INTRODUCTION GENERALE
L'agriculture a toujours constitué la base de
l'économie ivoirienne. Le secteur agricole (production animale et
végétale, industries agroalimentaires) a représenté
en moyenne 38 % du PIB sur la période 1990-1997, 66 % des emplois et 70
% des recettes d'exportations(1).
Pendant les deux décennies après
l'indépendance, la Côte-d'Ivoire a connu une excellente
performance économique grâce à son secteur agricole dont le
PIB en termes réels a atteint une croissance annuelle de 4,8 % pendant
les années 60 et 3,3 % au cours des années
70(2).
La remarquable expansion de cette agriculture émane
principalement des exportations de produits agricoles et forestiers. Ces
exportations ont connu une progression de 7 % annuellement ; soit près
de deux fois le taux de croissance des cultures vivrières et de
l'élevage. C'est donc sur l'agriculture que s'est fondé le
développement économique et social du pays au cours de la
décennie 1965-1975.
Aussi, dans un objectif de diversification et de
rééquilibrage de l'économie et dans un souci de mettre ses
recettes à l'abri des fluctuations des cours de quelques produits,
l'Etat ivoirien a-t-il engagé de vastes programmes de diversification
des cultures ; tant en zone forestière qu'en zone de savane. Ainsi, un
accent particulier fut sur le développement de nouvelles cultures
d'exportation que sont le coton et la canne à sucre en zone de savane ;
le palmier à huile et l'hévéa en zone de forêt.
Parallèlement, l'Etat va encourager la mise en place
d'organisations paysannes débutée sous l'ère coloniale.
L'organisation des paysans n'est, en effet, pas un phénomène
récent en Afrique. Sous sa forme traditionnelle (les groupes d'entraide
pour les travaux agricoles, tontines, ...) elle reste encore en vigueur dans la
plupart des sociétés rurales. Quant à l'organisation des
paysans sous une forme moderne, empreinte de juridisme, elle a
été introduite pendant la période
coloniale(3). Ces organisations sont
améliorées à chaque fois que les insuffisances
liées à de nouveaux contextes apparaissent.
Concernant la filière coton, sa gestion fut
confiée à la CIDT dès 1974. Cette structure gérait
la filière pour le compte de l'Etat. Elle avait en charge la promotion
de la culture du coton et des cultures en assolement. L'objectif de l'Etat
était de faire du coton la principale ressource économique de la
région Nord de la Côted'Ivoire.
1- Patrick Bourgeois et Sébastien de Dianous, " Trois
filières, trois expériences de libéralisation " in
Marchés Tropicaux, novembre 1999, p3
2- Banque Mondiale, 1994, Revue du secteur Agricole, Abidjan,
Mission régionale
3- Réseau GAO, 1995, " Les Organisations paysannes et
rurales : des acteurs de développement en Afrique subsaharienne", p10
Le coton ivoirien a bénéficié d'une bonne
réputation en matière de pureté et de blancheur de la
fibre. Ceci a permis, en Côte-d'Ivoire, de bénéficier
durant des années de cours mondiaux élevés. Cette
spéculation qui a connu un engouement auprès des producteurs
grâce à sa relative rentabilité va connaître une
crise.
Les producteurs, suite à la crise de la
société cotonnière causée par l'effondrement des
cours du coton, vont s'organiser pour prendre en main la commercialisation
primaire du coton, l'approvisionnement en intrants et la gestion des
crédits de campagne. Ainsi, les premiers groupements vont se mettre en
place à la fin des années 70 début
80(4). De même que le contexte politique,
économique et social des Etats africains, notamment de la
Côte-d'Ivoire, les formes d'organisation du monde rural vont aussi
évoluer.
Depuis quelques années, nous assistons à un
retournement des cours mondiaux du coton. Ce retournement a durement
affecté la santé de la filière. De plus, le marché
du coton offre de mauvaises perspectives en raison de sa perte continue de part
de marché au profit des fibres synthétiques. Il faut
également tenir compte du fait que ce retournement des cours a
coïncidé avec la libéralisation de la filière.
La libéralisation est imputable dans une large mesure
aux carences des institutions responsable de l'achat, de la transformation et
de l'exportation des cultures de rente(5) sous
l'ère de la gestion étatique. Certains pays se sont
efforcés de procéder à une restructuration des
filières en transférant certaines fonctions de commercialisation
aux coopératives.
Les principes directeurs qui ont guidé le programme de
privatisation en Côte-d'Ivoire sont notamment le rétablissement de
la compétitivité des sociétés d'Etat, la soumission
des filières aux conditions du marché mondial grâce
à la mobilisation d'importants investissements privés et
l'intégration les différents acteurs à l'ensemble des
décisions de la filière.
Dans la filière coton, l'un des principaux enjeux de la
libéralisation est la fixation du prix d'achat du coton graine. Il
s'agit autant de mettre en place des structures coopératives puissantes
pour organiser la collecte et regrouper l'offre que de présenter un
front uni dans la négociation avec les autres partenaires. Avec la
libéralisation, un nouveau rapport de force est en cours d'instauration
entre producteurs et usiniers.
4 - Dénis Herbel, "La compétitivité du coton
ivoirien", GAMMP, p1 12
5 - ANDREW W. Shepherd et Stefano FAROLFI, 1999, «
libéralisation du secteur des cultures d'exportation en Afrique »,
bulletin FAO n° 135
Dans ce nouveau contexte, les revenus des producteurs sont
sujets aux variations des cours mondiaux. Ce constat nous pousse à nous
interroger sur l'évolution qu'ont connu les revenus des producteurs de
coton suite à la libéralisation. Aussi les OPA sont-elles plus
aptes à se défendre ; par conséquent à
défendre les intérêts de leurs coopérateurs ? Il est
donc nécessaire de connaître la part de la libéralisation
dans la performance économique et financière des activités
des producteurs et dans la dynamique des Organisations Professionnelles
Agricoles.
La rédaction de la présente étude se fait
en six chapitres en vue de mieux cerner la filière coton et l'impact de
la libéralisation sur celle-ci. Par conséquent, le premier
chapitre pose la problématique de l'étude et indique ses
objectifs, le chapitre 2 expose la revue de littérature ; le chapitre 3
présente les hypothèses et la méthodologie de
l'étude. Les résultats des enquêtes réalisées
auprès des producteurs et des OPA sont présentés dans le
chapitre 4. Le chapitre 5 indique les effets de la libéralisation. Et,
les recommandations en vue d'améliorer la rentabilité des
producteurs, de renforcer la dynamique des OPA font l'objet du chapitre 6.
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