Les déterminants de l'itinéraire therapeutique au sud Bénin( Télécharger le fichier original )par Barthelemy Mahugnon SENOU Université de Cocody Abidjan - DEA 2002 |
Figure 1 : Utilisation des services de santé en pays en développementPoint de vue Macroscopique Coexistence de traditions médicales Systèmes médicaux pluralistes Offre de service diversifiée
Répartition de l'utilisation Sous - utilisation de services Utilisation concomitante ou séquentielle de moyens thérapeutiques Itinéraires Thérapeutiques complexes et diversifiés Mobilité importante Nombreux recours potentiels Point de vue individuel Indépendance à l'égard des dispensateurs de services.
Source : Haddad, S., 1992. La diversité des recours thérapeutiques est l'expression d'une offre de services diversifiée et d'un enchevêtrement complexe de systèmes et de sous-systèmes médicaux que l'on peut opposer à la relative homogénéité des systèmes `'modernes'' des pays occidentaux.Cette pluralité va s'exprimer dans le `'marché des services utilisés'', les formations sanitaires publiques ne constituant qu'une partie des choix thérapeutiques que les personnes malades peuvent envisager. Celles-ci peuvent habituellement s'adresser à plusieurs types de praticiens traditionnels, à d'autres services dits `'modernes'' (missions, médecins ou infirmiers privés, hôpitaux, etc.), à divers vendeurs de remèdes du réseau formel et du réseau informel (pharmaciens, vendeurs itinérants, boutiquiers, etc.) et / ou recourir à une des multiples formes d'auto - traitement.Malgré la diversité des services disponibles, les services de santé modernes semblent en moyenne, plus fréquemment utilisés dans de nombreux pays traduisant ainsi la large diffusion de la médecine moderne à travers le monde7(*).Les habitants des pays en développement ont habituellement moins de 2,5 contacts par an avec les services de santé, ce qui contraste fortement avec les valeurs des pays occidentaux ou la moyenne se situe entre 5 et 10 contacts par an 8(*) (la plupart des observations rapportées ne concernent que des services de santé modernes, de sorte que l'on ne sait pas très bien quel est le nombre moyen de contacts par individu et par an des populations avec l'ensemble des dispensateurs de services).La complexité des itinéraires thérapeutiques des personnes malades est la troisième grande caractéristique de l'utilisation en pays en développement. Cette complexité trouve principalement son origine dans l'extrême mobilité des personnes qui pour un même épisode de maladie utilisent le plus souvent plusieurs formes de thérapies et de ressources de santé. Ainsi, de nombreux exemples d'utilisation concomitante -`'shot Gun Therapy''- de différents dispensateurs de services sont-ils rapportés. Ces dispensateurs peuvent aussi être utilisés de manière séquentielle, les malades effectuant au cours d'un même épisode, de fréquents « aller-retour » d'un praticien à l'autre9(*). Ces comportements traduisent une « fidélité très relative » à l'égard des fournisseurs de services et donnent à penser que contrairement aux pays occidentaux, l'offre des services n'a qu'un contrôle marginal sur la demande. L'utilisation va ainsi traduire essentiellement les choix des individus et leurs itinéraires thérapeutiques vont être particulièrement diversifiés. De nombreux facteurs sont associés aux décisions de santé et à l'utilisation des services. Ils peuvent être répartis en trois catégories selon qu'ils réfèrent : (1) aux caractéristiques des individus ; (2) aux caractéristiques de la maladie et aux perceptions qu'en ont les patients ou (3) aux caractéristiques des services offerts et aux perceptions qu'en ont les patients. II - Les modèles d'utilisation des services de santé en pays en développement Plusieurs éléments peuvent être associés à l'émergence et à la diffusion récente de modèles visant à comprendre et analyser l'utilisation des services de santé par les populations. Ces modèles sont extrêmement diversifiés. Certains sont spécifiques aux pays en développement, d'autres ne le sont pas. Il en est dont la construction est de type hypothético-déductive et qui servent de cadre de référence à des études d'utilisation ultérieure, tandis que d'autres, plus rares sont des modèles à posteriori où à partir d'observations empiriques, l'on cherche à reconstituer les facteurs et les mécanismes impliqués dans le processus d'utilisation. Certains s'adressant exclusivement à des comportements de prévention ou de recherche de soins curatifs, d'autres ont une vocation plus « universelle » ou ne précisent pas la nature exacte des services ou des comportements de santé qu'ils cherchent à prédire ou expliquer 10(*). Trois autres critères de différenciation complètent cette typologie des modèles. Le premier réfère à la perspective disciplinaire dominante avec laquelle l'utilisation est abordée. On distingue ainsi des modèles démographiques, socioculturels, socio-psychologiques, organisationnels, économiques, « de systèmes », géographiques, etc. Un second critère permet de les différencier selon qu'ils mettent l'accent sur les facteurs associés à l'utilisation ou sur les processus décisionnels d'éventuels utilisateurs de services. Enfin, nous distinguons deux sous-ensembles de modèles selon que l'utilisation y est perçue comme le produit d'une démarche personnelle (modèle individuel) ou de la rencontre d'un patient et d'un dispensateur de soins (modèles interface) La diversité des concepts et des approches rencontrés rend malheureusement extrêmement complexe toute tentative de synthèse globalisante de ces modèles. Toutefois que les modèles qui réfèrent au contexte des pays en développement se distinguent à plusieurs égards. Tous tiennent compte de la pluralité des systèmes médicaux en présence et des situations de choix multiples que rencontrent