Education et Mondialisation : les conséquences de la libéralisation de l'éducation prônée par l'Accord Général sur le Commerce des Services (AGCS) ; illustration sur la base de la position canadienne et belge( Télécharger le fichier original )par Ahmed Seghaier Univeristé de Genève - diplôme d'études approfondies en études du développement 2004 |
1.2- La position BelgeDans une lettre adressée le 2 Mai 2002 par les plus hauts responsables100(*) belges d'éducation à Viviane Reding101(*), la commissaire européenne, le royaume de Belgique « marque son plus net refus de voir les règles du commerce mondial s'appliquer aux services éducatifs, à quelque niveau d'enseignement que ce soit et pour tous les secteurs visés par l'AGCS à savoir l'enseignement primaire, secondaire, supérieur, pour adultes et autres102(*) ». En effet, d'après toutes les institutions gouvernementales belges chargées de l'éducation, l'enseignement organisé ou subventionné par les pouvoirs publics ne pourra jamais faire l'objet de négociations commerciales ni être mis en danger par l'application des règles du marché. La position belge confirme sans hésitation que les règles du commerce mondial ne sont pas adéquates pour certains domaines tel que celui de l'éducation. Les services d'éducation doivent être préservés en dehors des règles du commerce car il ne s'agit pas d'un bien marchand mais précisément d'un bien public très particulier. D'après la Belgique, il existe d'autres instruments internationaux qui sont principalement chargés de traiter l'éducation, de défendre et de mettre l'accent sur le droit à l'éducation. Selon la vision belge, le Pacte International relatif aux droits économiques, sociaux et culturels du 19 décembre 1966 peut être une base solide à toute réflexion concernant l'éducation. Pour la commission belge chargée de l'enseignement supérieur, le thème de la marchandisation de l'éducation publique peut apparaître très alarmiste, voire provocateur et d'une extrême sensibilité ! Il nécessite une action nationale et mondiale très forte pour stopper la machine de marchandisation menée par l'OMC. La commission belge considère que l'AGCS est un accord très dangereux pour les droits humains et les acquis démocratiques ; « il faut l'arrêter »103(*). Aussi, le ministre de l'enseignement supérieur belge, en s'exprimant ouvertement sur la question de la privatisation et de la marchandisation de l'éducation publique, a refusé catégoriquement toute assimilation entre l'éducation et la marchandise. Pour lui : «l'enseignement supérieur est un bien public, relevant de la responsabilité publique, dont l'évolution est gérée démocratiquement, en association avec les établissements et les étudiants » 104(*). En réalité, depuis quelques années, la question de la libéralisation des services prônée par l'AGCS et les conséquences de cet accord sur l'éducation est au coeur d'un grand débat en Belgique. Le gouvernement a organisé une série des consultations avec les parties concernées par la question de l'éducation et il fait participer tous les acteurs de l'enseignement : syndicats d'enseignants, associations d'étudiants, pouvoirs régionaux et locaux, universités, associations des parents et autres. Le but de ces consultations, c'est de travailler étroitement et en harmonie avec tous les acteurs concernés pour élaborer une politique éducative nationale qui fait l'unanimité. La stratégie de la Belgique consiste essentiellement à renforcer la position du gouvernement lors des négociations commerciales surtout en l'absence d'une position unie de la part des Etats membres de l'Union Européenne.
Quant aux universitaires belges, ils considèrent que l'OMC n'est pas l'enceinte adaptée pour discuter d'éducation, qu'il s'agisse du secteur privé ou public. Les différentes propositions déposées à l'OMC en matière d'éducation ne nécessitent pas de réaction de leur part. Par contre, il faut prendre en compte les instances actuellement fiables et reconnues par les milieux professionnels, comme l'UNESCO pour traiter des questions éducatives. La Chambre des représentants de Belgique, dans sa séance plénière vota à l'unanimité le 20 mars 2003 une résolution qui considère que les conditions actuelles des négociations menées sous l'égide de l'AGCS ne respectent pas les règles du contrôle démocratique malgré le fait qu'une grande partie des ces négociations concernent les services publics et les droits fondamentaux des peuples. La chambre des représentants belges demande au gouvernement de maintenir les réserves de fond qu'il a formulées auparavant et de mettre le mandat du commissaire Lamy105(*) à l'ordre du jour du Conseil de l'Union européenne. La chambre a enfin recommandé au gouvernement, si la proposition finale de la Commission européenne ne correspond pas aux prescrits de la résolution votée ainsi qu'aux réserves émises par le gouvernement que « la Belgique doit, comme elle en a le droit, maintenir des exceptions aux offres de libéralisation de l'Union européenne »106(*). * 100Hazette Pierre, Ministre de l'Enseignement secondaire et de l'Enseignement spécial de la Communauté française de Belgique, Dupuis Françoise, Ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique de la Communauté française de Belgique, Nollet. Jean-Marc, Ministre de l'Enfance, chargé de l'Enseignement fondamental de la Communauté française de Belgique, Vanderpoorten Marlène, Ministre de l'Enseignement de la Communauté flamande de Belgique et Gentges Bernd, Ministre de l'Enseignement de la Communauté germanophone de Belgique, www.ecollesdifferentes.free.fr * 101Membre de la commission européenne responsable de l'éducation et de la culture. * 102 La Belgique s'engage contre la marchandisation de l'éducation, déclaration officielle de 2 mai 2003, www.ecollesdifferentes.free.fr * 103 Article, la position belge concernant les relations entre Éducation et l'accord général sur le commerce de services, 30 août 2002 ; http://www.urfig.org/agcs-campagne-education-position-belge-pt.htm * 104 Ibid., p. 2. * 105 Pascal Lamy commissaire de l'Union Européenne pour le commerce international auprès de l'OMC. * 106 Chambre des représentants de Belgique, séance plénière, motion de recommandation votée à l'unanimité le 20 mars 2003, www.urfig.org , p. 1 |
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