4.4 Discussion sur les expériences 1, 2 et 3
L'expérience 1 a échoué à mettre en
évidence une amélioration sélective de la
précision
de poursuite sur le segment répété. Les
expériences 2 et 3 ont prouvé que cet échec n'était
pas
dû à une quantité insuffisante de pratique.
En effet, aucun apprentissage n'a été observé que
ce soit en augmentant l'entraînement avec 4 jours
consécutifs de pratique (expérience 2) ou bien en doublant le
nombre d'essais dans une session (expérience 3). De plus, augmenter la
vitesse de déplacement de la cible dans l'expérience 3
n'a pas donné de résultats plus satisfaisants. De
façon générale, en mettant en commun les
résultats issus de ces trois expériences, on
s'aperçoit que la différence dans les performances entre le
segment répété et
les segments aléatoires est tout à fait
négligeable (différence moyenne de RMSE de
2.66 pixels soit moins d'un millimètre, et de 1.34
% pour le temps sur cible) et que les
performances ont tendance à être meilleures sur
les segments aléatoires ; résultats qui vont à l'encontre
de ce que nous supposions au départ. Par contre, les résultats
issus des trois tests de reconnaissance, même s'ils ne sont pas
statistiquement significatifs, indiquent que les sujets
ont tendance à mieux reconnaître les segments
déjà vus (note moyenne de 5.71) que les segments
aléatoires (note moyenne de 5.16).
Une différence entre nos expériences et les
expériences réalisées antérieurement repose
sur l'effecteur impliqué dans les tâches.
Nous avons utilisé une souris pour réaliser notre
tâche de poursuite continue, tandis que les études
antérieures utilisaient soit un levier manuel (Pew, 1974; Wulf &
Schmidt, 1997) soit un stabilomètre (Shea et al, 2001). La
littérature sur l'apprentissage moteur indique que les lois de
l'apprentissage peuvent différer en fonction du système moteur
impliqué dans la tâche. En particulier, Wulf & Shea (2002) ont
montré que
les principes dérivés de l'étude
d'habiletés simples ne se généralisent pas toujours
à l'apprentissage d'habiletés plus complexes. Cependant, il
parait difficile d'expliquer notre présent pattern de
résultats en se basant uniquement sur cette dichotomie entre
tâches motrices simples versus complexes. En effet,
l'expérience utilisant le levier manuel a été
conçue pour impliquer seulement un degré de liberté
(flexion/extension du coude), propriété
qui la définit en tant que « tâche simple
» si l'on se réfère aux travaux de Wulf & Shea. Au
contraire, le stabilomètre employé par Shea & al se trouve
exactement à l'opposé puisque sa commande exige de bouger le
corps entier (il s'agit donc d'une « tâche complexe »). Il
est donc possible de penser que la commande d'une souris constitue un
intermédiaire le long de cette dimension de complexité entre
tâches simples et complexes. Dans ce cas, l'argument consistant
à dire que notre échec à obtenir un apprentissage
implicite du segment répété serait
dû à l'emploi d'une souris ne tient pas,
puisque selon Wulf et collaborateurs, un tel apprentissage se produit
avec l'utilisation de périphériques renvoyant tantôt
à une tâche simple (le levier) tantôt à une
tâche complexe (le stabilomètre).
Une autre différence entre nos expériences et les
expériences antérieures se situe dans le choix du segment
répété. Nous avons utilisé la même fonction
trigonométrique pour générer
le déplacement de la cible que celle
utilisée dans les études de Wulf et collaborateurs.
Cependant, alors que nous avons utilisé un ensemble
différent de paramètres pour chaque sujet (S2 propre
à chaque sujet), Wulf et collaborateurs ont employé un ensemble
unique de
paramètres pour une expérience donnée
(S2 identique pour tous les sujets). De plus, ce
même
ensemble de paramètres a été
employé dans plusieurs expériences (Wulf et Schmidt, 1997,
Exp. 1, condition AMP ; Shea et al., 2001, expériences 1 et
2). Le fait d'utiliser un seul segment répété pour
tous les sujets est une méthode discutable. En effet, il n'est pas exclu
que
les segments répétés et
aléatoires diffèrent en ce qui concerne leurs
caractéristiques inhérentes. Dans la plupart des études
sur l'apprentissage implicite, (dans les tâches de TRS,
par exemple Shanks et Perruchet, 2002), le choix d'une
séquence répétée est contrebalancée entre
les groupes, afin de s'assurer qu'aucune différence éventuelle
dans la performance ne soit due aux caractéristiques spécifiques
de la séquence répétée plutôt qu'à la
répétition.
Le segment répété employé dans
la plupart des études de Wulf et collaborateurs (ci-
après désigné sous le nom de segment
répété standard) n'est-il pas doté de
caractéristiques particulières ? Nous savons que la
difficulté de poursuite change en partie en fonction de la vitesse et de
l'accélération de la cible. Nous avons calculé la vitesse
moyenne (c'est-à-dire la dérivée première) et
l'accélération moyenne (c'est-à-dire la
dérivée seconde) de la cible pour
le segment répété standard. Ensuite, nous
avons calculé les mêmes valeurs pour 10 000 séries
aléatoirement produites, en utilisant les contraintes
impliquées dans la génération de nos segments et de
ceux de Wulf et collaborateurs. Nous constatons alors que seulement 22% des
segments aléatoirement produits ont une vitesse moyenne
égale ou supérieure à la vitesse moyenne du segment
répété standard. De plus, seulement 15.95% des segments
aléatoirement produits ont une accélération moyenne
égale ou supérieure à l'accélération
moyenne du segment répété standard. Ainsi, si on prend la
vitesse et l'accélération de la cible en tant que mesures
approximatives de la facilité de poursuite, il s'avère qu'il est
plus difficile de pister plus de 80% des segments aléatoirement produits
comparés au segment répété standard. Ceci
suggère qu'au moins une partie de l'apprentissage mis en évidence
dans les études antérieures
est dû au choix du segment répété.
Dans l'expérience 4, nous allons utiliser ce segment
répété standard tout en conservant
la procédure générale employé dans
l'expérience 1. Si nous parvenons à mettre en évidence une
différence d'apprentissage entre les segments
répétés et aléatoires dans ces conditions,
ceci indiquerait qu'au moins une partie des résultats positifs obtenus
antérieurement serait due
au choix d'un segment répété
biaisé.
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