Section 2 : La localisation tridimensionnelle de l'acte
de
contrefaçon
Longtemps présenté comme un droit absolu, le
droit sur la marque est en fait relatif à plusieurs titres. Outre les
limites qui lui sont imposées par la loi soit pour préserver des
droits antérieurs soit pour des considérations
spécifiques, il est important de souligner que le droit sur la marque,
à l'image de toute propriété incorporelle, n'a de
portée et d'existence que celle que lui reconnaît la loi.
En effet, « si l'on doit dépeindre la condition
juridique des meubles incorporels par comparaison aux meubles corporels, ce
sont surtout des traits négatifs qui apparaissent. Ce que l'on observera
de plus net, c'est que [...] les restrictions aux droits du propriétaire
sont généralement plus nombreuses, [...] il s'agit de biens sans
réalité physique, qui tirent leur existence même de la loi
; celle-ci peut efficacement restreindre la portée d'une existence
qu'elle accorde » . 1
Cette affirmation traduit excellemment la situation juridique
de la marque bien que la doctrine ainsi que la jurisprudence 2
tendent parfois à qualifier le droit de propriété sur la
marque en tant que droit absolu. Bien entendu, il ne s'agit là que d'une
formule qui rend compte de la place de choix qu'occupe le droit de marque dans
la hiérarchie des signes distinctifs, l'emploi de l'expression droit
absolu « signifie seulement le large rayonnement que les
tribunaux entendent donner au droit sur la marque
».3
La portée du droit sur la marque est relativement
restreinte par la loi des marques, cette limitation se manifeste
simultanément à trois niveaux différents.
En premier lieu, la marque ne peut être
protégée que dans son application à des produits ou
services identiques ou similaires à ceux pour lesquels elle a
été enregistrée, c'est là la limite apportée
par le principe fondamental de la spécialité des marques (
Paragraphe I ).
Ensuite, et conformément au principe de la
territorialité des droits de propriété intellectuelle, le
droit sur la marque n'existe et n'est protégé
géographiquement que sur le territoire couvert par l'ordre juridique qui
l'a créé ( Paragraphe II ).
Outre sa relativité dans l'espace, le droit sur la
marque se caractérise aussi par sa relativité dans le temps. En
effet, les droits conférés par l'enregistrement ne peuvent
être défendus face à l'acte de contrefaçon que pour
une période limitée, à moins que le titulaire de la marque
observe les conditions légales nécessaires à la
pérennité des droits sur la marque ( Paragraphe
III ).
C'est dans ces limites objectives et seulement dans ces
limites que les droits sur la marque sont protégés par la loi des
marques, c'est aussi seulement dans ce cadre précis que l'atteinte
constitutive de l'acte de contrefaçon devient envisageable, identifiable
et répréhensible.
1 CARBONNIER (J) : Droit civil, Les biens.
12ème éd, Thémis, PUF 1988.. N°83. p.
373.
2 Voir en ce sens, Paris, 12 février 1982,
Gaz. Pal. 1982, II, som., p. 113. Le tribunal affirme que « la
propriété d'une marque régulièrement
enregistrée est absolue et confère, à celui qui en est
titulaire, une action contre tous ceux qui y portent atteinte de bonne ou
mauvaise foi, sous quelque mode que ce soit ».
3 CHAVANNE (A) & BURST (J-J): op. cit. N°
1154, p. 678.
Paragraphe 1 : L'acte de contrefaçon : une atteinte
dans
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