La divulgation d'origine des ressources génétiques et des savoirs traditionnels dans les demandes de brevet( Télécharger le fichier original )par Monia BRAHAM epse YOUSSFI Faculté de Droit et des Sciences Politiques Université Elmanar Tunis - Master en Droit de la propriété intellectuelle 2007 |
§1- l'accès et le partage des avantages conformément à la CDB :La divulgation de l'origine des RG au niveau des demandes de brevet se justifie à priori par des exigences qui n'ont pas trait avec le Droit du brevet, et pourrait être adoptée afin de mettre en oeuvre les obligations juridiques des parties contractantes à la Convention sur la Diversité Biologique. De ce point de vue, la procédure des brevets est considérée comme « un moyen de donner effet aux obligations dans le cadre des systèmes juridiques ou éthiques distincts, y compris en ce qui concerne la conformité avec des règlements régissant l'accès dans d'autres pays »48(*). Il s'agit de la mise en oeuvre de la réglementation nationale des aspects relatifs à l'accès et au partage des avantages conformément à la CDB49(*). On considère dans le cadre de la reconnaissance d'une obligation juridique de divulgation de l'origine des RG que les DPI constituent un soutien nécessaire pour l'application des deux principes de la CDB à savoir : Le consentement préalable, donné en connaissance de cause et le partage des avantages issus de l'utilisation des RG50(*). L'article 16-5 de la CDB prévoit ce qui suit sur les rapports entre les DPI et les objectifs de la convention : « Les parties contractantes, reconnaissent que les brevets et autres DPI peuvent avoir une influence sur l'application de la convention, coopèrent à cet égard, sans préjudice des législations nationales et du Droit International pour assurer que ces droits s'exercent à l'appui et non à l'encontre de ses objectifs »51(*). En se basant sur cette disposition, il y a lieu de s'interroger sur les possibilités offertes aux parties contractantes pour coopérer pour la réalisation de l'objectif du partage des avantages issus de la diversité biologique (B) et l'observation de leur consentement préalable, donné en connaissance de cause pour tout accès à leurs ressources génétiques (A). A - Le consentement préalable, donné en connaissance de cause : Conformément à l'article 15-1 de la CDB, le pouvoir de déterminer l'accès aux ressources génétiques « appartient au gouvernement et est régi par la loi nationale »52(*). Etant donné que le régime juridique de l'accès aux RG est déterminé par la législation nationale, chaque partie contractante peut subordonner la collecte et l'exportation des RG à son consentement exprès et préalable et « du même coup, déclarer illégales toutes celles qui sont effectuées sans son autorisation »53(*). L'article 15-5 précise à cet égard que « l'accès aux ressources génétiques est soumis au consentement préalable donné en connaissance de cause de la partie contractante qui fournit les dites ressources, sauf décision contraire de cette partie » ce qui signifie également que l'Etat fournisseur peut renoncer à la faculté que lui reconnaît la convention d'autoriser préalablement la collecte54(*). Par ailleurs, l'article 15-2 de la CDB prévoit une incitation55(*) pour les parties contractantes à faciliter l'accès aux RG : « Chaque partie contractante s'efforce de créer les conditions propices à faciliter l'accès aux ressources génétiques au fins de l'utilisation écologiquement rationnelle par d'autres parties contractantes et de ne pas imposer des restrictions allant à l'encontre des objectifs de la présente convention ». L'objectif de la CDB est la conciliation entre les implications du principe de souveraineté sur les ressources biologiques et la nécessité de lever les entraves face aux échanges du matériel génétique pour la réalisation des objectifs de la convention qui sont la conservation de la biodiversité, son utilisation durable et le partage juste et équitable des avantages qui en sont issus. Les lignes directrices de Bonn constituent « le premier instrument de concrétisation de l'article 15 de la CDB : C'est un instrument volontaire pour aider les gouvernements et les parties prenantes à développer des mesures législatives administratives et de politique générale sur l'accès aux ressources génétiques et le partage des avantages, ainsi qu'à négocier les arrangements contractuels en matière d'accès »56(*). En effet, ce texte non contraignant, qui est l'émanation des travaux du groupe de travail spécial sur l'accès et le partage des avantages57(*) et qui a été adopté par la sixième conférence de parties contractantes à la Convention sur la Diversité Biologique, énonce les principes fondamentaux suivants concernant le consentement préalable donné en connaissance de cause : - la clarté et la certitude juridique, - l'accès aux ressources génétiques devrait être facilité aux coûts les plus bas - les restrictions imposées à l'accès aux RG devraient être transparentes, fondées en droit et ne pas aller à l'encontre des objectifs de la convention - le consentement de l'autorité (des autorités) nationale(s) compétente(s) des pays, fournisseurs. Le consentement des parties prenantes concernées, telles que les