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Analyse de la filière coton dans le contexte de la libéralisation : cas de la zone de Korhogo (Côte d'ivoire)

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par adassé Christophe CHIAPO
Ecole Supérieure d'Agronomie (ESA) - INPHB - Diplôme d'Agronomie Approfondie 2001
  

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5.3 IMPACT DE LA LIBERALISATION SUR LES REVENUS DES PRODUCTEURS.
5.3.1 Evolution des revenus durant les campagnes 1996/97 à 1999/00

Les résultats des enquêtes exposés au chapitre précédent nous ont permis de constituer des comptes d'exploitation. Ces comptes présentent le niveau des revenus de la période d'avant et d'après la libéralisation. Le tableau 15 nous indique les différents budgets.

Tableau 15 : Budget annuel d'un producteur type de coton graine

Campagne

1996/97

1997/98

1998/99

1999/00

Superficie cultivée (ha)

2,92

2,99

3,18

3,24

Rendement (t / ha)

1166,53

1196,13

1139,86

1287,8

Coût en FCFA

Machette

2.500

2.500

2.778

3.000

Lime

600

600

667

720

Daba

1.600

1.600

1.600

1.600

Piles

2.450

2.240

1.960

1.960

NPK

107.476

112.982

132.738

146.250

Urée

26.000

29.333

37.330

39.987

Insecticides

64.596

66.268

75.082

104.751

Herbicides

48.457

62.300

86.572

64.042

Coût de la M.O

Entretien

62.985

62.985

83.020

83.020

Epandage engrais

8.008

8.008

10.164

10.164

Traitements insiher

4.368

4.368

5.824

5.824

Récolte

24.625

24.625

32.736

32.736

Coût de production / ha

121.118

126.358

147.947

152.486

Prix du coton

1er choix 2ème choix

180
140

200
170

200
170

175
145

Revenu brut

Rb 1

Rb 2

619.920
10.415

686.666
49.423

661.530
76.864

701.550
54.517

Revenu brut total

630.335

736.090

738.395

756.067

Revenu brut / ha

215.868

246.184

232.200

233.354

Revenu net / ha

94.750

119.826

84.253

80.868

Dans ce tableau, nous ne tenons pas compte des amortissements, de la variation du taux de change et des parts d'utilisation des facteurs de production. La MAP par contre tient compte de ces éléments ; c'est ce qui explique la différence entre les résultats issus de ce tableau et ceux de la MAP. Les outils comme la machette et la lime ont subit une TVA de 11,11% en 1999.

Une analyse des budgets de campagne montre qu'il y a une régression de la rentabilité financière par hectare de l'activité du producteur après avoir connu un pic sur la campagne 1997/98. Le revenu par hectare après la libéralisation est de 84362 FCFA contre 95 075 FCFA avant la libéralisation.

Pour mieux apprécier cet écart, il importe de faire une analyse des différentes composantes des budgets des campagnes d'avant et d'après libéralisation.

Au cours de ces périodes, nous enregistrer une augmentation progressive des superficies cultivées. Il va s'en dire que les charges vont augmenter. Ces charges à l'hectare sont passées de 121535 FCFA avant la libéralisation à 147838 FCFA après la libéralisation.

Le coût de la main d'oeuvre est passé de 34360 FCFA / ha avant la libéralisation à 41438 FCFA / ha après la libéralisation. Les coûts de la main d'oeuvre d'entretien et de récolte sont les plus importants. Ils représentent respectivement 87,62 % et 87,86% des coûts totaux de la main d'oeuvre avant et après la libéralisation.

A la suite de la libéralisation, les prix des intrants chimiques ont connu une hausse. Ces coûts sont passés de 84718 FCFA / ha à 104315 FCFA / ha respectivement avant et après la libéralisation. Les coûts des intrants chimiques, à l'hectare, sont les plus élevés des coûts de productions. Ils ont représenté 69,71 % de ses coûts de production avant la libéralisation contre 70,56 % après la libéralisation.

5.3.2 Impact de la libéralisation sur les performances économiques des producteurs

Pour démontrer l'impact de la libéralisation sur les revenus des producteurs, nous avons construit deux Matrices d'Analyse des Politiques. Une MAP avant libéralisation a été bâtie avec les données de la campagne 1996/97 et une MAP après libéralisation conçue avec les données de la campagne 1998/99. Les tableaux 16 et 17 nous présentent les résultats des MAP d'avant et d'après la libéralisation.

