la déconcentration de la gestion foncière au Cameroun: une analyse du décret numéro 2005/481 du 16 décembre 2005( Télécharger le fichier original )par Willy TADJUDJE Université de Yaoundé II - Soa - DEA 2005 |
TITRE SECOND :LA DECONCENTRATION DE LA GESTION FONCIERE, UN RAPPROCHEMENT INACHEVE DE L'ADMINISTRATION FONCIERE DES USAGERS
Le Cameroun, à travers deux décrets de 2005180(*), a engagé la déconcentration de la gestion foncière. Cette déconcentration qui constitue une technique de rapprochement de l'administration foncière des usagers est une entreprise louable181(*). Toutefois, au moment de dresser un bilan de cette réforme, il convient de relever l'insuffisance de ce rapprochement. Pour parvenir à une telle appréciation, des enquêtes sur le terrain ont été nécessaires. Des informations182(*) collectées, il se dégage un certain nombre d'anomalies.
Dans le même ordre d'idées, M. OUEDRAOGO avait déjà fait un constat similaire lorsqu'il affirmait que les systèmes de gestion foncière en place en Afrique reposent sur des législations foncières caractérisées par le non parachèvement de leur construction juridique et institutionnelle ainsi qu'une absence de véritables stratégies de mises en oeuvre des législations foncières. En général, une fois les législations nationales adoptées, l'administration ne met pas en place les moyens nécessaires à leur mise en oeuvre effective183(*). Les anomalies remarquées sont relatives à un ensemble de problèmes qui empêchent la mise en oeuvre de la déconcentration de la gestion foncière de se mettre en oeuvre suivant les prescriptions légales184(*) (chapitre 1). L'inachèvement du rapprochement peut également être perçu dans le sens de l'extension insuffisante de l'administration foncière. C'est la raison pour laquelle il serait utile de voir dans quelles mesures d'autres initiatives législatives pourraient être engagées afin de promouvoir une plus grande proximité entre l'administration foncière et les usagers (chapitre 2). CHAPITRE 1UN RAPPROCHEMENT INACHEVE AU REGARDDES PROBLEMES DU MECANISME DE LA GESTION FONCIERED'une province à une autre et d'un département à un autre, il a été relevé une panoplie de difficultés qui, non résolues, ne permettraient pas une gestion foncière adéquate. Il s'avère donc urgent de réformer l'administration foncière car, comme le constate le Pr. OKOTCH-OGENDO, les systèmes d'administration foncière sont généralement incapables de remplir les missions pour lesquelles ils ont été conçus. Ces systèmes sont la cause d'une grave insécurité en matière de droits fonciers à la suite notamment d'un manque d'archivage convenable, d'imprécisions flagrantes des informations ayant trait à l'enregistrement foncier, et d'une méfiance générale à l'égard des procédures de cette administration185(*). M. OUEDRAOGO souligne, pour sa part, des manquements en ce qui concerne l'information du public, la formation des agents de l'administration chargés de l'application de la loi, la sanction des infractions constatées et l'absence de mécanismes de suivi et d'ajustement progressif des législations nationales186(*). A travers les appréciations de ces auteurs, force est de constater que l'administration foncière en Afrique est malade et qu'il est urgent de déterminer ce dont elle souffre et de prescrire, dans la mesure du possible, des thérapeutiques susceptibles de la conduire à un véritable rétablissement. Celle du Cameroun n'est pas en reste face187(*). Les malaises relevés, en ce qui concerne le cas spécifique de ce pays sont, les uns, inhérents à l'administration foncière (section 1) et les autres, extérieurs à celle-ci (section 2). SECTION 1 - LES PROBLEMES INHERENTS A L'ADMINISTRATION FONCIEREComme toute structure administrative, l'administration foncière a besoin d'un minimum de moyens financiers et humains pour fonctionner de façon adéquate. Si cette administration est aujourd'hui confrontée à des difficultés, ce serait sûrement à cause de l'insuffisance de ces moyens sans lesquels aucun fonctionnement digne de ce nom n'est envisageable. Cette carence engendre des problèmes fonctionnels (§1) et structurels (§2). * 180 Décrets no 2005/178 du 21 mai 2005 portant organisation du ministère des Domaines et des Affaires foncières et no 2005/481 du 16 décembre 2005 modifiant et complétant certaines dispositions du décret no 76/165 du 27 avril 1976 fixant les conditions d'obtention du titre foncier. * 181 Cela a été constaté dans l'analyse de ses manifestations (voir titre premier, supra). * 182 Pour plus de précisions au sujet de ces enquêtes menées au cours des descentes sur le terrain, voir les Annexes B-2- et B-3-. Le premier renvoie à la liste des DDDAF visitées et le second présente les questions adressées aux conservateurs fonciers et aux chefs de service départementaux des Affaires Foncières dans le cadre de la collecte des informations. * 183 OUEDRAOGO (HM), « Gestion foncière : le facteur oublié des réformes en Afrique », www.landcoalition.org. * 184 Ces problèmes permettent de mettre en exergue la question de l'adéquation entre le droit et la pratique (lire MUTTENZER (F), « La mise en oeuvre de l'aménagement forestier négocié ou l'introuvable gouvernance de la biodiversité à Madagascar », Bulletin de liaison du Laboratoire d'Anthropologie Juridique de Paris ; no 26, septembre 2001, pp. 109 et s.; HESSELING (G) et LE ROY (E), « Le droit et ses pratiques », Politique africaine no 40, 1990, pp. 2-11). * 185 OKOTCH-OGENDO (H), « Administration foncière : le facteur négligé dans la réforme foncière en Afrique », www.landcoalition.org. * 186 OUEDRAOGO (H M), op. cit.. * 187 Voir OWONA MANY (G B), L'état actuel du contentieux de l'immatriculation en droit camerounais, Mémoire de DEA, Université de Yaoundé II, 2005, passim. |
|