communautés autochtones et locales, selon les circonstances et conformément au droit interne, devrait également être obtenu. On en déduit que la législation nationale peut conditionner l'accès aux RG par le consentement préalable et en connaissances de cause des parties prenantes telle que les communautés locales et autochtones, celle-ci est susceptible de préciser les éléments et le processus de l'obtention du consentement préalable donné en connaissance de cause58(*). Le point 31 de Lignes Directrices de Bonn prévoit à cet effet :« en ce qui concerne les droits légaux établis des communautés autochtones et locales relativement aux ressources génétiques auxquelles il est demandé d'avoir accès ou lorsqu'on demande à avoir accès aux connaissances traditionnelles associées à ces RG, le consentement préalable donné en connaissance de cause des communautés locales et autochtones et l'approbation et la participation des détenteurs des connaissances, innovations et pratiques traditionnelles devrait être obtenus conformément à leurs pratiques coutumières, aux politiques nationales d'accès et compte tenu des lois internes ». Il ressort de ce texte que les droits d'accès sont établis par la législation nationale au profit des communautés traditionnelles conformément à une politique nationale portant sur l'accès aux RG et aux ST associés et pourraient être obtenus conformément à leurs pratiques coutumières si la coutume est reconnue par la législation nationale. Par ailleurs, on conditionne l'accès soit par l'approbation des communautés concernées, soit par leur participation, soit par leur consentement préalable,donné en connaissance de cause pour ce qui est « des droits légaux établis de ces communautés en vertu des droits internes »59(*). Si les communautés locales et autochtones sont parties prenantes dans le cadre des modalités d'accès aux RG, le partage des avantages pourrait éventuellement leur profiter conformément à des conditions convenues de commun accord entre l'Etat fournisseur des RG et le demandeur de ces ressources qui concrétisent le consentement préalable en connaissance de cause60(*). B - la partage des avantages issus des RG Conformément à l'approche bilatérale de la CDB, telle que complétée et précisée par les Lignes Directrices de Bonn61(*), le partage des avantages découle en principe des clauses contractuelles portant sur l'accès et la partage des avantages : L'article 15-4 précise que « l'accès lorsqu'il est accordé, est régi par des conditions convenues d'un commun accord et est soumis aux dispositions du présent article » tandis que l'article 15-7 prévoit que « chaque partie contractante prend les mesures législatives, administratives ou de politique générale appropriées, conformément aux articles 16 et 19 et le cas échéant, par le biais du mécanisme de financement crée en vertu des articles 20 et 21, pour assurer le partage juste et équitable des résultats de la recherche et de la mise en valeur ainsi que des avantages de l'utilisation commerciale et autres des RG avec la partie contractante qui fournit ces ressources. Ce partage s'effectue selon des modalités mutuellement convenues ». La lecture 15-4 et 15-7 de la CDB permet de conclure que l'accès et le partage des avantages sont tributaires des arrangements contractuels entre l'Etat fournisseur des RG et le demandeur qui précisent « les modalités mutuellement convenues sur le partage des avantages » et qui peuvent porter soit sur l'accès à la technologie et le transfert des technologies (article 16 CDB), soit sur la gestion de la biotechnologie et la répartition des avantages (article 19), soit sur les mécanismes de financement de la convention prévus aux articles 20 et 21 de la convention. L'analyse des modalités convenues d'un commun accord entre les fournisseurs et les demandeurs des RG s'insère dans le cadre de l'évaluation de l'application du principe de la répartition juste et équitable des avantages dans les contrats d'accès aux RG. A priori les droits d'accès aux RG encadrés juridiquement par les législations nationales sont également des droits et des obligations contractuels et pourraient éventuellement faire l'objet d'un accord de transfert de matériel conformément aux Lignes Directrices de Bonn ou du Traité International sur les Ressources Phyto-génétiques utiles à l'Alimentation et l'Agriculture (TIRPGAA) pour ce qui est des Ressources Phyto-génétiques utiles à l'Alimentation et l'Agriculture (RPGAA) pour lesquelles un régime juridique spécifique tend à résoudre la problématique des collections ex situ des RPG constituées avant l'entrée en vigueur de la convention sur la diversité biologique qui demeurent en dehors de l'application du principe de la souveraineté nationale sur les ressources biologiques62(*). * 48 « Fonctions des DPI dans les arrangements relatifs à l'accès et au partage des avantages, y compris les expériences nationales et régionales », Document UNEP/CBD/WG-ABS/2/3 du 20 octobre 2003, travaux de la deuxième réunion du groupe de travail spécial à composition mon limitée sur l'accès et le partage des avantages, Montréal, 1-5 Décembre 2003, p 13. * 49 Ces législations sont au nombre de 30 actuellement. * 50 « In determining whether