Tableau 16 : MAP avant libéralisation 1997

 

Recettes
F CFA / Tonne

Coût des intrants

échangeables F
CFA / Tonne

Coût des facteurs

intérieurs F CFA /
Tonne

Bénéfice F CFA / Tonne

 

Prix du marché

A

180

000

B

55

108

C

81 780

D

43

112

Prix de référence

E

339

690

F

40

430

G

76 392

H

222

869

Transferts

I

-159

690

J

14

679

K

5 388

L

-179

757

Tableau 17 : MAP après libéralisation 1999

 
 

Recettes
F CFA / Tonne

Coût des intrants échangeables

Coût des facteurs intérieurs F CFA / Tonne

Bénéfice F CFA / Tonne

Prix du marché

A

200 000

B

69 600

C

103 151

D

27 249

Prix de référence

E

227 950

F

47 850

G

95 609

H

84 491

Transferts

I

-27 950

J

21 750

K

7 542

L

-57 242

L'analyse de ces tableaux nous indique que le bénéfice privé par tonne de coton graine produit passe de 43 112 FCFA avant la libéralisation à 27 249 FCFA après la libéralisation. Par la même occasion, inversement aux recettes liées au prix de référence, les recettes au prix de marché connaissent une augmentation après la libéralisation.

Pour une analyse plus approfondie regardons l'évolution des différents indicateurs des différentes MAP ; indicateurs résumés dans le tableau 18.

Tableau 18 : Appréciation des ratios de la MAP avant et après la libéralisation

 

Avant la libéralisation
1997

Après la libéralisation
1999

RCBF

0,655

0,791

RCBE

0,344

0,629

CRI

0,255

0,531

CPN

0,530

0,877

CPE

0,417

0,724

CPG

0,193

0,323

ESP

-0,999

-0,286

En examinant les ratios de rentabilité financière et économique RCBFet RCBE, l'on constate que leurs différentes valeurs restent inférieures à 1. Ce fait montre que l'activité du producteur est toujours restée financièrement et économiquement rentable.

L'évolution croissante des RCBF et RCBE indique que l'hypothèse qui envisageait une amélioration de la rentabilité financière et économique à la suite de la libéralisation n'est pas vérifiée.

L'effet conjugué de la libéralisation et de la baisse des cours internationaux du coton a entraîné la baisse de la rentabilité financière et économique de l'activité des producteurs.

a) Impact de la libéralisation sur la rentabilité financière

La MAP avant libéralisation indique une rentabilité financière de l'ordre de D = 43 112 FCFA / tonne. Ce résultat satisfaisant est confirmé par le ratio coût - bénéfice financier RCBF= 0,655. A la suite de la libéralisation, la rentabilité financière baisse fortement pour atteindre D* = 27 249 FCFA / tonne. Ce résultat faible est confirmé par le RCBF qui s'établit à 0,791 relativement proche de 1.

La représentation des RCBF durant les quatre campagnes précédentes permet d'apprécier le choc qu'a constitué la libéralisation sur l'activité des producteurs.

Graphique 1 : Appréciation de la rentabilité financière de l'activité des producteurs

valeurs RCBF

0,9

0,8

 
 

0,7

 

0,6

 

0,4

 
 

0,3

 
 

0,2

 
 

0,1

 
 

0

 

Années

 

1996/97 1997/98 1998/99 1999/00

RCBF

0,5

Le graphique ci-dessus montre bien le choc qu'a constitué la libéralisation sur la rentabilité entre 1997 et 2000. Le RCBF connaît une chute dans la période transitoire en 1998 avant de remonter pour atteindre un pic 0,791. A la suite, le RCBF amorce une tendance à la baisse sur la campagne 1999/00. Cette évolution peut s'expliquer par la chute des cours internationaux et une augmentation des coûts de production. Bien attendu ces événements ont coïncidé avec la libéralisation.

Les valeurs du Ratio Coût Bénéfice Financier sont restées inférieures à 1. Ce fait indique que l'activité du producteur est toujours financièrement rentable et que le producteur peut s'autofinancer.

b) Impact sur la compétitivité des producteurs

La compétitivité est le résultat le plus important à mesurer lorsque l'on veut démontrer l'effet d'une politique sur un opérateur ou sur l'ensemble d'une filière.

Cette compétitivité est mesurée par le ratio Coût en Ressources Intérieures (CRI). Ce ratio indique de façon empirique la quantité de monnaie locale (FCFA) qu'il faut dépenser pour obtenir une unité de devise étrangère ( 47 ).

L'impact de la libéralisation sur la compétitivité des producteurs peut être examiné à travers le graphique 2.

