La précision d'anticipation est-elle la
même dans les deux types de tâches ?
Un autre aspect important à considérer
concerne la capacité des sujets à anticiper les
changements de direction de la cible. Une précision
d'anticipation suffisante est nécessaire pour permettre un
apprentissage dans la tâche de poursuite. La qualité de
précision exigée n'est pas la même selon ce que
l'on cherche à mesurer. En effet, pour améliorer sa
performance, il faut être capable d'anticiper très
exactement, très précisément à la fois le
moment et l'endroit où la cible va changer de direction. Au
contraire, il semble tout à fait probable de pouvoir
reconnaître des séquences en ayant seulement une
vision plus
« grossière » du trajet effectué par
la cible. C'est exactement ce que reflètent les résultats
obtenus dans les diverses expériences de poursuite
réalisées tout au long de cette thèse. Nous
ne sommes jamais parvenus à mettre en évidence un
apprentissage du segment répété alors
que les résultats issus des différents
tests de reconnaissance tendent à montrer une
reconnaissance du segment déjà vu (cf. Chapitre
4).
Nous nous apercevons qu'au contraire des tâches de
poursuite continue, une tâche de TRS (quelles que soient les
modifications introduites) reste une tâche dans laquelle la
précision d'anticipation requise est bien plus faible à la fois
sur le plan spatial et sur le plan temporel. En effet, dans ce type de
tâche, du point de vue spatial, le nombre de positions
potentielles de la cible est limité (alors qu'il est infini dans une
tâche continue). Du point de vue temporel, la durée d'apparition
de la cible à l'écran ainsi que l'intervalle inter stimuli sont
fixes impliquant une périodicité très précise
des changements de direction (alors que le rythme des changements de
direction n'est pas constant dans une tâche continue). Ce rythme
imposé et constant facilite la précision d'anticipation
dans les tâches de TRS, rendant plus facile la traduction d'une
connaissance dans la performance motrice. Nous avons vu que dans toutes les
expériences de TRS présentées dans le Chapitre 5
nous sommes parvenus sans difficulté à mettre en
évidence l'existence d'un tel apprentissage. Toutes ces
expériences reposent sur le même rythme régulier
d'apparition de la cible (à savoir une durée d'apparition
à l'écran de 600 ms et un intervalle inter
stimuli de 200 ms). Il serait intéressant de tester si ce rythme
d'apparition a un réel impact sur la précision
d'anticipation et donc sur l'apprentissage. Une idée
consisterait à réaliser une tâche de TRS dans laquelle
l'intervalle inter stimuli serait variable, allant par exemple de 200
à 800ms, impliquant que les participants ne pourraient plus
prédire « exactement » mais « à
peu près » l'instant d'apparition de la cible à
l'écran. Il serait judicieux d'envisager une telle perspective dans des
travaux futurs.
Bien qu'il ne soit pas possible aujourd'hui de fournir
une réponse unanime pour expliquer la différence
d'apprentissage existant entre les tâches continues et les
tâches discrètes, l'ensemble des travaux
réalisés au travers de cette thèse a cependant
largement contribué à délimiter plus clairement un
certain nombre de situations dans lesquelles l'apprentissage est possible
de celles dans lesquelles il ne l'est pas. Dans le même temps, ces
travaux constituent un apport dans la littérature restreinte de
l'apprentissage moteur implicite
et enrichissent le débat « discret / continu »,
en ouvrant la voie vers de nouvelles perspectives
de recherche.
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