IP should respond to problem about PIC and benefit sharing, it is useful to consider the relationship between IP and these concepts », voir à ce propos Connolly stone (Kim): « the interface with existing SL systems :limits and opportunities for existing IPR. http://www.canmexworkshop.com/documents/papers/111.12.pdF, p 2. * 51 L'article 16 de la CDB porte spécialement sur l'accès à la technologie et le transfert des technologies: « 1- chaque partie contractante reconnaissant que la technologie inclut la biotechnologie et que l'accès à la technologie et le transfert de celle-ci entre parties contractantes sont des éléments essentiels à la réalisation des objectifs de la présente convention, s'engage sous réserve des dispositions du présent article, à assurer et / ou à faciliter à d'autres parties contractantes l'accès aux technologies nécessaires à la conservation et à l'utilisation durable de la diversité biologique, ou utilisant les ressources génétiques sans causer de dommages sensibles à l'environnement, et le transfert des dites technologies. 2- l'accès à la technologie et le transfert de celle-ci, tels que visés au §1 ci-dessus, sont assurés et :ou facilités pour ce qui concerne les pays en développement à des conditions justes et les plus favorables y compris à des conditions préférentielles s'il en ainsi mutuellement convenu.... » * 52 Voir le texte intégral de l'article 15, également le préambule de la convention qui reconnaît les droits souverains des Etats sur leurs ressources biologiques. * 53 Noiville (Christine), Ressources génétiques et droit : Essai sur les régimes juridiques des ressources génétiques marines, op cit, p 326. * 54 Idem, p 327. * 55 Mme Noiville dans son ouvrage précité souligne le fait qu'il s'agit d'une simple incitation et déplore le fait de ne pas définir ce qu'on entend par « les fins d'utilisation écologiquement rationnelle » conformément à l'article 15-2 de la CDB. * 56 Pythoud (François), « la question de l'APA dans le contexte international », in Atelier-débat sur l'accès aux ressources génétiques et le partage équitable des avantages résultant de leur utilisation : Enjeux et perspectives, p 17. * 57 Les premières décisions concernant la question de l'accès et le partage des avantages ont été adoptées en 1995-1996 aux 2ème et 3ème conférence des parties des décisions II 11 et III 15 ont appelé notamment à dresser des inventaires de mesures et lignes directrices nationales, régionales et sectorielles d'ordre législatives et administratives relatives aux activités APA. A sa 4ème COP (1998), les parties contractantes ont traité des questions liées au partage des avantages, y compris les mesures visant à promouvoir la répartition des avantages tirés de la biotechnologie, conformément à l'article 19 CDB. * 58 Le point 27 des lignes directrices de Bonn précise : « les éléments du système du consentement préalable donné en connaissance de cause peuvent comprendre : a) l'autorité (les autorités) compétente(s) qui accorde (nt) le consentement préalable en connaissance de cause ou en apporte (nt) la preuve, b) un échéancier et des délais ; c) la spécification de l'utilisation d) les procédures d'obtention du consentement préalable donnée en connaissance de cause e) les mécanismes de consultation des parties prenantes concernées f) le processus * 59 On peut en déduire que la dimension internationale de ST et leur reconnaissance par un nouvel instrument juridique à la lumière des travaux de l'OMPI portant sur la protection juridique des ST est sans effet sur les droits légaux des communautés si ceux-ci ne sont pas consacrés par un instrument de Droit interne. * 60 A cet effet le point 48 des lignes directrices de Bonn prévoit: « conformément aux conditions convenues d'un commun accord après le consentement préalable donné un connaissance de cause, les avantages duraient être partagés de manière juste et équitable entre tous ceux qui ont été identifié comme ayant contribué à la gestion de la ressource et au processus scientifique et/ou commercial. Il peut s'agir d'organismes gouvernementaux, d'organismes non gouvernementaux ou d'établissements universitaires et de communautés autochtones et locales. Les avantages devraient être répartis de manière à promouvoir la conservation et l'utilisation * 61 voir notamment les points 45,46,47,48,49,50 des lignes directrices de Bonn et les éléments suggérés pour les accords de transfert de matériel objet de l'Appendice I. * 62 La résolution 3 de l'acte final de Nairobi adopté par la conférence sur la convention sur la diversité biologique le 22 Mai 1992 portant sur les relations entre le convention sur la diversité biologique et la promotion d'une agriculture durable reconnaît la nécessité de trouver des solutions aux questions les plus importantes à savoir « l'accès aux collections ex situ qui n'ont pas été constituées conformément à la présente convention... », Voir sur cette problématique les analyses de Noiville (Christine), op cit, pp 331-341. Voir également, les travaux de l'atelier-débat sur l'accès aux RG et le partage des avantages résultant de leur utilisation : Enjeux et perspectives, p 20-21. |
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