5.3 IMPACT DE LA LIBERALISATION SUR LES REVENUS DES
PRODUCTEURS. 5.3.1 Evolution des revenus durant les campagnes 1996/97
à 1999/00
Les résultats des enquêtes exposés au
chapitre précédent nous ont permis de constituer des comptes
d'exploitation. Ces comptes présentent le niveau des revenus de la
période d'avant et d'après la libéralisation. Le tableau
15 nous indique les différents budgets.
Tableau 15 : Budget annuel d'un producteur type de coton
graine
Campagne
|
1996/97
|
1997/98
|
1998/99
|
1999/00
|
Superficie cultivée (ha)
|
2,92
|
2,99
|
3,18
|
3,24
|
Rendement (t / ha)
|
1166,53
|
1196,13
|
1139,86
|
1287,8
|
Coût en FCFA
|
Machette
|
2.500
|
2.500
|
2.778
|
3.000
|
Lime
|
600
|
600
|
667
|
720
|
Daba
|
1.600
|
1.600
|
1.600
|
1.600
|
Piles
|
2.450
|
2.240
|
1.960
|
1.960
|
NPK
|
107.476
|
112.982
|
132.738
|
146.250
|
Urée
|
26.000
|
29.333
|
37.330
|
39.987
|
Insecticides
|
64.596
|
66.268
|
75.082
|
104.751
|
Herbicides
|
48.457
|
62.300
|
86.572
|
64.042
|
Coût de la M.O
|
Entretien
|
62.985
|
62.985
|
83.020
|
83.020
|
Epandage engrais
|
8.008
|
8.008
|
10.164
|
10.164
|
Traitements insiher
|
4.368
|
4.368
|
5.824
|
5.824
|
Récolte
|
24.625
|
24.625
|
32.736
|
32.736
|
Coût de production / ha
|
121.118
|
126.358
|
147.947
|
152.486
|
Prix du coton
|
1er choix 2ème choix
|
180 140
|
200 170
|
200 170
|
175 145
|
Revenu brut
|
Rb 1
Rb 2
|
619.920 10.415
|
686.666 49.423
|
661.530 76.864
|
701.550 54.517
|
Revenu brut total
|
630.335
|
736.090
|
738.395
|
756.067
|
Revenu brut / ha
|
215.868
|
246.184
|
232.200
|
233.354
|
Revenu net / ha
|
94.750
|
119.826
|
84.253
|
80.868
|
Dans ce tableau, nous ne tenons pas compte des amortissements,
de la variation du taux de change et des parts d'utilisation des facteurs de
production. La MAP par contre tient compte de ces éléments ;
c'est ce qui explique la différence entre les résultats issus de
ce tableau et ceux de la MAP. Les outils comme la machette et la lime ont subit
une TVA de 11,11% en 1999.
Une analyse des budgets de campagne montre qu'il y a une
régression de la rentabilité financière par hectare de
l'activité du producteur après avoir connu un pic sur la campagne
1997/98. Le revenu par hectare après la libéralisation est
de 84362 FCFA contre 95 075 FCFA avant la
libéralisation.
Pour mieux apprécier cet écart, il importe de faire
une analyse des différentes composantes des budgets des campagnes
d'avant et d'après libéralisation.
Au cours de ces périodes, nous enregistrer une
augmentation progressive des superficies cultivées. Il va s'en dire que
les charges vont augmenter. Ces charges à l'hectare sont passées
de 121535 FCFA avant la libéralisation à
147838 FCFA après la libéralisation.
Le coût de la main d'oeuvre est passé de
34360 FCFA / ha avant la libéralisation à
41438 FCFA / ha après la libéralisation. Les
coûts de la main d'oeuvre d'entretien et de récolte sont les plus
importants. Ils représentent respectivement 87,62 % et
87,86% des coûts totaux de la main d'oeuvre avant et
après la libéralisation.
A la suite de la libéralisation, les prix des intrants
chimiques ont connu une hausse. Ces coûts sont passés de
84718 FCFA / ha à 104315 FCFA / ha
respectivement avant et après la libéralisation. Les
coûts des intrants chimiques, à l'hectare, sont les plus
élevés des coûts de productions. Ils ont
représenté 69,71 % de ses coûts de
production avant la libéralisation contre 70,56 %
après la libéralisation.
5.3.2 Impact de la libéralisation sur les performances
économiques des producteurs
Pour démontrer l'impact de la libéralisation sur
les revenus des producteurs, nous avons construit deux Matrices d'Analyse des
Politiques. Une MAP avant libéralisation a été bâtie
avec les données de la campagne 1996/97 et une MAP après
libéralisation conçue avec les données de la campagne
1998/99. Les tableaux 16 et 17 nous présentent les résultats des
MAP d'avant et d'après la libéralisation.
