II.3.Psychopathologie du travail
A. Introduction
La psychopathologie du travail a pour objet les relations
entre l'organisation du travail et le travailleur comme sujet d'un désir
qui a pris naissance en dehors du travail et avant lui.
Elle s'intéresse à la souffrance qui
résulte de la confrontation du sujet avec la division du travail,
à l'extrémité de laquelle on trouve le contenu de la
tâche et son mode opératoire, et avec la division des hommes qui
détermine les rapports de surveillance, de contrôle,
d'autorité, de la hiérarchie et de limiter le contenu et la forme
des relations que peuvent observer les hommes entre eux sur le terrain de
travail. Certaines formes d'organisations du travail conduisent les
travailleurs à continuer à tenir leur poste, à construire
des défenses psychiques qui entraînent des conséquences
graves sur leur personnalité ou sur leur santé physique
(PERLEMUTER L.et al. 1995).
Toutefois certaines formes d'organisation ont des effets
positifs sur la santé, lorsque la situation de travail offre une zone
d'autonomie suffisante où le sujet peut négocier son histoire,
ses angoisses et son désir avec la réalité et la
société.
B. La charge de travail liée aux soins
infirmiers
Du point de vue ergonomique, la charge de travail ne peut
être simplifiée à un ensemble d'actes indispensables pour
répondre aux besoins des patients. Il s'agit de comprendre la marge de
manoeuvre dont un opérateur dispose à un moment donné pour
élaborer les objectifs assignés sans effets défavorables
sur son état propre.
B.1. La charge physique
Le travail des soins comporte un poids significatif
d'activités physiques, les opérations nécessitant des
activités musculaires intenses, prolongées et
répétées.
Ø Facteurs de charge
physique
v Distances parcourues
Le kilométrage et la quantité de
déplacements d'un soignant dans un service de soins sont
étroitement liés à l'organisation de travail et à
l'architecture du service, distance lieux fonctionnels-chambres.
v Les postures
La posture ou position dans laquelle on travaille est un
compromis qu'on est obligé de faire pour satisfaire à l'exigence
de la tâche prescrite. A ces postures contraignantes s'ajoutent une
activité exercée débout, où rares sont les moments
où l'on peut s'asseoir.
v La manutention
Elle concerne principalement la manipulation de personnes
lourdes, souffrantes et parfois agitées. Le personnel de soins est aussi
soumis à des ports de charge : matériels, cartons de
médicaments, chariots...
La manutention s'exerce dans une posture anti physiologique et
bien souvent dans un espace de temps restreint.
v La température ambiante
La température dans les services des soins est souvent
élevée supérieure à 24oc, qui aggrave la
pénibilité physique du travail.
B.2.Charge mentale
L'activité des soins comporte une charge mentale ou
cognitive liée à une masse d'information à recueillir et
à l'importante mémorisation que cela nécessite. Les
soignants doivent connaître les patients et leurs
spécificités, leur évolution, les consignes à
respecter (protocoles), transmettre précisément aux autres
équipes, et ces tâches sont réalisées dans un temps
restreint (PERLEMUTER L.et al. 1995).
Les interruptions sont fréquentes et chacune d'elles
nécessitant une réactualisation de l'activité en cours.
Le degré selon lequel le processus mental est
utilisé dans une tâche donnée constitue le niveau de cette
charge. Il peut être analysé sous l'angle quantitatif par le
nombre d'information à traiter, le nombre de décisions à
prendre, le nombre d'actions à réaliser.
L'angle qualitatif pour sa part concerne la nature des
structures de pensées utilisées, c'est-à-dire la
complexité des opérations mentales qui sont effectuées
pour réaliser une tâche donnée.
B.3. Charge psychique
Le travail infirmier se caractérise par une
confrontation avec la souffrance, l'anxiété et la mort. Si la
mort des patients occupe une place centrale dans la souffrance au travail du
personnel soignant, à la charge psychique, il faut ajouter l'absence de
soutien, d'espace d'expression de cette souffrance, et le manque de
reconnaissance par la hiérarchie.
L'agonie est la période la plus redoutée, elle
est vécue comme un drame.
La mort de l'autre engendre un sentiment d'échec, on
n'a pas pu l'empêcher ; et de culpabilité, on n'a pas agi
à temps ou pas été à la hauteur pour aider et
accompagner le mourant.
Les auteurs soulignent aussi qu'il existe des conflits
étroitement liés à la mort dans les services de soins,
avec les collègues par des approches différentes de l'agonie,
avec les médecins par leurs absences, par des investigations
douloureuses ou encore pour soutirer une thérapeutique contre la
douleur, avec les familles, car si leur présence est un droit, elle
participe néanmoins à un surcroît de travail.
La mort est source d'angoisse. La souffrance
occasionnée par la mort ne reste pas à l'hôpital. Elle
retentit sur les activités socio familiales. L'impuissance de n'avoir
pas pu maîtriser la mort renvoie le sujet au fantasme de sa mort. Les
soignants sont seuls et abandonnés face aux mourants (PERLEMUTER
L. et al. 1995).
Les échanges entre l'équipe paramédicale
et les médecins sont nombreux mais parcellisés, à l'image
de l'organisation des soins.
Rares sont les espaces d'expression où l'on peut faire
le point sur l'évolution de chaque malade et surtout d'exprimer la
souffrance engendrée par la maladie grave et la mort.
II.3.1. Effets de surcroît de travail liés aux
soins infirmiers
En augmentant la charge de travail, on a crée
automatiquement une surcharge de travail qui constitue l'une des
caractéristiques néfastes et inévitables des soins
infirmiers dans les années 1990 et qui persistent encore aujourd'hui.
Les signes d'une surcharge de travail ne sont pas difficiles à
discerner. Les infirmiers indiquent qu'ils doivent accomplir plus d'une
tâche à la fois, à plus d'un endroit à la
fois ; très souvent, ils ont un patient très malade à
leur charge.
On leur impose de nouvelles tâches ou du travail plus
difficile, en leur laissant moins de temps pour l'accomplir. Ils constatent que
leurs journées se déroulent à un rythme affolant, en ayant
le sentiment de devoir toujours se rattraper. Les infirmiers disent qu'ils ne
peuvent pas toujours prodiguer tous les soins nécessaires à leurs
patients parce qu'ils ont beaucoup à faire en très peu de temps
(Aiken, Clarke, Sloane et al. 2001).
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