d'éventuels utilisateurs. L'accent y est souvent mis sur l'importance du contexte socioculturel dans lequel s'inscrit l'utilisation. L'influence des référentiels étiologiques prévalant dans la communauté, des croyances et des pratiques associées aux maladies y est souvent soulignée, en conformité avec les résultats des observations empiriques. Plusieurs auteurs mettent également de l'avant le rôle de l'entourage dans le diagnostic et la prise en charge des individus souffrants, le groupe de référence étant habituellement étroitement associé aux décisions impliquant ses membres. Dans leur grande majorité, ces modèles sont de type « individuels », l'utilisation des services de santé étant relativement indépendante des dispensateurs de services. Afin de cerner le processus d'utilisation des services par les populations, nous présentons dans la section qui suit un modèle d'utilisation des services de santé dans les pays en développement. Section 2 : Un exemple de modèle d'utilisation des services de santé : le modèle à processus séquentiel C'est un modèle fondé sur les processus décisionnels des individus. Il s'adresse exclusivement aux comportements à visée curative. Il tient compte des spécificités de l'utilisation dans le contexte du développement et emprunte des concepts et des formalisations théoriques provenant de différentes disciplines. Le processus séquentiel qui va éventuellement conduire les individus à recourir à un dispensateur de services comprend quatre étapes comme l'indique la figure 2 : l'émergence d'un besoin de santé à la suite d'un stimulus physiologique ou fonctionnel , l'émergence d'un besoin de services dans lequel les individus (ou leur entourage) identifient le spectre des actions thérapeutiques potentiellement utilisables pour répondre au besoin de santé, l'évaluation des alternatives de services identifiées à l'étape précédente dans laquelle les utilisateurs potentiels vont réaliser une analyse intuitive des avantages et des coûts attendus des différentes alternatives offertes, et l'utilisation proprement dite, les individus concrétisant leur choix ( discret ) en matière d'alternatives thérapeutiques. Cette séquence d'événements n'est pas univoque. Les étapes centrales peuvent être court-circuitées, par exemple si l'utilisation ne répond pas à une séquence décisionnelle mais à un comportement quasi - mécanique, généré par l'habitude. Il peut également y avoir sortie du processus, à l'issue de l'une ou l'autre des étapes intermédiaires. Un besoin de santé peut aussi conduire ou ne pas conduire à l'émergence d'un besoin de services. L'évaluation des alternatives de services peut éventuellement aboutir à une décision de non recours à une ressource de santé, etc. Figure 2 : Processus et étapes décisionnelles Stimulus
Emergence du besoin de services Evaluation des alternatives de services Emergence du besoin de santé Utilisation PROCESSUS ENVIRONNEMENT Source : Haddad, S. (1992) I - L'émergence du besoin de santé Il s'agit principalement d'une phase de reconnaissance et de repérage. Il y a d'abord reconnaissance de l'existence d'une situation anormale, puis attribution de cette situation anormale à l'existence d'un problème de santé. La reconnaissance de l'existence d'un problème de santé est limitée par la perception de dysfonctionnements reconnus par les individus eux-mêmes ou par leur entourage signifiant. Ces dysfonctionnements peuvent trouver leur origine dans des phénomènes de diverses natures, tels qu'une agression physique, une perturbation physiopathologique ou la transgression d'un tabou ou d'une norme sociale. Pour que les symptômes soient signifiants, c'est à dire qu'ils conduisent à percevoir un changement par rapport à la normale, il est nécessaire que soient transgressées les normes qui caractérisent l'état d'équilibre de l'individu dans son milieu. Il est à noter que l'attribution de cette situation anormale à un problème de santé n'est pas systématique. Elle dépend des modèles d'interprétation sociaux des phénomènes de la communauté et si ces modèles n`associent pas le dysfonctionnement à un problème de santé, un besoin d'une autre nature va apparaître. Plusieurs facteurs peuvent donc conditionner le déroulement de cette étape. Les normes et les repères individuels et collectifs vont jouer un rôle essentiel, de même que les processus d'interaction avec l'entourage (dans des contextes où l'analyse des problèmes et les prises de décision sont traditionnellement des phénomènes de groupe). Enfin, les caractéristique du milieu physique : son agressivité, le climat, le degré de salubrité, etc., vont éventuellement être associées au stimulus à l'origine du besoin de santé. II - L'émergence du besoin de service : Le besoin de santé est une condition préalable mais néanmoins non suffisante à l'émergence d'un besoin de service. La perception d'un besoin de service va d'abord dépendre de la diversité et de la nature des besoins en compétition et notamment de l'existence de besoins considérés comme plus essentiels ou plus vitaux (alimentation, eau, etc.). A supposer que le besoin de santé soit jugé prioritaire, il faut ensuite que les individus et/ou le groupe de référence estiment nécessaire de recourir à un moyen thérapeutique. Il faut aussi qu'il y ait au moins une alternative thérapeutique qui apparaisse pertinente et adaptée pour la satisfaction du besoin de santé. La nécessité de recourir à un moyen thérapeutique et l'adéquation des services disponibles vont être évaluées essentiellement à partir d'un système d'associations a priori entre le besoin de santé d'une part, et des actions thérapeutiques et des dispensateurs de services d'autre part (figure 3). * 7 CREDESA, 1996 * 8 Kifouli, E.B., 1992 * 9 Nalabou, D.F., 1991 * 10 Haddad, S., 1992 |
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