Tableau 16 : MAP avant libéralisation 1997
|
Recettes F CFA / Tonne
|
Coût des intrants
échangeables F CFA / Tonne
|
Coût des facteurs
intérieurs F CFA / Tonne
|
Bénéfice F CFA / Tonne
|
|
Prix du marché
|
A
|
180
|
000
|
B
|
55
|
108
|
C
81 780
|
D
|
43
|
112
|
Prix de référence
|
E
|
339
|
690
|
F
|
40
|
430
|
G
76 392
|
H
|
222
|
869
|
Transferts
|
I
|
-159
|
690
|
J
|
14
|
679
|
K
5 388
|
L
|
-179
|
757
|
Tableau 17 : MAP après libéralisation 1999
|
|
Recettes F CFA / Tonne
|
Coût des intrants échangeables
|
Coût des facteurs intérieurs F
CFA / Tonne
|
Bénéfice F CFA / Tonne
|
Prix du marché
|
A
|
200 000
|
B
69 600
|
C
103 151
|
D
|
27 249
|
Prix de référence
|
E
|
227 950
|
F
47 850
|
G
95 609
|
H
|
84 491
|
Transferts
|
I
|
-27 950
|
J
21 750
|
K
7 542
|
L
|
-57 242
|
L'analyse de ces tableaux nous indique que le
bénéfice privé par tonne de coton graine produit passe de
43 112 FCFA avant la libéralisation à 27
249 FCFA après la libéralisation. Par la même
occasion, inversement aux recettes liées au prix de
référence, les recettes au prix de marché connaissent une
augmentation après la libéralisation.
Pour une analyse plus approfondie regardons l'évolution
des différents indicateurs des différentes MAP ; indicateurs
résumés dans le tableau 18.
Tableau 18 : Appréciation des ratios de la MAP avant et
après la libéralisation
|
Avant la libéralisation 1997
|
Après la
libéralisation 1999
|
RCBF
|
0,655
|
0,791
|
RCBE
|
0,344
|
0,629
|
CRI
|
0,255
|
0,531
|
CPN
|
0,530
|
0,877
|
CPE
|
0,417
|
0,724
|
CPG
|
0,193
|
0,323
|
ESP
|
-0,999
|
-0,286
|
En examinant les ratios de rentabilité
financière et économique RCBFet RCBE, l'on constate que leurs
différentes valeurs restent inférieures à
1. Ce fait montre que l'activité du producteur est
toujours restée financièrement et économiquement
rentable.
L'évolution croissante des RCBF et RCBE indique que
l'hypothèse qui envisageait une amélioration de la
rentabilité financière et économique à la suite de
la libéralisation n'est pas vérifiée.
L'effet conjugué de la libéralisation et de la
baisse des cours internationaux du coton a entraîné la baisse de
la rentabilité financière et économique de
l'activité des producteurs.
a) Impact de la libéralisation sur la rentabilité
financière
La MAP avant libéralisation indique une
rentabilité financière de l'ordre de D = 43 112 FCFA /
tonne. Ce résultat satisfaisant est confirmé par le
ratio coût - bénéfice financier RCBF=
0,655. A la suite de la libéralisation, la rentabilité
financière baisse fortement pour atteindre D* = 27 249 FCFA /
tonne. Ce résultat faible est confirmé par le RCBF qui
s'établit à 0,791 relativement proche de 1.
La représentation des RCBF durant les quatre campagnes
précédentes permet d'apprécier le choc qu'a
constitué la libéralisation sur l'activité des
producteurs.
Graphique 1 : Appréciation de la rentabilité
financière de l'activité des producteurs
valeurs RCBF
0,9
0,8
|
|
|
0,7
|
|
0,6
|
|
0,4
|
|
|
0,3
|
|
|
0,2
|
|
|
0,1
|
|
|
0
|
|
Années
|
|
1996/97 1997/98 1998/99 1999/00
RCBF
0,5
Le graphique ci-dessus montre bien le choc qu'a
constitué la libéralisation sur la rentabilité entre 1997
et 2000. Le RCBF connaît une chute dans la période transitoire en
1998 avant de remonter pour atteindre un pic 0,791. A la
suite, le RCBF amorce une tendance à la baisse sur la campagne 1999/00.
Cette évolution peut s'expliquer par la chute des cours internationaux
et une augmentation des coûts de production. Bien attendu ces
événements ont coïncidé avec la
libéralisation.
Les valeurs du Ratio Coût Bénéfice Financier
sont restées inférieures à 1. Ce fait
indique que l'activité du producteur est toujours financièrement
rentable et que le producteur peut s'autofinancer.
b) Impact sur la compétitivité des producteurs
La compétitivité est le résultat le plus
important à mesurer lorsque l'on veut démontrer l'effet d'une
politique sur un opérateur ou sur l'ensemble d'une filière.
