II - L'élargissement de l'union
européenne : coup de pousse ou un coup de grâce pour
l'économie marocaine ??
L'élargissement de l'union européenne par l'Est
se fait sur un fond de conjoncture générale marquée par
une mondialisation accélérée de pauvreté,
d'exclusion, d'inquiétude, et surtout d'incertitude. En fait,
l'ouverture est à la fois porteuse d'opportunités et de menaces.
Avec l'ouverture, la compétitivité sera certes, de plus en plus
vives, mais le Maroc bénéficiera de l'effet de taille de l'union
européenne et de son marché : 450 millions de consommateurs.
Bien évidemment, ne bénéficieront de cet
élargissement que les entreprises qui acceptent de se restructurer et
qui intègrent l'ouverture comme un paramètre essentiel dans leurs
choix stratégiques.
Les économistes marocains sont controversés en
ce qui concerne l`élargissement de l'union européenne par
l'Est ; les plus optimistes disent que l'élargissement de 1986 et
l'adhésion de l'Espagne et le Portugal, menaçait beaucoup plus
sérieusement l'économie marocaine qu'aujourd'hui, et que les
dirigeants marocains ont su gérer la situation et sauvegarder la
pérennité d'une économie en développement. Pour ces
économistes, les PECO sont un nouveau marché « à
ne pas rater », et une occasion pour que le Maroc s'impose comme
étant le partenaire n°2 de l'union européenne après
l'Etat hébreu. D'autres pensent que la compétitivité des
entreprises des pays de l'Est, et leur supériorité en
matière de technologie, de capitaux, de main d'oeuvre directe, et de
subventions étatiques, leurs permettront de ravager les marchés
européens et de s'imposer comme un concurrent solide devant les
produits marocains. Même leur avance en matière d'infrastructure,
aura pour effet de captiver des Investissements Directs à l'Etranger
(IDE) et de les attirer vers ces pays au détriment du Maroc. Autant
dire, personne ne pourra prévoir le futur, mais on essaiera dans cette
partie, d'avancer les différents points de vue, classer par secteurs.
1. L'agriculture :
En termes de superficie, de contribution au PIB, et notamment
de part dans l'emploi total, l'agriculture occupe une place relativement plus
importante dans les économies PECO que dans l'économie de l'Union
européenne à 15. Ce n'est que dans la République
Tchèque, en Slovaquie et en Slovénie que le poids relatif de
l'agriculture est comparable à la moyenne communautaire. Dans un certain
nombre de PECO, l'emploi agricole a augmenté en valeur absolue et en
valeur relative, notamment dans les pays où l'agriculture a joué
un rôle tampon face à une situation économique se
détériorant de manière générale, comme la
Roumanie et la Bulgarie. La part de main-d'oeuvre employée dans
l`agriculture est particulièrement élevée dans ces deux
pays, mais c'est également le cas en Pologne et en Lituanie. Le nombre
global de plus de 10 millions de personnes employées dans l'agriculture
pour les dix PECO est relativement élevé par rapport aux 7,5
millions de personnes enregistrées dans l'Union à 15, tandis que
la productivité agricole, exprimée par la valeur ajoutée
par travailleur (PIB per Capita) n'est que d'environ 11 % du niveau
communautaire.
Ce n'est qu'en Slovénie que les niveaux de production
dépassent ou atteignent de nouveau ceux de l'époque
antérieure au passage à l'Europe des 25. C'est dans la plupart
des autres pays, surtout en tchèque qu'un ensemble
d'éléments tels que l'ouverture des marchés des prix et
des échanges, la déréglementation et la
dérégulation, la suppression des aides à la consommation
et la perte des marchés traditionnels, ainsi que la privatisation d'une
grande part des secteurs publics ont entraîné une pression accrue
sur l'agriculture et pèsent lourd sur leurs économies. Les prix
des intrants comme ceux de l'énergie et des engrais ont tendance
à se rapprocher des niveaux du marché mondial tandis que les prix
de la production agricole stagne ou à augmenter moins face à une
chute de la demande. Les secteurs les plus gravement touchés sont ceux
des animaux, secteurs où, dans de nombreux PECO, la
décapitalisation se poursuit ou vient seulement de s'arrêter. Dans
le secteur des végétaux, qui s'est initialement adapté par
une réduction des intrants, la stabilisation des relations prix
intrants-extrants a entraîné récemment une certaine
amélioration dans l'utilisation des intrants et une augmentation des
rendements.
Malgré la non libéralisation du secteur agricole
de part et d'autre de la Méditerranée, et son exclusion des
négociations, que cela soit au niveau bilatéral, ou au niveau de
l'organisation mondial du commerce OMC, du fait qu'il présente un objet
d'affrontement en champs clos triennal entre les Etats-Unis d'une part, l'Union
européenne d'autre part, et les pays les puissants dans le domaine
agricole, regroupés dans ce qu'on l'appelle le groupe de Cairns, l'enjeu
sera très important pour l'agriculture marocaine qui emploie 40% des
actifs contre 13% en moyenne chez les PECO et moins de 4% pour l'Europe des
Quinze. La part de l'agriculture dans la valeur ajoutée globale du Maroc
représente en moyenne sur les cinq années (1998-2002) près
de 14%, soit autant que les PECO les moins avancés (Bulgarie et
Roumanie). Pour les 10 nouveaux membres, cette part est proche de 4% en moyenne
contre 2% pour l'Union Européenne à Quinze. La balance agricole
du Maroc avec les PECO a été en moyenne équilibrée
pendant la dernière décennie. Le Maroc importe principalement des
céréales et des corps gras et exporte des produits
méditerranéens frais (tomates, oranges...) et des conserves
végétales.
Durant les années 90, les réglementations
qualitatives et sanitaires des PECO sont restées beaucoup moins
contraignantes que l'acquis communautaire dans ce domaine, surtout après
la propagation de l'épidémie de la vache folle, de l'anthrax, ce
qui a permis au Maroc de développer ses exportations de viandes rouges
vers ces pays. L'exportation des agrumes a aussi profité de ce cadre
profitable. L'intégration complète de ces derniers les a
amené à s'aligner sur les normes européennes,
menaçant ainsi les exportations agroalimentaires du Maroc qui leur sont
destinées.
La réglementation sociale, moins contraignante des
PECO (coût réduit et faible rigidité du marché du
travail...), a donné jusqu'à présent à leurs
secteurs agroalimentaires (produits maraîchers, particulièrement
la tomate) la possibilité de satisfaire la demande intérieure.
Avec l'alignement sur les normes sociales européennes (rattrapage des
salaires...), la production intérieure des PECO deviendrait plus
chère que les importations, ce qui favoriserait des pays comme le Maroc
et la Turquie ayant des avantages comparatifs en la matière.
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