Décentralisation et coopération décentralisée au Bénin: Vers la légitimation des espaceds publics locaux pour le developpement des collectivités locales( Télécharger le fichier original )par cassius jean SOSSOU BIADJA Université de Genève Institut Universitaire d'Etudes en Développement - DEA 2004 |
II- Définition des concepts: décentralisation et coopération décentraliséeA- Définitions A.1- Décentralisation La décentralisation est un processus qui permet le transfère des pouvoirs de décision de la sphère centrale vers la base. Elle s'opérationalise par le transfert d'attributions de l'État à des collectivités ou institutions différentes de lui et bénéficiant d'une certaine autonomie de gestion de décision et de leur propre budget (principe de libre administration) sous la surveillance d'un représentant de l'État (l'autorité de tutelle). À travers elle, les compétences auparavant dévolues à l'État sont transférées à des assemblées élues ayant un budget et un exécutif propres. Elle vise à «partager le pouvoir entre les responsables de l'État, les élus locaux et les citoyens, pour engager une politique de développement de proximité. Pour ce faire l'État transfère une partie de ses compétences et de ses moyens à des communes, nouvelles collectivités territoriales, afin de répondre directement aux besoins des populations. L'État assure de nouvelles fonctions: tutelle, appui et conseil vis-à-vis des communes. Les élus de la commune ont la charge de l'élaboration, de la mise en oeuvre et du suivi des plans locaux de développement, dans les domaines économique, social et culturel. La commune est directement responsable de la gestion des ressources financières, techniques et humaines mises à sa disposition par l'État et de la mobilisation des ressources propres. Elle doit répondre de ses stratégies et de ses choix devant les citoyens».5(*) La décentralisation politique et administrative peut prendre plusieurs formes selon le degré de pouvoir qu'un gouvernement délègue aux entités de niveau subalterne. Mais quel que soit le degré de délégation de pouvoirs, le transfert de compétences aux collectivités locales devrait être effectif et concret afin de faciliter une réelle participation citoyenne et un meilleur partage du pouvoir entre le public et la société civile au niveau local. La coopération décentralisée rejoint précisément sur ce point la décentralisation dans sa définition, celle qui concerne les modes de faire et de penser le partage du pouvoir entre le secteur public et la société civile (les organisations non gouvernementales, les associations populaires et de développement, les privés, les autorités coutumières ou religieuses etc.) La coopération décentralisée en ce qu'elle cherche à organiser les relations entre les différentes familles d'acteurs du développement, met en relation de synergie d'action les acteurs du niveau local et ceux du niveau national et plus particulièrement le pouvoir public central et le pouvoir public local avec la société civile organisée. A.2- Coopération décentralisée Il conviendrait de faire la distinction entre les deux principales définitions de la coopération décentralisée: l'acception française (c'est-à-dire la coopération décentralisée bilatérale) et celle de l'Union Européenne (la coopération décentralisée multilatérale). . D'un point de vue bilatéral, la coopération décentralisée consiste en la menée conjointe d'actions entre une ou plusieurs autorités locales de deux États dans un même intérêt. Elle se traduit par une nouvelle forme de solidarité internationale mise en oeuvre au niveau des collectivités locales des pays du Nord, qui, leur permet d'être aux côtés des communes défavorisées des pays du Sud à travers la mise en place des projets de développement qui privilégient le partenariat et les actions à long terme. Son objet est d'accompagner la transformation de l'organisation administrative et politique des pays en voie de décentralisation par un appui aux nouvelles collectivités territoriales. Ses objectifs sont de consolider les collectivités locales et de renforcer leur capacité à répondre aux aspirations des populations, dans le respect des traditions et spécificités de la société étrangère. . Lorsqu'on envisage la coopération décentralisée sous l'angle multilatéral elle est une approche définit par l'Union-Européenne selon laquelle, la coopération décentralisée est avant tout une autre façon de faire la coopération. Elle vise à mettre les acteurs (dans toutes leurs diversités) au centre du processus de coopération en les impliquant tout au long du cycle d'intervention et en précisant les rôles et responsabilités de chacun, conformément au principe de subsidiarité. La coopération décentralisée dans le cadre de l'UE n'est donc pas un énième instrument ou guichet pour financer des petits projets à la base, mais une approche spécifique de coopération reposant sur cinq idées maîtresses. 1-La participation active (responsabilisation) de toutes les familles d'acteur. 2-La recherche d'une concertation et d'une complémentarité entre différents acteurs. 3-La gestion décentralisée. 4-L'adoption d'une «approche-processus». 5-La priorité donnée au renforcement des capacités et au développement institutionnel. L'objectif pour l'Union-Européenne est d'améliorer la prise en charge par les acteurs de leurs propres processus de développement en mettant l'accent sur la cohérence et la viabilité des actions. Les résultats attendus par l'adoption de cette démarche sont: ° Les appuis directs aux dynamiques et initiatives locales ; ° Une maîtrise d'ouvrage renforcé des acteurs locaux ; ° Une meilleure articulation entre les appuis aux initiatives de développement à la base et les appuis à la décentralisation ; ° Une plus grande légitimité et capacité de gestion des pouvoirs locaux ; ° Le développement de nouveaux espaces de concertation et d'expérimentation du développement durable (pratiques, méthodes, outils); ° La mise en place de mécanismes décentralisés de circulation de l'information, de la communication et de la gestion des conflits; ° Un appui à la consolidation de systèmes de démocratie locale et de gouvernance locale. Bref, d'une manière globale et indépendamment des deux assertions, nous pouvons constater et affirmer