3) A la recherche de l'intérêt
général
Les Aixois ayant joué le jeu des Ateliers de
l'Avenir verront ainsi bientôt que leurs contributions n'ont pas
été mises au placard mais qu'au contraire elles serviront de base
pour élaborer le projet municipal de Bruno Genzana et son équipe.
Sans doute cette opération a-t-elle largement servi Bruno Genzana
lui-même, qui a ainsi acquis une certaine notoriété. Sans
doute cette opération servira-t-elle ainsi un certain nombre de citoyens
aixois, ayant trouvé en Bruno Genzana un interlocuteur disponible
prêt à les aider dans leurs problèmes quotidiens. Mais une
question assez fondamentale, au coeur du débat sur la démocratie
participative, reste néanmoins ouverte : où est
l'intérêt général dans tout ça ? Est-ce
utile pour notre démocratie qu'un homme politique mobilise tant
d'énergies financières et humaines, avec quelque part
l'idée en tête de se faire élire ? Et les demandes
diverses exprimées par les citoyens doivent-elles
systématiquement prises en considération, au risque que la
démocratie ne devienne plus que pure démagogie ? Beaucoup de
demandes d'Aixois consultés revêtent en effet un caractère
très personnel et frisent le clientélisme.
L'ambiguïté de ce type de démarche tient
aussi dans le fait qu'il s'agit avant tout d'un pari : lancés en
dehors de tout appui constitutionnel, Les Ateliers de l'Avenir
constituent désormais la rampe de lancement de la candidature de Bruno
Genzana aux prochaines municipales. Un projet d'avenir pour Aix a certes pu
être en partie élaboré, mais la réalisation
concrète de ce projet ne pourra se faire que si Bruno Genzana est
élu maire d'Aix-en-Provence : or une fois élu, qu'est-ce qui
l'obligera vraiment à tenir parole ? La crédibilité
des Ateliers de l'Avenir ne peut être aujourd'hui jugée
que sur des intentions, et non sur des actions. Cependant cela n'a pas
empêché Bruno Genzana et son équipe de définir une
certaine ligne de conduite, devant montrer qu'agissant pour
l'intérêt général de la ville, le politique ne peut
et ne doit pas tout promettre, se devant de maintenir un cap
éthique...
a) Le danger du
clientélisme et de la démagogie
Nous l'avons vu, Bruno Genzana tient à se montrer en
homme de proximité en recevant les habitants des quartiers difficiles.
Il est ainsi intervenu dans divers dossiers de demandes d'attribution de
logements et jouit d'une bonne réputation auprès de ses
administrés du canton Aix Centre, dont il a été
réélu conseiller général avec 55 % des voix au
second tour : plusieurs Aixois lui sont ainsi redevables à titre
personnel de services rendus. Or la limite est parfois floue entre l'action de
proximité au service des citoyens et le clientélisme, terme que
Bruno Genzana cependant récuse complètement : «je ne
demande jamais aux gens de montrer leur carte électorale avant de les
aider». Certes, mais Bruno Genzana possède aussi l'art de dire la
vérité aux gens en situation de détresse : «Vous
comprenez bien que je n'ai pas de baguette magique. Cela ne vous a pas
échappé, je ne suis pas le maire d'Aix.» Il est absolument
vrai qu'à l'heure actuelle Bruno Genzana à l'heure actuelle ne
dispose que peu de moyens pour intervenir en faveur de tous ses
solliciteurs : pour plaider en faveur d'un dossier de demande de logement,
Bruno Genzana doit attendre que celui-ci passe en commission, dont il est
membre, or c'est Jean Chorro, le Premier Adjoint, fidèle de Mme le
Maire, qui maîtrise l'ordre du jour. Si Bruno Genzana est élu
maire d'Aix, ses permanences à Encagnane auront effectivement toute une
autre portée concrète pour ceux qui y feront le
déplacement. La simple vérité constitue parfois le
meilleur argument, qui plus est éthiquement irréprochable, pour
demander aux gens de voter pour soi...
Cette ambivalence est bien présente dans plusieurs
demandes adressées à Bruno Genzana par les Aixois dans le cadre
des Ateliers de l'Avenir : certaines personnes demandent le
prolongement ou la création d'une ligne de bus à proximité
de chez elles, la construction d'une piscine dans leur quartier, et les
collaborateurs de Bruno Genzana sont même tombés sur le cas d'une
habitante de Célony qui travaillant sur Marseille, réclame un
service de Proxibus, ainsi qu'une mutation pour travailler à la
municipalité d'Aix, s'estimant scandalisée du fait que l'on
embauchait avant tout des personnes passant les concours, au mépris de
la citoyenne aixoise qu'elle était !!! La dernière
précision en bas de la lettre «Je ne voterai pas pour Mme le
Maire», est lourde de sens. Un cas tel que celui-ci reste isolé
mais pose tout de même la question du jusqu'où un homme politique
peut-il aller pour satisfaire les besoins parfois on ne peut plus personnels
des administrés...
