Section 2 : Le délit d'usage de marque
Le délit de contrefaçon qui découle de
l'usage non autorisé d'une marque enregistrée renferme des
spécificités qui tiennent à la fois à ses
caractéristiques (1) et à ses modalités d'intervention
(2).
Paragraphe 1 : Les caractéristiques du délit
de contrefaçon de marque par usage
Le délit d'usage de marque s'entend selon MATHELY
« de tout emploi de la marque dans sa fonction de
désignation de la provenance des objets qu'elle couvre
».1 Cet emploi illicite de la marque intervient souvent
à un moment quelconque entre la fabrication et la vente du produit
portant la marque en question.
A l'image de tous les actes interdits dans l'article 22 de la
loi n°36-2001, le délit d'usage d'une marque pour des objets
identiques à ceux qu'elle désigne est insensible à la
preuve de la bonne foi ainsi qu'à la preuve de l'inexistence d'un
quelconque risque de confusion dans l'esprit du public.
Par ailleurs, le délit d'usage est parfaitement
distinct des autres délits prévus par la loi n°36- 2001, il
constitue à lui seul un acte de contrefaçon autonome et
dissociable de tout acte antérieur de contrefaçon par
reproduction ou par imitation.
Parmi tous les actes de contrefaçon, l'usage illicite
de la marque enregistrée semble être le plus préjudiciable,
en fait, pour le titulaire des droits sur la marque car l'usage commercial
2 de la marque entraîne sûrement le détournement
de la clientèle ainsi que l'avilissement du pouvoir attractif de la
marque.
Par contre ne constitue pas un usage illicite, celui qui
intervient dans des circonstances indifférentes de toute concurrence et
bien sûr ne mettant pas en cause un usage de la marque pour des produits
ou services identiques à ceux qu'elle couvre comme c'est le cas de la
citation de la marque dans un spot publicitaire à titre informatif et
indicatif des produits proposés lors d'une loterie.3 De
même, n'est pas contrefaçon,4 la citation de la marque
Pédalo dans le titre d'un article de journal intitulé
« Le couple milliardaire fait du pédalo aux
Antilles ».
Dans ce cas, le titulaire de cette marque ne pouvait s'opposer
à l'utilisation dans le langage courant du terme Pédalo
nécessaire à la désignation d'une embarcation de plage
à pédales.
Le délit d'usage revêt par ailleurs une grande
utilité pratique du moment qu'il se présente en pratique comme
l'acte de contrefaçon le plus susceptible d'être poursuivi dans le
temps par rapport à ceux de la reproduction, l'apposition ou l'imitation
de la marque car ces actes se consomment souvent dans une courte période
de temps. Par ailleurs, le délit d'usage 5 est le seul
à pouvoir permettre des poursuites en Tunisie contre la reproduction,
l'apposition ainsi que l'imitation de la marque toutes les fois où ces
actes ont été commis à l'étranger.
En outre, il est important de rappeler que seuls les cas
d'usage injustifié ou préjudiciable permettent au titulaire d'une
marque notoire, en dehors de sa spécialité, d'engager la
1 MATHELY (P): op. cit. p. 326.
2 Dans le sens de l'exigence d'un usage à titre
commercial, voir CHAVANNE (A) & BURST (J-J) : op. cit. N°1226. p.
732.
3 CA, Paris, 19 novembre 1984. Ann. 1984. p. 200.
4 CA, Paris, 13 mars 1989. Ann. 1990. p. 165.
5 Le terme usage est entendu ici dans son sens
large qui englobe la vente, l'offre, fourniture et la détention qui sont
d'ailleurs des cas spéciaux d'usage. Peuvent également être
considérés comme des cas particuliers du délit d'usage,
l'importation ou l'exportation de produits revêtus d'une marque
contrefaite au sens de l'article 51 de la loi n°36-2001.
responsabilité civile de l'auteur de cet usage en vertu de
l'article 24 de la loi n°36-2001. C'est là aussi une manifestation
éclatante de la grande utilité pratique de l'usage illicite de la
marque.
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