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la déconcentration de la gestion foncière au Cameroun: une analyse du décret numéro 2005/481 du 16 décembre 2005

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par Willy TADJUDJE
Université de Yaoundé II - Soa - DEA 2005
  

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§2 - Les recours contre la décision du gouverneur

La contestation de la décision du gouverneur peut s'effectuer à un double niveau. D'abord, elle peut être remise en cause à travers la saisine du ministre en charge des Domaines et Affaires foncières, c'est-à-dire par le recours hiérarchique (A). Ensuite, le juge administratif peut être saisi, en cas d'insatisfaction devant le ministre (B).

A - Le recours hiérarchique

 Aux termes de l'article 20 (3) (nouveau) du décret de 2005, la décision du gouverneur peut faire l'objet d'un recours hiérarchique devant le ministre chargé des Domaines et des Affaires foncières. Un recours hiérarchique est un recours administratif145(*) porté devant l'administration elle-même en vue de faire annuler l'un de ses actes prétendus illégal ou de demander une réparation pécuniaire. Cette définition, non complétée, pourrait être avancée pour définir aussi bien le recours gracieux que le recours hiérarchique. En effet, pendant que ce dernier est porté devant un supérieur de cette autorité, le premier est adressé à l'autorité même dont émane la mesure contestée146(*).

L'admission d'un pareil recours rompt avec les objectifs initiaux des pouvoirs publics de déconcentrer la gestion foncière de telle sorte que toutes les étapes se limitent au niveau provincial. Mais apparemment, cette brèche a été ouverte afin de donner plusieurs chances au requérant d'aboutir à une décision plus juste et plus équitable, en matière foncière si sensible sur le plan de la paix sociale.

Néanmoins, deux objectifs antagonistes ne peuvent être durablement poursuivis à la fois. Si les pouvoirs publics ont choisi l'option de faciliter la tâche aux justiciables en simplifiant le règlement du contentieux de l'immatriculation, autant limiter également le nombre des recours afin de permettre à la procédure de suivre son cours normal et de pouvoir aboutir sans trop de tracasseries. Sur ce, l'étape du ministre des Domaines et Affaires foncières pourrait être supprimée dans la mesure où elle constitue tout simplement un alourdissement du processus de règlement des litiges. Comme si cela ne suffisait pas, même la décision du ministre des Domaines et Affaires foncières peut faire l'objet d'un recours devant le juge administratif.

B - Les recours ultimes devant le juge administratif

 La décision du ministre chargé des Domaines et des Affaires foncières est susceptible de recours devant la juridiction administrative compétente147(*). En effet, dans la succession des voies de recours ouvertes, après la saisine du gouverneur vient celle du ministre en charge des Domaines et Affaires foncières. Lorsque satisfaction n'est pas obtenue auprès de ce dernier, il existe une dernière voie de recours qui est la saisine du juge administratif compétent.

En effet, le juge administratif compétent est celui des tribunaux administratifs, qui sont des juridictions inférieures en matière de contentieux administratif148(*). Ces derniers sont donc, sauf dispositions contraires de la loi, juges de droit commun du contentieux administratif149(*) en premier ressort, tandis que les formations administratives de la Cour Suprême sont compétentes en cas d'appel ou de pourvoi en cassation 150(*).

La création d'un tribunal administratif siégeant au chef-lieu de chaque région permet de rapprocher la juridiction administrative du justiciable et se conjugue très bien avec la déconcentration de la gestion foncière.

Toutefois, étant donné que la loi fixant l'organisation et le fonctionnement des tribunaux administratifs est toute récente, il y a été prévu que la compétence de ces juridictions est provisoirement exercée par la Chambre Administrative de la Cour Suprême151(*).

S'il en est ainsi, il semble exister une sorte de contradiction entre les articles 119 (2)152(*) et 120153(*) de cette loi. En effet, tandis que la première disposition érige la Chambre administrative en juge, à titre transitoire, du contentieux administratif relevant de la compétence des tribunaux administratifs, la deuxième abroge la loi no 75/17 du 08 décembre 1975 fixant la procédure devant la Cour suprême statuant en matière administrative. Sous ce rapport, suivant quelle loi la Chambre Administrative va-t-elle poursuivre sa mission, alors que celle de 1975, qui la sous-tend a été abrogée ? Va-t-elle fonctionner suivant les dispositions de la loi nouvelle sur les tribunaux administratifs ? En réalité, ceci est un autre débat. Mais on peut s'y prononcer sommairement en relevant que la loi de 1975 devrait survivre encore en attendant que la Chambre Administrative perde effectivement ses compétences de juge du contentieux administratif en premier ressort, c'est-à-dire jusqu'à ce que les tribunaux administratifs soient véritablement mis sur pied.