Cette compétitivité est mesurée par le
ratio Coût en Ressources Intérieures (CRI). Ce ratio indique de
façon empirique la quantité de monnaie locale (FCFA) qu'il faut
dépenser pour obtenir une unité de devise étrangère
( 47 ).
L'impact de la libéralisation sur la
compétitivité des producteurs peut être examiné
à travers le graphique 2.
47 - Ce paragraphe a été largement inspiré
par le mémoire de BAMBA Lamine p41
Graphique 2 : Appréciation de la
compétitivité des producteurs
Années
1996/97 1997/98 1998/99 1999/00
Valeurs CRI
0,6
CRI
0,5
0,4
0,3
0,2
0,1
0
L'effet conjugué de la libéralisation et de la
diminution des cours internationaux a provoqué une forte
régression de la compétitivité. Cette situation est
caractérisée par la croissance du CRI passant de
0,255 à 0,531 entre 1997 et 1999.
L'activité des producteurs conserve toujours un avantage comparatif.
c) Libéralisation et incitation à la production du
coton
L'incitation à la production du coton au niveau des
producteurs se mesure par les différents coefficients de protection que
sont le CPN, le CPE et le CPG. Le graphique 3 nous permet d'apprécier
l'évolution de ces différents coefficients.
0,1
0
Années
Valeurs CPN,CPE,CPG
1
1996/97 1997/98 1998/99 1999/00
0,9
0,8
0,7
0,6
0,5
0,4
0,3
0,2
CPN CPE CPG
Graphique 3 : Appréciation de la protection des
producteurs
Le CPN qui est obtenu en faisant le rapport de la recette
obtenue par le producteur au prix du marché (A) et de la recette au prix
de référence (E) indique si le producteur est taxé ou non.
La période avant la libéralisation nous présente un niveau
de taxation assez fort puisque le CPN est égal à
0,530 c'est à dire que le producteur ne reçoit
que 53 % de la recette évaluée au prix de
référence.
Après la libéralisation, nous assistons à
une élévation du niveau des protections nominale et effective
respectivement de 0,53 à 0,877 et de
0,417 à 0,724. Par contre, la
protection globale après avoir connu une augmentation en 1998 amorce une
tendance à la baisse. Le CPG est passé de 0,193
avant la libéralisation à 0,323
après.
Les différentes valeurs des coefficients de protection
sont inférieures à 1. Ce fait montre que les
politiques économiques développées n'ont jamais permis de
protéger les producteurs.
Au vu de l'évolution croissante des coefficients de
protection, l'hypothèse qui prétend qu'à la suite de la
libéralisation les producteurs sont plus protégés est
vérifiée.
Il y a une évolution relativement importante des
différents coefficients de protection. Les protections nominale et
effective après avoir atteint leur pic en 1999 ont amorcé une
légère chute sur la campagne 1999/00.
Les producteurs ont une grande incitation à produire du
coton sur la campagne 1998/99. Nous ne saurions prétendre que cette
incitation à produire restera toujours vérifiée sur le
reste de la période post libéral vu la descente qu'ont
amorcé les coefficients de protection nominale et effective.
d) Libéralisation et transfert au niveau du producteur
Le niveau de transferts est mesuré par l'Equivalent
Subvention au Producteur qui s'obtient en divisant les Transferts (L) par les
recettes au prix de marché (A). Le graphique 4 permet d'apprécier
les transferts au niveau des producteurs au cours des quatre dernières
campagnes.
Graphique 4 : Appréciation des transferts au niveau des
producteurs
Années
0
1996/97 1997/98 1998/99 1999/00
-1,2
valeurs ESP
-0,2
ESP
-0,4
-0,6
-0,8
-1
Globalement, la rentabilité de la filière coton
a rendu possible des transferts de la filière vers le reste de
l'économie. Le graphique ci-dessus le prouve ; puisque les
équivalents subventions de la production ESP sont tout négatifs.
Après la libéralisation le niveau de prélèvement
est moins élevé qu'avant. En effet, L'ESP de 1997 est de
- 0,999 ce qui signifie que les politiques en vigueur
engendraient des transferts de l'ordre de 99,9 % des recettes
obtenues par le producteur. En d'autres termes, l'ensemble des taxes
supportées par le producteur représentait 99,9 %
de son revenu financier en 1997. Ce ratio passe à 28,6%
en 1999 soit un ESP = -0,286.
Les différentes valeurs de l'ESP restent
inférieures à 0 ; ce qui montre que l'activité du
producteur supporte des taxes.
Il apparaît clairement qu'entre 1997 et 1999, l'ESP
croît ; ce qui atteste de la faiblesse des transferts à la suite
des reformes liées à la libéralisation de la
filière.
Au vu de l'évolution de ce ratio, nous pouvons affirmer
que l'hypothèse qui envisageait un niveau de transfert des producteurs
vers les autres secteurs de l'économie plus élevé dans le
contexte post libéralisation n'est pas vérifiée.
|