la déconcentration de la gestion foncière au Cameroun: une analyse du décret numéro 2005/481 du 16 décembre 2005( Télécharger le fichier original )par Willy TADJUDJE Université de Yaoundé II - Soa - DEA 2005 |
SECTION 2 - LA PROVINCIALISATION DU REGLEMENT DES LITIGES SURVENUS APRES LA PROCEDURE D'IMMATRICULATIONLes litiges qui peuvent survenir après la procédure d'immatriculation sont assez nombreux157(*), ce qui implique qu'ils ne seront pas tous envisagés. Allusion sera surtout faite à ceux que le décret de 2005 a expressément définis. C'est ainsi que seront examinées des actions maintenues en province mais transférées au département (§1), d'une part, et les questions relatives au retrait et à la nullité du titre foncier d'autre part. Etant donné que le règlement de ces deux derniers litiges relève de la compétence du ministre, il y a lieu de plaider pour leur provincialisation (§ 2). §1 - Les actions transférées au niveau départementalDans l'ancienne procédure d'immatriculation, les questions de rectification et de délivrance de duplicatum relevaient de la compétence du chef de service provincial des domaines. Cette autorité jouait le rôle de conservateur foncier. Avec le nouveau décret, les conservations foncières siégeant aux chefs-lieux des provinces ont été transférées aux chefs-lieux des départements. C'est ainsi que les actions en rectification (A) et en délivrance de duplicatum pour perte du précédent (B) sont transférées aux conservateurs fonciers installés dans chaque département. A - L'action en rectification du duplicatum du titre foncier D'après le décret de 2005, en cas d'omissions ou d'erreurs commises dans le titre de propriété ou dans les inscriptions, les parties intéressées peuvent en demander la rectification au conservateur foncier, qui peut rectifier d'office, sous sa responsabilité, les irrégularités provenant de son fait ou du fait d'un de ses prédécesseurs, dans les documents ayant servi à l'établissement du titre ou à toutes inscriptions subséquentes158(*). Toutefois, il partage cette compétence avec le Premier ministre159(*). En effet, la rectification ne peut être autorisée que par décret si elle porte atteinte aux droits des tiers160(*). Quand l'occasion s'est présentée, le juge administratif a attiré l'attention sur cette compétence exceptionnelle, afin d'exclure toute confusion à ce niveau 161(*). Le décret no 76/165 prévoit des dispositions similaires, à la seule différence que c'est le chef service provincial des domaines qui procède à la rectification. L'avantage avec le nouveau texte, comme souligné plus haut, réside dans le fait que le conservateur foncier est plus proche de l'usager que l'ex-chef de service provincial des domaines. Lorsqu'on prend par exemple le cas d'une province comme celle de l'Ouest, avant le décret de 2005, une seule autorité, le chef de service provincial des domaines qui était installé à Bafoussam, pouvait rectifier les titres fonciers. Aujourd'hui, avec le rapprochement de l'administration foncière de l'usager, il est désormais possible d'obtenir la rectification de ces titres au niveau départemental en saisissant le conservateur foncier162(*). Il en est à peu près de même en cas perte du duplicatum. B - L'action en délivrance de duplicatum pour perte du précédent En cas de perte du duplicatum163(*), le conservateur foncier ne peut en délivrer un nouveau qu'au vu d'une ordonnance du président du tribunal civil du lieu de situation de l'immeuble, rendue à la requête du propriétaire. Cette ordonnance déclare nul et sans valeur entre les mains de tout détenteur, le duplicatum perdu164(*). C'est sur la base de cette ordonnance que le conservateur foncier compétent peut délivrer un autre duplicatum. Le plus intéressant ici est le rapprochement du justiciable des instances compétentes pour la rectification ou la délivrance de ce duplicatum. Il aurait pu en être de même pour le retrait et la nullité du titre foncier. Mais le jurislateur n'a pas modifié les compétences dans le règlement de ces deux litiges, par rapport à l'ancienne procédure. C'est pourquoi il y a lieu de plaider ici pour une provincialisation de leur règlement. * 157 Entre autres litiges survenus après l'immatriculation, on peut citer : le retrait, la rectification, la nullité et la perte du titre foncier, le dol et l'expropriation pour cause d'utilité publique. * 158 Voir article 39 (nouveau) du décret de 2005. * 159 Voir article (39) (nouveau) : « la rectification est autorisée par décret du Premier ministre si elle porte atteinte aux droits des tiers. Ce décret précise le cas échéant, les modalités de sauvegarde des droits des tiers. » * 160 Voir article 39 (3) (nouveau) du décret de 2005 sus-cité. * 161 Voir CS/CA, jugement no 46/05-06 du 15 mars 2006, affaire NEMBOT Jacques c/ Etat du Cameroun : « Attendu qu'il résulte (...) que le Ministre chargé de l'Urbanisme et de l'Habitat ait le droit de retirer un titre foncier irrégulièrement délivré, le pouvoir d'ordonner une rectification d'un titre foncier qui porte atteinte aux droits des tiers appartenant exclusivement au Président de la République qui l'exerce par décret». Cette décision paraît surprenante au moins dans la mesure où le juge attribue au Président de la République une compétence qui, aux termes du décret précité de 2005, est celle du Premier ministre. * 162 La province de l'Ouest compte huit départements, soit huit conservations foncières. * 163 Le duplicatum est la copie que le conservateur foncier remet au requérant. En effet, l'original du titre foncier reste à la conservation foncière (voir NTSOULA (S O), « Livre foncier et titre foncier : il ne faut pas confondre ces deux documents », Domaines Infos, no 003, avril 2006, p. 6). * 164 Article 43 (nouveau) du décret de 2005. |
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