Par ailleurs, considérant le fait que les délais de décision sont souvent assez longs à la Chambre Administrative de la Cour Suprême, l'on risque de s'acheminer vers une situation où le règlement des litiges survenus au cours de la procédure d'immatriculation, puisse s'avérer interminable154(*). Comme déjà mentionné plus haut, cette situation est en déphasage avec l'objectif de mettre sur pied une gestion foncière déconcentrée. C'est la raison pour laquelle, il convient de proposer ici que tout puisse se limiter au niveau provincial. Cette limitation passe forcément par la suppression du recours hiérarchique contre la décision du gouverneur, à telle enseigne que celle-ci puisse être contestée, directement devant la Chambre Administrative de la Cour Suprême.

Prospectivement, et en attendant la mise sur pied effective des tribunaux administratifs155(*), il faudrait que la décision du gouverneur156(*) soit attaquable devant ces tribunaux. En ce moment là, il s'agira d'une véritable provincialisation. Cette provincialisation faciliterait non seulement le règlement des litiges survenus au cours de la procédure d'immatriculation, mais aussi ceux survenus ultérieurement.

* 145 Par opposition aux recours juridictionnels qui sont portés devant les tribunaux.

* 146 Voir CHAPUS (R), Droit administratif général, 10e édition, Paris, Montchrestien, 2000 ; GUILLIEN (R) et VINCENT (J), Lexique des termes juridiques, 13ième édition, Dalloz 2001, p. 464.

* 147 Article 20(4) (nouveau) du décret du 16 décembre 2005.

* 148 Voir article 40 de la Constitution du 18 janvier 1996.

* 149 Le contentieux administratif comprend, aux yeux de la loi, les recours en annulation pour excès de pouvoir (sur la définition de l'excès de pouvoir, voir article 2 (3) de la loi no 2006/022 du 29 décembre 2006 fixant l'organisation et le fonctionnement des tribunaux administratifs ; CS/CA, jugement no 23/05-06 du 14 décembre 2005, affaire BISSO Joseph et Dame ZEHZO'OMEVELE Naomie c/ Etat du Cameroun : « Attendu qu'il ressort de tout ce qui précède que l'acte querellé est entaché d'excès de pouvoir comme pris en violation de la loi ») et, en matière non répressive, les recours incidents en appréciation de légalité (voir CS/CA, jugements no 156/04-05 du 31 août 2005, affaire Succession KEGNE Mathias c/ Etat du Cameroun ; no 16/04-05 du 23 février 2005, affaire Peter NDE NDIFOR c/ Etat du Cameroun ; no 30/04-05 du 1er décembre 2004, affaire DEFFO Victor c/ Etat du Cameroun). Font également partie du contentieux administratif, les actions en indemnisation du préjudice causé par un acte administratif, les litiges concernant les contrats ou les concessions de services publics, les litiges intéressant le domaine public et les opérations de maintien de l'ordre.

* 150 La chambre administrative est compétente pour connaître de l'appel et de la cassation en matière de contentieux administratif (voir articles 72 à 112 de la loi no 2006/016 du 29 décembre 2006 fixant l'organisation et le fonctionnement de la cour suprême ; KEUTCHA TCHAPNGA (C), « La réforme attendue du contentieux administratif camerounais », Juridis Périodique no 70, avril, mai, juin 2007, p. 25).

* 151 En principe, les juridictions compétentes sont les tribunaux administratifs. Mais, conformément à l'article 119 de la loi no 2006/022 fixant l'organisation et le fonctionnement de ces tribunaux, en attendant la mise en place de ces juridictions, la Chambre Administrative de la Cour Suprême exerce à titre transitoire leurs attributions.

* 152 « En attendant la mise en place des juridictions prévues par la présente loi (les tribunaux administratifs), la Chambre Administrative de la Cour Suprême exerce provisoirement leurs attributions (...) ».

* 153 « Sont abrogées toutes dispositions antérieures contraires, notamment la loi no 75/17 du 08 décembre 1975 fixant la procédure devant la Cour Suprême statuant en matière administrative ».

* 154 Des études ont établi à l'aide de calculs précis que la durée moyenne de jugement de la juridiction administrative est de 3 ans, 5 mois et 7 jours (voir SIETCHOUA DJUITCHOKO (C), Cours de contentieux administratif, 3e année de licence, Université de Dschang, Faculté des Sciences Juridiques et Politiques, 2003/2004, inédit).

* 155 Voir article 119 de la loi no 2006/022 suscitée.

* 156 Le Pr. TIENTCHEU NJIAKO (A) avait déjà proposé cette idée de la responsabilisation du gouverneur, afin de parvenir à une procédure d'immatriculation simplifiée (op. cit., pp. 383 et s.).

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway