CHAPITRE I : PROBLEMATIQUE ET OBJECTIFS
1.1 CONTEXTE MACRO-ECONOMIQUE DE LA LIBERALISATION
Le modèle de développement ivoirien a
été longtemps basé sur une très large intervention
de l'Etat. L'existence d'importantes disponibilités financières,
nées de la conjonction d'une période de hauts cours du
café et du cacao, du besoin de recyclage des pétrodollars, et de
l'absence d'une classe d'investisseurs nationaux pendant les premières
années d'indépendance ont favorisé l'émergence d'un
modèle de développement où l'Etat intervient dans les
activités productrices du secteur agricole.
Après deux décennies de bonne performance
économique, le secteur agricole va connaître un essoufflement
marqué par une baisse annuelle du taux moyen de croissance du PIB de 1,2
% entre 1980 et 1991. Cette contre performance est le résultat de
politiques macro-économiques et sectorielles inadéquates(
6 ) et de l'effondrement des prix des principales cultures
d'exportation ivoiriennes sur les marchés internationaux. Ces deux
effets auront un impact considérable sur notre économie.
Pour pallier ce problème, la Côte d'ivoire, sous
le poids de pressions extérieures, et notamment celles exercées
par les institutions de Bretton Woods, va mettre en place dès 1981 un
Plan d'Ajustement Structurel (PAS) puis en 1990 le Programme d'Ajustement du
Secteur Agricole (PASA). Cependant ces PAS ont présenté des
résultats mitigés( 7 ).
Malgré le souffle de vie économique qu'a
engendré la dévaluation en 1994, l'Etat ne pourra pas faire face
à ces dettes. D'où sous la pression de la Banque Mondiale et du
FMI, l'Etat ivoirien va donc mettre en place une politique de
désengagement des secteurs productifs de l'économie et de
libéralisation des marchés. C'est pour corroborer cette politique
que le gouvernement a décidé de la privatisation de la Compagnie
Ivoirienne pour le Développement des Textiles (CIDT) gérant la
filière coton en amont.
1.2 PROBLEMATIQUE
Les changements qui s'opèrent dans l'environnement
économique ne sont pas perçus de la même manière par
les uns et les autres. Tous les producteurs de coton n'ont pas eu le "flair" de
la diversification. La grande majorité d'entre eux, restée dans
à la monoculture, a ressenti le contrecoup de la baisse du prix d'achat
du coton graine aux producteurs et l'augmentation du coût des intrants.
Certains ont recouru aux usuriers, donc se sont endettés, d'autres ont
bradé ou hypothéqué purement et simplement leurs
biens(8).
6 - Banque Mondiale, 1994, "Revue du secteur Agricole". Abidjan,
Mission régionale
7 - SYLLA Kalilou, 1997
8 - Ce paragraphe a été largement inspiré
par l'article" Coton : la révolte des planteurs" de Ahmed KOUADIO et
William KRA dans Jeune Afrique économie n° 312, p8
5 Dans ce contexte de crise économique totale
intervient la libéralisation. Cette libéralisation est
perçue comme un moyen d'assurer les meilleurs prix aux producteurs et de
permettre aux coopératives des filières agricoles de prendre une
part active dans la gestion desdites filières.
Face à la libéralisation de la filière
coton, l'inquiétude des uns quant à une désorganisation de
la filière qui viendra perturber la production de coton s'oppose
à l'optimisme des autres pour qui les producteurs participeront plus
activement à la gestion de la filière et
prélèveront une part plus importante de la valeur
ajoutée.
En effet la filière coton joue un rôle
très important dans la vie économique et sociale des populations
des régions de savane. En plus de son rôle de stabilisation des
populations, elle joue un rôle de secteur créateur d'emplois
agricoles pour les jeunes déscolarisés. C'est ce capital
productif qui représente une ressource vitale pour l'économie du
Nord de la Côte d'Ivoire qui est assujetti à la
libéralisation.
Il apparaît donc judicieux et impératif dans ce
contexte de libéralisation de la filière de mieux
apprécier la situation des opérateurs, surtout des producteurs et
des Organisations Professionnelles Agricoles. L'amélioration du revenu
agricole du producteur, le niveau de protection accordé à
celui-ci doivent être les grandes préoccupations de l'Etat et de
tous les partenaires (tel INADES Formation) du monde rural. La
libéralisation donnera lieu à divers transferts, notamment des
transferts de gain du reste de l'économie vers les producteurs. Par
conséquent, le niveau de ces transferts ( en terme d'augmentation ou de
diminution) présente un grand intérêt dans ce contexte de
libéralisation.
Le niveau de structuration, d'organisation et de gestion, pour
ce qui concerne les Organisations Professionnelles Agricoles, devra être
étudié en vue d'aider ces Organisations à être plus
dynamiques et à s'armer de moyens adéquats pour leur
fonctionnement.
Notre étude se propose de donner des réponses
aux différentes préoccupations énoncées ci-dessus
en analysant l'évolution des revenus des producteurs. Cette mesure est
à saluer, dans la mesure où l'un des objectifs de la
libéralisation est de permettre aux producteurs de profiter du contexte
pour peser sur la négociation des prix d'achat et tirer un meilleur
profit de leurs activités. Aussi cette étude se propose-t-elle
d'analyser les effets de cette politique sur les OPA; quant on sait que ce
contexte permet d'intégrer les différents acteurs à
l'ensemble des décisions de la filière et donne plus de
responsabilité à celles-ci.
1.3 OBJECTIFS
Cette étude vise à mesurer l'impact de la
libéralisation de la filière coton sur les revenus des
producteurs et sur la dynamique des Organisations Professionnelles Agricoles.
L'atteinte de cet objectif global implique:
> L'évaluation de la rentabilité
économique et financière de l'activité des producteurs
avant et après la libéralisation ;
> L'analyse du niveau de transferts de gain des producteurs
vers le reste de l'économie avant et après la
libéralisation ;
> L'analyse du niveau de protection des producteurs avant et
après la libéralisation ;
> La détermination des facteurs qui influencent plus la
rentabilité financière et la compétitivité des
producteurs ;
> L'analyse du niveau de structuration et d'organisation des
Organisations Professionnelles Agricoles avant et après la
libéralisation ;
> La définition des politiques à mettre en
oeuvre au niveau des producteurs et des Organisations Professionnelles
Agricoles à la suite de la libéralisation.
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