Bruno Genzana n'aura en réalité les moyens
véritables de mettre en oeuvre ce «grand projet d'avenir pour Aix,
une ambition à la hauteur de notre ville» que s'il parvient
à remporter les prochaines municipales. Le risque semble donc
évident qu'à la moindre exigence figurant dans les courriers des
Ateliers de l'Avenir, il ne s'empresse d'y répondre
positivement, pour gagner en popularité. De plus les Aixois ayant
répondu à la consultation émettent souvent des demandes
contradictoires : les cas les plus frappants concernent la
sécurité, sujet sur lequel beaucoup de retraités notamment
réclament une augmentation des effectifs de la police municipale et
l'usage généralisé de caméras de
vidéosurveillance, alors qu'en revanche les étudiants
dénoncent le «tout répressif». Il y a eu
également le cas des repas BIO et sans OGM devant être servis aux
enfants dans les cantines : il s'agissait d'une proposition de Bruno
Genzana figurant sur la brochure de consultation, reprise par une
majorité d'Aixois consultés, mais certains
«écolo-sceptiques» se sont également empressés
de dénoncer le coût qu'aurait une telle mesure, d'autant plus
qu'ils soutenaient ouvertement les OGM. Bruno Genzana estimait mal venu de
contredire frontalement les gens en leur répondant : toute la
difficulté réside dans la nécessité de prendre une
position claire et de la défendre sans pour autant dire ouvertement au
destinataire qu'il a explicitement tort. Contrairement à
Ségolène Royal, un sourire de Bruno Genzana face à ses
contradicteurs ne serait pas suffisant pour leur ôter tout regard
critique. A l'heure où les Aixois attendent la réalisation de la
plupart des promesses de la campagne 2001 de Mme le Maire (transports
gratuits), il serait pourtant malvenu de surenchérir dans la
démagogie : c'est pourquoi pour lever le plus
d'ambiguïtés possibles, Bruno Genzana et son équipe se sont
fixés plusieurs limites à ne pas franchir au cours de cette
opération de consultation...
b) Le cadre éthique des Ateliers de
l'Avenir
La posture de Bruno Genzana vis-à-vis de la
municipalité actuelle a toujours été claire : comme
il l'a exprimé dans l'éditorial de la brochure de consultation,
Bruno Genzana assume parfaitement son appartenance à la majorité
sortante, à la différence d'un de Peretti, mais estime qu'un
nouveau souffle doit être donné à la ville d'Aix. Cette
attitude similaire à celle de Nicolas Sarkozy lors de la campagne
présidentielle sera tenue tout au long de la campagne municipale qui
s'annonce. Les réponses adressées aux Aixois consultés
doivent donc offrir un regard équilibré sur l'action de la
municipalité actuelle.
Face à certaines critiques émanant des Aixois
consultés, une partie du bilan et des réalisations de la
municipalité actuelles ont ainsi été défendues,
comme l'aménagement du nouveau quartier Sextius Mirabeau, la
construction du Grand Théâtre de Provence, les programmes de
réhabilitation des façades du centre ville, les
aménagements routiers et réfections réalisées,
notamment du côté de Purycard. Les réponses
personnalisées ne donnent lieu à aucune
désinformation : à ceux qui se plaignent d'une insuffisante
pénalisation de toutes sortes d'incivilités, il leur est
répondu que le conseil municipal vient tout juste de prendre un
arrêté de verbalisation de tout un panel d'incivilités,
allant du non ramassage des déjections canines à la pose
d'affiches sur les troncs d'arbres.
En revanche Bruno Genzana n'hésite pas non plus en
fonction des cas à pointer les insuffisances de la politique municipale
actuelle sur de nombreux autres sujets, lorsque ceux-ci sont abordés par
les contributeurs. Sur les services de nettoyage, le PLU, l'absence de pistes
cyclables, la fusion des Universités Aix-Marseille, Bruno Genzana fait
valoir sa différence avec Mme le Maire et ses fidèles : les
prises de position de notre 5e adjoint ne sont donc pas
dictées par une stratégie ou un calcul politique, mais par ce
qu'il estime être juste ou non pour la ville, ce qui est encore la
meilleure façon d'avoir une ligne de conduite crédible, surtout
dans la position particulière où se trouve Bruno Genzana, membre
de la majorité sortante, mais en rupture avec Mme le Maire.
Il faut également préciser que Bruno Genzana
n'hésite pas dans ses réponses à dévoiler ses
intentions concernant la Mairie d'Aix en toute transparence, évoquant
clairement le projet municipal qu'il ne va pas tarder à proposer aux
Aixois. Pas d'omission ni d'hypocrisie inutiles : à partir du
moment où Mme le Maire a refusé de s'impliquer dans Les
Ateliers de l'Avenir, alors qu'elle y était invitée, la
candidature propre de Bruno Genzana aux prochaines municipales est
inévitable dans la mesure où sinon tous les enseignements
tirés lors de la consultation resteraient lettre morte...
Il n'en reste pas moins que toute cette initiative, pour
qu'elle aboutisse, tient du pari : à Bruno Genzana et son
équipe d'être suffisamment convaincants, cette fois-ci devant tous
les Aixois, et pas seulement les Aixois consultés, pour que ces derniers
leur accordent leur confiance. C'est seulement à l'issue d'un
éventuel mandat de maire de Bruno Genzana que toutes les
ambiguïtés de sa démarche pourront être levées
ou confirmées : ayant toujours fait passer son projet pour Aix
avant sa propre personne, ce n'est que sur la mise en oeuvre concrète de
ce projet qu'il pourra être jugé, et que l'on pourra donc
déterminer si une initiative comme Les Ateliers de l'Avenir
aura vraiment servi la démocratie locale... En attendant, comme l'avait
affirmé Stéphane Salord, la future liste conduite par Bruno
Genzana aura un défi à relever : celui de passer pour des
guides, capables de se situer dans une perspective constructive, et non pour
des dissidents aventuriers...
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