que la coopération décentralisée n'est pas un nouvel instrument ou thème d'action de la coopération au développement, elle est tout simplement une nouvelle donne dans la manière de repenser, de concevoir et de pratiquer le développement à travers la coopération. "Son objectif est d'assurer un « meilleur » développement, par une plus grande prise en compte des besoins et priorités exprimés par la population ; de renforcer le rôle et la place de la société civile dans les processus de développement."6(*) Pour ce faire, elle fait collaborer à différents niveaux d'intervention les acteurs économiques et sociaux potentiels, tant du Nord que du Sud. Dans ce cadre, les partenariats entre le Nord et le Sud sont encouragés et formalisés sous forme de: Coopération entre régions ou pouvoirs publics locaux, coopération interuniversitaire, coopération intersyndicale, coopération entre ONG ou organisations populaires, coopération entre chambres de commerce, etc. Selon les contenus qu'on lui donne et les objectifs qu'on lui assigne, la coopération décentralisée peut être identifiée selon trois types d'approches: l'approche solidarité, l'approche appui politique et institutionnel et l'approche appui institutionnel à la structuration des sociétés. On reviendra beaucoup plus largement sur le développement de ces approches. Cette clarification conceptuelle faite, il nous est important de définir l'origine et la finalité de la coopération décentralisée au Bénin.
B- Origines et finalité de la coopération décentralisée au Bénin Que l'on s'inscrive dans le schéma de définition de l'Union Européenne ou dans celui de la France, la coopération décentralisée se révèle être pour paraphraser Franck Petiteville, l'un des effets induits de la décentralisation en Afrique, en effet, les collectivités territoriales africaines qui ont à travers la décentralisation vu, leurs compétences renforcées n'ont pas tergiversé avant de nouer des relations de coopération avec leurs homologues étrangères. L'origine de la coopération décentralisée dans le sens de la nouvelle donne de gestion administrative et politique au Bénin relève de la décentralisation. Sa finalité fait corps avec les objectifs globaux de lutte contre la pauvreté. B.1 - Origines Parler de l'origine de la coopération décentralisée au Bénin reviendrait à faire la distinction entre les deux acceptions du concept afin d'en donner les tenants et les aboutissants. 1- La coopération décentralisée bilatérale La coopération décentralisée bilatérale existait déjà bien avant la mise en place du processus de démocratie et bien plus tard de la décentralisation. Elle était opérationnalisée et entretenue sous forme de coopération-jumelage entre certaines villes partenaires du développement et les structures administratives déconcentrées du Bénin. Les formes que prenaient ces accords dans la pratique étaient le partenariat pour le jumelage entre villes déconcentrées béninoises et communes européennes. Cette coopération était bien plus une coopération jumelage qu'une coopération décentralisée. Cependant, la coopération décentralisée proprement dite, celle qui est institutionnalisée et consacrée par la décentralisation, est en train de prendre forme à partir des réformes résultant du processus d'ajustement structurel ayant conduit à la démocratisation de la vie politique et à la décentralisation administrative de l'État. Le répertoire de la coopération décentralisée Franco-Béninoise ci dessous annexé, nous dresse la liste des communes béninoises en accords de coopération décentralisée avec des communes françaises bien avant la décentralisation. 2- La coopération décentralisée multilatérale Dans le cadre de la politique européenne de développement, la notion de coopération décentralisée est apparue pour la première fois dans la quatrième Convention de Lomé, par rapport aux objectifs, principes et acteurs de la coopération. L'importance de la coopération décentralisée est réaffirmée dans Lomé IV bis (article 12 bis): "Reconnaissant que les acteurs de la coopération décentralisée peuvent apporter une contribution positive au développement des États ACP, les parties contractantes conviennent d'intensifier leurs efforts visant à encourager la participation des acteurs ACP et de la Communauté aux activités de coopération." Cette coopération décentralisée s'appuie sur des principes de base favorisant l'ouverture, le dialogue, la concertation, les modes d'expression et de fonctionnement démocratique, la participation des acteurs et, à terme, un développement plus équitable. Cette dernière convention n'étant plus en vigueur c'est l'accord de Cotonou qui constitue actuellement le cadre référentiel du partenariat ACP-UE, et qui sert de base réglementaire à la coopération décentralisée multilatérale. Nous détaillerons les apports de l'accord de Cotonou aux nouvelles communes béninoises dans la suite du développement. B.2- Finalité de la coopération décentralisée L'une des finalités de la coopération décentralisée est la participation des acteurs décentralisés au processus de développement. Cette condition est, du point de vue des experts, essentielle pour atteindre un développement durable à travers le renforcement des capacités des populations à la base, afin qu'elles puissent influencer les politiques et générer des changements dans la société. D'un autre côté, en tant qu'approche globale de développement, la coopération décentralisée a pour autre finalité la promotion de l'implication des organisations de la société civile et des pouvoirs locaux dans l'élaboration des programmations indicatives du FED. Á cet effet Lomé II prévoit que "La coopération décentralisée pourra donc faire l'objet de programmes spécifiques, soit être utilisée comme méthode dans des programmes existants ou à mettre en oeuvre, soit encore bénéficier d'une enveloppe réservée au sein du programme indicatif à l'appui d'initiatives d'acteurs décentralisés."7(*) Il en résulte le fait que le concept de la coopération décentralisée en global (c'est-à-dire qu'elle soit bilatérale ou multilatérale) peut s'appliquer à la plupart des interventions de l'aide au développement. Ceci étant, quels sont les atouts qu'offre ce binôme pour le développement des collectivités territoriales béninoises?