47 - Ce paragraphe a été largement inspiré par le mémoire de BAMBA Lamine p41

Graphique 2 : Appréciation de la compétitivité des producteurs

Années

1996/97 1997/98 1998/99 1999/00

Valeurs CRI

0,6

CRI

0,5

0,4

0,3

0,2

0,1

0

L'effet conjugué de la libéralisation et de la diminution des cours internationaux a provoqué une forte régression de la compétitivité. Cette situation est caractérisée par la croissance du CRI passant de 0,255 à 0,531 entre 1997 et 1999. L'activité des producteurs conserve toujours un avantage comparatif.

c) Libéralisation et incitation à la production du coton

L'incitation à la production du coton au niveau des producteurs se mesure par les différents coefficients de protection que sont le CPN, le CPE et le CPG. Le graphique 3 nous permet d'apprécier l'évolution de ces différents coefficients.

0,1

0

Années

Valeurs
CPN,CPE,CPG

1

1996/97 1997/98 1998/99 1999/00

0,9

0,8

0,7

0,6

0,5

0,4

0,3

0,2

CPN
CPE
CPG

Graphique 3 : Appréciation de la protection des producteurs

Le CPN qui est obtenu en faisant le rapport de la recette obtenue par le producteur au prix du marché (A) et de la recette au prix de référence (E) indique si le producteur est taxé ou non. La période avant la libéralisation nous présente un niveau de taxation assez fort puisque le CPN est égal à 0,530 c'est à dire que le producteur ne reçoit que 53 % de la recette évaluée au prix de référence.

Après la libéralisation, nous assistons à une élévation du niveau des protections nominale et effective respectivement de 0,53 à 0,877 et de 0,417 à 0,724. Par contre, la protection globale après avoir connu une augmentation en 1998 amorce une tendance à la baisse. Le CPG est passé de 0,193 avant la libéralisation à 0,323 après.

Les différentes valeurs des coefficients de protection sont inférieures à 1. Ce fait montre que les politiques économiques développées n'ont jamais permis de protéger les producteurs.

Au vu de l'évolution croissante des coefficients de protection, l'hypothèse qui prétend qu'à la suite de la libéralisation les producteurs sont plus protégés est vérifiée.

Il y a une évolution relativement importante des différents coefficients de protection. Les protections nominale et effective après avoir atteint leur pic en 1999 ont amorcé une légère chute sur la campagne 1999/00.

Les producteurs ont une grande incitation à produire du coton sur la campagne 1998/99. Nous ne saurions prétendre que cette incitation à produire restera toujours vérifiée sur le reste de la période post libéral vu la descente qu'ont amorcé les coefficients de protection nominale et effective.

d) Libéralisation et transfert au niveau du producteur

Le niveau de transferts est mesuré par l'Equivalent Subvention au Producteur qui s'obtient en divisant les Transferts (L) par les recettes au prix de marché (A). Le graphique 4 permet d'apprécier les transferts au niveau des producteurs au cours des quatre dernières campagnes.

Graphique 4 : Appréciation des transferts au niveau des producteurs

Années

0

1996/97 1997/98 1998/99 1999/00

-1,2

valeurs ESP

-0,2

ESP

-0,4

-0,6

-0,8

-1

Globalement, la rentabilité de la filière coton a rendu possible des transferts de la filière vers le reste de l'économie. Le graphique ci-dessus le prouve ; puisque les équivalents subventions de la production ESP sont tout négatifs. Après la libéralisation le niveau de prélèvement est moins élevé qu'avant. En effet, L'ESP de 1997 est de - 0,999 ce qui signifie que les politiques en vigueur engendraient des transferts de l'ordre de 99,9 % des recettes obtenues par le producteur. En d'autres termes, l'ensemble des taxes supportées par le producteur représentait 99,9 % de son revenu financier en 1997. Ce ratio passe à 28,6% en 1999 soit un ESP = -0,286.

Les différentes valeurs de l'ESP restent inférieures à 0 ; ce qui montre que l'activité du producteur supporte des taxes.

Il apparaît clairement qu'entre 1997 et 1999, l'ESP croît ; ce qui atteste de la faiblesse des transferts à la suite des reformes liées à la libéralisation de la filière.

Au vu de l'évolution de ce ratio, nous pouvons affirmer que l'hypothèse qui envisageait un niveau de transfert des producteurs vers les autres secteurs de l'économie plus élevé dans le contexte post libéralisation n'est pas vérifiée.

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"Et il n'est rien de plus beau que l'instant qui précède le voyage, l'instant ou l'horizon de demain vient nous rendre visite et nous dire ses promesses"   Milan Kundera