveiller (inconsciemment
surtout) certains comportements et attitudes inégalitaires selon le sexe
dans les soins infantiles. Dans ce cas, il est difficile de prévoir
comment les différences de mortalité vont varier. Certains
auteurs pensent que dans les villes, la situation sera en faveur des
garçons, d'autres par contre pensent qu'en ville, le milieu urbain sera
nettement favorable aux petites filles.
c). La région de
résidence
Elle occupe une place importante dans l'explication de la
mortalité des enfants. Cette variable est responsable des
inégalités de mortalité du fait des politiques d'actions
et de planification sanitaire non équilibrées entre les
différentes régions d'un même territoire. En effet,
certaines régions bénéficient des conditions
écologiques, sanitaires et scolaires qui les avantage à tout
point de vue ; tandis que dans d'autres ces mêmes conditions
augmentent le risque d'exposition et limitent l'accessibilité aux
services sociaux de base. Pour ce qui est de la mortalité
différentielle, il convient de noter que l'univers culturel qui
détermine les considérations des individus à
l'égard du sexe est calqué généralement sur le
découpage territorial. Et comme nous l'avons déjà
signalé un peu plus haut, l'opposition du système
lignagère qui s'observe au niveau de l'appartenance ethnique peut
l'être également au niveau de la région de
résidence. Il est donc possible qu'on observe une surmortalité
féminine dans les régions où domine le patriarcat et une
surmortalité masculine dans les régions où la filiation
est à dominance matrilinéaire.
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