"La décentralisation n'a pas seulement une valeur
administrative; elle a une portée civique puisqu'elle multiplie les
occasions pour les citoyens de s'intéresser aux affaires publiques; elle
les accoutume à user de la liberté. Et de l'agglomération
de ces libertés locales, actives et sourcilleuses, naît le plus
efficace contrepoids aux prétentions du pouvoir central, fusent-elles
étayées par l'anonymat de la volonté collective".
La politique de décentralisation enclenchée au Bénin est conçue comme faisant partie intégrante du processus de démocratisation engagée depuis 1990; elle fait partie des initiatives les plus fortes pour soutenir le développement des populations à la base. Le regain d'intérêt pour cette forme d'organisation de l'État qu'est la décentralisation vient de la reconnaissance qu'une prise de décisions moins centralisée permettrait d'améliorer l'efficacité et la responsabilité des institutions publiques nationales ainsi que la capacité des gouvernements locaux et de la société civile à gérer leurs propres affaires. Pour la Banque mondiale "La décentralisation a tenu ses promesses en ce qui concerne le renforcement de la démocratie au niveau national ainsi que l'engagement du gouvernement central en faveur du développement rural. Elle a ainsi contribué au retournement du biais urbain du développement, à mieux gérer la complexité de la coordination des projets de développement rural intégré et à améliorer leur durabilité. La décentralisation a également réduit la pauvreté qui découle des disparités régionales en prêtant plus d'attention à ses facteurs socio-économiques, en facilitant l'augmentation progressive des efforts de développement et la promotion de la coopération entre le gouvernement et les organisations non gouvernementales, tout en accroissant la transparence, la responsabilisation et la capacité de réponse des institutions"8(*) Des grandes résolutions de la conférence nationale béninoise il ressort que la centralisation administrative et politique du Bénin était excessive et ne favorisait pas l'émancipation des populations à la base; l'autonomisation des entités infra étatiques était le seul gage du développement des populations. Certes, on considère aujourd'hui au Bénin que la décentralisation est intervenue dans la suite logique des grands bouleversements institutionnels du pays. L'enjeu principal de cette recomposition institutionnelle se trouve, semble t-il, d'une part dans la gestion politique du passage d'un système du tout Etat, à un système de partage de pouvoir et de ressources entre l'État et d'autres acteurs publics, notamment les collectivités locales et d'autre part la gestion administrative et financière du passage d'un système sans collectivités locales à un système à 77 communes. Bref, les changements opérés dans le cadre des réformes décentralisatrices n'ont pas eu de répercussions sur l'amélioration de l'environnement institutionnel de la coopération décentralisée, or forcement le bouleversement institutionnel ne restera pas sans avoir de retombée sur la pratique de la coopération décentralisée. En dépit de l'absence d'un cadre formel et rigide de coopération décentralisée qui définirait les modalités opératoires de cette coopération, il est envisageable un certain nombre d'atouts pour les collectivités territoriales décentralisées béninoises. * 5 http://membres.lycos.fr/eauvive/Fichiers%20PDF/EVA30.pdf * 6 Hamadoun Bocar Cissé, Souleymane Idrissa Maiga, et Stan Bartholomeeussen Liens entre la décentralisation et la
coopération décentralisée au Mali * 7 Hamadoun Bocar Cissé, Souleymane Idrissa Maiga, et Stan Bartholomeeussen Liens entre la décentralisation et la coopération décentralisée au Mali * 8 Banque mondiale, " Decentralization, Fiscal Systems, and Rural Development " |
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